Philippe BERNARDET                                                         Aleth, le 14 juilllet 2004

Chargé de Recherche au C.N.R.S.

 

 

 

 

LETTRE OUVERTE

 

 

                                                                           à                        Madame Maryvonne BRIOT

                                                                                                  Député

                                                                                                  Assemblée Nationale

                                                                                                  Rue de l’Université

                                                                                                  75007 Paris

 

OBJET: Proposition de résolution n° 1459 tendant à la création d’une commission d’enquête sur la progression du nombre d’internements psychiatriques en France.

 

 

 

 

Madame la Rapporteure,

 

 

 

C’est avec consternation que j’ai pris connaissance de votre rapport relatif à la proposition de résolution de M. Georges HAGE tendant à la création d’une commission d’enquête sur la progression du nombre d’internements psychiatriques en France, mais aussi du compte rendu des débats qui eurent lieu au sein de la Commission des Affaires Culturelles, Familiales et Sociales à l’issue de votre exposé. Une telle absence de sens critique des élus de la Nation sur un sujet aussi délicat m’effraie alors que sont en cause la clé de voûte de toute démocratie (la liberté individuelle) et le bien probablement le plus précieux de l’humanité (la santé mentale). La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme ne précise-t-elle pas que les hommes naissent libres et égaux en droit et qu’ils sont doués de raison ? Formulation quelque peu maladroite, il est vrai, puisqu’elle tend à exclure du genre humain ceux qui ont perdu la raison. Il est cependant exact que nombre de ces derniers, même dans nos démocraties, sont encore traités pire que bête.

 

A l’exception de M. Georges HAGE, auteur de la proposition qui releva le débat par plusieurs observations pertinentes, la plupart de vos remarques, comme celles de vos collègues dénotent une allégeance totale, non pas seulement au Gouvernement, mais encore et surtout à l’administration centrale, dans la mesure où elles en épousent le discours au point qu’il est permis de se demander qui en est le véritable auteur. Faut-il d’ailleurs rappeler que les vues de l’administration sont, en l’occurrence, indépendantes du Gouvernement en place, raison pour laquelle cette allégeance me paraît encore plus grave. Elus nationaux en charge de la politique, vous avez, en l’occurrence, totalement démissionné de votre mandat allant jusqu’à renier ce que vos pairs avaient cru devoir solidement établir durant les deux derniers siècles.

 

Vous regrettez d’abord que l’auteur de la proposition ait retenu le terme : « hospitalisation sous contrainte », et, plus encore, celui d’« internement psychiatrique ». Comme les anciens nominalistes, en effet, vous semblez croire qu’en changeant de mots l’on transforme la réalité. On en modifie certes l’image ou la représentation et l’on gruge les sots. Mais les faits résistent aux mots comme le démocrate à l’oppression –du moins est-on en droit de l’espérer.

 

Faut-il vous rappeler que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, comme la jurisprudence de la Cour qui s’y rattache, recourent, en l’espèce, au terme de « détention » ? Car c’est bien d’atteinte particulièrement grave à la liberté individuelle et de « détention », dont il s’agit ici. Avez-vous seulement remarqué que l’article 5 § 1 e) de cette Convention recourt toujours à la notion d’« aliéné » pour autoriser de telles séquestrations ? En politique, il est toujours préférable, lorsqu’on ne cherche pas à tromper les populations et lorsqu’on tend à lutter contre le retour de la barbarie, d’appeler les choses par leurs noms. La Convention européenne de sauvegarde n’a-t-elle pas pour objectif d’éviter un tel retour du fascisme en assurant le développant des droits de l’homme sans qu’il soit nécessaire de jouer les veuves effarouchées, mais, au contraire, en regardant la réalité en face?

 

C’est donc à fort bon droit que M. HAGE parlait, dans sa résolution d’  « hospitalisation sous contrainte » et d’« internement psychiatrique ». La notion d’«hospitalisation sans consentement » dont vous semblez regretter l’absence et que l’administration centrale s’efforce de diffuser depuis plus de dix ans pour mieux tromper tout le monde, permet de faire l’impasse sur la légitimité de certains refus de soin émanant, non seulement de personnes saines que certains s’acharnent pourtant à traiter de force, mais encore de certains patients dont les troubles ne sont cependant pas tels qu’ils annulent leur discernement.  La vieille loi du 30 juin 1838 ne justifiait ainsi le placement que des personnes dont l’état d’aliénation mentale risquait de les rendre dangereuses pour l’ordre public ou la sûreté des personnes. Et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’autorise toujours, au titre de l’article 5 § 1 e), que la « détention » des « aliénés ». Ne pas consentir à un traitement ne saurait suffire à justifier un internement, quand bien même l’on souffrirait de troubles mentaux. C’est pourtant le contraire qui se généralise, sous l’empire de la loi du 27 juin 1990, laquelle a supprimé toute référence à l’état d’aliénation pour substituer le fourre-tout des « troubles mentaux », bientôt relayé par la perversion de la notion médicale de « trouble du comportement ». Un trouble du comportement, dans sa dimension pathologique ne renvoie pas, en effet, à n’importe quel comportement agressif ou compulsif. Mais la pratique de l’hospitalisation sous contrainte, telle que régie par la loi du 27 juin 1990, a tendu à assimiler une simple crise de nerf ou une saine colère, à un « trouble du comportement » et à le traiter comme un « trouble mental » justifiant l’hospitalisation sous contrainte, dès lors que la personne refuse le traitement chimique qu’on lui propose ; ce qui dispense de prendre le temps d’une approche compréhensive, pour ne pas dire solidaire, des aléas de la vie.

 

Votre rapport, comme les débats qu’il a suscités sont par ailleurs émaillés de perles qui ne peuvent laisser indifférent, tant elles montrent à quel point la représentation nationale a été maintenue, par l’administration centrale, dans un état d’ignorance totale, malheureusement béate, et n’en demeure pas moins satisfaite.

Celle-ci, par exemple : « Ainsi, comme l’a souligné à juste titre le rapport du Groupe National d’Evaluation de la loi du 27 juin 1990 « l’hospitalisation sans consentement est totalement différente de l’internement et du placement. C’est toujours une mesure sanitaire, ordonnée par un médecin » ! Depuis 1911 pourtant –ça ne date donc pas d’hier…- le Conseil d’Etat avait prohibé tout internement qui ne fût pas décidé au vu d’un avis médical concordant. Par surcroît, aujourd’hui encore, ce n’est pas le médecin qui ordonne la mesure, mais l’administration : le préfet, le maire et, à Paris, le commissaire de police, en cas d’hospitalisation d’office. Le chef d’établissement en cas d’hospitalisation à la demande d’un tiers. Le médecin ne fait que prescrire ou proposer, mais il n’ordonne rien. Il est même des cas où le décideur au placement ne se croit toujours pas lié par l’avis médical. La récente affaire VERMOTTE dont la presse s’est fait l’écho (voir, entre autres, Libération du 6 juillet 2004), et qui fut traitée par la première chambre civile de la Cour d’appel de Paris, le rappelle crûment, puisque, depuis octobre 2003, tant les médecins hospitaliers que les experts désignés par les juges et l’autorité préfectorale, concluaient à la nécessité de la levée de la mesure. Pourtant, en mai 2004, M. VERMOTTE, ancien directeur des ressources humaines du groupe Bouygues et aujourd’hui chef d’entreprise, était toujours hospitalisé d’office au CHS de Villejuif. Le préfet refusait en effet de lever sa mesure de placement. Le Juge des Libertés et de la Détention bottait en touche, semblant préférer jouer au football ou au rugby, à moins que ce ne soit au tennis de table, plus approprié au cabinet d’un juge, plutôt que rendre la justice !

