TRIBUNAL ADMINISTRATIF
                    DE PARIS

N°0308931/3                                                                 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

ASSOCIATION GROUPE INFORMATION ASILES

                                                                                AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Mme Doumergue

Rapporteur

                                                                                Le Tribunal administratif de Paris

M.Delbèque                                                            (3ème Section -1ère Chambre)

Commissaire du gouvernement

Audience du 25 octobre 2006

Lecture du 22 novembre 2006

 

Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2003, présentée par l’ASSOCIATION GROUPE INFORMATION ASILES, dont le siège est 14 rue des Tapisseries à Paris (75017) représentée par son président en exercice ; l’ASSOCIATION GROUPE INFORMATION ASILES demande au tribunal :

- d’annuler la décision en date du 30 avril 200J par laquelle le préfet de police a refusé de modifier la charte d’accueil des personnes accueillies à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police instaurée par arrêté du 18 juillet 2002 ;

- d’enjoindre au préfet de police de modifier ladite charte d’accueil en y ajoutant le principe du droit d’accès à un avocat, et ce, sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir ;

- de mettre à la charge de l’Etat (préfet de police) une somme de 1 500 euros au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu l’arrêté du 12 messidor an VIII qui détermine les fonctions du préfet de police à Paris ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 octobre 2006 :

- le rapport de Mme Doumergue, premier conseiller ;

- les observations de M. Bitton, pour l’ASSOCIATION GROUPE INFORMATION ASILES ;

- et les conclusions de M.Delbèque, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

Sur la fin de non recevoir opposée par le préfet de police :

Considérant que l’ASSOCIATION GROUPE INFORMATION ASILES a demandé par courrier du 17 mars 2003 au préfet de police de procéder à la modification de la charte d’accueil et de prise en charge des personnes conduites à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, instaurée par arrêté du 18 juillet 2002, pour y ajouter la mention du droit d’accès à un avocat pour les personnes concernées ; que par lettre du 30 avril 2003, le préfet de police a indiqué à l’association requérante qu’il n’envisageait pas de donner une suite favorable à cette demande au motif qu’en pratique l’assistance d’un avocat pouvait d’ores et déjà être sollicitée ; que le préfet a ainsi opposé un refus à la demande de l’association, lequel constitue une décision lui faisant grief, susceptible d’être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir ; que dès lors la fin de non recevoir opposée par le préfet de police et tirée de ce que sa lettre du 30 avril 2003 ne constituait pas une décision susceptible de recours doit être rejetée ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant qu’aux termes de l’article L.3211-3 du code de la santé publique alors applicable: " Lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux est hospitalisée sans son consentement en application des dispositions des chapitres II et III du présent titre ... (elle) doit être informée dès l’admission et par la suite, à sa demande, de sa situation juridique et de ses droits. En tout état de cause, elle dispose du droit :...3° de prendre conseil d’un médecin ou d’un avocat de son choix... " ; qu’aux termes de l’article L. 3213-2 du même code : " En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou, à défaut, par la notoriété publique, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l’égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d’en référer dans les vingt quatre heures au préfet qui statue sans délai et prononce, s’il y a lieu, un arrêté d’hospitalisation d’office dans les formes prévues à l’article L. 3213-1. Faute de décision du représentant de l’Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d’une durée de quarante huit heures " ; qu’aux termes de l’article L 2512-13 du code général des collectivités territoriales : "Dans la commune de Paris, le préfet de police exerce les pouvoirs et attributions qui lui sont conférées par l’arrêté des consuls du 12 messidor an VIII qui détermine les fonctions du préfet de police à Paris, et par les textes qui l’ont modifié..." ; qu’aux termes de l’article 35 de l’arrêté susvisé du 12 messidor an VIII : " Le préfet de police aura sous ses ordres les commissaires de police..." ;

Considérant que le préfet de police a créé, au sein de son administration, en vertu des pouvoirs d’organisation du service dont il dispose en qualité de chef de service, pour les besoins des missions dévolues aux commissaires de police par les dispositions précitées de l’article L.3213-2 du code de la santé publique, une structure particulière appelée infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, destinée à assurer à Paris la rétention temporaire des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux, en vue de l’instruction d’une éventuelle mesure d’internement d’office ; que par arrêté du 18 juillet 2002 le préfet de police a mis en ceuvre la charte d’accueil et de prise en charge des personnes conduites à l’infirmerie précitée dont l’objet est notamment d’informer lesdites personnes et leurs proches de leurs droits et libertés ;

Considérant que les mesures provisoires prises sur le fondement de l’article L. 3213-2 précité du code de la santé publique, qui ont pour effet de priver les intéressés de liberté sans qu’ils y aient consenti, présentent le caractère d’une hospitalisation d’office alors même que l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police n’est pas un établissement d’hospitalisation tel que défini par les articles L. 3222-1 et suivants du code de la santé publique ; que par suite, elles ouvrent droit à l’information prévue par l’article L. 3211-3 précité ; qu’ainsi en refusant de modifier la charte d’accueil susmentionnée afin d’y inscrire le droit d’accès à un avocat, motif pris de ce que ce droit ne s’appliquait pas à de telles mesures provisoires, le préfet a entaché sa décision d’une erreur de droit ; qu’il y a lieu dès lors d’annuler le refus contesté ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

Considérant qu’aux termes de l’article L.911-1 du code de justice administrative :

" Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution " ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de prescrire au préfet de police de faire droit à la demande de l’ASSOCIATION GROUPE INFORMATION ASILES tendant à ce que la charte d’accueil des personnes accueillies à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police mentionne le droit de ces dernières à prendre conseil auprès d’un avocat de leur choix, dans le délai de trois mois suivant la notification de la présente décision ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat (préfet de police) la somme de 1 500 euros demandée par l’ASSOCIATION GROUPE INFORMATION ASILES au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du préfet de police en date du 30 avril 2003 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de faire droit à la demande de l’ASSOCIATION GROUPE INFORMATION ASILES, dans le délai de trois mois suivant la notification de la présente décision, en mentionnant dans la charte d’accueil des personnes accueillies à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police le droit de ces dernières de prendre conseil d’un avocat de leur choix.

Article 3 : L’Etat versera à l’ASSOCIATION GROUPE INFORMATION ASILES la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à l’ASSOCIATION GROUPE INFORMATION ASILES et au préfet de police.

Délibéré après l’audience du 25 octobre 2006, à laquelle siégeaient :

M. Mindu, président du Tribunal,

Mme Doumergue, premier conseiller,

Mme Beaupère-Manokha, conseiller,

Lu en audience publique le 22 novembre 2006.

                       Le rapporteur,                                                                             Le président,

           M. DOUMERGUE                                                                                 P. MINDU

                                     Le greffier,

                                    R.VITRY

La République mande et ordonne au préfet de police en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Décision notifiée le 11/12/2006