RÉPUBLIQUE FRANCAISE
                                                  AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Nos 9008534/4 9008535/4

9008536/4 et 9008537/4

                                            LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS

Mlle Paulette D.

                                                       (4ème section, 2ème chambre)

                                                JUGEMENT DU 16 DÉCEMBRE 1994

 

Vu, 1°, la requête, enregistrée au greffe du Tribunal le 8 octobre 1990, sous le numéro 9008534/4, présentée par Mlle Paulette D., Mlle D. demande au Tribunal d'annuler la décision en date du 29 septembre 1988 par laquelle le commissaire divisionnaire de L'Hay-les-Roses a ordonné son transfert à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris ;

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Vu, 2°, la requête, enregistrée au greffe du Tribunal le 8 octobre 1990, sous le numéro 9008535/4, présentée par Mlle Paulette D., Mlle D. demande au Tribunal d'annuler la décision qui aurait été prise le 19 septembre 1988 par l'administrateur de l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris pour ordonner soln maintien dans l'établissement pour 24 heures ;

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Vu, 3', la requête, enregistrée au greffe du Tribunal le 8 octobre 1990, sous le numéro 9008536/4, présentée par Mlle Paulette D., Mlle D. demande au Tribunal d'annuler la décision qui aurait été prise le 30 septembre 1988 par l'administrateur de l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris pour ordonner son transfert au centre hospitalier spécialisé de Villejuif ;

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Vu, 4°, la requéte, enregistrée au greffe du Tribunal le 8 octobre 1990, sous le numéro 9008537/4, présentée par Mlle Paulette D., Mlle D. demande au Tribunal d'annuler la décision oui aurait été prise le 30 septembre 1988 par 1e directeur du centre hospitalier spécialisé de Villejuif, l'admettant en "hospitalisation libre" ;

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Vu les décisions attaquées ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le Code de la santé publique et notamment son article L. 344 ancien ;

Vu 1'arrêté des Consuls du 12 messidor an VIII ;

Vu la loi 10-15 juin 1853 ;

Vu la loi n° 64-707 du 10 juillet 1964 portant réorganisation de la région parisienne ;

Vu le décret n° 71-606 du 20 juillet 1971 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu la loi n° 86-14 au 6 janvier 1986, et, notamment, son article 18 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 1994 :

- le rapport de M. ROTH, conseiller ;

- les observations de Mlle Paulette D., la requérante, du Groupe Information Asiles, intervenant et de Maître AZAN, avocat pour le centre Hospitalier spécialisé Paul Guiraud pour la requête 9008537/4 ;

- et les conclusions de M. AUREILLE, commissaire du gouvernement ;

Après en avoir délibéré ;

Considérant qu'à la suite de multiples plaintes du voisinage, la commune de L'Hay-Les-Roses a fait intervenir le 29 septembre 1988 une entreprise de nettoyage au domicile de Mlle Paulette D. afin de le débarrasser des immondices et déchets qui s'y étaient accumulés et rétablir les conditions d'hygiène ; que la conduite et les propos de l'intéressée pendant cette opération amenaient le commissaire de police divisionnaire de L'Hay-Les-Roses à ordonner son transfert à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris ; que Mlle D. devait rester 24 heures dans cet établissement pour être ensuite transférée, le 30 septembre 1988, au centre hospitalier spécialisé Villejuif, établissement dont elle n'est ressortie que le 4 novembre 1988 ;

Considérant que les quatre requêtes susvisée se de Mlle D. sont consécutives aux mesures prises à son encontre en application du code de la santé publique, et présentent à juger des questions semblables qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul jugement ;

Considérant que l'association "Groupe informatique asiles" à intérêt à l'annulation des décisions ou actes contestés par Mlle D. ; qu'ainsi ses interventions à l'appui des trois premières requêtes de l'intéressée, sont recevables ;

En ce oui concerne la requête tendant à l'annulation de la décision en date du 29 septembre 1988 par laquelle le commissaire divisionnaire de police de L'Hay-Les-Roses a ordonné le transfert de Mlle D. à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris :

 