Cessez donc de vous faire l’écho des balivernes véhiculées par la Direction Générale de la Santé. Celle-ci ne les diffuse que pour mieux endormir tout le monde et continuer d’attenter à la liberté des plus faibles à seule fin, paraît-il, d’opérer de prétendues économies qui coûtent en réalité fort cher à la collectivité et à la Sécurité Sociale. Au prétexte, également, de faciliter l’accès aux soins aux personnes censées inconscientes de leur état, tout en faisant fi de la nécessaire alliance thérapeutique, laquelle a toujours été au fondement de la médecine humaine ; alliance thérapeutique qui, en psychiatrie, est indispensable à la cure.

 

Vous affirmez encore que la formulation, selon vous parfois imprécise de la proposition de M. HAGE, « pourrait conduite à porter ses travaux au-delà des seules hospitalisations sans consentement, pour examiner par exemple les conditions d’hospitalisation libre ou encore la psychiatrie ambulatoire ». Ignorez-vous en effet que de nombreuses hospitalisations libres ne le sont, une fois de plus, que de nom. Ce sont, encore trop souvent, des internements déguisés. Le tribunal de grande instance de notre capitale a récemment condamné le CHS Sainte-Anne de Paris pour une hospitalisation de ce genre (affaire BARILLON, en octobre 2002, jugement aujourd’hui définitif), et la Cour d’appel de Paris a, de son côté, condamné, de même, le CH de Lagny au printemps 2002 (affaire DELANNEAU, arrêt également définitif). Le rapport du Groupe National d’Evaluation auquel vous vous référez constatait, lui-même, d’importantes dérives en ce domaine. Faut-il encore rappeler que les sorties à l’essai maintiennent juridiquement parlant la personne sous le régime qui était le sien à l’entrée et lui conservent son statut d’interné, comme l’a établi le Conseil d’Etat par un arrêt de 1967 ? Rien n’a changé à ce propos, si ce n’est la légalisation de ces sorties à l’essai par la loi du 27 juin 1990. Que dire encore de cette perversion de la loi qui à conduit à transformer les sorties à l’essai en contrainte de soins à domicile, illégale, gravement attentatoire à la liberté individuelle des personnes ? Comment le législateur peut-il demeurer insensible à ces questions et prendre prétexte d’une formulation imprécise d’une résolution courageuse pour écarter ce qui est essentiel et qui concerne, déjà, des dizaines de milliers de nos concitoyens ?

 

Mais la plus brillante de ces perles est, sans aucun doute votre remarque selon laquelle le principe de séparation des pouvoirs législatifs et judiciaires interdirait à l’Assemblée Nationale « d’enquêter sur les faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires » ce qui empêcherait, dès lors, toute enquête sur l’augmentation du nombre des internements. Faut-il en conclure que cette augmentation risque d’être due à des internements arbitraires et qu’il y aurait des dizaines de milliers de plaintes à l’instruction des juridictions pénales ?

Ce moyen n’est qu’une vaste plaisanterie, d’autant qu’il vous a été soufflé par le Garde des Sceaux. Ne signalez-vous pas, en effet, que par une lettre du 7 mai 2004, M. Dominique PERBEN « a fait savoir à M. le Président de l’Assemblée nationale que « des procédures judiciaires sont régulièrement diligentées à la suite d’internements psychiatriques dénoncés comme arbitraires », avant de conclure qu’il lui appartient dès lors « d’apprécier si les procédures en cours sont de nature à faire obstacle à la création d’une commission d’enquête » ! Vous remarquerez certainement que le ministre de la justice n’hésite pas, à son tour, à parler d’« internement » et non d’«hospitalisation sans consentement ». Mais vous remarquerez surtout que le Gouvernement ne se gêne pas, quant à lui, pour interférer dans les travaux parlementaires et vous menacer de son veto, au risque d’attenter au principe de séparation des pouvoirs ; principe auquel vous semblez tant attachée. Et ce n’est certainement pas à la gloire de notre Parlement que de voir la députation ainsi s’incliner devant une remontrance de l’exécutif. Sous l’Ancien Régime ce sont les parlementaires qui faisaient des remontrances au Monarque au risque de connaître la Bastille ou les cachots de Vincennes. Il semble que la séparation des pouvoirs, telle que vous la concevez ait singulièrement tendu à inverser les rôles… sans que le Parlement soit, pour autant, en mesure d’enfermer le Gouvernement dans une quelconque Bastille, même psychiatrique lorsqu’il empiète sur les prérogatives de la représentation nationale.

Il n’est pas certain que cette inversion soit tout à fait républicaine, à moins d’être particulièrement critique à l’égard des vertus républicaines. Certains politologues n’ont-ils pas prétendu que la République n’est toujours qu’un état transitoire entre une Monarchie et un Empire, prenant souvent l’aspect d’une dictature ?

 

Vous concluez enfin : « Il existe en conséquence un risque non négligeable que les travaux de la commission d’enquête parlementaire créée sur le fondement de cette proposition de résolution se heurtent au principe de la séparation des pouvoirs ».

 

Mais de quoi s’agit-il ? De quoi parle-t-on ?

Rien n’interdit d’abord à l’Assemblée nationale de se saisir des affaires jugées et ayant débouché sur la reconnaissance d’un internement abusif par les juridictions pour tenter de comprendre le mécanisme d’un tel arbitraire. Une telle étude serait même une œuvre de salubrité publique au train où vont les choses, notamment à celui de la psychiatrisation grandissante des conflits de la vie quotidienne et de la résistance à l’oppression au déclassement et à la misère d’une partie de la population. C’est un devoir de l’Assemblée nationale qui, en 1990, s’était donné la mission de faire un bilan de l’application de la loi avant 1995. Nous sommes en 2004, et les électeurs français n’ont toujours rien vu venir, si ce n’est l’augmentation considérable des internements et le refus du Parlement de se saisir de la question !

 

Les affaires faisant l’objet de poursuites pénales sont par surcroît fort rares. Quant aux procédures administratives et civiles, rien n’interdit à l’Assemblée de connaître de ces affaires pour accéder à certains éléments, même si, évidemment, elle ne peut en juger en lieu et place des magistrats.

Par ailleurs, l’objet de la proposition de résolution de M. HAGE n’était pas de cerner les internements abusifs, mais les causes de l’augmentation des admissions sous contrainte. A moins de penser que ce doublement, observé en dix ans, est dû à l’abus et à l’arbitraire de l’administration, dont serait par ailleurs systématiquement saisi les juges –ce qui, au regard de la réalité du contentieux contemporain propre à l’espèce pourrait bien paraître comme une idée délirante aux yeux de certains psychiatres, aussi feriez-vous bien de rester sur vos gardes- l’on ne voit pas ce qui motive votre assertion.

