2012-08-02 La CAA de Nancy précise la jurisprudence dans l’hospitalisation sur demande d’un tiers d’urgence

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/zCQnR ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/255

Document du jeudi 2 août 2012
Article mis à jour le 27 août 2020
par  CRPA

Cf. sur notre site internet : 2018-10-15 Mainlevée d’une mesure de péril imminent qui aurait dû être une hospitalisation d’office

En application de cet arrêt, cf. une ordonnance du JLD d’Amiens du 7 septembre 2012.


Note d’André Bitton, pour le CRPA

La cour administrative d’appel de Nancy précise la jurisprudence administrative sur la notion de "péril imminent" dans l’H.D.T. (hospitalisation à la demande d’un tiers). Cette notion n’est pas celle du danger pour autrui et l’ordre public de l’hospitalisation d’office (actuelle SDRE), mais bien une situation de péril imminent pour la santé du malade. En l’espèce le fait que l’interné ait déclaré vouloir tuer son père et son chien, et que le médecin prescripteur ait précisé qu’il se sent mal et s’alcoolise, n’est pas constitutif du péril imminent pour la santé de l’interné. Le jugement d’annulation du tribunal administratif de Besançon du 3 novembre 2011, est donc confirmé, la requête du CH de Belfort-Montbéliard étant rejetée.


Note sur arrêt de M. Jean-Marc Panfili

Cadre supérieur de santé en psychiatrie adulte. Doctorant. Chargé d’enseignement. Faculté de sciences juridiques et politiques. Université Toulouse 1 Capitole et Faculté de Médecine Toulouse-Rangueil.

Le 14 août 2012

De la nécessité de respecter les conditions de fond d’une mesure de soins sans consentement

Commentaire d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy du 2 août 2012. Inédit au recueil Lebon.

La Cour administrative d’appel de Nancy précise la jurisprudence administrative sur la notion de « péril imminent » dans l’H.D.T. Cette notion n’est pas celle du danger pour autrui et l’ordre public de l’hospitalisation d’office (actuelle SDRE), mais bien une situation de péril imminent pour la santé du malade.

Il est il est à noter que l’utilisation par la Cour des termes « d’hospitalisation d’office de… à la demande d’un tiers » dans les 1er et dernier considérants de l’arrêt est impropre et induit une confusion entre les deux régimes de soins sous contrainte.

Le 2 aout 2012, la CAA de Nancy a confirmé l’annulation du 3/11/2011 par le TA de Besançon d’une H.D.T. prononcée en urgence en 2006 dans le cadre de l’article L. 3212-3 du CSP dans la rédaction antérieure à la loi du 5 juillet 2011(« À titre exceptionnel et en cas de péril imminent pour la santé du malade […] » La nouvelle rédaction de l’article L. 3212-3 précise « En cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade (…) ».

— Un certificat médical complet et clair sous peine d’annulation

La Cour a rappelé que le certificat médical requis par les dispositions de l’article L. 3212- doit « exposer de manière complète et circonstanciée la nature et la gravité des troubles affectant l’intéressé et préciser, d’une part, les particularités de sa pathologie et les éléments constitutifs d’un péril imminent pour sa santé, et, d’autre part, qu’ils imposent des soins immédiats et qu’ils rendent impossible son consentement. ».

Le certificat médical initial mentionne que l’intéressé « veut tuer son chien et son père » et a « obligé à le maintenir car a pris la carabine pour tuer son père. » La Cour a confirmé que le « […] certificat médical, qui se borne à faire mention d’un danger pour l’entourage […] et non d’un péril imminent pour la santé de ce dernier » et « ne fait état d’aucune tendance suicidaire de l’intéressé […] n’expose pas les éléments constitutifs d’un péril imminent pour la santé de … » et que « l’hospitalisation de … était ainsi intervenue à l’issue d’une procédure irrégulière ; » .

Le Tribunal administratif et la Cour administrative d’appel ont sanctionné la forme d’une procédure irrégulière car prise sur un mauvais fondement.

