2011-03-08 - SUD Santé-Sociaux • Appel à manifester le 15 mars 2011, contre le projet de loi relatif aux soins psychiatriques

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/Peli9 ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/57

Document du mardi 8 mars 2011
Article mis à jour le 30 août 2020
par  CRPA

2011-03-08 SUD Santé-Sociaux Communiqué-Appel

Les images ci-dessous sont reprises du document Pdf de SUD Santé-Sociaux. Voir aussi par exemple SUD 59-62.

« Le projet de loi « relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge » va être discuté à l’Assemblée Nationale à partir du 15 mars prochain. Ce projet de loi ne pourra que dégrader encore les conditions de soins des usagers et les conditions de travail des soignants.

Réforme de la loi de 90

Nuit gravement à la santé
Des personnels — Des usagers — Aux libertés fondamentales

Fédération Sud Santé-Sociaux
« Solidaires - Unitaires - Démocratiques »

70, rue Philippe-de-Girard, 75018 Paris — Tél. 01 40 33 85 00, Fax 01 43 49 28 67 — www.sud-sante.org

Paris, le 8 mars 2011

L’ensemble des organisations syndicales de personnels de santé et de psychiatres, mais aussi des associations d’usagers et de citoyens, le syndicat de la magistrature et plusieurs partis politiques demandent le retrait de ce projet. Tous considèrent qu’il ne pourra L’ensemble des organisations syndicales de personnels de santé et de psychiatres, mais aussi des associations d’usagers et de citoyens, le syndicat de la magistrature et plusieurs partis politiques demandent le retrait de ce projet. Tous considèrent qu’il ne pourra que dégrader encore les conditions de soins des usagers et les conditions de travail des soignants. Il multipliera les contentieux juridiques, augmentera la population prise en charge sous le régime de la contrainte par la psychiatrie et ne fera qu’aggraver les charges et la pression des soignants qui animent ce dispositif.

1838, 1990, 2011, un débat récurrent, et toujours des lois d’exception !

Avant l’avènement de la loi de 1838, qui a régi les hospitalisations contraintes jusqu’en 1990, le débat sur la place du juge dans les procédures d’admissions contraintes animait déjà la société. Mais nous étions alors en plein âge d’or de l’aliénisme et la loi de 1838 consacrera finalement la séquestration comme condition pour soigner. Les recommandations européennes plaident depuis 1977 pour une intervention judiciaire à priori, dans les procédures d’hospitalisations contraintes. Malgré cela, et bien que notre constitution fasse du juge des libertés le garant des libertés individuelles, ce ne fut pas le cas de la France avec la loi de 90. Elle a continué d’imposer des modalités de privation de liberté en l’absence de décision judiciaire malgré plusieurs propositions de loi pour rééquilibrer les pouvoirs entre le médecin, la famille et la justice…

En fin d’année 2010, saisi d’une Question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel reconnaît enfin l’inconstitutionnalité des articles de la loi de 1990 relatifs à l’HDT : à compter du 1er août 2011, le juge devra intervenir pour maintenir les hospitalisations contraintes au-delà de 15 jours, puis tous les 6 mois. (Pour information la propre jurisprudence du Conseil garantit le respect du droit à être déféré devant un juge sous 48H en matière de garde à vue ainsi que pour le droit des migrants).

Complété à la hâte pour satisfaire aux conclusions du Conseil constitutionnel, le projet de loi en discussion parlementaire, au lieu d’apporter des réponses au constat alarmant de la flambée du recours à la contrainte observée
depuis le milieu des années 90, prévoit de faire de la contrainte la principale modalité d’accès aux soins.

72h de « garde à vue psychiatrique »

Cette période inaugurale d’accès aux « soins » pouvant aller
jusqu’à 72h, permettrait, sur la base d’un certificat médical, de retenir quelqu’un contre son gré sans que même ne soit interrogée la nécessité de la contrainte.
Elle confisquerait à la personne un certain nombre de droits
(liberté d’aller et venir, de communiquer, respect de la dignité de la vie privée, règle du consentement aux soins…) en l’absence de tout contrôle judiciaire.
Elle n’imposerait même pas la preuve de la recherche du consentement à des soins, ni l’obligation de proposer des soins alternatifs à une mesure d’hospitalisation complète. Et encore moins que le dispositif de soin ait les moyens de proposer autre chose…