En outre, si l’abus et l’arbitraire risquait d’expliquer cette envolée des mesures d’internement, il serait particulièrement alarmant que la représentation nationale ne puisse en connaître la raison du seul fait de l’application stricte d’un principe de séparation des pouvoirs conçu de façon très restrictive et étroite. D’autant que ce principe n’a de valeur constitutionnelle qu’en ce qu’il pose que la séparation des pouvoirs doit être déterminée. En ce sens, le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion d’établir, en 1987, dans une décision dite « Conseil de la Concurrence », que la séparation des autorités –plus encore que des pouvoirs- telle qu’elle résulte des lois des 16-24 août 1790 et du décret du 16 Fructidor de l’an III, n’a aucune valeur constitutionnelle. La Haute juridiction a ainsi rappelé qu’il appartient au législateur et non au constituant de déterminer, pour chaque cas, la séparation des pouvoirs et des autorités. Il ne s’agit pas ici, en effet d’un principe absolu intangible. La séparation doit être « déterminée » par… le Parlement. Elle peut ne pas être absolue, contrairement à ce qu’avait voulu établir le législateur de 1790. Et, jusqu’à nouvel ordre, la justice n’a jamais été un pouvoir, mais une simple… autorité, même si certains hommes politiques contemporaines ont cru devoir récemment brandir le spectre du gouvernement des juges pour s’opposer à leurs propres mises en cause judiciaire, craignant le développement de quelque nouvelle fronde.

 

Depuis l’époque révolutionnaire jacobine, de nombreuses entorses à cette séparation absolue ont été apportées par les lois de la République, et pas seulement par la Monarchie de Juillet. A commencer par la loi du 27 juin 1990 qui, sous ce rapport, n’a fait que reprendre un principe posé par la dernière, laquelle avait cru devoir déroger au principe constitutionnel, érigeant l’autorité judiciaire comme gardienne de la liberté individuelle. Même la restauration de la Monarchie absolue d’Ancien Régime n’avait pas osé toucher à ce principe démocratique fondamental, confirmé par la Chartre de 1814, concédée par Louis XVIII ; monarque qui n’avait pourtant rien d’un démocrate et moins encore d’un républicain. Et cette dérogation, initiée par Louis-Philippe et reprise par le Parlement, en 1990, sous un gouvernement socialiste, est ici d’autant plus grave, qu’au regard de notre constitution du 4 octobre 1958, elle est, pour le coup, inconstitutionnelle.

C’est en effet une hérésie, aux yeux mêmes de la Restauration de l’Ancien Régime, que l’administration puisse ainsi décider de privations de liberté de plus de trois jours, sans contrôle automatique et systématique du juge de l’ordre judiciaire. Le Conseil constitutionnel n’a cessé de le rappeler dans chacune de ses décisions relatives au dispositif législatif traitant de la rétention des étrangers. Et faut-il rappeler que, depuis l’entrée dans le Troisième millénaire, le nombre des privations de liberté, décidées par l’administration, égale désormais celui des décisions prises par les juridictions pénales en répression des divers crimes et délits, dont, par surcroît, la moitié des auteurs relèverait davantage encore de l’hospitalisation psychiatrique, à en croire, du moins, certains de vos collègues. N’y a-t-il pas là un étonnant paradoxe qui devrait faire se cabrer, comme un seul homme, l’ensemble de l’Assemblée nationale à l’occasion de l’un de ses sursauts de conscience auxquels, il est vrai, elle ne nous a guère accoutumé durant ces dernières décennies.

Il est néanmoins surprenant de voir le législateur se faire, ici, et en 2004, plus royaliste que le roi de… 1814, et limiter son pouvoir de contrôle aux vœux de l’administration.

 

Si l’actuel système de séparation des pouvoirs et des autorités empêchait le Parlement d’enquêter sur un tel arbitraire de l’administration qui pourrait laisser penser que chaque année, il y aurait plus de 30.000 décisions d’internement injustifiées, il serait temps que le législateur légifère, à nouveau, sur cette séparation des autorités, pour retrouver sa liberté d’enquête en un domaine aussi sensible. Si le Parlement de notre démocratie ne pouvait enquêter sur l’atteinte arbitraire, par l’administration, à la liberté individuelle, il serait en effet bientôt temps, pour le peuple, de reprendre les armes et de s’assembler dans les rues!

 

Dans une démocratie, la séparation des pouvoirs ne saurait en aucun cas faire obstacle aux nécessités d’investigation du Parlement pour assurer la sauvegarde de la liberté individuelle des personnes.

 

Comment, dès lors, ne pas sourire, tristement – si ce n’est enrager- à la lecture de votre autre remarque : « En particulier, les demandes d’audition de personnes ou de communication d’informations ayant un lien avec les poursuites judiciaires pourraient ne pas aboutir, ce qui est de nature à réduire considérablement le champ des investigations, et de ce fait, l’intérêt d’une telle commission ».

Pourtant, les Commissions Départementales des Hospitalisations Psychiatriques ne reconnaissent aucune hospitalisation abusive ou arbitraire en dix ans ! Et vous le rappelez vous-même. Aucune condamnation pénale de ce type n’a été prononcée durant ces dix dernières années. C’est donc l’arbre avec lequel on entend cacher la forêt ! Vous saviez fort bien, en le formulant qu’il s’agissait là d’un argument spécieux. Mais ne convenait-il pas de satisfaire M. PERBEN ?…

 

Sur la question de l’opportunité d’une telle commission d’enquête, telle que vous l’avez analysée, d’importantes précisions doivent encore être apportées.

L’analyse statistique n’a pas à être menée par le char d’assaut de la Direction Générale de la Santé, pour justifier la réforme qu’elle annonce depuis 1997 et qui tendra à faire du préfet, le seul ordonnateur de la contrainte en psychiatrie, y compris dans la chambre à coucher du malade. Elle n’est pas seulement à faire sur la dizaine d’années écoulées de 1992 à 2001. Elle doit se faire par tranche de cinq ans. Et l’on doit analyser finement les évolutions propres de l’HDT et de l’HO.

Si le doublement des mesures d’admission sous contrainte, durant la décennie écoulée, résulte de l’envolée considérable des HDT et notamment des mesures d’admission en urgence, on se saurait pour autant ignorer –à moins d’intentions inavouables- que le phénomène le plus inquiétant depuis 1997 est non pas le doublement de ces mesures, mais la multiplication par six ! des décisions d’hospitalisation d’office. Celles-ci étaient demeurées stables de 1984 à 1992 et n’avaient fait que… doubler, de 1992 à 1996. Doublement des HDT en dix ans et multiplication par six des HO en cinq ans : Quel est, sous ce rapport, l’évolution la plus inquiétante ? Ces cinq dernières années révèlent ainsi que le taux de croissance des HO est désormais six fois supérieur à celui des HDT, lequel double déjà tous les dix ans. Si un tel rythme devait se maintenir, les HO seraient ainsi promises à être multipliées par douze dans la décennie à venir, avant même qu’elles ne se substituent aux HDT ! Le nombre des internements n’est donc pas près de décroître. Comment, dès lors, ne pas frémir lorsqu’on nous annonce un renforcement des pouvoirs des préfets par la suppression de l’HDT au profit de l’HO, conformément à ce que préconisait, en 1997, le Groupe National d’Evaluation, au prétexte de limiter les internements ? La loi du 27 juin 1990 fut elle-même promulguée sous le même prétexte en vue de limiter l’abus et l’arbitraire. On a vu le résultat ! Le pire est que cette évolution était prévisible sous l’empire d’une telle réforme. Aux côtés du Groupe Information Asiles je n’ai cessé, malheureusement en vain, de le dénoncer, tout comme aujourd’hui je mets en garde contre la réforme annoncée qui, de toute évidence, sera pire que la précédente.