Même s’il n’est pas de leur rôle d’en juger, les deux juridictions suggèrent de plus que la procédure adéquate était une hospitalisation d’office sur décision du représentant de l’État car la situation répondait aux critères de troubles qui « nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public. »

— L’unification du contentieux lié à la privation de liberté prévue mais différée

Théoriquement, à partir du 1er janvier 2013, la juridiction administrative ne traitera plus de ce contentieux au bénéfice du JLD qui statuera sur la privation de liberté, examinant à la fois le fond et la forme, et du TGI qui déterminera éventuellement l’indemnisation du préjudice consécutif à cette privation de liberté.

— La jurisprudence précède le législateur

Il faut cependant noter que depuis la réforme du 5 juillet 2011, les JLD sont nombreux à s’être reconnus compétents sur le fond et la forme, les considérant comme indissociables. Le Conseil d’État est allé dans ce sens à propos de toutes les modalités de soins sans consentement dans une décision en référé du 16 juillet 2012 (Conseil d’État Nº 360793. Inédit au recueil Lebon). La haute juridiction administrative, s’appuyant sur la décision du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012, a précisé dans son 7e considérant que « le législateur a entendu donner compétence à l’autorité judiciaire pour apprécier le bien-fondé de toutes les mesures de soins psychiatriques sans consentement, qu’elles portent atteinte à la liberté individuelle ou non ; que l’appréciation de la nécessité des décisions prises par les médecins qui participent à la prise en charge de personnes qui font l’objet de tels soins, […] sont étroitement liées à celle du bien-fondé des mesures elles-mêmes […]qu’il suit de là que le juge administratif n’est manifestement pas compétent pour connaître du bien-fondé des décisions prises par les médecins qui participent à la prise en charge de patients faisant l’objet d’une mesure d’admission en soins psychiatriques sans leur consentement. ».


Source (site Legifrance) : http://www.legifrance.gouv.fr/affic...

Cour Administrative d’Appel de Nancy

Nº 12NC00017

Inédit au recueil Lebon

3e chambre - formation à 3

M. LAURENT, président

M. Jean-Marc FAVRET, rapporteur

Mme DULMET, rapporteur public

LE PRADO, avocat(s)

lecture du jeudi 2 août 2012

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Vu la requête, enregistrée le 4 janvier 2012, complétée par le mémoire enregistré le 10 février 2012, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE BELFORT-MONTBÉLIARD, dont le siège social est situé 2 rue du Docteur Flamand à Montbéliard (25200), représenté par son directeur en exercice, par Me Le Prado ;

Le CENTRE HOSPITALIER DE BELFORT-MONTBÉLIARD demande à la Cour :

1. — d’annuler le jugement nº 0901231 du 3 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé les décisions en date des 26 juillet 2006, 27 juillet 2006 et 8 août 2006 prononçant l’admission, le maintien et la prolongation d’hospitalisation d’office de M. A à la demande d’un tiers ;

2. — de rejeter la demande de première instance de M. A ;

Il soutient que :

— le jugement est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal administratif a été saisi ;

— c’est à tort que le tribunal a estimé que le certificat médical accompagnant la demande d’hospitalisation d’office ne précisait pas les éléments constitutifs d’un péril imminent, et qu’il ne comportait donc pas les mentions exigées par les dispositions de l’article L. 3212-3 du code de la santé publique ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la requête a été notifiée à M. Adrien A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 5 juillet 2012 :

— le rapport de M. Favret, premier conseiller,

— et les conclusions de Mme Dulmet, rapporteur public ;

