T R I B U N A L

D E   GRANDE

I N S T A N C E

D E     P A R I S

1ère chambre 3ème section

N°RG : 06/00880

                                                           JUGEMENT

                                                  rendu le 10 mars 2008

Assignation du 4 janvier 2006

PAIEMENT

DEMANDEURS

Monsieur Max X

Madame Y épouse X

Mademoiselle X

représentés par Me Francis ARRAGON, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE, vestiaire PN255

DÉFENDEURS

AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

Direction des Affaires Juridiques

Bâtiment Condorcet - Teledoc 353

6 rue Louise Weiss

75703 PARIS CEDEX 13

représenté par la SCP NORMAND-SARDA & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire P141

CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE PAUL GUIRAUD

54 avenue de la République

94800 VILLEJUIF

représenté par Me Jacques BAZIN (SELARL MOLAS ET ASSOCIES) avocats au barreau de PARIS, vestiaire L 205

VILLE DE VAUCRESSON, représentée par son Maire

Mairie de Vaucresson

8 Grande Rue

92420 VAUCRESSON

représentée par Me Christophe CABANES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A113

MINISTÈRE PUBLIC

Madame Pauline CABY, Vice-Procureur

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Florence LAGEMI, Vice-Président

Dominique LEFEBVRE-LIGNEUL, Vice-Président

Marie-Andrée BAUMANN, Vice-Président

GREFFIER

Yvette HURTAULT, lors des débats

Elisabeth AUBERT, lors du prononcé

DÉBATS

A l'audience du 8 janvier 2008 tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé en audience publique Contradictoire

En premier ressort

Sous la rédaction de Marie-Andrée BAUMANN

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Monsieur X, transporté par les services de police en fin de soirée du 5 septembre 2003 à l'occasion d'une garde à vue, aux urgences de l'hôpital Ambroise Paré, a été examiné par le docteur Agop KAHVEDJIAN, psychiatre de garde, qui a considéré par un certificat, établi le même jour, que l'état mental de ce dernier nécessitait une hospitalisation sous la contrainte dans les conditions des articles L.3213-2 et suivants du Code de la Santé Publique ; le médecin psychiatre mentionne l'intervention de la police "pour violence et menace de geste auto et/ou hétéro agressif par arme à feu, trouble dépressif avec prise d'alcool depuis plusieurs mois. Le patient banalise ses troubles, situation familiale complexe notamment avec sa fille ".

Les forces de police étaient intervenues au domicile de M. X alors que celui-ci avait tiré en l'air avec une arme à feu.

Le 6 septembre 2003, le maire de Vaucresson a pris un arrêté provisoire d'hospitalisation d'office de Monsieur X à l'Hôpital Paul Guiraud d'une durée de 48 heures au visa de l'avis médical de ce médecin des urgences psychiatriques de l'hôpital Ambroise Paré.

Le 6 septembre, Monsieur X a été admis à l'Hôpital Paul Guiraud sous le régime de l'hospitalisation d'office.

Le certificat médical dit de 24 heures du Docteur BARRIE- LANDI de l'Hôpital Paul Guiraud indique que l'hospitalisation d'office est à maintenir pour ce patient connu du service, hospitalisé à la suite de plusieurs passages à l'acte avec des armes dans une période courte de deux mois.

Le 8 septembre 2003, le préfet des Hauts de Seine a confirmé pour une durée d'un mois à compter du 6 septembre 2003 la mesure d'hospitalisation d'office de Monsieur X au CHS Paul Guiraud ; cette mesure a été maintenue pour une période de trois mois à compter du 6 octobre 2003 puis pour une période de six mois à compter du 6 janvier 2004 par arrêtés du préfet des Hauts de Seine en date des 2 octobre 2003 et 5 janvier 2004.

Monsieur X s'est vu accorder des sorties d'essai les 18 et 20 mai 2004 puis du 28 au 30 mai 2004.

Il a été mis fin à la mesure d'hospitalisation d'office de Monsieur X par arrêté préfectoral du 4 juin 2004, cet arrêté visant un certificat médical en date du 2 juin 2004 demandant à ce qu'il soit mis fin à la mesure d'hospitalisation d'office.

Au cours de son hospitalisation d'office, Monsieur X a sollicité du juge des libertés et de la détention de Créteil la mainlevée de la mesure d'hospitalisation d'office par une première requête en date du 4 décembre 2003. Le juge des libertés a d'abord ordonné le 31 décembre 2003 une expertise médicale de Monsieur X puis, après dépôt du rapport d'expertise, a ordonné le 6 février 2004 l'audition de l'épouse et de la fille du requérant et a enfin enjoint dans une dernière ordonnance du 30 avril 2004 dont Monsieur X a fait appel, que ces dernières communiquent les renseignements concernant leur propre situation médicale.

Un arrêt de la cour d'appel en date du 17 juin 2004 a annulé cette dernière ordonnance et a ordonné la mainlevée immédiate de la mesure d'hospitalisation d'office de Monsieur X, la cour retenant sur la recevabilité de l'appel que le premier juge avait manifestement excédé ses pouvoirs et violé un principe juridique fondamental et sur le fond que les médecins consultés avaient tous conclu que l'état de santé de l'intéressé ne relevait plus du régime de l'hospitalisation d'office.

Par assignation du 31 août 2004, Monsieur X a engagé une action en responsabilité de l'Etat pour faute lourde et déni de justice dans l'instruction par le juge des libertés et de la détention de sa demande de sortie judiciaire de l'Hôpital Paul Guiraud. Par jugement du 14 septembre 2005, l'Agent Judiciaire du Trésor a été condamné à verser à Monsieur X la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral consécutif au fonctionnement défectueux du service de la justice retenu par le tribunal pour la seule période du 30 mars au 4 juin 2004, outre celle de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

Estimant que son internement pendant neuf mois du 6 septembre 2003 au 4 juin 2004 a été abusif, Monsieur Max X ainsi que son épouse Madame Y épouse X et leur fille Mademoiselle X ont assigné par actes du 4 janvier 2006 Monsieur l'Agent Judiciaire du Trésor tant en sa qualité de représentant du préfet des Hauts de Seine qu'en sa qualité de représentant du préfet du Val de Marne, l'Hôpital Paul Guiraud et la Ville de VAUCRES SON représentée par son maire, en déclaration de responsabilité et en indemnisation des préjudices causés respectivement à chacun des demandeurs et consécutifs à l'internement considéré comme abusif.

Par ordonnance en date du 18 décembre 2006, le juge de la mise en état a déclaré le Tribunal de Grande Instance de Paris incompétent pour apprécier la régularité formelle de l'arrêté pris par le maire de la Ville de Vaucresson le 6 septembre 2003 et des arrêtés pris par le préfet des Hauts de Seine les 8 septembre 2003, 2 octobre 2003 et 5 janvier 2004, le juge de la mise en état déclarant par contre le Tribunal de Grande Instance compétent pour apprécier les autres chefs de demandes formées par les consorts X.