 

Malgré ces évolutions alarmantes et les risques de nouveaux dérapages en cas d’unification des modalités de placement et de contrainte de soin à domicile sous l’égide de l’autorité préfectorale, votre Commission a considéré, à la suite de votre rapport, qu’il n’y avait pas lieu à création d’une Commission d’enquête parlementaire. Par ce travestissement de la réalité, avant même toute enquête, vous porterez, pour les années à venir, une lourde responsabilité dans l’envol de la contrainte et de la chimiothérapie forcée des populations, pour le plus grand profit des trusts pharmaceutique et du maintien d’un ordre qui laisse sur le trottoir, une part toujours croissante de la population française et immigrée, installée sur notre territoire!

 

La substitution de l’HDT par l’HO est en réalité en cours et mise en œuvre par l’administration depuis 1997. Comme pour les sorties à l’essai, elle s’apprête à mettre notre Parlement devant le fait accompli pour lui forcer la main et le préparer à avaler la nouvelle couleuvre de la contrainte de soin sur décision préfectorale, en lui faisant légaliser l’illégal et en court-circuitant tout débat parlementaire.

Elle met ainsi de plus en plus en évidence que l’HDT pose problème et suscite des dérives. Elle ne cesse de développer les sorties à l’essai sous HO, si bien qu’il n’existe pratiquement plus de sortie par levée directe d’hospitalisation d’office. Certaines sortie à l’essai sous HO durent même des années, l’essai ne se transformant jamais, le juge continuant sa partie de ping-pong avec ses experts au lieu de jouer au rugby. Dans le même temps, elle se substitue de plus en plus aux tiers pour provoquer des mesures de placement et elle passe totalement sous silence l’accroissement considérable des mesures d’HO pour mieux dissimuler l’ampleur de son action.

Lorsque la poudre aux yeux aura fait son effet, elle vous proposera de prendre acte de l’évolution des choses et obtiendra de vous le vote d’une loi scélérate transformant le préfet en médecin –puisqu’il décidera de la contrainte de soin à domicile. Loi qui achèvera, dans le même temps, de transformer le médecin en agent du maintien de l’ordre social et le juge en greffier de l’administration, tout en tordant le cou, une nouvelle fois, à la Constitution. Il est vrai que l’on semble en faire peu de cas au sein de votre hémicycle. Cela nous fera assurément de belles jambes à nous, pauvres citoyens, de savoir que le Parlement a respecté scrupuleusement la séparation des pouvoirs, d’inspiration jacobine, alors que l’administration s’en contrefiche totalement depuis 1838. Elle n’hésite déjà plus à étendre la contrainte, décidée par l’administration, sans contrôle automatique du juge, non plus seulement à l’interdiction d’aller et venir et à l’assignation à résidence, mais encore au traitement de force et à la violation du domicile, même en pleine nuit, comme à l’ingérence dans l’intimité du patient! Nul doute que, dans ce contexte et, dans cette perspective, le dossier médical unifié et informatisé est appelé à un bel avenir et fera des miracles –mais surtout des ravages- en matière de contrôle et de stigmatisation de la population dérangeante ; de cette population qui s’insurge et proteste contre les conditions de vie qui lui sont faites ou… de ceux  qui réfléchissent autrement qu’en usant de la langue de bois et des ressorts du « politiquement correct » ou qui, tout simplement, craquent sous l’effet conjoint d’une exploitation accrue et d’une liberté de pensée et d’action réduite à une peau de chagrin. La majorité accédera aux biens faits de la nouvelle NF (Norme Français) comme en matière de plomberie (sauf, bien sûr les plombiers de l’Elysée qui continueront de faire ce qu’ils veulent). Certains patients ne parlent-ils pas, d’ailleurs, des médecins, et singulièrement des psychiatres, comme de la famille « tuyaux de poêle » dont les membres s’emboîtent et ne se contredisent jamais, le suivant, recopiant le précédent.

Les autres devront se contenter de nourrir les trusts pharmaceutiques ! L’on ne parlera bientôt plus de l’exception culturelle française, déjà largement obsolète, mais de la normalisation à la française par psychiatrie étatique interposée qui, décidément, a de fort beaux jours devant elle ! En France, le Troisième millénaire sera donc celui qui verra passer ce qui reste de la médecine libérale et la sécurité publique à la psychiatrie étatique sous couvert de développement de la « démocratie sanitaire ». Quelle foutaise ! Il n’est en effet pas certain que la Liberté et la Démocratie y gagneront des garanties nouvelles contre l’abus et l’arbitraire.

 

Mais revenons aux chiffres, puisque c’est le seul domaine que l’administration –et votre Commission- consentent à nous laisser.

 

Vous enfourchez de nouveau le canasson fatigué des réadmissions multiples annuelles de nombreux malades, pour expliquer, en partie, cet envol des internements officiellement enregistrés. Pourtant, la Direction Générale de la Santé commence, elle-même, à considérer que le moyen bat de l’aile et que le bateau prend l’eau. Dans sa circulaire du 24 mai 2004, publiant les derniers chiffres, elle abandonne ce vieux serpent de mer, reconnaissant que ces réadmissions multiples n’expliquent pas tout et qu’il conviendrait de tenir compte d’une multiplicité de facteurs. Elle en expose un certain nombre en pages 14 et 15 de son analyse, mais, naturellement, elle omet le plus important d’entre eux, pourtant relevé par la Cour des comptes, dans son rapport pour l’année 2000 : l’éventuel effet de la mise en place de la loi du 27 juin 1990.

