2022-05-10 (Jurisprudence) La démocratie sanitaire en santé mentale ? C’est du toc !

• Pour citer le présent article : https://psychiatrie.crpa.asso.fr/813

Document du mardi 10 mai 2022
Article mis à jour le 12 juillet 2022
par  A.B.

Sur notre site : 2018-12-11 CLSM • Le Tribunal administratif de Montreuil conforte la sélection des représentants des psychiatrisés

Ainsi que : 2017-02-02 Conseils locaux de santé mentale et faux semblants du Dr Jean-Luc Roelandt sur la démocratie sanitaire

Pour retrouver ce billet sur Les contes de la folie ordinaire, édition participative de Mediapart, cliquer sur ce lien

Blog du Dr Mathieu Bellahsen sur Mediapart Club, cliquer sur ce lien


CRPA - Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la psychiatrie
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Jurisprudence - La démocratie sanitaire en santé mentale ? C’est du toc !

Communiqué - Paris, le 29 mai 2022.

2022-05-10 Décision de la Cour administrative de Versailles.

Trouvez en pièce jointe un arrêt négatif de la Cour administrative d’appel de Versailles du 10 mai passé déboutant notre demande d’annulation du refus de la commune de Stains (Seine-st-Denis) de nous admettre comme représentants des patients dans le Conseil local de santé mentale (CLSM) de cette commune.

2022-04-11 Note en délibéré.

Ce débouté n’est pas assorti d’une condamnation aux frais de procédure, contrairement aux conclusions du Rapporteur public. En effet, j’ai fait valoir dans une note en délibéré (pièce jointe n°2) que nous avons dument compris la « leçon » : la « démocratie sanitaire » française c’est du toc. Nous avons eu l’outrecuidance et la niaiserie, voire la folie, de penser que celle-ci nous concernait…

Communiqué CRPA.

Le motif de droit de ce débouté est que l’agrément pour la représentation des usagers du système de santé, n’ouvre pas une obligation d’admettre telle organisation postulante pour l’administration ou l’établissement sanitaire destinataire de la demande d’admission, et que s’agissant des Conseils locaux de santé mentale, l’instruction ministérielle de 2018 n’a pas valeur réglementaire et n’est donc pas impérative.

Autant dire que ces administrations territoriales ainsi que les établissements de santé admettent comme représentants des psychiatrisés qui elles l’entendent, et en l’espèce soit des représentants qui font tapisserie, soit et aussi bien des « fous » de service, qui puissent servir de caution.

Au surplus les personnes psychiatrisées n’étant pas des citoyens à part entière, mais une infra humanité traitable à peu près de la même façon qu’on traite du bétail, ne sauraient être concernées en elles-mêmes par cette « démocratie sanitaire ». L’UNAFAM (union des familles de malades) peut donc siéger dans ce genre d’instance comme représentante totipotente des familles comme des psychiatrisés, lesquels sont relégués allègrement dans une éternelle minorité.

2020-07-17 Jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Dans une précédente affaire relative au refus de l’agence régionale de santé d’Île-de-France d’intégrer dans les instances de l’EPSM Roger Prévot de Moisselles (Val-d’Oise), deux représentants des patients au lieu et place des seuls membres et responsable de l’UNAFAM des Hauts-de-Seine représentant les usagers - familles comme les usagers - patients, le Tribunal administratif de Cergy - Pontoise n’avait pas dit autre chose dans sa décision du 16 juillet 2020.

La motivation de ce jugement (en pièce jointe) vaut d’être citée. Tout d’abord le Tribunal dit clairement que s’agissant des Commissions départementales des soins psychiatriques la disposition législative relative à leur composition stipule qu’en effet les deux sièges de représentants des familles et des patients sont distincts. Par contre il n’en est pas de même s’agissant des « articles L. 6143-5 et L. 1114-1 du code de la santé publique d’une part, et des articles L. 1112-3 et R. 1112-81 du même code, respectivement applicables aux conseils de surveillance et aux commissions des usagers, [lesquels] se bornent à imposer aux établissements publics de santé la désignation de deux représentants des usagers issus d’une association agréée pour la défense des droits des personnes malades et des usagers du système de santé. Ainsi le Législateur n’a pas entendu imposer la désignation de représentants d’associations de patients au sein des conseils de surveillance et des commissions des usagers. Par suite ce moyen qui est infondé doit être écarté. ».