***

Dans leurs conclusions récapitulatives signifiées le 19 juin 2007, les consorts X demandent au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :

- Constater que les dispositions des articles 3, 5-1 à 5-5 et 8 de la convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, de l'article 55 de la constitution du 4 octobre 1958, des articles 9-1 à 9-5, 17-1 et 17-2 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 et de l'article 16 du Code Civil ont été méconnues,

- juger que cette méconnaissance a causé un préjudice tant à Monsieur Max X qu'à son épouse et à sa fille,

- condamner "solidairement" l'Agent Judiciaire du Trésor en sa qualité de représentant du Préfet des Hauts de Seine et du Préfet du Val de Marne, l'Hôpital Paul Guiraud et la Ville de Vaucresson à les indemniser du dommage consécutif à l'internement abusif de Monsieur X et à payer en conséquence :

- à Monsieur Max X, la somme de 1.088.191,22 euros à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudice confondues,

- à Madame X, la somme de 75.000 euros à titre de dommages-intérêts,

- à Mademoiselle X, la somme de 45.000 euros à titre de dommages-intérêts,

ces sommes portant intérêts de droit à compter du jour de la demande,

- à Monsieur Max X la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre le paiement des dépens.

A l'appui de leurs prétentions les consorts X font notamment valoir :

- que l'internement de Monsieur X décidé le 6 septembre 2003 sans qu'aucun événement ne soit intervenu depuis le 25 août précédent; ne se justifiait pas médicalement dès lors que le docteur LASCAR médecin psychiatre à l'Hôpital Paul Guiraud a estimé dès le 5 janvier 2004 qu'il devait être mis fin à cet internement, opinion qu'il a réitérée dans deux certificats qualifiés de "demande

d'abrogation de l'hospitalisation d'office" en dates des 1er avril et 3 mai 2004 et que les experts, désignés par le juge des libertés et de la détention, ont estimé le 25 janvier 2004 que l'état de Monsieur X ne relevait pas d'un placement en hôpital psychiatrique,

- que le maire de Vaucresson manquant à son obligation d'information telle qu'elle résulte des dispositions nationales et internationales, n'a pas notifié à Monsieur X l'arrêté municipal de placement sous le régime de l'hospitalisation d'office et a ainsi engagé sa responsabilité,

- que Monsieur X n'a reçu avant leur exécution aucune notification des arrêtés préfectoraux pris à son encontre, les préfets des Hauts de Seine et du Val de Marne ayant manqué ainsi à leur obligation légale d'information et engageant leur responsabilité de ce fait,

- que l'Hôpital Paul Guiraud a commis plusieurs fautes et les consorts X lui reprochent ainsi

alors même que les médecins établissaient des certificats tendant à solliciter l'abrogation du placement d'office, de ne pas avoir au moins attiré l'attention de l'autorité préfectorale sur la situation de l'intéressé, de ne pas s'être joint à la requête de Monsieur X devant le juge des libertés sur le fondement des articles L 3211-11 et suivants du Code de la Santé Publique et de lui avoir administré des traitements neuroleptiques inadaptés à son état sans l'informer des effets secondaires et sans recueillir son consentement, Monsieur X faisant valoir en outre qu'il a été hospitalisé dans des conditions indignes, privé de toutes visites et de tous contacts téléphoniques et qu'il n'a reçu aucune information de l'hôpital que ce soit sur les mesures prises administrativement à son encontre que sur son état de santé,

- que tant l'Hôpital Paul Guiraud et la ville de Vaucresson ont commis des voies de fait

- l'Hôpital Paul Guiraud en admettant Monsieur X sur le fondement d'un arrêté municipal non exécutoire en raison de son défaut de notification,

- la ville de Vaucresson en faisant exécuter un arrêté municipal non dûment exécutoire en l'absence de notification préalable à l'intéressé, une telle exécution étant gravement attentatoire à la liberté individuelle. Ils reprochent également à cette dernière d'avoir ordonné l'hospitalisation d'office provisoire de Monsieur X sur le fondement de l'article 3213-2 du Code de la Santé Publique au motif d'un trouble à l'ordre public ou à la sûreté des personnes sans référence à un trouble mental ou danger imminent alors que le Code de la Santé Publique ne donne au maire de tels pouvoirs qu'en cas de trouble mental avéré.

Sur le détail des préjudices dont l'indemnisation est sollicitée, il sera fait référence aux écritures des intéressés.

 

Dans ses conclusions signifiées le 22 août 2007, l'Agent Judiciaire du Trésor conclut au débouté des consorts X et sollicite leur condamnation à lui verser la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'au paiement des dépens.

L'Agent Judiciaire du Trésor, soulignant que Monsieur X a déjà sollicité l'indemnisation des mêmes préjudices professionnel, moral et matériel à l'occasion de l'instance qui a abouti au jugement du 14 septembre 2005, soutient à titre principal que l'hospitalisation d'office de Monsieur X était bien fondée, l'Agent Judiciaire du Trésor rappelant dans quel contexte de réitération de violences volontaires à l'encontre de son épouse et de menaces à l'encontre de sa femme et de sa fille, l'hospitalisation d'office de Monsieur X qui consommait de l'alcool, a été décidée puis maintenue, l'Agent Judiciaire du Trésor faisant état dans ses écritures de précédentes mesures d'hospitalisation d'office au cours du même été. Il rappelle la teneur des différents certificats médicaux faisant notamment état de la banalisation des faits par Monsieur X et invoque notamment les insuffisances des appréciations des experts psychiatres dans leur estimation de l'état mental de Monsieur X avant le 17 juin 2004, date de l'arrêt de la cour d'appel de Paris.

L'Agent Judiciaire du Trésor soutient que compte tenu des imprécisions successives des analyses du corps médical sur l'état de dangerosité potentielle de Monsieur X et du doute sérieux quant à l'état de dangerosité de ce dernier le préfet était fondé à maintenir l'hospitalisation d'office dès lors que Monsieur X s'était déjà montré particulièrement violent, sous l'effet de l'alcool, lors des crises survenues au cours du même été.

A titre subsidiaire, l'Agent Judiciaire du Trésor conteste les demandes d'indemnisation en soutenant que les demandeurs ne démontrent ni le caractère certain de leurs préjudices ni le lien de causalité avec le fait générateur du dommage.

