2022-04-25 Témoignage sur une affaire de famille - L’Enfer

• Pour citer le présent article : https://psychiatrie.crpa.asso.fr/814

Document du lundi 25 avril 2022
Article mis à jour le 12 juillet 2022
par  A.B.

Rubrique Témoignages

Sur notre site : 2012-06-19 Témoignage à charge sur un service du CH La Colombière de Montpellier et ses abus de pouvoir

Pour retrouver ce billet sur l’édition participative de Mediapart, Les Contes de la folie ordinaire, cliquer sur ce lien


Témoignage sur une affaire de famille

L’enfer

25 avril 2022.

Affaire de famille - L’enfer.

Le lundi 09 mars 2020 était pour moi une journée comme les autres. Je suis propre, bien apprêtée, bien nourrie, mon logement est rangé, mon discours est lucide et cohérent. Je vais au travail, je passe une journée normale : j’ai de bonnes relations avec mes collègues dont certaines sont des copines, ma cheffe est satisfaite de mon travail, j’assure mes missions d’éducatrice avec implication. Je salue mes collègues, leur dis « A demain » et je pars à 18h pour me rendre à mon rendez-vous avec le Dr S****, ma psychiatre du CMP.

D’emblée, j’explique à ma psychiatre que je suis contrariée car certains de mes proches s’opposent avec véhémence à un projet de chirurgie esthétique que j’ai préparé. J’ai reçu de nombreux messages assez théâtraux qui m’ont sidérée, comme si j’allais commettre un acte atroce. Sans compter une irruption tardive de ma sœur à mon domicile, sans prévenir, pour me faire renoncer à mon projet. On est à la limite du harcèlement, je suis excédée. J’ai beau leur demander de me laisser tranquille, rien n’y fait.

C’est dur en ce moment, j’ai traversé une période difficile pendant les fêtes de Noël et je me remets doucement. Je tiens certains de mes proches à distance depuis plusieurs semaines car ils m’oppressent : ma sœur et mon « amie » Sarah. Elles m’enferment dans une vision de moi malade, fragile, comme un lait sur le feu qu’on doit surveiller en permanence. Je vois bien qu’elles supportent mal que je les tienne à distance, et que je ne leur donne plus la pleine visibilité sur ma vie et mes projets. Elles semblent s’être arrogées le droit d’évaluer ma santé mentale, de savoir mieux que moi ce dont j’ai besoin. Cette posture infantilisante et condescendante, je ne la supporte plus. Je savais qu’elles deviendraient hystériques en apprenant mon projet de chirurgie esthétique et je ne voulais pas les y associer. Elles l’ont appris par une « fuite » de ma mère.

Je sais que la chirurgie ne règlera aucun problème de fond, mais la perspective de cette opération esthétique mineure me permet de tenir. Ca me donne un objectif, un espoir de changement et peut-être de mieux-être. Ce projet me fait plaisir. En attendant, je poursuis mon traitement anti-dépresseur et les RDV réguliers avec ma psychiatre.

Ma psychiatre m’informe alors que ma sœur et mon « amie » Sarah l’ont contactée dans la journée pour lui faire part de leurs inquiétudes sur mon état mental, lui demandant de m’hospitaliser en urgence pour empêcher que « je me fasse opérer et/ou que je me suicide ».

Ma psychiatre m’explique qu’elles ont été très insistantes et que mon « amie » Sarah (psychologue de profession), s’est montrée très convaincante et alarmiste. Elle m’explique que mon « amie » Sarah lui a dit de se méfier de moi car je suis une « dissimulatrice très douée ». Heureusement, ma psychiatre, qui me connaît depuis 2 ans, échange avec moi et n’observe pas d’élément justifiant un internement, je suis lucide et cohérente.

