2022-12-05 - Témoignage sur une hospitalisation sous contrainte abusive et deshumanisante

• Pour citer le présent article : https://psychiatrie.crpa.asso.fr/831

Document du lundi 5 décembre 2022
Article mis à jour le 23 février 2023
par  A.B.

2020-05-12 La cruauté en psychiatrie, parlons-en !

tem : Témoignages

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Mme ………

Pour Mme la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL).

Le 5 décembre 2022.

Madame la Contrôleure générale,

2022-12-05 Témoignage.

Je vous adresse en pièce jointe mon témoignage sur la mesure de soins péril imminent que je subis depuis le mois de juillet 2022, qui se poursuit actuellement par un programme de soins ambulatoire.

Je vous prie d’agréer, madame la Contrôleure générale, mes respectueuses salutations.
 

Témoignage

Le 08 juillet 2022,

J’ai été amenée par les pompiers aux urgences adultes du Kremlin Bicêtre AP-HP. J’avais fait un malaise dans la rue où je me trouvais. Et j’avais demandé à un monsieur qu’il appelle les pompiers. En effet, j’avais attrapé un coup de chaleur, j’avais des nausées, je tremblais ; je me sentais mal car de plus j’avais été témoin d’un accident. Un petit garçon s’était pris un camion dans la tête en voulant traverser. J’étais sous le choc de cet accident.

En arrivant aux urgences, je descendis du brancard et finalement je me sentais mieux. On m’a demandé d’aller voir l’infirmière. Et j’ai refusé à plusieurs reprises. J’ai répété que je me sentais mieux mais apparemment je n’avais pas le choix. J’ai été paralysée par la peur et me suis mise à crier (chose que je n’aurais pas dû faire mais cela à été plus fort que moi ) ; j’ai paniqué et me suis sentie coincée et forcée car ils ne voulaient pas me laisser sortir de l’hôpital.

J’ai crié je pense car le souvenir de précédentes hospitalisations ont refait surface et m’ont laissé des traumatismes à tel point que je ne supporte plus du tout l’univers des hôpitaux.

Plusieurs personnes environ 6 (je ne sais plus) se sont jetées sur moi, m’ont cramponnée étant donné que je savais ce qu’ils allaient faire, je me suis débattu de toute ma force. Ils m’ont fait très mal. j’ai d’ailleurs eu par la suite des hématomes à l’intérieur des deux bras sur environ une longueur de 10 centimètre et sur une largeur de 6 centimètres. Je n’ai pu ni faire des photos, ni faire constater par le médecin légiste ces hématomes. J’ai tellement eu peur que je me suis uriné dessus à plusieurs reprises. Je me souviens d’une aide-soignante assez agressive qui s’est exclamé : “ Elle m’a pissé dessus celle-là !”

Ils m’ont donc maintenu installé sur une table d’examen, m’ont attaché. Ils m’ont ordonné de prendre un médicament et si je refusais ils me faisaient une injection.

Ayant été énormément sédaté ( sans mon consentement bien sûr), il me manque à ce jour des détails et des éléments plus précis qui auraient pu être rapportés à ce récit.

J’ai subi un interrogatoire comme si j’étais une criminelle ; pourquoi j’étais ici ? Avais -je un but ? Est-ce que j’entendais des voix ? Ils ont fouillé le sac que j’avais. Je n’ai pas été traitée comme un être vivant, j’ai été déshumanisée. Attachée, fouillée, déshabillée, sédatée sans mon consentement. Je pourrais assimiler cela à de la torture.

Ensuite ils m’ont mis dans une chambre en me laissant attachée. Durant environ 24 h, je ne sais plus, ma vessie a littéralement lâché et je me suis vidée de toute mon eau. A tel point que je me suis retrouvée déshydratée et on a dû me poser une perfusion.

Je ne sais plus combien de temps j’ai été attaché car n’ayant pas l’heure, j’avais perdu la notion du temps à ce moment-là. Je le répète, j’ai oublié certains éléments de cette période liée à une forte sédation.