 

Dans ses conclusions signifiées le let octobre 2007, le Centre Hospitalier Spécialisé Paul Guiraud demande au tribunal de :

* à titre principal,

- se déclarer incompétent au profit du Tribunal Administratif de Versailles pour statuer sur les conclusions tendant à ce que le tribunal se prononce sur la régularité de l'arrêté municipal de placement et des arrêtés préfectoraux de maintien de l'hospitalisation d'office de Monsieur X, l'hôpital contestant à cet égard que le juge judiciaire puisse apprécier la prétendue absence de notification de l'arrêté municipal du maire de Vaucresson et des arrêtés préfectoraux, = se déclarer incompétent au profit du Tribunal Administratif de Melun pour statuer sur les conclusions tendant à ce que le tribunal se prononce sur la responsabilité administrative de l'Hôpital Paul Guiraud dans l'organisation des soins,

* A titre subsidiaire au fond,

- Rejeter la requête des consorts X,

- juger que l'Etat et la Ville de Vaucresson devront garantir l'Hôpital Paul Guiraud de toutes condamnations qui pourraient être mises à sa charge,

- condamner Monsieur et Madame X au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre le paiement des dépens.

Sur le fond, l'Hôpital Paul Guiraud observe notamment que :

- Monsieur X n'apporte aucun élément de preuve pour justifier qu'il lui aurait été prescrit un traitement inadapté et souligne que compte tenu du mode d'admission sous contrainte, il peut difficilement être exigé l'entier consentement au traitement thérapeutique,

- Monsieur X ne rapporte aucun élément permettant de prouver que l'hôpital n'aurait pas respecté les dispositions de l'article L.1111-2' du Code de la Santé Publique relatives au droit d'information,

- Monsieur X ne peut valablement reprocher à l'hôpital d'avoir été mis en contact avec d'autres malades, contact qui découle de l'organisation des soins en milieu psychiatrique,

- Monsieur X a été autorisé dès le 1er octobre 2003 à téléphoner et dès le 15 décembre 2003 à sortir accompagné, le concluant insistant sur le fait que Monsieur X a, notamment dans un courrier du 19 avril 2004, exprimé sa reconnaissance aux médecins quant à la qualité des soins qui lui ont été apportés,

- le défaut de notification des arrêtés tel qu'allégué par les demandeurs ne saurait constituer une voie de fait dès lors que l'admission de Monsieur X à l'Hôpital Paul Guiraud a été faite au vu d'un arrêté du maire puis au vu des arrêtés du préfet qui se rattachent bien évidemment à un pouvoir leur appartenant,

- l'arrêté municipal à le supposer non notifié par le maire, reste exécutoire de plein droit et en conséquence il ne peut être né un quelconque préjudice du fait de l'absence de notification, l'Hôpital Paul Guiraud soulignant qu'en outre il ne dispose pas de la possibilité de refuser l'hospitalisation d'office du patient,

- le préfet des Hauts de Seine compte tenu du domicile de Monsieur X était compétent pour prononcer l'hospitalisation d'office de ce dernier,

- l'Hôpital Paul Guiraud a garanti à Monsieur X le respect de ses droits dès lors qu'il a pu exercer régulièrement un recours devant le juge des libertés et de la détention et saisir le Tribunal Administratif,

- l'Hôpital Paul Guiraud a mis en œuvre l'ensemble des moyens juridiques que la loi met à sa disposition pour faire cesser l'hospitalisation d'office de Monsieur X à compter du mois de novembre 2003 en demandant tous les mois, jusqu'en juin 2004, l'abrogation de l'hospitalisation d'office et en interpellant la commission départementale de l'hospitalisation psychiatrique ainsi que les DDASS des Hauts de Seine et du Val de Marne ; l'Hôpital Paul Guiraud souligne que la direction de l'hôpital a d'ailleurs saisi le préfet le 14 janvier 2004 pour lui signaler que son arrêté pris en contrariété avec le dernier certificat du docteur LASCAR en date du 5 janvier 2004, ne lui paraissait pas conforme à la légalité.

Enfin, encore plus subsidiairement, l'Hôpital Paul Guiraud conteste les préjudices allégués.

Dans ses conclusions signifiées le 9 juin 2006, la Ville de Vaucresson représentée par son maire soutient que les consorts X sont irrecevables et en tout cas mal fondés dans l'ensemble de leurs prétentions et demande par conséquent au tribunal de les en débouter.

Pour le cas où elle serait condamnée, la ville de Vaucresson sollicite la condamnation de l'Etat et de l'Hôpital Paul Guiraud à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être mises à sa charge. Elle sollicite enfin la condamnation in solidum des demandeurs à lui verser la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile outre le paiement des dépens.

Le maire rappelle dans quelles circonstances a été pris l'arrêté provisoire d'hospitalisation d'office d'une durée de 48 heures afin de garantir la sécurité des personnes compte tenu des précédents incidents de violence causés par Monsieur X qui avaient eu lieu au cours de l'été 2003 et qui avaient donné lieu à l'établissement de mains courantes enregistrées au commissariat de Saint Cloud les 1er juillet, 20 et 25 août 2003, soulignant qu'il était de notoriété publique que Monsieur X avait un comportement violent à l'endroit de son épouse. Il rappelle que l'arrêté vise expressément l'avis d'un médecin psychiatre en date du 6 septembre 2003 et soutient que sa décision s'inscrit ainsi dans le cadre des dispositions de l'article L 3213-2 du Code de la Santé Publique.

Le maire soutient en outre que les critiques sur le fait que l'arrêté municipal se réfère à un certificat médical n'attestant pas de l'existence d'un état d'aliénation constituant un danger imminent pour l'ordre public sont vaines puisque la seule notoriété publique suffit à prendre un arrêté provisoire d'hospitalisation d'office.

Sur le défaut d'information, il est soutenu que Monsieur X ne rapporte pas la preuve qu'il n'a pas été informé de la mesure provisoire prise à son endroit, observant qu'en tout état de cause l'absence prétendue d'information est sans influence sur la légalité de l'acte.

Il observe enfin que si la durée de l'hospitalisation provisoire s'est prolongée au-delà des 48 heures, la ville de Vaucresson ne peut en être tenue pour responsable et qu'en conséquence l'Etat et l'Hôpital Paul Guiraud doivent la garantir si le tribunal considérait que l'arrêté provisoire a concouru à créer un préjudice aux demandeurs.

Le Ministère Public n'a pas signifié d'autres conclusions que les écritures du 10 novembre 2006 relatives à l'incident d'incompétence.

L'ordonnance de clôture est en date du 26 novembre 2007.

MOTIFS

Il sera souligné en préalable que conformément aux dispositions de l'article 771 du Code de Procédure Civile, l'exception d'incompétence soulevée dans ses dernières conclusions par l'Hôpital Paul Guiraud et déjà soulevée dans ses conclusions signifiées le 11 octobre 2006 par lesquelles il concluait devant le juge de la mise en état à l'incompétence de ce tribunal pour statuer tant sur la légalité des actes administratifs que sur sa responsabilité du fait de l'organisation des soins, a été tranchée, dans une ordonnance du 18 décembre 2006, par le juge de la mise en état dont la compétence est exclusive ; les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur les exceptions de procédure ont autorité de la chose jugée au principal en application de l'article 775 du Code de Procédure Civile.