Je suis abasourdie et en colère. Je me sens intrusée par ces manœuvres pour me faire enfermer derrière mon dos. Mon espace thérapeutique est violé, je ressens un violent sentiment de trahison. Personne ne s’est adressé à moi directement avant de manigancer tout ça. Et cet acharnement à me faire passer pour une folle suicidaire manipulatrice…

Je réalise que j’aurais dû me méfier davantage car je leur ai fait confiance par le passé et que je leur ai donné beaucoup trop d’éléments qu’elles peuvent désormais retourner contre moi. Je suis estomaquée qu’elles aient pu aller aussi loin. Je rentre chez moi la rage au ventre et je me répète que j’ai bien fait de les mettre à distance.

Le soir, je regarde tranquillement la télé. Je suis en pyjama, lavée, j’ai prévu de me coucher bientôt car j’ai une grosse journée de travail le lendemain.

Ma sœur se présente une nouvelle fois à mon domicile à 23h, au forcing, malgré mon refus car l’heure est tardive. Elle insiste pour que je lui ouvre ma porte et je finis par céder pour accepter le dialogue. Je lui ouvre et le piège se referme. Dès que j’ai le dos tourné, elle fait pénétrer par la ruse 3 inconnus chez moi. Les 3 hommes étaient dissimulés dans un recoin, ils envahissent aussitôt mon appartement. Ils ne se présentent pas, ils n’ont pas d’uniforme de pompiers ou du Samu. L’un d’eux me lance « Alors comme ça, vous avez prévu de vous faire opérer ? ». J’ai un moment de blocage, suis-je censée me justifier de mon projet esthétique ?

Leur intrusion me révolte, ils s’étalent dans mon séjour, m’acculent. Il est 23h, je suis une femme seule, en pyjama, et me voilà envahie dans mon intimité par ces 3 inconnus qui viennent me chercher pour « m’emmener à l’hôpital ».

Je leur demande de quitter les lieux, de sortir de chez moi mais ils refusent : je n’ai pas le droit de discuter, les 3 hommes me menacent d’utiliser la force si je n’obtempère pas : « Vous avez déjà été hospitalisée n’est-ce pas ? Vos proches s’inquiètent pour vous, vous êtes obligée de nous suivre ». Par « proches », ils entendent évidemment ma sœur et ma fameuse « amie » intrusive. Aucun autre de mes proches ne participerait à ça.

Je suis furieuse mais je dois me soumettre face à leurs menaces, je m’habille et je les suis en les maudissant. Comment est-ce possible d’enlever quelqu’un de la sorte sans motif autre que les propos de personnes extérieures ? Je bouillonne. Je me retiens d’exprimer ma colère trop expressivement, au risque que cela se retourne contre moi. J’apprendrai dans l’après-coup que ces 3 hommes appartiennent à une société privée « ***psy » qui hospitalise à la demande des familles, moyennant des sommes conséquentes : pour 600 euros les 30 minutes d’intervention (non remboursés par la Sécu évidemment), le psychiatre se plie à la demande d’enfermement de ma sœur.

Comme ma sœur et mon « amie » n’ont pas réussi à convaincre ma psychiatre du CMP de m’enfermer plus tôt dans la soirée, elles ont littéralement payé des gens pour obtenir gain de cause. 600 euros, c’est le prix de mon humiliation, des violences et de ma séquestration. C’est à vomir.

Trente minutes, c’est la durée tout compris de l’intervention d’***psy : l’arrivée chez moi, les menaces d’utiliser la force, le temps que je m’habille, les tractations financières avec ma sœur tandis que je poireaute dans l’ambulance et le trajet de 3 km jusqu’à l’hôpital. On n’imagine bien que sur une durée aussi restreinte, aucun temps n’a été pris pour discuter avec moi. C’est expéditif, ils viennent me chercher pour m’enfermer, tout est ficelé, moi, je n’existe tout simplement pas. Je suis furieuse.

Je me dis qu’une fois à l’hôpital, je serai examinée par le psychiatre de garde et que je pourrai m’expliquer et rentrer chez moi. Je me résonne tandis que l’ambulance m’emmène aux urgences : je regardais tranquillement la télévision, je ne suis pas en crise, mon état physique est bon, j’ai vu ma psychiatre cet après-midi et j’ai accepté de la revoir dès la semaine prochaine, je prends mes médicaments correctement. Il n’y absolument aucune raison légitime pour que je sois hospitalisée, à moins qu’un projet de chirurgie esthétique soit considéré comme un motif d’enfermement valable ? Non c’est totalement délirant, je m’apaise, persuadée que tout va rentrer dans l’ordre. J’ai prévu de me faire opérer, pas de me tuer.