En octobre 1989, à l’occasion d’une émission d’Europe 2 à laquelle je participais avec M. BAUDURET, promoteur de la loi du 27 juin 1990, conseiller technique, à l’époque du Ministre Claude EVIN, j’avais signalé que cette réforme conduirait inévitablement à l’accroissement considérable des admissions en HDT-urgent. Ce conseiller paraissait sceptique. La suite m’a malheureusement donné raison. La réforme de juin 2000 substituant le JLD au Président du TGI en matière de sortie judiciaire ne pouvait elle-même que conduire à une approche plus sécuritaire du juge libérateur et rendre, par suite, plus délicate la procédure de sortie judiciaire. L’affaire de M. VERMOTTE, parmi tant d’autres, tend encore, malheureusement, à me donner raison. J’avais, en outre, attiré l’attention du milieu associatif sur le fait que la réforme projetée du 4 mars 2002 ne pouvait, en ce domaine, que réduire l’accès à l’information des personnes objet d’internement. Aujourd’hui, le Groupe Information Asiles, comme tous ceux qui luttent en ce domaine, en font malheureusement quotidiennement l’expérience. Il est désormais devenu pratiquement impossible d’accéder aux demandes de placement rédigées par les tiers, bien que l’accès qui était antérieurement la règle n’ait jamais posé de réels problèmes. Les observations journalières des infirmiers sont aujourd’hui systématiquement bâtonnées lorsqu’elles sont produites. Le droit de la délation a ainsi été organisé et renforcé. Les parents d’enfants victimes d’hospitalisation douteuses, voire d’abus sexuels au sein même des institutions ou des établissements hospitaliers ont encore plus de difficultés que par le passé à accéder aux dossiers de leur progéniture, les pédophiles institutionnels faisant parler les nourrissons pour s’opposer à la communication des dossiers aux parents, arguant d’un refus de l’enfant en s’appuyant sur cette belle loi, annoncée à grand renfort de trompettes ! Et la CADA couvre ! Que pourrait-elle faire d’autre d’ailleurs, depuis la promulgation de ce texte ? Le renforcement de l’aspect sanitaire de la mesure d’HO, contenu par cette même loi, ne fera naturellement qu’accroître le nombre de ces mesures. Il prépare surtout le terrain de l’unification des modalités de placements sous celle de l’HO ; unification qui ôtera définitivement tout pouvoir aux tiers et aux familles. Tout fonctionne alors comme si l’Etat était capable de prendre en charge, au quotidien, la personne atteinte de troubles mentaux et nécessitant un étayage. C’est évidemment absurde. L’Etat et les professionnels ne sauraient valablement se substituer à l’entourage et aux familles pour ce genre de prise en charge. Au lieu d’aider l’entourage dans cette prise en charge, tout est au contraire mis en œuvre pour l’affaiblir et isoler le patient des solidarités qui lui restent, afin que, conformément au vieux rêve jacobin, rien ne subsiste entre l’Etat et le citoyen, fut-ce lorsque ce citoyen est affaibli par la maladie et assailli de difficultés. Quel battage médiatique n’a-t-on pas enduré ces derniers temps contre un prétendu « communautarisme » qui serait contraire à nos belles vertus républicaines ? La famille, les communautés organisant les solidarités, les groupes doivent être dissous. Ne resteront plus, bientôt, que les professionnels et ceux objets de tous leurs soins, dont de nombreux patients connaissent déjà la réalité, laquelle n’est pas toujours brillante. Les intérêts corporatistes et les divers trafics induits priment malheureusement de plus en plus l’intérêt des patients. L’humanité des rapports disparaît au profit des rapports d’intérêts catégoriels et salariaux, voire même, parfois, d’intérêts quasi mafieux.

 

Cette évolution est radicalement contraire à ce que la majorité de la population est en droit d’attendre et s’oppose au développement de la liberté de chacun et de la démocratie.

 

Si l’augmentation des internements pouvait s’expliquer par le développement constant des réadmissions multiples, on assisterait fatalement, dans le même temps, à un abaissement concomitant de la durée moyenne d’hospitalisation. Or celle-ci demeure stable depuis 1995 ne variant que de 38 à 40 jours –ce qui est considérable au regard de la moyenne connue en d’autres pays (moins de 10 jours dans le canton de Genève, depuis 1997). Ou bien l’on assisterait à une augmentation du nombre de lits pour faire face à ce flux.

Si de nombreux médecins et infirmiers réclament cette réouverture des lits, force est cependant de reconnaître qu’ils n’ont toujours pas été entendus et qu’ils ne cessent de se plaindre de devoir refuser un grand nombre de patients.

Les réadmissions multiples ne sont donc pas la cause de l’augmentation des internements. Et la Direction Générale de la Santé commence à le reconnaître elle-même dans sa dernière circulaire.

 

L’augmentation des internements est d’autant plus inquiétante que celle-ci apparaît de nos jours plus importante que le taux de croissance des hospitalisations libres. C’est ainsi que le taux de contrainte est passé, en dix ans, de 11 à 13, 1% de l’ensemble des admissions. Une croissance de plus de 2 points correspond, ici, à un taux de croissance différentiel de plus de 20%. En dix ans, le taux de croissance de la contrainte s’est ainsi accru de plus de 20 % du taux de croissance de l’hospitalisation libre –ce qui est particulièrement inquiétant, d’autant qu’il n’est pas certain que la masse des réadmissions multiples soit, elle-même, due à l’augmentation du nombre des internements. Il est même probable que la croissance des réadmissions multiples est supérieure en régime libre qu’elle ne l’est en régime de contrainte. Le phénomène d’alourdissement du poids de la contrainte est donc particulièrement problématique, d’autant que la loi de 1990 avait déjà pour but de l’alléger ; ce qui, de toute évidence, ne fut pas le cas.

 

Encore convient-il de préciser que dans sa circulaire du 24 mai 2004, la Direction Générale de la Santé reconnaît que le nombre des HO connaît un certain nombre de biais, notamment pour Paris, mais aussi dans la comptabilisation des mesures concernant les médico-légaux, de sorte que le chiffre réel des internements est bien supérieur à celui annoncé.

 

Ainsi n’est-il pas impossible de penser qu’en 2004 le taux de contrainte sera de l’ordre de 14 % au moins, si ce n’est davantage.

 

Est-il par ailleurs possible de dresser meilleur constat d’échec des Commissions Départementales des Hospitalisations Psychiatriques au regard de la lutte contre l’abus et l’arbitraire, qu’en rappelant, comme vous le faites, que « depuis leur institution par la loi du 27 juin 1990, les commissions n’ont pas constaté d’hospitalisation sans consentement abusives ». Comment se fait-il, dès lors, que, chaque année, les diverses juridictions prononcent plusieurs sorties judiciaires considérant, contre l’administration, voire l’avis des médecins, le maintien injustifié et que les tribunaux réparent désormais, chaque année, les dommages nés d’internements abusifs ? Qui, en l’occurrence, a perdu la tête ? Les magistrats qui verraient l’abus et l’arbitraire là où il n’existerait pas ; ce qui serait pour le moins surprenant lorsqu’on connaît la frilosité de ces derniers à sanctionner l’action de l’administration ? Ou bien les CDHP qui ne voudraient, en réalité, rien voir, de cet abus et de cet arbitraire ? N’ont-elles pas été instituées pour se substituer, progressivement au contrôle naturel du juge ?… Et n’est-il pas question de renforcer leur mission de contrôle, maintenant qu’elles ont apporté la preuve que, plus encore que les juges, elles savent garder le bandeau sur les yeux, non plus pour assurer l’égalité de traitement de tous devant la justice, mais seulement pour ne rien voir des abus de l’administration ? Moins indépendantes que les juges, elles ont fait preuve de docilité. Aussi est-il temps d’accroître leur influence pour leur permettre de décourager la plupart des plaignants en emmenant ceux-ci et leurs familles sur des voies de garages pour mieux limiter ainsi les recours au juge et, par suite, la reconnaissance de l’abus et de l’arbitraire. Croyez-vous que l’on puisse encore, de nos jours, être dupe de ces manœuvres ? Ne vous a-t-on pas appris, en politique, l’importance de l’indépendance des autorités en charge des contrôles ? Quelle indépendance peut avoir une commission où la plupart des membres sont médecins, dépendant des DDASS, membres de l’administration et où le représentant de l’ordre judiciaire siège entouré de personnes nommées par le préfet, y compris les représentants des associations de patients, dont certains sont encore des professionnels de la santé, jouant les sous-marins dans le milieu associatif spécialisé ?

 

Par un précédent courrier, dont vous n’avez pas même cru devoir accuser réception, je vous avais adressé deux de mes derniers ouvrages rendant compte d’un certain nombre de ces décisions judiciaires. Comment faites-vous pour les ignorer encore ? N’êtes vous capable que de lire ce que vous recueillez auprès de la Direction Générale de la Santé ? Ou de recevoir le pré mâché et le prêt à penser que cette direction vous livre ? Il faudra donc bientôt changer la symbolique du Parlement. Si le fou conserve l’entonnoir renversé sur la tête, le député pourra bientôt avoir l’entonnoir placé dans le bon sens, à l’intérieur de son cerveau, preuve de ce qu’il ne peut connaître la réalité qu’après qu’elle a été filtrée et prédigérée par l’entonnoir des cellules gouvernementales spécialisées !