Le juge de la mise en état n'a exclu la compétence du Tribunal de Grande Instance que pour apprécier la régularité formelle des différents arrêtés pris à l'encontre de Monsieur X, retenant par contre la compétence du tribunal judiciaire, gardien des libertés individuelles, pour apprécier la nécessité et le bien fondé des mesures d'internement, la responsabilité de la ville de Vaucresson et de l'Agent Judiciaire du Trésor quant au défaut de notification des actes ainsi que la responsabilité de l'Hôpital Paul Guiraud au motif que les griefs qui lui sont opposés sont relatifs aux libertés individuelles.

Le tribunal n'a donc plus à trancher l'exception d'incompétence de nouveau développée par l'Hôpital Paul Guiraud dont la demande à ce titre est irrecevable.

Sur l'arrêté municipal du 6 septembre 2003 :

Les demandeurs considèrent que la ville de Vaucresson a commis une voie de fait en ordonnant l'hospitalisation d'office provisoire de Monsieur X sur le fondement de l'article L 3213-2 du Code de la Santé Publique alors même que le péril imminent était inexistant, cet arrêté étant pris sans référence à un quelconque trouble mental avéré.

Il incombe au juge judiciaire de rechercher si l'arrêté municipal était effectivement justifié au regard des conditions posées par l'article L 3213-2 du Code de la Santé Publique qui prévoit que :

En cas de danger imminent pour la santé des personnes, attesté par un avis médical ou à défaut par la notoriété publique, le maire (..) arrête, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires à charge d'en référer dans les vingt quatre heures au représentant de l'État(...)

Cet arrêté a été pris au vu de l'avis du médecin des urgences psychiatriques de l'hôpital Ambroise Paré en date du 5 septembre 2003, la date du 6 septembre étant mentionnée par une erreur purement matérielle dans l'arrêté, pour considérer que l'état de santé de Monsieur X présentait des troubles susceptibles de compromettre la sûreté des personnes.

Il sera rappelé que ce certificat du médecin psychiatre qui indique avoir examiné Monsieur X alors qu'il lui était présenté par les services de police dans le cadre d'une mesure de garde à vue souligne que ces services sont intervenus pour "violence et menace de geste auto et/ou hétéro agressif par arme à feu. Trouble dépressif avec prise d'alcool depuis plusieurs mois. Le patient banalise ses troubles. Situation familiale complexe notamment avec sa fille ".

L'avis de ce médecin qui complète ce certificat et qui y est joint, en pièce numéro 1 de l'Agent Judiciaire du Trésor, avis dont le maire a eu connaissance, relève qu'il s'agit d'un "geste hétéro-agressif (a tiré avec une arme à feu en l'air) suite à un conflit avec sa fille et son épouse. Il s'agit du 3ème geste médico-légal en l'espace d'un mois et demi. Notion d'alcoolisme chronique. Déjà suivi par un psychiatre de ville depuis trois ans pour état dépressif Trouve l'intervention de la police excessive devant la banalité du geste. Situation familiale complexe (..) Lui-même a des troubles du sommeil depuis un an et est d'humeur dépressive. Déclare que son geste n'était dirigé ni contre lui ni contre sa fille. Par ailleurs il n'aurait pas d'idées suicidaires. Devant la répétition des actes médico-légaux une HO s'impose pour une réévaluation des soins, le psychiatre diagnostiquant un trouble dépressif récurrent ".

Il doit être souligné que Monsieur X ne conteste pas ces violences répétées au cours de l'été 2003 et qu'il ne conteste pas davantage avoir subi précédemment à l'hospitalisation d'office du 5 septembre 2003 au moins une autre hospitalisation en psychiatrie au cours de l'été 2003. Il a en effet indiqué aux experts lors de l'examen ordonné par le juge des libertés et de la détention le 31 décembre 2003 que, conformément aux données recueillies dans son dossier médical sur lequel les experts ont relevé une hospitalisation le 8 août 2003 après un probable geste hétéro agressif à l'égard de sa femme et une notion de prise d'alcool depuis plusieurs mois, c'était effectivement "la deuxième fois qu'il était hospitalisé et qu'au mois d'août i1 s'était livré à des brutalités alors qu'au début du mois de septembre il avait tiré un coup de revolver dans le plafond après avoir bu un verre de vodka".

Le maire avait en outre connaissance des faits de violence pour lesquels Monsieur X venait de comparaître le 27 août 2003 devant le tribunal correctionnel, faits de violence contre son épouse et notamment des violences avec un couteau, en date du 25 août, étant souligné que la garde à vue au cours de laquelle l'intéressé a été conduit à l'hôpital Ambroise Paré résultait non pas, comme il l'indique dans ces écritures, de ces faits du 25 août, objet de la procédure correctionnelle mais du coup de feu tiré à son domicile le 5 septembre.

Ainsi, compte tenu de la répétition sur une période très courte par Monsieur X, atteint depuis plusieurs années de troubles dépressifs, de ces faits de violences caractérisées, violences d'autant plus préoccupantes que l'intéressé banalisait ses troubles et qu'il s'y ajoutait un comportement de consommation excessive d'alcool que Monsieur X a lui-même indiqué n'avoir cessé qu'en août 2004 ainsi qu'il ressort du rapport du docteur PAGLIUZZA en date du 9 mai 2005, l'arrêté municipal d'internement provisoire était bien fondé.

La responsabilité de la Ville de Vaucresson ne saurait être engagée de ce chef.

 

Sur le bien fondé des arrêtés préfectoraux :

Les demandeurs font valoir que l'internement de Monsieur X n'était pas médicalement justifié et sollicitent l'indemnisation du préjudice subi en conséquence de cette hospitalisation d'office pendant 9 mois.

Le principe de l'indemnisation d'un tel préjudice que le demandeur dit avoir subi depuis l'origine de son placement ne peut être accueilli que s'il est établi que les arrêtés préfectoraux en dates des 8 septembre 2003, 2 octobre 2003 et 5 janvier 2004 qui se sont succédé pour ordonner et maintenir l'hospitalisation d'office de Monsieur X étaient médicalement injustifiés, l'autorité préfectorale engageant seulement en ce cas sa responsabilité.

Selon l'article L 3213-1 du Code de la Santé Publique applicable en l'espèce, les représentants de l 'État prononcent par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié, l'hospitalisation d'office dans un établissement mentionné à l'article L 3222-1 des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public(...).

Le premier arrêté en date du 8 septembre 2003, au visa du certificat médical initial en date du 5 septembre 2003, considère que le maintien de l'hospitalisation en milieu spécialisé pour une durée d'un mois à compter du 6 septembre 2003 est nécessaire dès lors qu' "il résulte de ce document que ce patient présente des troubles du comportement susceptibles de compromettre la sûreté des personnes se manifestant par : patient amené par la police suite à une garde à vue, intervention pour violence et menace de geste auto et hétéro-agressif par arme à feu, le patient banalise ses troubles".