Aux urgences, je suis tranquille et de bonne foi, je leur propose de faire des analyses sanguines pour vérifier que je n’ai pas abusé des médicaments, si ça peut les rassurer. Ils refusent car toutes mes constantes sont bonnes. J’attends impatiemment le psychiatre pour qu’il m’évalue et que je puisse lui expliquer qu’il y a une erreur : je ne suis pas en danger, j’étais chez moi en train de regarder la télévision. J’ai une grosse journée de travail demain, il est presque minuit, je dois rentrer chez moi pour aller dormir. Oui je souffre de dépression, non je ne suis pas opposante aux soins, oui je prends bien mon traitement, oui j’honore tous les rendez-vous donnés par ma psychiatre. Oui j’ai prévu une opération de chirurgie esthétique, la date est déjà fixée, et non, je n’ai pas prévu de me tuer. Et en ce qui concerne mon projet de chirurgie esthétique, je l’ai débuté il y a 2 ans, au printemps 2018, ce n’est pas une lubie passagère.

Non je ne suis pas délirante, oui je suis lucide et cohérente, ma psychiatre Dr S*** m’a vue tout à l’heure, elle peut en témoigner, comme la dizaine de personnes qui m’ont vue au travail ce jour. Oui c’est dur en ce moment, je suis déprimée, j’ai mis une photo d’une silhouette qui tombe sur Facebook : cette façon de presque s’envoler, cette angoisse du vide, ça incarne l’impression que j’aie de me jeter symboliquement dans le vide, dans l’inconnu, avec mes nouveaux projets. Quelque chose de terrifiant et de libérateur, c’est l’essence même du mouvement qui m’anime. Cette photo en est la symbolique parfaite ! Mais on n’enferme pas quelqu’un pour une photo Facebook, si ? Ma sœur et mon « amie » Sarah ont estimé que cette photo était l’annonce de mon suicide imminent. Je vous dis que c’est faux, et que leur interprétation est erronée. Que puis-je dire de plus ?

Avec soulagement, j’entre dans le bureau du psychiatre de garde, rassurée de pouvoir m’expliquer et d’arrêter cette folie. A ma grande surprise, il me dit qu’il n’a pas prévu de m’évaluer, que l’évaluation est déjà faite. Il pianote sur son ordinateur sans me regarder. Personne n’a eu le moindre échange avec moi. Il n’y a eu aucune évaluation. Il y a alors cet instant atroce où le monde bascule dans la folie, le non-sens et la violence. J’éprouve un tel sentiment d’horreur à cet instant qu’aujourd’hui encore, j’y repense avec une boule dans la gorge.

Comment un individu normalement constitué et sain d’esprit, peut-il accepter une telle violence ? Être tranquillement chez soi devant sa télé à 23h, se faire enlever par des hommes qui se sont introduits dans notre domicile par la ruse, et qui menacent d’utiliser la violence sans possibilité de discussion, pour nous traîner dans un hôpital où on nous annonce qu’on va être enfermé, encore une fois sans aucune possibilité de discussion. Quel individu pourrait supporter une telle folie sans se révolter ? Et pourtant j’essaye de maîtriser ma colère et ma révolte face à ce déni flagrant de tous mes droits.

Bienvenue de l’autre côté de la barrière. Je comprends soudainement que tout est plié depuis le début, la machine est lancée. Les médecins sont briefés, je suis une femme dangereuse selon ma sœur et mon « amie », avec la complaisance du psychiatre privé qui vient d’empocher ses 600 euros une fois la demande d’internement remplie. Ma parole n’a plus aucune valeur. Tout ce que je dirai ou ferai ne pourra que se retourner contre moi. Si je me soumets, je reconnais que je dois être enfermée, si je me révolte, ils auront de la matière pour dire que je suis hystérique et qu’il faut m’enfermer. Avec désinvolture, le psychiatre de garde m’annonce que je vais « rester à l’hôpital ». Je demande sur quel fondement : « Vos proches sont inquiets pour vous ».