La notion de soins ambulatoires contraints

Au terme de ces 72h devront être décidées les modalités de la prise en charge : hospitalisation libre, contrainte et avec une nouveauté : les soins ambulatoires contraints, y compris au domicile.
La pratique de la psychiatrie de secteur a prouvé que des lieux d’accueil à taille humaine, proches des lieux de vie, accessibles librement 24h/24h facilitent l’accès aux soins et limitent, non seulement le recours à la contrainte, mais aussi les hospitalisations.
Cette nouvelle modalité de soins va se révéler contre productive, en faisant de toutes les structures de soins des lieux de contrainte.
Elle priverait les patients d’un espace identifié où des soignants peuvent accueillir librement la souffrance psychique qui leur est adressée et les accompagner vers les soins : c’est-à-dire repérer ensemble leur fonctionnement mental, leurs modes relationnels et leurs conséquences pour accepter d’engager une relation de soins.

Les modalités d’audition par le Juge

Le projet prévoit la comparution de la personne devant le juge des libertés et de la détention pour les hospitalisations contraintes de plus de quinze jours. Il est vrai que cette contrainte de constitutionnalité exige des moyens en effectifs soignants (accompagnement du patient vers le Juge) et en magistrats pour assurer cette mission, moyens dont aucun des deux secteurs ne disposent. L’utilisation de la visioconférence pour répondre à cette obligation nouvelle n’est satisfaisante ni au regard de la qualité de dialogue ni en terme de garantie de la confidentialité.
Il serait préférable, si l’état du patient ne lui permet pas le déplacement, d’envisager que le juge vienne à sa rencontre dans l’établissement.

Le collège d’experts

Le projet prévoit, pour les personnes ayant séjourné en Unité pour Malades Difficiles ou ayant fait l’objet d’une déclaration d’irresponsabilité pénale, l’avis d’un collège de soignants. Ce collège serait constitué de deux psychiatres et d’un cadre de santé. Rappelons qu’un cadre de santé n’est pas obligatoirement détenteur du diplôme de base de la spécialité dans laquelle il exerce ses fonctions. Sachant que c’est le préfet qui aura le dernier mot, la création de ce collège induit l’idée qu’aujourd’hui les demandes médicales de sorties sont prises à la légère. En outre cette mesure suppose, de fait, la constitution d’un fichier et d’un casier psychiatrique, ce qui est inacceptable !

La place du tiers

Le projet prévoit de limiter le rôle du tiers demandeur de soins. Il n’aurait plus la possibilité de lever sa demande lorsqu’il estime que les conditions qui l’ont amené à la faire sont levées.

Mal aisé de se faire soigner, mal aisé de soigner

À travers ces principaux aspects, il est clair que ce projet de loi n’offre pas de garanties suffisantes aux personnes en terme d’information, de protection des libertés individuelles et de voies de recours, celles-ci demeurant complexes et donc peu effectives. Il ne permettra d’améliorer ni l’accès aux soins ni le droit des patients. Il va aussi accentuer la pression sur les équipes et dégrader encore leurs conditions d’exercice déjà particulièrement difficiles.

Cela fait 20 ans que les médias traitent du « Malaise de la psychiatrie ». Les causes en sont connues. Il s’agit principalement de la paupérisation des effectifs soignants et des contenus de formation et de la fermeture de milliers de lits sans compensation suffisante en réponses alternatives.

Des équipes soignantes aujourd’hui en tension…

Les fermetures de lits ont renvoyé à la rue, dans des taudis ou en prison de nombreux malades. Les lieux d’hospitalisation et de consultation sont saturés.
L’accès aux soins 24h/24, l’accueil, la continuité des soins, l’accompagnement, la réinsertion, sans parler de « l’hospitalité de la folie » ne sont plus les axes de la politique de santé mentale. Les structures dites ambulatoires n’ont ni les moyens d’assurer correctement l’accès aux soins 24h/24h ni leurs missions de prévention et de réinsertion.

L’insuffisance des outils de prévention, la pression à l’hospitalisation, la sur-occupation des lits, le turnover important qui en découle, la réduction des temps d’échanges cliniques et de régulation génèrent une tension permanente sur les équipes qui se sentent disqualifiées, à l’abandon, voire en insécurité.