Il doit être souligné qu'à cette date il ressortait également du certificat de 24 heures établi par le docteur BARRIE- LANDI de l'Hôpital Paul Guiraud que Monsieur X "était connu du service, hospitalisé à la suite de plusieurs passages à l'acte avec des armes dans une période courte de deux mois. Patient calme cohérent dans un discours digressif et de banalisation de ses agissements. Dans un contexte de difficultés familiales et professionnelles. Rationalisation, banalisation et discours projectif.

Hospitalisation en HO à maintenir pour évaluation diagnostique et thérapeutique et évitement d'un nouvel épisode d'auto ou hétéro-agressivité."

Le deuxième arrêté en date du 2 octobre 2003 pris au visa d'un certificat médical du même jour du Docteur LE COZ qui reprend en grande partie les termes précités, considère également comme nécessaire le maintien de Monsieur X sous le régime de l'hospitalisation d'office pour trois mois à compter du 6 octobre 2003, en relevant que "ce patient présente des troubles se manifestant par : hospitalisé d'office après intervention des forces de police à son domicile (a tiré en l'air avec une arme à feu) dans un contexte conflictuel avec sa fille. Il s'agit du troisième geste médico-légal en l'espace d'un mois et demi. Notion d'alcoolisme chronique. Il a toujours tendance à banaliser ses gestes et à considérer que l'intervention de la police est excessive : son geste n'étant dirigé ni contre lui, ni contre sa fille. Lors des entretiens, il est calme, alternant attitudes de prestance et d'obséquiosité. Les propos sont toujours projectifs et le discours interprétatif. Il considère que l'alcoolisme de sa femme est responsable de la dégradation du climat familial. Il met en avant que l'admission de celle-ci, dans les jours prochains, à l'hôpital de Saint Cloud pour désintoxication, pourrait calmer l'ambiance familiale et diminuer sa propre agressivité. Etat clinique stable, sans évolution notable, notamment en ce qui concerne la prise de conscience de la gravité de ses actes ".

Ces deux arrêtés au regard des dispositions susvisées, compte tenu des troubles présentés par Monsieur X, du contexte de répétition des comportements violents dans lequel s'inscrit le dernier acte du 5 septembre qui a conduit à l'internement de Monsieur X dont le comportement au 2 octobre restait stable notamment, sans prise de conscience de la gravité de ses actes, ce qui était particulièrement préoccupant pour la sécurité des personnes, étaient en conséquence médicalement justifiés ; la responsabilité du préfet des Hauts de Seine représenté par l'Agent Judiciaire du Trésor ne saurait donc être engagée de ce chef.

Le dernier arrêté en date du 5 janvier 2004 qui maintient encore pour 6 mois à compter du 6 janvier 2004 l'hospitalisation d'office de Monsieur Max X au visa d'un certificat médical en date du 5 janvier 2004 indique quant à lui : "il résulte de ce document que ce patient présente des troubles se manifestant par : il a été entendu le 30/12/2003 au TGI de Créteil par le juge de la liberté et de la détention. La nomination de deux experts a été décidée. Cette décision a réactivé un état anxieux et un sentiment d'injustice. Il convient de maintenir la mesure d'hospitalisation dans l'attente de la décision du juge qui statuera sur la demande de mise en liberté au vu des rapports des experts ou fixation ultérieure dans l'hypothèse où ces rapports n'auraient pas été déposés à la date du renvoi de l'affaire le 27/01/2004 et que cet état rend nécessaire son maintien en hospitalisation d'office ".

Cependant, à la lecture de ce certificat médical en date du 5 janvier 2004, il apparaît que le médecin psychiatre entendait demander "l'abrogation de l 'HO " comme il le mentionne en tête de ce document et comme il l'a d'ailleurs confirmé dans un certificat postérieur du 4 février 2004. S'il est effectivement mentionné que la décision du juge des libertés et de la détention qui a nommé deux experts pour examiner Monsieur X dans le cadre du recours qu'il avait diligenté en application de l'article L 3211-12 du Code de la Santé Publique, a réactivé un état anxieux et un sentiment d'injustice, il ne pouvait en être pour autant déduit par le préfet que le maintien du placement de Monsieur X sous le régime de l'hospitalisation d'office se justifiait dès lors que, d'une part, ce certificat mentionne que "ce patient est suivi de longue date par un psychiatre et un psychothérapeute et qu'il s'est montré compliant aux soins. La poursuite de l'HO n'a aucune valeur thérapeutique et nous demandons l'abrogation " et que d'autre part, l'anxiété et le sentiment d'injustice ressentis par Monsieur X et évoqués par l'expert n'induisent nullement la dangerosité du comportement de ce dernier.

De plus, ce certificat ne relevait plus l'attitude de déni des faits et de banalisation, de leurs conséquences, éléments particulièrement préoccupants au vu de la nature des actes itératifs de violence du demandeur et qui étaient encore mentionnés sur le certificat du 3 novembre 2003.

Ainsi, il doit être jugé qu'à compter du 6 janvier 2004, la mesure d'internement s'est révélée médicalement injustifiée.

Son maintien du 6 janvier 2004 au 4 juin 2004, attentatoire à la liberté de Monsieur X, est fautif dès lors que les divers avis médicaux de spécialistes intervenus après le 6 janvier 2004 ne permettent pas davantage de justifier de la poursuite de cette hospitalisation d'office ; les différents médecins psychiatres, dans des avis concordants, ont souligné au contraire que le placement de Monsieur X sous le régime de l'hospitalisation d'office n'était plus justifié.

Ainsi, le rapport d'expertise des docteurs MAHE et DUBEC dont il n'est pas contesté que le préfet des Hauts de Seine a été destinataire, particulièrement clair quant à l'inutilité de l'hospitalisation d'office et établi après que les psychiatres aient consulté le dossier médical de Monsieur X et examiné ce dernier, précise qu'en janvier 2004 "l'humeur (de Monsieur X qui ne semblait) ni dépressif ni excité (apparaissait) stable, sa pensée logique sans bizarrerie, sans discontinuité (sans que l'on ne retrouve d'élément) d'une pathologie psychotique en évolution".

Monsieur X n'apparaissait pas alors violent, les experts concluant que son placement ne relevait plus d'un placement en "HO". Les experts ont effectivement souligné sans que cette phrase ne soit en contradiction avec le surplus de leur analyse que "toute récidive de violence en état alcoolique aigu resterait de la seule responsabilité " de Monsieur X, ce qui démontrait que ce dernier avait pris conscience de la gravité de ses actes et des conséquences notamment des abus de toute consommation excessive d'alcool.

