2022-07-12 (Hospimedia) L’objectif de réduction des soins sans consentement n’est toujours pas atteint

• Pour citer le présent article : https://psychiatrie.crpa.asso.fr/820

Document du mardi 12 juillet 2022
Article mis à jour le 25 juillet 2022
par  A.B.

2019-06-07 - Statistiques 2018 : Le Gouvernement mène une politique de hausse des soins sans consentement

Dossier sur notre site sur les statistiques des hospitalisations psychiatriques sans consentement, cliquer sur ce lien


Hospimedia - Psychiatrie. L’objectif de réduction des soins sans consentement n’est toujours pas atteint

Source : https://www.hospimedia.fr/actualite…

Publié le 12/07/22 - 15h09

L’Irdes relève une hausse « sensible » du recours aux soins sans consentement entre 2012 et 2021. Environ 10 000 personnes restent concernées par la contention et l’isolement connaît « un fort accroissement ». Son ampleur, même si une baisse est constatée en 2021, reste plus élevée qu’avant la crise sanitaire.

Une étude de l’Irdes montre que la réduction du recours aux soins sans consentement n’est toujours pas d’actualité, malgré les ambitions politiques affichées depuis des années en ce sens. (SPL/BSIP).

L’objectif politique de réduction des pratiques des soins sans consentement « reste à atteindre » à ce jour, relève une étude* (à télécharger ci-dessous) publiée fin juin par l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes). Elle vient éclairer les pratiques et mettre à jour la poursuite d’une tendance déjà signalée dans un précédent travail remarqué sur le sujet (lire notre article). Cette objectivation des données est en effet précieuse alors qu’il manque des données épidémiologiques officielles sur ces pratiques portées dans le débat public et plus strictement encadrées par la loi, avec le texte voté en janvier 2022 (lire nos articles ici et là). Ce travail vient conforter l’alerte récente de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) qui a évoqué dans son rapport annuel « l’échec » de la politique de réduction de l’isolement et la contention (lire notre article).

Hausse « sensible » du recours

L’Irdes rappelle que la réduction des pratiques de soins sans consentement, d’isolement et de contention est un des objectifs de la feuille de route santé mentale et psychiatrie en vigueur, dix ans après la loi du 5 juillet 2011 et cinq ans après la loi de modernisation de notre système de santé. Dans ce cadre, un état des lieux national du recours à ces pratiques et de leurs évolutions est présenté à partir des données du recueil d’informations médicalisé en psychiatrie (Rim-P). L’Irdes indique qu’en 2021 quelque 1,84 million de personnes de 16 ans ou plus ont été suivies en psychiatrie en établissement de santé en France. Parmi elles, 95 500 ont été prises en charge au moins une fois sans leur consentement (toutes prises en charge confondues), soit plus de 5% de la file active en psychiatrie en 2021.

Ce taux « augmente fortement » lorsque sont considérés spécifiquement les hospitalisés à temps plein en psychiatrie au cours de l’année (303 658 individus) : 26% d’entre elles (78 400 personnes) l’ont été au moins une fois sans leur consentement. Plus de 5% des personnes suivies en psychiatrie à l’hôpital et 26% de celles hospitalisées à temps plein ont été prises en charge en soins sans consentement au moins une fois dans l’année. « Une hausse sensible du recours à ces soins est constatée entre 2012 et 2021 malgré un infléchissement depuis 2015 », résume l’étude. Ainsi, entre 2012 et 2021, le nombre annuel de personnes suivies en psychiatrie à l’hôpital a augmenté de 9% et de manière plus marquée pour les personnes suivies au moins une fois en soins sans consentement. Leur effectif enregistre +14% sur la période (contre +9% pour celles suivies exclusivement librement). « Néanmoins, [il y a] une augmentation marquée jusqu’en 2015, puis une inflexion avec une relative stabilisation des taux de croissance annuels », nuance l’Irdes.

Recours trop élevé au « péril imminent »

Un quart des personnes suivies au moins une fois en soins sans consentement en 2021 ont connu des soins en cas de péril imminent (SPI). Cette pratique, à l’origine exceptionnelle, semble malheureusement se pérenniser et s’installer dans les usages. Depuis 2011, le nombre de personnes concernées par ce type d’admission n’a cessé d’augmenter pour occuper en 2021 la seconde place des modes légaux de soins sans consentement les plus souvent utilisés (+186% depuis 2012), derrière les soins sur demande d’un tiers (SDT), qui ont baissé de 6% depuis 2012. « En 2020, au plus fort de la pandémie, les SPI sont d’ailleurs le seul mode légal pour lequel le recours (en nombre de personnes) a augmenté », insiste l’Irdes, alors qu’une diminution a été observée pour tous les autres modes d’admission. « Ainsi, le recours aux SPI regroupe vraisemblablement des pratiques contrastées et continue de dépasser le cadre de la mesure d’exception initialement pensée par la loi de 2011 », relève l’étude.

Davantage d’isolement qu’avant la crise Covid

Si la pandémie de Covid a conduit à « une forte diminution » du recours global aux soins en psychiatrie en 2020, dont une baisse de 8% d’hospitalisés à temps plein, le recours aux soins sans consentement a connu une réduction moindre, avec seulement une baisse de 1%. Les mesures d’isolement augmentent jusqu’en 2018, avec une « légère inflexion » en 2019. « Mais, en 2020, ces pratiques connaissent un fort accroissement et leur ampleur, en baisse en 2021, reste cependant plus élevée qu’avant la crise sanitaire », alerte l’Irdes. En 2021, l’isolement a concerné près de 29 000 hospitalisés à temps plein en psychiatrie, dont près de 85% en hospitalisation sans consentement. « Ainsi, le recours à cette forme de contrainte concerne plus de 30% des [hospitalisés] sans leur consentement cette année-là, une pratique loin d’être rare donc », commentent les auteurs.