Je ne sais plus quel jour, peut-être le 10 juillet, deux aides-soignants sont venus faire ma toilette. L’aide-soignant à ma droite à la vue de mon corps a eu une érection. Il a posé son sexe sur ma cuisse droite volontairement à travers son pantalon. Il m’a regardé dans les yeux et m’a dit : « tu as fait de la merde ». Il a resserré fortement la contention de ma cheville droite à tel point que j’ai ressenti le métal dans ma chair. Il me semble avoir crié de douleurs, je ne sais plus. Je me souviens que la douleur était insupportable. Je peux qualifier l’acte de cet aide-soignant, d’agression sexuelles et de torture. Son collègue de type à ma gauche a moins serré la contention de ma cheville gauche. Comment expliquer cela.

Le 11 juillet 2022,

J’ai été transféré dans une autre chambre, dans le service psychiatrie de l’Hôpital Paul Brousse. Etant sous sédation, les souvenirs sont flous, …

De force, on m’a fait 3 tests PCR, j’ai été enfermé dans une chambre plusieurs jours d’affilés sans sortir sous prétexte que j’avais le COVID alors que je n’avais aucun symptôme. J’ai eu chaque jour des piqûres dans le ventre pour éviter les phlébites contre mon gré et c’était douloureux, car les infirmiers n’étaient pas dans la délicatesse. Je ne supporte pas les piqûres encore moins quand je n’en fais pas la demande. Ceci environ pendant une période de 7 jours.

Avant le 12e jour d’hospitalisation, j’étais censée comparaître devant le juge des libertés et de la détention avec un avocat commis d’office. Or j’ai été privée de mon droit légal car une aide-soignante m’a accompagné jusqu’à l’entrée de la salle d’audience qui se trouvait au sein de l’hôpital dans un autre bâtiment où je me trouvais. C’était une visio-conférence. L’avocate à refusé de me voir car je n’avais pas de test PCR à jour. Je venais tout juste de sortir d’isolement et mon test était négatif.

Le 22 juillet 2022,

Je suis arrivée à l’hôpital de Cholet à l’unité***. Durant quelques semaines, Je n’avais le droit que de sortir sur une passerelle entourée de barreaux qui ressemblaient à une cage. Ensuite au bout de quelques temps plusieurs patients et moi, nous sommes sortis dans le jardin grillagé en bas de la passerelle et cela sous surveillance. Cela pour vous dire que la privation de liberté a largement dépassé la limite du supportable.

Ensuite j’ai changé d’unité, je suis arrivée dans l’unité *** J’ai eu le droit de sortir par palier d’1 heure dans le parc non grillagé et je ne sais pour quelle raison ma sortie était limitée à 1 heure. Alors que d’autres patients n’avaient pas leur temps limité pour sortir.

J’avais un comportement tout à fait normal et je n’ai jamais rien dit sur quoi que ce soit. Je m’adressais correctement au personnel soignant, j’étais plutôt agréable. Je prenais mes médicaments contre mon gré mais je savais que je n’avais pas le choix. Je n’ai jamais refusé, de toute façon si on refuse, c’est l’injection !

C’est comme si mon corps ne m’appartenait plus, comme si mon corps appartenait à l’État, aux infirmiers, aux soignants, aux médecins, aux hôpitaux… Alors que pourtant mon corps m’appartient à moi seule et à personne d’autre. Nul n’a le droit de décider de ce que je dois introduire dans mon corps. C’est une violation de mon intégrité physique et de mes droits humains fondamentaux.

Le 18 août,

Je suis sortie de l’hôpital de Cholet. Le psychiatre ***, m’a contraint et forcé d’accepter un programme de soin sans consentement, avec un rendez-vous mensuel forcé et la prescription de médicaments anxiolytique et neuroleptique : du Lithium et de l’Abilify. Sachant que le Lithium est un médicament dangereux. Il peut détruire les reins à partir de 8 semaines de traitement.