Le certificat circonstancié du Docteur LASKAR en date du 1 e` avril 2004 relevait aussi que Monsieur X reconnaissait la gravité de ses actes et la nécessité d'un suivi psychologique.

En outre dès le 14 janvier 2004 1a direction de l'Hôpital Paul Guiraud a attiré l'attention du préfet sur la situation de Monsieur X en rappelant le certificat du docteur LASKAR en date du 5 janvier 2004, en insistant sur l'inadaptation selon ce médecin du maintien de la mesure de placement d'office et en sollicitant enfin que les droits du patient soient respectés.

Enfin, les sorties d'essai qui ont eu lieu au mois de mai 2004, se sont déroulées sans aucun incident.

L'Agent Judiciaire du Trésor ne peut utilement relever l'absence de décision du juge de la détention et des libertés sur la mesure privative de liberté face à ce que ce dernier a qualifié de manquements expertaux, absence de décision d'ailleurs judiciairement sanctionnée, alors qu'il lui appartenait au premier chef, pour maintenir l'hospitalisation d'office, d'apprécier si les conditions de fond légalement prescrites étaient réunies, ce qui n'était plus le cas à compter du 6 janvier 2004.

L'arrêté du 5 janvier 2004 qui a ordonné une mesure privative de liberté n'était donc plus médicalement justifié ce qui est constitutif d'une violation tant de l'article 3213-1 du Code de la Santé Publique que de l'article 5-1 de la convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et de l'article 9-1 du Pacte International du 19 décembre 1966.

Le préfet des Hauts de Seine a donc commis une faute qui engage la responsabilité de l'Etat représenté par l'Agent Judiciaire du Trésor.

 

Sur la notification des arrêtés :

S'agissant de l'arrêté municipal dont le demandeur soutient qu'il a été irrégulièrement mis à exécution dès lors qu'il ne lui a pas été notifié préalablement à son exécution, la commune de Vaucresson était tenue de notifier sa décision d'internement à Monsieur X en application des dispositions nationales et plus particulièrement de l'article L 2131-1 du code général des collectivités territoriales dont la ville de Vaucresson ne conteste pas l'application et qui prévoit que les arrêtés du maire sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur notification aux intéressés par voie de notification individuelle lorsqu'ils ne se rapportent pas à des dispositions générales. Cette obligation s'imposait en outre à la ville de Vaucresson en application des textes internationaux, à savoir l'article 5-2 de la convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, selon lequel, toute personne arrêtée doit être informée dans le plus court délai des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle, et de l'article 9-2 du pacte international de New York du 19 décembre 1966 ratifié par la France le 29 janvier 1981 qui précise que tout individu arrêté sera informé au moment de son arrestation des raisons de celle-ci et recevra notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre lui.

Il n'est produit en l'espèce aucune preuve de ce que l'arrêté municipal du 6 septembre 2003 a été porté à la connaissance de Monsieur X avant son exécution, la commune de Vaucresson ne pouvant valablement renverser la charge de la preuve et exiger de Monsieur X l'exigence d'une preuve négative en alléguant que ce dernier ne justifierait pas qu'il n' a pas été régulièrement informé.

En s'abstenant de porter à la connaissance du demandeur les motifs de la mesure d'internement prise à son encontre, le maire de VAUCRESSON auquel incombait la notification de cette décision a manqué à son obligation d'information, sans que toutefois l'exécution d'un tel acte, même non notifié, ne puisse constituer une voie de fait, l'absence de notification d'un arrêté provisoire étant sans influence sur sa légalité, étant rappelé qu'en l'espèce le maire de Vaucresson a exercé son pouvoir d'internement provisoire conformément aux dispositions légales qui l'autorisaient à prendre cette décision.

Les dispositions de l'article 8 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 relative aux relations entre l'administration et le public qui prévoient que toute décision individuelle prise au nom de l'Etat doit être notifiée à la personne qui en fait l'objet ainsi que les dispositions susvisées de la convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et du pacte International de New York faisaient de même obligation au préfet des Hauts de Seine qui a pris les arrêtés préfectoraux litigieux de notifier ces décisions à Monsieur X.

Il n'est apporté aucune preuve par l'autorité à laquelle incombait cette obligation d'information de ce que ces arrêtés en date des 8 septembre 2003, 2 octobre 2003 et 5 janvier 2004 aient été portés à la connaissance de Monsieur X avant leur exécution.

S'il est exact que le défaut de notification de ces arrêtés successifs est sans incidence sur la validité de ces actes administratifs, il n'en demeure pas moins qu'en s'étant abstenu de porter à la connaissance de Monsieur X les motifs des mesures prises à son encontre et les voies de recours à sa disposition, le préfet des Hauts de Seine a failli à son obligation d'information telle qu'elle résulte des textes applicables. Il ne peut par contre être valablement reproché une faute à cet égard à l'encontre du préfet du Val de Marne, comme le prétendent les demandeurs, dès lors qu'il n'est pas à l'origine des arrêtés litigieux.

La responsabilité de l'Agent judiciaire en sa qualité de représentant du préfet des Hauts de Seine est donc engagée et il doit répondre des conséquences de ces manquements.

 

Sur la responsabilité de l'Hôpital Paul Guiraud :

 

Il est reproché plusieurs fautes à l'Hôpital Paul Guiraud, les demandeurs soutenant en outre que l'admission provisoire de Monsieur X au sein de cet hôpital sur le fondement d'un arrêté municipal non exécutoire, par défaut de notification, constitue une voie de fait.

L'absence de notification de l'arrêté municipal de placement provisoire pour 48 heures est sans incidence sur la validité de la décision administrative intervenue dans les conditions légalement prévues ; en conséquence, l'admission provisoire de Monsieur X à l'Hôpital Paul Guiraud sur le fondement de cet arrêté municipal, même non notifié à Monsieur X dès lors qu'il se rattache à un pouvoir appartenant au maire, ne saurait constituer une voie de fait.

Il n'en demeure pas moins que l'Hôpital Paul Guiraud est tenu d'un devoir d'information à l'égard de ses patients.

En effet l'alinéa 2 de l'article L 3211-3 prévoit que le patient est "informé dès l'admission de sa situation juridique et de ses droits" tandis qu'il se déduit de l'article L 3211-12 que c'est au directeur de l'établissement dans lequel la personne est hospitalisée qu'il incombe de l'informer de la faculté dont elle dispose de se pourvoir pas simple requête devant le juge des libertés et de la détention du lieu de situation de l'établissement.

Ainsi, il incombait à l'Hôpital Paul Guiraud de s'assurer que Monsieur X avait été régulièrement informé de ses droits, non seulement quant à l'arrêté municipal de placement et des voies de recours dont il disposait, ce qu'il ne démontre pas avoir fait, aucun recours n'ayant d'ailleurs été exercé à l'encontre de l'arrêté municipal mais encore sur la faculté de recours de Monsieur X devant le juge des libertés et de la détention, ce recours n'ayant été effectué que par requête du 4 décembre 2003.