Je me retrouve dans une situation ubuesque : comment prouver que je n’ai pas l’intention de me tuer ? Comment peut-on démontrer quelque chose qui n’est pas arrivé et qu’on n’a pas l’intention de faire ? Ca tourne à l’absurde absolu, faut-il que je déploie mon agenda professionnel, les rendez-vous imminents qui me tiennent à cœur ? Faut-il leur dire de vérifier mon frigo car j’ai préparé tous mes repas de la semaine dans des Tupperware ? Leur dire d’appeler mes collègues qui me côtoient quotidiennement et qui diront que tout est normal ? Leur dire que j’ai des rendez-vous médicaux programmés en vue de mon opération, une radio, l’anesthésiste, que tout est calé.

Leur dire de me regarder, que je suis propre, bien nourrie, que mon appartement est bien rangé. Que je me plie à tout le suivi demandé par ma psychiatre. Rien de ce que je dis ou manifeste n’est écouté. Entre la décrédibilisation de ma parole opérée en amont par ma sœur et mon « amie » intrusive, et le jemenfoutisme des médecins, toutes mes explications glissent directement dans l’égout. Pour être clair, personne n’en a rien à faire de ce que je dis.

Je ne comprends pas, je n’ai rien fait de dangereux ! Une image sur Facebook ? Un projet de chirurgie esthétique mineure : ce sont des raisons d’enfermer quelqu’un ? Dans mon esprit, on ne peut pas interner de force quelqu’un comme ça ! Je le vois dans mon travail, il faut qu’il y ait un danger imminent, un état de crise. J’ai moi-même déjà demandé des hospitalisations pour des situations dramatiques, je n’ai jamais vu un cas pareil. Il faut une évaluation, pourquoi n’ai-je pas le droit d’être correctement évaluée ? On ne peut pas enfermer quelqu’un sur la base de propos de personnes qui n’ont eu aucun échange récent avec la personne concernée ! Ni ma sœur, ni mon « amie inquiète » n’ont eu la moindre réelle interaction avec moi depuis plusieurs semaines ! Je ne leur disais quasiment plus rien de ce que je vivais ! Elles sont les 2 personnes les moins bien placées pour savoir comment je vais, je les ai éloignées de ma vie. Pourquoi est-ce leur seul avis qui est pris en compte, et pas celui de mes nombreuses collègues- amies qui me voient quotidiennement, ou de mes meilleures amies Anne et S.T. ?

Je comprends en une fraction de seconde que le piège s’est déjà refermé sur moi. Ma sœur et mon « amie » intrusive ont bien actionné et verrouillé tous les mécanismes en amont. Elles ont fait du bon boulot, les professionnels ont bien noté qu’ils avaient à faire à quelqu’un dont il fallait se méfier. Quelqu’un de très dangereux et suicidaire.

Je suis donc traitée comme telle. Quand j’ose affirmer qu’il est illégal d’enfermer quelqu’un sans même l’avoir évalué, et que dans ces conditions, je rentre chez moi, le psychiatre s’agace et je suis encerclée par 5 personnes qui m’empêchent de partir et m’acculent dans un coin de la pièce. Je ne me débats même pas, je ne fais preuve d’aucune violence. Je me recroqueville par terre dans un coin en sanglotant et je les supplie de ne pas m’envoyer chez les fous. Je pleure « Au secours, non arrêtez ! ». Mes supplications sont vaines, il ne faut pas que j’oublie que ma parole ne vaut plus rien désormais. Aux urgences, ils ont autre chose à faire que du social : au moins, une fois ligotée, ils n’auront plus besoin de m’avoir à l’œil, moi la patiente instable en partance pour l’U***. C’est plus commode pour eux que je sois attachée. Ils m’allongent sur un lit et me ligotent, je sens les sangles serrer mes poignets et mes chevilles. C‘est surréaliste, je n’arrive pas à réaliser ce que je vis au moment où je le vis.