Considérant que le CENTRE HOSPITALIER DE BELFORT-MONTBÉLIARD demande l’annulation du jugement du 3 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé les décisions en date des 26 juillet 2006, 27 juillet 2006 et 8 août 2006 prononçant l’admission, le maintien et la prolongation d’hospitalisation d’office de M. A à la demande d’un tiers, au motif que le certificat médical accompagnant la demande d’hospitalisation d’office ne précisait pas les éléments constitutifs d’un péril imminent, et qu’il ne comportait donc pas les mentions exigées par les dispositions de l’article L. 3212-3 du code de la santé publique ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, si le CENTRE HOSPITALIER DE BELFORT-MONTBÉLIARD soutient que le jugement est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal administratif a été saisi, il n’assortit ce moyen d’aucune précision permettant d’en apprécier le bien fondé ; que, par suite, il n’est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d’irrégularité de nature à entraîner son annulation ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique alors applicable : “Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement sur demande d’un tiers que si : / 1º Ses troubles rendent impossible son consentement ; / 2º Son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier. / La demande d’admission est présentée soit par un membre de la famille du malade, soit par une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de celui-ci, à l’exclusion des personnels soignants dès lors qu’ils exercent dans l’établissement d’accueil (…) / La demande d’admission est accompagnée de deux certificats médicaux datant de moins de quinze jours et circonstanciés, attestant que les conditions prévues par les deuxième et troisième alinéas sont remplies. “ ; qu’aux termes de l’article L. 3212-3 du même code, dans sa rédaction applicable à la date des faits de l’espèce : “ À titre exceptionnel et en cas de péril imminent pour la santé du malade dûment constaté par le médecin, le directeur de l’établissement peut prononcer l’admission au vu d’un seul certificat médical émanant éventuellement d’un médecin exerçant dans l’établissement d’accueil. “ ; que le certificat médical requis par les dispositions de l’article L. 3212-3 précité doit exposer de manière complète et circonstanciée la nature et la gravité des troubles affectant l’intéressé et préciser, d’une part, les particularités de sa pathologie et les éléments constitutifs d’un péril imminent pour sa santé, et, d’autre part, qu’ils imposent des soins immédiats et qu’ils rendent impossible son consentement ;

Considérant que le certificat médical établi par le Dr Lachambre, médecin au centre hospitalier de Belfort-Montbéliard, au sein duquel M. A avait été conduit en urgence, indique que l’intéressé “ veut tuer son chien et son père, nous a obligé à le maintenir car a pris la carabine pour tuer son père. Se sent mal, s’alcoolise et a des réactions inappropriées…”, et conclut : “ J’atteste que les troubles mentaux présentés par M. Adrien A rendent impossible son consentement et imposent des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier. Son état de santé nécessite son hospitalisation sans son consentement, sur demande d’un tiers, dans un établissement défini par l’article L. 3222-1 du code de la santé publique conformément aux dispositions de l’article L. 3212-3 “ ; qu’ainsi libellé, ce certificat médical, qui se borne à faire mention d’un danger pour l’entourage de M. A, et non d’un péril imminent pour la santé de ce dernier, ne fait état d’aucune tendance suicidaire de l’intéressé, souligne qu’il “ se sent mal “ et “ s’alcoolise “, et fait état de “ réactions inappropriées “, sans plus de précision, n’expose pas les éléments constitutifs d’un péril imminent pour la santé de M. A. ; que c’est ainsi à bon droit que les premiers juges ont estimé qu’il ne comportait pas les mentions exigées par les dispositions précitées de l’article L. 3212-3 du code de la santé publique, et que l’hospitalisation de M. A était ainsi intervenue à l’issue d’une procédure irrégulière ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER DE BELFORT-MONTBÉLIARD n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a annulé les décisions en date du 26 juillet 2006, 27 juillet 2006 et 8 août 2006 prononçant l’admission, le maintien et la prolongation d’hospitalisation d’office de M. A à la demande d’un tiers ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER DE BELFORT-MONTBÉLIARD est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER DE BELFORT-MONTBÉLIARD et à M. Adrien A.

12NC00017

Abstrats : 49-05-01 Police administrative. Polices spéciales. Police des aliénés.

61-03-04 Santé publique. Lutte contre les fléaux sociaux. Lutte contre les maladies mentales.

61-03-04-01-01-02 Santé publique. Lutte contre les fléaux sociaux. Lutte contre les maladies mentales. Établissements de soins. Mode de placement dans les établissements de soins. Placement d’office.



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