 

En 1997, j’ai fait condamner la France par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe (Résolution du 17 septembre 1997), pour un internement abusif d’un an, dont, par surcroît, je vous avais produit la décision (requête G. et M. L. contre France). Mais, de toute évidence, vous n’en avez tenu aucun compte.

Il est vrai, qu’avant même toute enquête vous aviez déjà la réponse :

«La décision d’hospitalisation sous contrainte est ainsi au cœur d’une chaîne de décisions, faisant intervenir la famille ou les proches (pour une HDT), le préfet (pour une HO), les personnels soignants, les psychiatres ou encore les CDHP. Il semble dès lors difficilement envisageable que chacun des maillons de cette chaîne décide, d’un commun accord, de placer et de maintenir arbitrairement une personne en hospitalisation sous contrainte ».

Cette langue de bois et cette négation de la réalité est effarante de la part d’un élu national. Il est vrai cependant que vous êtes professionnel de la santé, tout comme M. Louis COSYNS s’est prévalu de sa qualité de président d’un hôpital psychiatrique du Cher et M. Céleste LETT de son expérience de cadre hospitalier psychiatrique pour vous emboîter le pas. Tous les trois, manifestement vous savez de quoi vous parlez !

Le refus total de votre part de prendre acte des décisions de justice qui ont constaté certains internements abusifs et qui ont par ailleurs annulé des milliers de décisions irrégulières d’internement, m’interpelle cependant. Comment les professionnels d’un domaine ou la dénégation est souvent stigmatisée par les soignants de cette spécialité, comme le signe de la pathologie mentale du patient, peuvent-ils, à leur tour procéder, ici, par dénégation ? Et comment ont-il put le faire durant des décennies sans que les politiques que vous êtes se soient jamais offusqués ni inquiétés d’une telle attitude chez les exécutants de la contrainte administrative ?

 

Pour éviter ces dérives, il ne fallait précisément par reproduire cette hérésie qui consiste à donner à l’exécutif le pouvoir de porter atteinte à la liberté individuelle, sans contrôle automatique du juge et en dehors de tout débat contradictoire ! Les intérêts de carrière, la professionnalisation des rapports dans un cadre salarié et la prééminence du public sur le privé ont fait le reste pour aboutir, précisément, à cette situation catastrophique où l’abus et l’arbitraire se sont généralisés et banalisés au point que les professionnels ne sont même plus un rempart contre cette extension de la contrainte médicalement injustifiée. Il faut dire que ce système a conduit non seulement à soumettre les patients aux exigences administratives de gestion des populations, mais encore les médecins qui ont été appelés à se transformer toujours davantage en agent de police pour assurer le maintien de l’ordre et la norme sociale sous couvert de médecine.

C’est justement particulièrement grave, d’autant plus grave que vous n’avez pas conscience de l’énormité de vos propres protestations lorsque vous écrivez :

« De surcroît, n’est-il pas précisément « abusif », pour ne pas dire insultant, de laisser penser que les professionnels de la santé et les psychiatres puissent ignorer les répercussions importantes, notamment en termes de stigmatisation sociale, d’une décision d’HSC – a fortiori si cette mesure n’est pas justifiée- alors même qu’ils sont chaque jour confrontés à la lourde tâche de concilier les libertés et la sécurité des malades, mais aussi celles de leur entourage » ?

Quand je disais que l’on vous a transformés en policier, sans que vous vous en rendiez compte !

Pourquoi, en effet, revient-il aux soignants de prendre en charge ces questions de sûreté ? Pourquoi ne laisse-t-on pas le médecin à la médecine, l’infirmier aux soins. Et pourquoi ne laisse-t-on pas le juge remplir son office, à savoir : décider des mesures de contrainte lorsque la liberté est en cause, comme l’impose l’article 66 de la Constitution ? A force de tout mélanger et de tout confondre, vous avez fini par perdre votre âme. Vous n’avez cependant pas l’excuse de ne pas en être responsable, puisqu’en tant que député, vous êtes directement responsable du fait que le juge, en matière d’internement, ne dispose plus de l’autorité que la Constitution, pourtant, lui réserve à titre exclusif.

 

Comment voulez-vous, dans ces conditions, qu’en tant que citoyen l’on ne proteste pas de façon vigoureuse lorsque vous revenez à la charge, par ce rapport, pour recouvrir, par de nouveaux mensonges, cette hérésie qui résulte d’un coup de force, pour ne pas dire d’un coup d’état de la Monarchie de Juillet et qui visait à juguler les « classes dangereuses » en affaiblissant l’autorité du juge et en renforçant les pouvoirs de l’administration par la restauration des Lettres de cachet?

Comment faites-vous pour vous draper toujours dans l’argument éculé et faux, qu’aucun internement abusif n’a encore pu être constaté. Si tel était le cas, d’ailleurs, ce serait particulièrement grave. Car, comment envisager, précisément, qu’en un domaine aussi incertain, et malgré le caractère éminemment subjectif du diagnostic psychiatrique, dans une société où la délinquance n’a cessé de croître, où les rapports sociaux n’ont cessé de se déliter, mais aussi, de se durcir, la corruption de se développer, l’on ait pu échapper à l’accroissement de l’abus et de l’arbitraire ? L’affaire du sang contaminé a pourtant révélé jusqu’à quel point le milieu des professionnels de la santé  et l’administration centrale peuvent aller en matière de dissimulation de la réalité ? Le nombre de condamnations pour erreurs médicales, voire indélicatesses, n’est pas négligeable en médecine. N’est-il pas justement particulièrement inquiétant qu’en psychiatrie l’abus et l’arbitraire soit si difficile à débusquer et à objectiver par les institutions démocratiques de contrôle, alors que les détournements y sont plus aisés que partout ailleurs en médecine ? La faiblesse des condamnations n’est pas le signe aujourd’hui de la bonne santé de notre système de santé mentale, mais, au contraire, le signe que ce système est fondamentalement régi par l’arbitraire au point d’être assuré d’une totale impunité. Le premier de ces signes et le premier moyen de cet arbitraire est le pouvoir de décision exorbitant donné à l’administration en matière de privation de liberté alors qu’elle décidera, bientôt de la contrainte de soin !

 

Comment encore ne pas s’indigner en vous voyant toujours emboîter le pas de l’administration lorsque vous brandissez l’arrêt du Conseil d’Etat de décembre 2003 précisant que le tiers demandeur au placement, en matière d’HDT doit être en mesure de justifier de l’existence de relations antérieures à la demande, ce qui, selon vous « est très important, car cela exclut par exemple l’administrateur de garde dans un hôpital », alors que, quelques lignes plus bas, vous vous faîtes le chantre de la réforme annoncée, laquelle supprimera définitivement ce tiers salutaire au profit de l’administration préfectorale, toujours plus puissante, sous prétexte de fusion des modalités de placement !…

Ce sont en effet toutes ces « chicaneries », ces « pinaillages » et cette « gêne » à l’action administrative, qu’il est en réalité question de balayer d’un revers de manche. Foin de ces formalités tatillonnes qui visent à préserver la liberté individuelle ! Mais pourquoi diable cherche-t-on ainsi à préserver, bec et ongles, la liberté au pays des Droits de l’Homme ? Le seul fait d’être gouverné, en France, par une administration au-dessus de tout soupçon ne suffit-il pas ? N’est-ce pas choquant de douter ainsi de l’intégrité de l’administration française, tout comme il vous semble « abusif », pour ne pas dire « insultant » de laisser penser qu’un certain nombre de professionnels de la santé ignorent les conséquences de leurs actes. Evidemment !…. La France, comme chacun sait est, depuis longtemps, non seulement le pays des droits de l’homme, mais encore un pays de cocagne où la corruption et les intérêts personnels et de carrière des différents agents n’ont pas cours, surtout dans la fonction publique ! Les pratiques liées au financement des partis politiques sont d’ailleurs là pour nous en convaincre !… Est-il encore temps, pour la représentation nationale de recourir à l’angélisme pour endormir les foules ?