Sur le moyen tiré de l'incompétence et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 30 juin 1838 (article L. 344 ancien du code de la santé publique) "En cas de danger imminent, attesté par le certificat d'un médecin ou la notoriété publique, les commissaires de police à Paris et les maires dans les autres communes, ordonneront à l'égard des personnes atteints d'aliénation mentale, toutes les mesures provisoires nécessaires à la charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au préfet, qui statuera sans délai" ; que cette répartition légale des compétences n'a pas été modifiée par les dispositions réglementaires de l'article 2 du décret n° 71-606 du 20 juillet 1991 selon lequel "Les préfets des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne sont investis :

a) Dans leur département, des pouvoirs et attributions conférés au préfet de police par la loi susvisée des 10 - 15 juin 1853 et les textes qui l'ont modifiée." ;

qu'en effet ni cette loi des 10-15 juin 1853, ni l' arrêté des Consuls du 12 messidor an VIII auquel elle renvoit expressément, n'ont compris dans les pouvoirs de police confiés au préfet de police de Paris, le pouvoir de prendre les mesures d'urgence à l’encontre des personnes dont l'état d'aliénation mentale constitue une menace pour la sécurité publique ;

Considérant que dans ces conditions, le pouvoir d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 344 ancien du code la santé publique, le transfert de Mlle D. à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris appartenait non pas au préfet du Val-de-Marne mais au maire de L'Hay-Les-Roses ; qu'il est constant que ce dernier n'est intervenu en rien dans la décision de transfert contestée ; qu'ainsi Mlle D. est fondée à en demander l' annulation pour incompétence ;

En ce qui concerne la requête tendant à l'annulation de l'acte en date du 29 septembre 1988 par lequel l'administration de l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police aurait ordonné le maintien de Mlle D. dans cet établissement pour 24 heures :

Considérant qu’en admettant dans son service Mlle D., dont le commissaire divisionnaire de L'Hay-Les-Roses y avait ordonné le transfert, le chef du service de l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police s'est borné à exécuter l'ordre du commissaire de police et n'a pas pris lui-même une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ;

En ce qui concerne les requêtes tendant à l'annulation des actes en date du 30 septembre 1988 par lesquels, d'une part, l'administrateur de l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police aurait fait procéder au transfert de Mlle D. au centre hospitalier spécialisé de Villejuif, d'autre part, le directeur de cet établissement l'aurait admise en hospitalisation libre jusqu'au 4 novembre 1988 :

Considérant que si Mlle D. affirme dans sa requête introductive d'instance du 8 octobre 1990 qu'elle aurait été transférée le 30 septembre 1988 de l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police au centre hospitalier spécialisé de Villejuif, puis maintenue dans cet établissement jusqu'au 4 novembre 1988, contre son gré, elle ne produit aucun élément, susceptible de constituer un commencement de preuve d'une telle affirmation ; qu'à l'inverse tant les pièces versées au débat par le directeur du centre hospitalier spécialisé de Villejuif que le déroulement des soins à l'hôpital et en consultations externes dans les mois qui ont suivi, ou encore les déclarations de l'intéressé à l'audience du Tribunal, tendent à montrer son consentement à la thérapie mise en place ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les actes susvisés du 30 septembre 1988 seraient constitutifs de voies de fait et encourraient l'annulation ;

D E C I D E

Article 1er : L'intervention du Groupe information asiles dans les instances n° 9008534/1, 9008535/4, 9008535/4 et 9008536/4 est admise.

Article 2 : La décision en date du 29 septembre 1988 par laquelle le commissaire divisionnaire de police de L'Hay-les-Roses a ordonné le transfert de Mlle Paulette D. à l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police est annulée.

Article 3 : Les requêtes n' 9008535/4, 9008536/4 et 9008537/4 sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mlle Paulette D., à l'association "Groupe informatique asiles", au ministre d'État ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, au centre hospitalier Paul Guiraud de Villejuif et à la commune de L' Hay-les-Roses . Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré dans la séance du 16 décembre 1994 où étaient présents :

M. DUVILLARD, président ;

M. ROTH, conseiller-rapporteur ;

Mme MONDY-BALLOUHEY, conseiller ;

Lu en séance publique le 16 décembre 1994.

LE PRESIDENT,                            LE CONSEILLER-RAPPORTEUR,

J.L. DUVILLARD                                                       G. ROTH

LE GREFFIER,

C. PREVOST

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.