Par ailleurs, les premières estimations disponibles sur le recours à la contention mécanique font état d’environ 10 000 patients concernés en 2021, soit plus d’un hospitalisé sans son consentement sur dix. L’Irdes relève que les constats épidémiologiques ne sont « ni en accord avec les objectifs politiques affichés d’une réduction du recours à ces modes de prises en charge, ni avec les recommandations internationales de bonnes pratiques en santé mentale ». De plus, ces résultats à l’échelle nationale « masquent vraisemblablement d’importantes disparités de recours en fonction des territoires et incitent à mieux comprendre les déterminants individuels, organisationnels et contextuels du recours aux soins sans consentement et et aux pratiques portant atteinte aux libertés en psychiatrie ». L’Irdes appelle à « une amélioration continue de la qualité, de l’exhaustivité et de la diffusion de ces données » pour contribuer à réduire ces pratiques, ainsi qu’à se pencher sur les établissements caractérisés par un faible recours aux mesures de contrainte. « Aujourd’hui peu visibles et étudiés », ces hôpitaux pourraient pourtant aider à « dégager les leviers d’une psychiatrie plus respectueuse des libertés individuelles ».

* Les soins sans consentement et les pratiques privatives de liberté en psychiatrie : un objectif de réduction qui reste à atteindre, Coldefy M. (Irdes), Gandré C. (Irdes, Hôpital universitaire Robert-Debré), avec la collaboration de Rallo S. (ARS Paca), Questions d’économie de la santé n° 269, juin 2022

IRDES juin 2022.
Les SSC et les pratiques privatives de liberté en psychiatrie.

Liens et documents associés - L’étude [PDF] : https://www.irdes.fr/recherche/ques…

Caroline Cordier

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JIM.fr Soins sans consentement : des objectifs loin d’être atteints

Source : https://vu.fr/lTNV

Paris, le jeudi 21 juillet 2022.

Les enquêtes et les rapports se suivent et se ressemblent. Malgré les nombreuses recommandations et réflexions sur le sujet, on constate régulièrement que le recours aux soins sans consentement en psychiatrie ainsi qu’à la contention et à l’isolement connaissent un niveau élevé dans notre pays.

(Pinel libère les aliénés (1795) tableau de Tony Robert-Fleury)

Si la feuille de route « Santé mentale et psychiatrie » présentée en juin 2018 se donnait comme objectif une réduction de ces pratiques, d’importantes améliorations peuvent encore être réalisées.

Tendance générale à l’augmentation

Les dernières données publiées sur le sujet l’ont été par l’Institut de recherche et d’économies en santé (IRDES) en se basant sur celles du Recueil d’informations médicalisé en psychiatrie (Rim-P). Les travaux de Magali Coldefy et de ses collaboratrices dessinent le portrait d’une psychiatrie française où les soins sans consentement, l’isolement et la contention ont encore une large place, même si les pratiques sont très hétérogènes.

Ces dernières années sont marquées par une progression des soins sans consentement entre 2012 et 2021, même si un infléchissement est observé depuis 2015 et tandis que les évolutions de 2020 (léger recul) peuvent être difficiles à interpréter en raison du contexte particulier lié à l’épidémie.

Concernant l’isolement, on constate une progression jusqu’en 2018. Si une inflexion semblait s’amorcer, la crise sanitaire paraît avoir eu un impact clairement négatif : aujourd’hui le niveau de recours à l’isolement est plus élevé qu’avant celle-ci.

Les soins sans consentement plus fréquents en France et chez les plus pauvres

Ainsi, aujourd’hui, 5 % des personnes suivies en psychiatrie et 26 % des sujets hospitalisés à temps plein ont été soignés sans leur consentement. Ces patients ainsi admis dans un établissement contre leur volonté ont été 30 % en 2021 à devoir subir une mesure d’isolement. Plusieurs points notables peuvent être relevés dans les travaux de Magali Coldefy et ses collaboratrices.

D’abord, elles signalent que la comparaison avec les données internationales révèle que la France est un des pays où le niveau de recours aux soins sans consentement est un des plus élevé d’Europe avec une augmentation plus forte que n’importe où ailleurs, ce qui est notamment lié à l’institution de soins sans consentement en ambulatoire.

Les inégalités sociales sont également mises en évidence par ces travaux. Ainsi « les personnes hospitalisées à temps plein sans leur consentement sont près de deux fois plus fréquemment bénéficiaires de la Complémentaire santé solidaire (C2S) que les personnes hospitalisées librement à temps plein en psychiatrie (33 % de bénéficiaires vs 17 % chez les personnes suivies librement) ».

Dans la lignée des analyses précédentes

Par ailleurs, à l’instar des nombreux rapports du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), cette publication de l’IRDES souligne la disparité des pratiques en fonction des établissements, en particulier en ce qui concerne l’isolement et la contention.

Cette diversité confirme la possibilité d’éviter quasiment totalement ces pratiques. Aussi, Magali Coldefy et ses collaboratrices préconisent à leur tour de s’inspirer des expériences observées dans certaines structures pour faire évoluer les méthodes.
Cette analyse de l’IRDES complète les données déjà disponibles sur l’ampleur des soins sans consentement et de la contrainte en psychiatrie dans notre pays et doivent contribuer à la réflexion menée depuis plusieurs années, dont les fruits seront cependant impossibles à concrétiser sans une réelle progression des moyens, comme le répètent la plupart des professionnels.

Léa Crébat

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