Je vous précise pourquoi le psychiatre ***, m’a prescrit le lithium. Elle m’a posé cette question : aviez-vous des médicaments en 2019 ? En effet, j’ai été hospitalisée pour une autre raison mais je ne rentrerai pas dans les détails, ce serait trop long à exposer. Il s’est avéré qu’ils m’avaient prescrit des médicaments à la sortie de mon hospitalisation mais j’ai jugé ne pas en avoir besoin. Je les ai arrêtés. Ils étaient plutôt néfastes pour ma santé. A ce que je sache je suis libre de mes choix thérapeutiques.

La prise de neuroleptiques provoquait et provoque chez moi trop d’effets secondaires : somnolence, baisse de la vue, maux de tête, photosensibilité, constipation, tremblements de mains, transpiration excessive, prise de poids…

Je lui ai donc répondu non. C’est alors qu’elle a décidé de m’imposer un programme de soins sans consentement et la prescription d’Abilify et du lithium. Elle m’a dit : « Si vous ne prenez pas le lithium cela se verra dans la prise de sang. Donc vous serez obligé de le prendre ». En gros, si je ne fais pas de prise de sang et ne prends pas les médicaments cela veut dire que je ne respecte pas le programme de soin. Et si je ne me rends pas au rendez-vous mensuel, je vais recevoir des menaces de l’hôpital.

Le 2e psychiatre ***, a repris mon dossier et c’est avec elle que je dois m’entretenir chaque mois. Je lui ai demandé de diminuer les médicaments. Et je souhaitais la voir tous les deux mois car le rendez-vous mensuel est contraignant. Elle m’a répondu que c’est elle qui décidait de toute façon comme si elle avait totalement le pouvoir sur mon être. Je trouve que c’est un abus de pouvoir. Elle a prétexté que le risque de rechute nécessitait la prise de neuroleptiques puisque je suis diagnostiquée bipolaire. Selon je ne sais qui ? Sur quoi ce diagnostic repose-t-il ? Elle a rajouté que la prise de médicaments était à vie…

Ces professionnels de la psychiatrie constatent quelques symptômes. Ils consultent leur bible : le DSM 5 et immédiatement vous êtes classé à vie dans telle catégorie de maladie mentale, avec des traitements invalidants à vie … Ils vous martèlent jusqu’à la nausée que vous êtes malade ! Juste une malade.

Il n’existe pas de péril imminent à ce jour (c’était le motif d’admission du 11 Juillet 2022 à l’Hôpital du Kremlin Bicêtre.).

Je déclare avoir subi un abus de pouvoir, des violences corporelles, une agression sexuelle comme je l’ai décrit plus haut, par un aide-soignant entre le 8 et le 11 Juillet 2022 à l’hôpital du Kremlin Bicêtre.
 

Code pénal, citations :

Des tortures et actes de barbarie (Articles 222-1 à 222-6-4) selon le code pénal

Article 222-1
Le fait de soumettre une personne à des tortures ou à des actes de barbarie est puni de quinze ans de réclusion criminelle.
Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables à l’infraction prévue par le présent article.

Article 16-1 du code civil :
Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable.
Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial.

Paragraphe 1 : Des atteintes à la liberté individuelle (Articles 432-4 à 432-6) du code pénal
Article 432-4
Modifié par Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 - art. 3 (V) JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002

[Sur la séquestration.]

Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, d’ordonner ou d’accomplir arbitrairement un acte attentatoire à la liberté individuelle est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende. Lorsque l’acte attentatoire consiste en une détention ou une rétention d’une durée de plus de sept jours, la peine est portée à trente ans de réclusion criminelle et à 450 000 euros d’amende.

Livre III - Titre II Atteintes à la personne humaine, selon le code pénal

Section 3 : Des agressions sexuelles

Article 222-22
Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise.

Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu’ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage.