En conséquence, en l'absence de justification de ce que Monsieur Max X a reçu l'information précitée dès le début de son internement à l'Hôpital Paul Guiraud, ce dernier doit répondre des conséquences de ce manquement.

Monsieur X reproche ensuite à l'Hôpital Paul Guiraud de lui avoir administré des traitements neuroleptiques inadaptés à son état sans recueillir son consentement et sans qu'il n'ait été informé des effets secondaires.

Il n'est pas démontré par le demandeur le préjudice qui serait résulté de ce traitement dont il affirme qu'il était inapproprié sans nullement en justifier alors même que précisément ce traitement a permis une amélioration de son état puisqu'en janvier 2004 les experts pouvaient relever qu'il était d'humeur stable, sans troubles dépressifs ni excitation, étant au surplus rappelé que l'établissement accueillant des patients sans leur consentement à raison des troubles mentaux qu'ils présentent est tenu de leur dispenser les soins nécessités par leur état et approprié à celui-ci.

Aucune responsabilité de l'Hôpital Paul Guiraud ne saurait donc être engagée de ce chef.

Le demandeur ne saurait davantage reprocher à l'hôpital d'avoir été au contact des autres malades alors précisément que cette organisation résulte de l'organisation normale des soins psychiatriques au sein d'un établissement hospitalier.

Si Monsieur X a été effectivement privé les premières semaines de contacts téléphoniques avec sa famille, cette mesure, décidée jusqu'au 1er octobre 2003 dans le cadre du suivi thérapeutique mis en place par le médecin sous le régime de l'hospitalisation sous contrainte qui était médicalement justifiée jusqu'au 5 janvier 2004, ne saurait engager la responsabilité de l'Hôpital Paul Guiraud.

Enfin, Monsieur X ne peut valablement reprocher à l'Hôpital Paul Guiraud de ne pas avoir attiré l'attention de l'autorité préfectorale sur sa situation et de ne pas s'être joint à sa requête devant le juge des libertés et de la détention ; sur ce dernier point il n'est en effet pas prévu par les dispositions de l'article L 3211-12 comme le souligne l'Hôpital Paul Guiraud que la direction de l'hôpital puisse intervenir aux côtés du patient hospitalisé et aucun manquement ne saurait être reproché à l'Hôpital Paul Guiraud à cet égard.

Il convient de souligner que dès le 14 janvier 2004 alors même que le dernier arrêté préfectoral venait de maintenir la décision d'hospitalisation d'office pour six mois, la direction de l'Hôpital Paul Guiraud en la personne de Madame ARONDEAU directrice de l'hospitalisation, de la qualité et de la communication a saisi le préfet des Hauts de Seine pour souligner que le certificat du docteur LASKAR qui demandait le 5 janvier 2004 l'abrogation de l'hospitalisation d'office de Monsieur X, ne pouvait justifier le maintien de cette mesure, la direction de l'Hôpital Paul Guiraud par ce même courrier insistant pour que les droits du patient soient bien respectés. De plus Madame ARONDEAU a transmis une copie de ce courrier à la commission départementale des hospitalisations psychiatriques.

Le docteur LASKAR, dans les certificats mensuellement adressés à l'autorité préfectorale et signés par la direction de l'Hôpital Paul Guiraud, a ensuite sollicité sans discontinuer l'abrogation de la mesure d'hospitalisation d'office.

Il ne peut donc être valablement reproché à l'Hôpital Paul Guiraud de ne pas s'être mobilisé pour faire connaître à l'autorité préfectorale son avis négatif sur le maintien de l'hospitalisation d'office. Sa responsabilité ne saurait donc être engagée à ce titre.

 

Sur les préjudices :

Les préjudices de Monsieur X

En réparation du préjudice moral résultant pour Monsieur X du défaut de notification de l'arrêté municipal de placement provisoire par la ville de Vaucresson, il sera alloué à ce dernier la somme de 1.500 euros en tenant compte du fait que cette décision de placement provisoire était médicalement justifiée.

En réparation du préjudice moral résultant pour Monsieur X de l'absence d'information sur ses droits par l'Hôpital Paul Guiraud, il sera alloué à ce dernier une somme de 1.500 euros, pour le même motif.

Ces condamnations seront supportées respectivement par la Ville de Vaucresson et l'Hôpital Paul Guiraud sans que ceux ci ne puissent exercer une action en garantie, cette condamnation résultant d'un manquement à une obligation leur incombant exclusivement.

Il résulte sans contestation sérieuse du maintien de la mesure de placement d'office non médicalement justifiée du 6 janvier 2004 au 4 juin 2004, un préjudice moral pour Monsieur X, distinct du préjudice moral réparé par le jugement de ce tribunal en date du 14 septembre 2005 et qui tenait au fait d'attendre une décision de mainlevée immédiate d'un placement en raison d'un fonctionnement défectueux de l'institution judiciaire.

Le défaut de notification des arrêtés préfectoraux et le maintien de la mesure privative de liberté non médicalement justifiée pendant cinq mois, à l'origine d'une souffrance morale ayant nécessairement eu des conséquences sur les relations familiales et sociales de Monsieur X, seront justement indemnisés par l'allocation de la somme de 50.000 euros.

L'Agent Judiciaire du Trésor en sa qualité de représentant du préfet des Hauts de Seine seul à l'origine du maintien abusif de cette hospitalisation sera condamné au paiement de cette somme.

S'agissant du préjudice professionnel allégué par le demandeur, il ressort des pièces produites que c'est le 31 décembre 2003 que l'épouse de Monsieur X, agissant en qualité de représentant légal des deux sociétés à responsabilité limitée qui avaient une activité de conseil et que le demandeur a déclaré animer, a déposé au greffe du tribunal de commerce de Paris deux déclarations de cessation des paiements, étant souligné qu'il était sollicité dans cette déclaration la liquidation judiciaire de ces sociétés au motif qu'un redressement était d'ores et déjà impossible ; le préjudice professionnel qui en est résulté pour Monsieur X trouve donc son origine antérieurement à la décision de maintien jugée abusive et ne saurait donc être imputé à l' Etat.

D'ailleurs il résulte des propres écritures des demandeurs qu'avant même son hospitalisation d'office à l'Hôpital Paul Guiraud, Monsieur X rencontrait des difficultés professionnelles consécutives à un redressement fiscal discuté, celui-ci ayant notamment versé aux débats le justificatif d'un très important redressement fiscal intervenu le 13 mars 2000 pour une imposition insuffisante concernant la taxe professionnelle relative aux années 1997 à 2000. Monsieur X n'a pas produit les résultats des sociétés qu'il indiquait animer pour les années 2001 et 2002, ne permettant pas ainsi au tribunal d'apprécier la nature de leurs résultats.