Subsiste ce problème qui est qu’en matière psychiatrique, les intérêts des familles et ceux des patients sont pour le moins fréquemment opposés. Il s’agit même d’intérêts foncièrement conflictuels, puisque la très ample majorité des hospitalisations sans consentement en milieu psychiatrique, ont cours sur demande ou sur l’impulsion des familles des personnes psychiatrisées sous contrainte. Mais peu importe de telles fadaises …

2022-05-29 Historique de ce contentieux. Dr Mathieu Bellahsen Mediapart Club.

Nous rappellerons au passage que ce contentieux fut un des éléments invoqués au renfort de la procédure administrative ouverte à l’été 2020 à l’encontre du Dr Mathieu Bellahsen, qui était alors chef de pôle du secteur d’Asnières-sur-Seine, sectorisé à l’EPSM de Moisselles. Procédure menée également à l’encontre des cadres de santé de ce secteur. Celle-ci s’est traduite par la déposition du Dr Mathieu Bellahsen le 8 juillet 2021 de sa fonction de chef de pôle. Ce psychiatre courageux avait osé mettre en avant et en pratique les droits des patients dans le secteur qu’il dirigeait, en s’efforçant que la « démocratie sanitaire » ait dans ce secteur un sens concret. Sur cette affaire, voir nos articles du 20 juin 2021 et du 19 juin 2020.

Il n’est pas anodin d’observer qu’à la rentrée 2021, suite à cette purge des effectifs d’encadrement de son établissement, la directrice de ce site psychiatrique, avait été décorée en Préfecture de la médaille de chevalier de l’Ordre du mérite … Services rendus à l’État, à l’ordre public, et à une certaine conception de l’institution psychiatrique qui ne saurait tolérer que les déclarations officielles sur la démocratie sanitaire appliquée à la santé mentale, trouvent en l’espèce une traduction concrète…

Pour utiliser un parallèle éventuellement anachronique pour certains mais pas pour d’autres, on observera que la population des colons, à la pleine époque coloniale, sauf une minorité éclairée ou engagée, n’avait nullement conscience de cantonner dans une infra-humanité la population indigène. En effet, ce cantonnement était naturel et dans l’ordre des choses. Il était même légal. Voir le code de l’indigénat prétendument abrogé en 1946. Tout autre conception était on ne peut plus anormale, incongrue, illégale et n’ayant pas lieu d’être.

Nous concluons au plus fort qu’un tel système de prétendue représentation des usagers du système de santé appliqué à la psychiatrie, est ignominieux (le regard porté aux « malades » ou recrutés malades, est deshumanisant). Concrètement ce système va contre l’esprit des textes législatifs successifs pris depuis la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades qui entendait précisément que la représentation des usagers du système de santé puisse constituer un contre - pouvoir.

Notre association, tirant les conséquences d’un tel état de fait et de la jurisprudence, n’a pas renouvelé de demande d’agrément pour la représentation des usagers du système de santé.


À titre personnel

J’ai fait connaître ma révolte et mon opposition à cet état d’esprit prévalent chez les professionnels du terrain. A très peu s’en faut ceux-ci ont couvert le fait que j’ai été vu, au long de ces années où j’ai été en-tête comme représentant d’intérêt dans le cadre des réformes qui ont impacté la psychiatrie entre 2010 et 2018, comme un « fou clinique », catégorie des « fous savants ». Mille mercis pour mon engagement, avec quelques autres, sur le très long cours pour tout de même participer à débloquer ce terrain des droits des patients dans la psychiatrie française.

Comble de tout cela, j’ai été vu et approché comme un singe macaque, cobaye humain, dont on se devait, entre chercheurs patentés servant un tel système passablement totalitaire, expertiser l’expertise expérientielle pour en extraire des thèses et articles, et rejeter le fou de service et cobaye humain (que je suis), vers sa deshumanisation foncière ici entretenue mais enfin valorisée. N’en jetez plus !

Cela aura été aussi bien une large part de mon salaire…. Heureusement tout de même qu’il y a eu des félicitations.

Vous observerez que depuis l’été 2018 j’oppose aussi chroniquement que possible, des auteurs anticolonialistes, en mettant en avant que je suis né personne de couleur, sous statut indigène, avant l’indépendance de mon pays natal.

On comprendra que dans de pareilles conditions, je me sois refusé de rester plus avant en contact avec des coalitions de professionnels du terrain psychiatrie santé mentale, dans lequel les juristes sont désormais inclus, sauf quelques personnes en dehors de leur logique de groupe.

Je précise pour conclure que je me suis efforcé de faire connaître autour de moi cet état de fait scandaleux, en interne en Métropole même mais aussi à l’étranger. La France accusant un net retard sur ces questions par rapport aux pays de culture anglo-saxonne.