 

A vos côtés, en revanche, je ne puis que regretter que lors de l’examen de la loi du 4 mars 2002, aucun membre du groupe des députés Communistes et Républicains ne soit intervenu pour amender ces dernières dispositions et notamment pour provoquer une discussion sur la proposition de loi n° 366, adoptée par ce même groupe parlementaire, en 1997, mais laissé dans les tiroirs du Bureau de l’Assemblée par le Gouvernement. J’avais suggéré cette présentation de la proposition de loi sous forme d’amendement, sans, toutefois, être entendu.

Cette proposition de loi entendait pourtant distinguer fermement les trois domaines concernés par l’internement psychiatrique en redéfinissant les pouvoirs de chacun et en rendant à César ce qui appartient à César :

-Au juge pénal, la définition de la sanction et l’évaluation de la responsabilité pénale éventuelle du malade mental ;

-Au juge civil la détermination de la mesure de sûreté ;

-Au médecin, la définition du traitement et des mesures utiles à son administration.

Présentée sous forme d’amendement, et mise aux voix, cette proposition de loi aurait permis d’ouvrir le débat de fond.

 

Décidément, en effet, le Parlement est tombé bien bas. Plus aucun député ne va au bout de ses engagements. Les électeurs en prennent de plus en plus conscience, assombrissant le ciel des démocraties européennes de noir et de brun, accumulant les nuages annonciateurs de l’orage et de grands périls, dont le monde contemporain a déjà fait les frais, en occident, comme, plus tard, derrière le rideau de fer.

 

Au lieu de susciter de tels débats, on nous prépare le tout préfectoral comme un paquet Bonux sans même la prime d’un nouveau permis à points! Croyez-vous vraiment que ce soit par ce biais qu’il sera possible d’éviter la prolifération de l’abus et de l’arbitraire ? La culture politique de la députation française est-elle devenue à ce point limitée qu’il n’y aurait plus que le Doyen de l’Assemblée nationale pour s’inquiéter de l’accroissement de cette emprise de l’administration sur la liberté individuelle de tous ? Un Doyen qui ne put même pas recueillir le soutien de son propre groupe parlementaire à sa proposition de résolution ici discutée. Ah ! le poids des forces de gauche et des syndicats dans nos chers hôpitaux psychiatriques.

Qui s’étonnait qu’une chaîne de connivences puisse déboucher, en ces lieux, sur l’abus et l’arbitraire ? La réalité de l’hospitalisation psychiatrique dans l’ex-Union soviétique a-t-elle été à ce point détruite qu’elle puisse être déjà oubliée ? N’y a-t-il plus aujourd’hui que les Anciens pour se souvenir, penser droit et réfléchir sur les expériences passées ?

 

Au lieu de cela, vous en remettez une couche :

« Fruit d’un compromis difficile entre les impératifs du respect des libertés publiques, de l’efficacité requise des soins psychiatriques et de la sécurité, voire d’une forme particulière du principe de précaution, le cadre juridique actuel est à l’évidence perfectible. Il n’est cependant pas certain, concluez-vous, que la commission d’enquête, qui est un dispositif lourd et contraignant, soit l’organe le plus adapté pour mener à bien ce travail de réflexion  ». Voilà donc qu’en matière d’atteinte à la liberté individuelle, vous brandissez, à votre tour, le principe de précaution. Savez-vous seulement que c’est ce principe que le préfet des Hauts de Seine a mis en avant, devant la Cour d’appel de Paris, pour justifier que, depuis sept mois, il refusait d’élargir M. VERMOTTE malgré l’avis contraire de tous les médecins. C’est au nom de ce même principe de précaution que le JLD de Créteil a préféré se coucher devant l’autorité préfectorale. Mais savez-vous aussi que Mme l’avocate générale Isabelle TERRIER-MAREUIL, devait, lors de cette audience de la Première Chambre civile de la Cour d’appel de Paris, ridiculiser l’audace du préfet de recourir ainsi à un tel principe en matière d’atteinte à la liberté individuelle, puisqu’en l’occurrence, chacun sait fort bien, depuis la Révolution, qu’un tel principe de précaution conduit, tout naturellement, à ôter à l’administration le pouvoir de décider de la privation de liberté des personnes !… Ne vous a-t-on pas parlé, au collège ou au lycée, de la lutte menée contre les Lettres de cachet ? Le Parlement de Paris devait les interdire dès 1788, avant même la Révolution.

 

Comment donc ne pas sourire, mais aussi s’inquiéter, d’apprendre qu’à la suite de votre rapport, M. Georges COLOMBIER, président, « s’est déclaré rassuré par les informations qui ont été apportées sur cette question, sur laquelle de nombreux élus ont été alertés et qui mérite une attention particulière ». Loin d’être rassuré, je suis pour ma part particulièrement inquiet de constater cette démission totale de la représentation nationale et cette acceptation béate, sans aucun regard critique, de la sempiternelle rengaine diffusée par la Direction Générale de la Santé.

 

Pour sa part, Mme Hélène MIGNON a cru devoir réveiller un autre serpent de mer : l’Eglise de Scientologie et son émanation, dans le domaine psychiatrique, la Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme. Depuis une dizaine d’années en effet aucune critique de la pratique psychiatrique ne peut être formulée, en France, sans que l’on soit immédiatement taxé de scientologue. En 1997, lorsque je faisais circuler un projet de réforme de la loi de 1990 parmi les différents groupes parlementaires, lequel devait déboucher sur l’adoption de la proposition de loi n° 366 par le groupe parlementaire de M. HAGE, la Direction Générale de la Santé fit immédiatement courir le bruit que je serais moi-même scientologue ; ce qui est évidemment un peu court, mais, surtout, totalement faux. La procédure que j’ai engagée à ce sujet devant le tribunal administratif de Paris contre la direction centrale des renseignements généraux, et toujours pendante devant la Cour administrative d’appel de Paris, afin de faire toute la lumière sur cette affaire, a révélé qu’en fait, l’Observatoire Interministériel sur les Sectes était à l’origine de cette assertion mensongère se prévalant d’une lettre d’un responsable de l’Eglise de scientologie à un député, proposant de m’inviter à une discussion, sur ces sujets, avec quatre autres de vos collègues. Je n’étais pourtant au courant de rien. Et je n’ai jamais participé à cette réunion. Je me demande d’ailleurs pourquoi, le député délateur qui y participa, aujourd’hui décédé, M. BOSCH pour ne pas le nommer (ça ne s’invente pas…), ne fut pas lui-même dénoncé comme scientologue, ainsi que ses quatre autres collègues. Pourquoi, d’ailleurs, serait-il interdit de discuter avec des scientologues dénonçant certaines pratiques en psychiatrie ? En plus des fous à exclure et des délinquants à enfermer, y aurait-il de nouveaux pestiférés à ne jamais fréquenter, sous peine de risquer soi-même le bûcher ? Est-ce ainsi que l’on envisage de lutter contre les sectes et les églises pour ne laisser subsister que les républicains du club des Jacobins ?