Le préjudice professionnel subi par Monsieur X en raison de la liquidation de ses sociétés ne peut donc être imputé à la poursuite de la mesure d'hospitalisation d'office jugée abusive à compter du 6 janvier 2004.

S'agissant du préjudice matériel qui est invoqué en dernier lieu, il n'est pas démontré par le demandeur ni que la vente de sa maison intervenue dans le cadre d'une promesse de vente signée le 23 février 2004 ait été imposée en raison du maintien de la mesure d'hospitalisation d'office ni que cette vente ait été réalisée dans des conditions désavantageuses alors même que Monsieur X connaissait avant janvier 2004 d'importantes difficultés personnelles et professionnelles ; dès lors, aucune somme ne saurait être imputée à l'Etat représenté par l'Agent Judiciaire du Trésor à ce titre pas plus qu'au titre des frais de déménagement et de nouvel emménagement exposés à la suite de la vente de cette maison.

Monsieur X sollicite en outre le remboursement de la somme de 3191,22 euros au titre des frais d'hospitalisation ; s'il justifie du paiement de cette somme le 25 avril 2005 sur saisie attribution en date du 11 mars 2005 et s'il indique également que cette somme ne lui sera pas remboursée par sa mutuelle, le paiement de cette somme ne saurait en être imputé à l'Agent Judiciaire du Trésor dès lors qu'il ressort de l'attestation de paiement produite en pièce 75 par Monsieur X que la somme payée le 25 avril 2005 correspond à des soins du 6 septembre au 31 décembre 2003, période antérieure à l'arrêté préfectoral jugé injustifié.

Monsieur X sera donc débouté de toute demande à cet égard.

Enfin, les frais occasionnés par la défense de Monsieur X à l'occasion des différentes procédures qu'il a engagées tant devant le juge des libertés et de la détention que devant la cour d'appel de Paris et devant ce tribunal dans le cadre de son indemnisation du fait d'un dysfonctionnement de la justice correspondent aux frais irrépétibles examinés dans le cadre de chacune de ces procédures et ne sauraient donner lieu à indemnisation dans le cadre de la présente instance.

 

Les préjudices de Madame X et Mademoiselle X

Le préjudice allégué en premier lieu par les demanderesses et résultant de l'atteinte à leur vie privée qu'elles ont subie en raison de l'obligation qui leur a été faite de produire une partie de leurs propres dossiers médicaux, résulte directement de la décision du juge des libertés et de la détention en date du 30 mars 2004 ; ce préjudice ne saurait donc donner lieu à indemnisation dans le cadre de la présente instance puisqu'il ne peut résulter le cas échéant que d'un dysfonctionnement de la justice imputable à l'Etat représenté par l'Agent Judiciaire du Trésor sans qu'il ne puisse être imputé à l'Agent Judiciaire du Trésor mis en cause dans la présente instance en qualité de représentant de l'autorité préfectorale.

S'il est exact comme le souligne l'Agent Judiciaire du Trésor que Madame X comme sa fille connaissaient, préalablement à la décision litigieuse, des difficultés certaines d'ordre psychologiques notamment, il n'en demeure pas moins que la persistance injustifié pendant cinq mois de l'hospitalisation d'office de Monsieur X leur a causé un préjudice moral et a contribué à retarder la reprise des relations au sein de cette famille particulièrement fragilisée, étant souligné que Mademoiselle X, âgée de 19 ans au moment de cette hospitalisation d'office de son père, vivait et vit encore au domicile de ses parents.

L'Agent Judiciaire du Trésor sera condamné à verser à chacune une somme de 10.000 euros en réparation de leur préjudice moral.

 

Sur les autres demandes :

Compte tenu du caractère indemnitaire de la demande, l'exécution provisoire compatible avec la nature de l'affaire doit être ordonnée.

Il apparaîtrait inéquitable de laisser à la charge des demandeurs la totalité des frais exposés dans la procédure et non compris dans les dépens ; les défendeurs, tous condamnés en paiement, supporteront in solidum le coût de cette condamnation à hauteur de la somme totale de 3.000 euros qui dans leurs rapports entre eux sera supportée à hauteur de un tiers.

Toute autre demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

L'Agent Judiciaire du trésor supportant la plus grosse part des condamnations, sera condamné au paiement de l'intégralité des dépens.

 

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant en audience publique par jugement contradictoire et en premier ressort

Dit le Centre Hospitalier Paul Guiraud irrecevable à soulever l'exception d'incompétence sur laquelle il a été statué par ordonnance du juge de la mise en état en date du 18 décembre 2006,

Déclare abusif l'internement subi par Monsieur Max X du 6 janvier 2004 au 4 juin 2004,

Dit que le préfet des Hauts de Seine qui est à l'origine de l'arrêté en date du 5 janvier 2004 a commis une faute qui est à l'origine du dommage subi par les consorts X,

Déclare engagée la responsabilité du Préfet des Hauts de Seine représenté par l'Agent Judiciaire du Trésor envers Monsieur X à raison du défaut de notification des arrêtés préfectoraux en date des 8 septembre 2003, 2 octobre 2003 et 5 janvier 2004,

Condamne l'Agent Judiciaire du Trésor en sa qualité de représentant du Préfet des Hauts de Seine au paiement des sommes suivantes

- à Monsieur Max X, la somme de 50.000 euros (cinquante mille euros),

- à Madame X la somme de 10.000 euros (dix mille euros),

- à Mademoiselle X la somme de 10.000 euros (dix mille euros),

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

Déclare engagée la responsabilité de la Ville de VAUCRESSON envers Monsieur Max X à raison du défaut de notification de l'arrêté municipal du 6 septembre 2003,

Condamne en conséquence la Ville de Vaucresson à verser à Monsieur Max X la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) en réparation de ce manquement, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

Déclare engagée la responsabilité du Centre Hospitalier Spécialisé Paul Guiraud envers Monsieur Max X à raison du défaut d'information quant à l'exercice des voies de recours à sa disposition lors de son hospitalisation d'office,

Condamne en conséquence le Centre Hospitalier Spécialisé Paul Guiraud à payer à Monsieur Max X la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) en réparation du préjudice causé par ce manquement, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

Ordonne l'exécution provisoire,

Condamne in solidum la Ville de Vaucresson, l'Agent Judiciaire du Trésor ès qualités de représentant du Préfet des Hauts de Seine et le Centre Hospitalier Spécialisé Paul Guiraud à verser à Monsieur Max X la somme de 3.000 euros (trois mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Dit que dans leurs rapports entre les différents défendeurs, cette somme sera supportée à hauteur de un tiers chacun,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne l'Agent Judiciaire du Trésor ès qualités de représentant du Préfet des Hauts de Seine aux dépens,

Accorde à Maître Francis ARRAGON le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Fait et jugé à Paris le 10 mars 2008

       Le Greffier                      Le Président

      E. AUBERT                      F. LAGEMI