Lorsque les agressions sexuelles sont commises à l’étranger contre un mineur par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l’article 113-8 ne sont pas applicables.

Article 222-22-1
La contrainte prévue par le premier alinéa de l’article 222-22 peut être physique ou morale. La contrainte morale peut résulter de la différence d’âge existant entre une victime mineure et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime.

Art. 222-22-2
Constitue également une agression sexuelle le fait de contraindre une personne par la violence, la menace ou la surprise à subir une atteinte sexuelle de la part d’un tiers.
Ces faits sont punis des peines prévues aux articles 222-23 à 222-30 selon la nature de l’atteinte subie et selon les circonstances mentionnées à ces mêmes articles.
La tentative du délit prévu au présent article est punie des mêmes peines.

Cet évènement à eu de lourdes conséquences dans ma vie privée.

Le psychiatre *** établit un certificat tous les mois avec je ne sais quel argument. Elle me pose depuis septembre les même questions : Etes vous irritable ? je réponds non / Dormez vous bien ? Je réponds OUI / Avez-vous une activité ? Je lui réponds marche, lecture, piscine, recherche d’emploi…

Elle établit donc un certificat mensuel qu’elle envoie en copie au juge des libertés et de la détention du tribunal d’instance de ***, à la délégation territoriale de l’agence régionale de santé **, à la Commission départementale des soins psychiatriques (CDSP).

Le motif je cite : « Considérant que dans ce certificat le Docteur ***, psychiatre du centre Hospitalier de ***, a conclu que l’évolution des troubles mentaux de Madame *** permet la poursuite des soins psychiatriques sous la forme d’un programme de soins… ». Or il n’y a aucune évolution des troubles mentaux puisque je n’en ai pas.

Elle me menace en me disant que si mon humeur n’est pas stable, que si je ne prends pas mes médicaments ou si je ne viens pas au rendez-vous ; elle peut me faire hospitaliser à tous moments. C’est bel et bien du chantage et une menace abusive.

Elle m’a dit cela car je suis venue au rendez-vous mensuel et dès le début je lui ai dit que je n’avais plus rien à dire à ce jour. Pour elle c’était inconcevable que je ne m’exprime pas car c’est un programme de soin sans consentement certes mais elle souhaite que l’échange soit cordial. Je lui ai dit que j’étais là par obligation. Et que je ne souhaitais plus m’exprimer. Elle m’a posé des questions pour me faire parler car elle m’a dit vous savez que j’établis un certificat tous les mois. Qu’est-ce que je vais écrire si vous ne vous exprimez pas ?

Je suis à la recherche d’un emploi et l’heure du rendez-vous souvent vers 16h peut être compliqué à placer surtout si je travaille du lundi au vendredi en horaires de journée. Les consultations ne peuvent avoir lieu que de 8h à 17 h du lundi au vendredi. J’ai d’ailleurs dû refuser du travail en journée qu’une boite d’intérim me proposait. De plus, c’est assez contraignant car je dois faire des prises de sang au début toutes les semaines, ensuite tous les 15 jours, ensuite tous les mois ; tous les trois mois et tous les 6 mois. La contrainte de ce programme de soins sans consentement entrave ma liberté d’aller et venir. Je me sens complètement bloquée, emprisonnée et cela joue sur mon moral.

Je vais demander la mainlevée du programme de soins sans consentement. Cependant avant de l’envoyer au président de la commission départementale des soins psychiatriques je me pose des questions : si jamais la demande de main levée est refusée et je vais être obligée de prendre un avocat pour comparaître devant le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire pour contester mon maintien en programme de soins. Comment contester cette décision de me maintenir sous contrainte ?

Je remercie toutes les personnes qui prendront le temps de me lire ou de m’écouter. L’écriture de cette expérience est une première étape de libération. Elle a laissé une empreinte indélébile dans ma mémoire et dans ma chair. Cet internement est un traumatisme et l’écriture de mon histoire que je partage ici est le début de la guérison.