L’insuffisance de l’offre de soins précoces, la régression progressive de la dimension relationnelle des soins, l’évolution sans soins des maladies font que les patients arrivent en hospitalisation bien souvent quand leurs actes finissent par imposer une mesure de placement.
Cela aggrave la représentation répressive du soin psychique, la dimension carcérale de l’institution et compromet les premiers contacts entre la personne malade, les soignants et le dispositif : recours massif à la contention chimique, aux chambres d’isolement et à la contention physique, recours permanent aux « renforts », aux demandes d’admission en UMD…

Les équipes soignantes sont en première ligne pour exécuter la contrainte, et en particulier les infirmiers et aides-soignants qui sont bien conscients de ne pas répondre correctement, et humainement, aux besoins des patients. Elles subissent la contrainte de devoir « soigner » sous la contrainte et sont les premières exposées aux réactions agressives que la contrainte génère et aux accidents de travail liés à des situations qui leurs échappent. Progressivement le sens du travail est perdu et le sécuritaire peut apparaître comme une réponse immédiate à leurs difficultés, voire trouver là sa justification. La souffrance qui s’exprime est pourtant d’ordre éthique.

…et demain sous haute tension

La réforme de la loi de 90, nous l’avons vu, a pour projet de faire de la contrainte la modalité principale d’accès aux soins. Elle prévoit de faciliter le recours à l’hospitalisation sous contrainte tout en verrouillant davantage les modalités de sortie. La réponse apportée au constat de l’augmentation des procédures d’admission sous contrainte depuis une vingtaine d’année ne sera autre que l’extension de la contrainte aux structures ambulatoires et au domicile.

Compte tenu de l’encombrement des services hospitaliers, intra- et extra-hospitaliers, ces « soins sous contrainte » à domicile vont rapidement se généraliser. La pénurie d’effectifs soignants en ambulatoire fera que ces « soins » se résumeront vite à l’administration de traitements médicamenteux, sous forme « retard » de préférence. Cette intrusion des soignants au domicile et dans leur corps, rendue obligatoire par un protocole défini en Conseil d’État, portera gravement atteinte à la liberté d’aller et venir et à la vie privée des patients et de leur entourage.

Le directeur de l’établissement, obligatoirement informé par le psychiatre en cas de « non respect du protocole » pourra ordonner la réintégration du patient. Demain les soignants devront, sur injonction du directeur, aller chercher, en toute légalité, les patients à leur domicile et leur imposer, de force, une hospitalisation ! Seront-ils évalués, voire rémunérés demain en fonction de leur pourcentage de réintégrations réussies dans cette mission de police ? Et par la suite, passeront-ils leur temps à scruter des écrans pour pister les bracelets de géolocalisation qui « faciliteront leurs tâches » de contrôle et de main mise permanente sur les patients ?

Les soignants doivent refuser d’accompagner des pratiques de régression et de glisser progressivement vers des fonctions d’auxiliaires de police.
Ils ont besoin de plus de temps et de moyens pour soigner. Ils ont besoin de formations et de mises à disposition de lieux d’accueil diversifiés pour assurer leurs missions.
Ils ont besoin de liberté pour faire progresser le soin.

Les failles du dispositif de soin actuel n’ont rien à voir avec la capacité à contraindre. Elles sont dues essentiellement au fait de ne pouvoir réagir à la demande de soin, de ne pouvoir fournir une écoute prompte à l’expression d’une souffrance et de pouvoir y répondre de façon diversifiée.

Le 15 Mars 2011,
jour de l’ouverture des débats à l’Assemblée nationale,

Avec tous les syndicats de psychiatres publics : IDEPP, SPH, SPEP, USP,

Avec le Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, le Collectif « Mais c’est un homme »,

La Fédération SUD Santé sociaux appelle professionnels et citoyens à manifester leur opposition au projet de loi.

À Paris, Rassemblement
à l’Assemblée nationale,
16h-20h

Des rassemblements devant les préfectures sont appelés partout ailleurs.

Ensemble, exigeons :
— le retrait de ce projet de réforme
— l’abrogation de la loi de 90
— et l’ouverture d’un véritable débat pour une loi globale d’orientation de la politique de psychiatrie et les moyens de la mettre en œuvre.
 »


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