Lorsqu’on connaît l’histoire du contentieux psychiatrique et des associations de patients, notamment du Groupe Information Asiles, de tels amalgames sont indignes de députés siégeant au Parlement d’un pays qui se veut démocratique. Voudrait-on rétablir la Sainte Inquisition après avoir fait revivre la Lettre de cachet ?

 

Et l’on ne peut que regretter que les autres membres de la Commission des Affaires Culturelles, Familiales et Sociales qui se sont exprimés, à l'exception du promoteur de la proposition de résolution et Mme Martine CARRILLON-COUVREUR, soulignant la dimension sociale de l’augmentation des hospitalisations psychiatriques, et, par suite, la médicalisation d’un certain nombre de difficultés économiques et sociales auxquelles sont confrontés bon nombre de nos concitoyens, se sont contenté de rappeler certains phénomènes marginaux, cependant réels et importants, tels que le maintien en prison d’un certain nombre de malades mentaux, même si la maladie mentale n’est pas incompatible avec la sanction pénale, ni avec la détention pénitentiaire ; la brièveté du séjour de certains enfants ou adolescents renvoyés trop tôt dans leur famille, même si en l’occurrence, c’est davantage le mode de prise en charge de ces adolescents qui est à repenser ; ou la place du traitement de l’alcoolisme et de la toxicomanie dans l’augmentation des hospitalisations psychiatriques, lesquelles n’apparaissent pourtant pas comme le meilleur moyen de traitement de ce type d’addictions. Abordant néanmoins, à plusieurs reprises, la question de la disparité départementale au regard de l’hospitalisation psychiatrique, notamment sous contrainte, certains députés mettaient le doigt sur l’une des questions centrales propre à l’espèce, qui renvoie justement, en France, à l’arbitraire de l’action administrative.

Pour M. Maurice GIRO ces disparités tiendraient   « à l’existence ou l’absence de structures adaptées, comme les hôpitaux de jour qui offrent des soins de proximité ». Si tel était le cas, cela n’ôterait rien au caractère arbitraire de nombreux placements. Il n’apparaît en effet pas normal que, dans un département l’on puisse être hospitalisé d’office du fait de manque de moyens, alors que dans le département voisin, pour un même comportement, de mêmes troubles et une même pathologie, l’on puisse éviter les affres d’un placement, voire de l’hospitalisation sous contrainte grâce à l’organisation de soins de proximité. Au reste, le Val-de-Marne, qui n’est pas le département le plus dépourvu de structures psychiatriques et d’hôpitaux de jour, est celui qui bat tous les records nationaux en matière d’internements psychiatriques rapportés à la population du département. Il fut pourtant longtemps aux mains des amis et camarades de l’auteur de la proposition de résolution, preuve, s’il en était besoin, que la question dépasse largement celle des clivages politiques habituels et qu’elle ne réside pas dans la couleur du Gouvernement, mais dans la permanence d’une gestion administrative étatique des personnes et de la liberté de pensée. Par surcroît, la dernière circulaire de la Direction Générale de la Santé du 24 mai 2004 révèle que cette disparité géographique pourrait avoir d’autres causes (cf. pp. 15-16), sans, bien sûr, signaler que cela risque de traduire l’arbitraire de l’administration, non seulement dans la répartition des moyens, mais encore dans l’histoire même de la mise en œuvre de la contrainte et dans la gestion des populations marginalisées ou perturbant l’ordre public d’une façon ou d’une autre. Bref, que cela risque de renvoyer à l’histoire du corps préfectoral et au mode de gestion des départements.

 

Il est cependant heureux que l’initiative de M. le Doyen Georges HAGE ait débouché sur la création d’un groupe d’études. Espérons que l’élargissement de la problématique, souhaitée, en ce sens, par un certain nombre de membres de la Commission des Affaires Culturelles Familiales et Sociales et sur lequel vous avez tant insisté, ne noiera pas le poisson et ne vise pas à permettre à l’administration de jeter plus aisément le bébé avec l’eau du bain lorsqu’elle proposera la suppression de l’HDT au profit de l’HO !…

 

Vous trouverez certainement cette lettre particulièrement véhémente si ce n’est irrespectueuse et outrancière. Il est néanmoins impossible, en 2004, d’admettre que la représentation nationale continue à ignorer ainsi les innombrables protestations et cris de détresse des victimes de l’abus et de l’arbitraire – en grande partie étatique- y compris subis par les personnes souffrant de troubles mentaux et qui ne parviennent à accéder aux soins que dans un rapport de violence et de négation de leurs droits, de leur dignité et du respect de leur personne. Le Groupe Information Asiles et la Fédération nationale des associations de patients psychiatriques (FNAPPsy) possèdent, dans leurs archives, des milliers de lettres et de témoignages alarmants sur la façon dont leurs auteurs ont été traités. Les juridictions condamnent désormais, chaque année, plusieurs responsables d’hospitalisations psychiatriques abusives, là où, avant les années 80, il y avait moins d’une condamnation tous les dix ou vingt ans. Il n’est donc absolument plus possible d’ignorer superbement le problème, même lorsqu’on est professionnel de la santé, et plus encore lorsqu’on appartient au corps des soignants spécialisés en psychiatrie. Cette négation de la réalité par certains professionnels, incapables de remettre en cause leurs pratiques et leur dépendance à l’administration, est une véritable insulte aux innombrables souffrances des patients.

On n’attend pas de même d’un député qu’il prenne ses ordres auprès de la Chancellerie, ni qu’il fasse écrire ses discours par le secrétariat de la Direction Générale de la Santé, mais qu’il exerce son esprit critique, de façon autonome et, singulièrement, à l’égard de l’exécutif, afin qu’il concoure à protéger le citoyen de l’arbitraire du pouvoir dont il convient toujours de se méfier, en démocratie, comme savent fort bien le faire les Anglo-saxons. Toujours se méfier du Prince, même lorsqu’on lui laisse la couronne sur la tête !. On risque, autrement, de n’être bientôt plus en démocratie, mais de revenir à l’Ancien Régime ou de sombrer dans les filets de quelque république bananière, à moins qu’il ne s’agisse de dictatures sectorielles dignes du sultanat turc, comme se plait à le dire le professeur Denis BUICAN pour caractériser le régime politique français de ces dernières décennies.

Faut-il, en effet, rappeler que toutes les Républiques ne sont pas forcément démocratiques. Celle rêvée par Platon demeurait esclavagiste. Notre III ème République géra un empire colonial d’une main de fer qui lui permit de puiser la chair à canon du premier conflit mondial. N’existe-t-il pas, par ailleurs, un peu partout en Europe, de nombreux royaumes démocratiques dont notre législateur républicain ferait bien, parfois, d’en prendre la graine ?

 

Je vous prie de croire, Madame, à l’assurance de mon total dévouement à la sauvegarde des libertés et des droits des patients, donc des droits de l’homme.