Ca y est, je suis considérée comme « dangereuse ». J’ai manifesté ma volonté de « m’enfuir ». Certainement pour aller me tuer, n’est-ce pas ? Le psychiatre a apposé son tampon « crédibilité zéro » sur mon dossier en m’expédiant à l’U*** dans le cadre d’une SDT (soins sur demande d’un tiers).

C’est connu, les malades qu’on envoie à l’U*** par la force, ce sont des zinzins, des citoyens de dernière zone, tout en bas de la chaîne de l’humanité.

Je suis sidérée, tétanisée, sanglée sur un brancard. Je pleure tellement que mon visage s’inonde, je ne peux même pas essuyer mes larmes ni ma propre morve avec mes propres mains. Je n’ai jamais subi une humiliation d’une telle ampleur. Mon corps m’a été confisqué. Il y a un infirmier ou peut-être un stagiaire qui semble me prendre en pitié, et qui a l’air de culpabiliser de ce qui m’est infligé, il reste à côté de moi quelques instants en me disant qu’il est désolé, que ce n’est pas lui qui décide.

Alors les voilà, les représailles de ma sœur et de mon « amie » Sarah pour les avoir exclues de ma vie ? Comme elles ne pouvaient plus m’atteindre et que je refusais de renoncer à mon opération, elles ont actionné les mécanismes de coercition psychiatrique. Mon « amie » intrusive les maîtrise bien, de sa place de psychologue.

Je crois que je suis en état de choc, je suis frigorifiée, je tremble dans mes sangles. J’essaye de reconstituer ce qui s’est passé. Tout à l’heure j’étais au travail, j’ai dit « A demain » à mes collègues, je suis allée à mon RDV au CMP, j’ai mangé, pris ma douche, mis mon pyjama, préparé mes repas de la semaine que j’ai mis dans des Tupperware, regardé la télé… Je devais aller me coucher, et maintenant il doit être minuit ou 1h, et je suis là, ligotée à un brancard, considérée comme un danger public. Comment une vie peut-elle basculer comme ça ? Ce n’est plus mon corps, on me l’a pris. C’est un objet qui ne m’appartient plus, sur lequel je n’ai plus de pouvoir. Tout comme ma vie, on me l’a confisquée aussi.

Des infirmiers finissent par venir me chercher et font rouler mon brancard jusqu’à l’U***. Je supplie encore « Ne m’emmenez pas là-bas, je suis éducatrice, je travaille avec ce service parfois, je ne peux pas y être hospitalisée, pitié ! »

Des supplications pleines de larmes, voilà ce à quoi je suis réduite. Le gars qui pousse mon lit me dit comme un robot la phrase qu’on dit aux fous : « Mais oui Madame, tout va bien se passer ». Il se fout royalement de ce que je lui raconte. Il m’emmène à l’U***. Depuis quand on écoute ce que les zinzins de l’U*** ont à dire ?
Je ne peux même pas me rouler en boule, prendre ma tête entre mes mains pour supporter le cauchemar que je suis en train de vivre. Mes membres sont attachés en étoile, c’est une position formidable pour susciter le sentiment de vulnérabilité. Ainsi je comprends bien que ce n’est pas moi qui décide. Je suis terrifiée. J’ai la haine dans l’impuissance de cette humiliation.

J’arrive à l’U*** ligotée sur le brancard, l’U***, le service le plus violent et le plus sinistre de la psychiatrie. Ce n’est qu’un unique couloir. Les chambres sont nues : un lit, une table. Il n’y a que des murs et des portes fermées. Le bruit des badges d’accès et le cliquetis des verrous. Je suis en prison.

D’emblée je suis hautement médiquée et je m’endors, assommée. Quand je me réveille, le cauchemar se réactive. Je suis détachée, je suis hagarde, je demande mes vêtements : « Ici vous n’en avez pas besoin ». Ah bon, dans cet univers parallèle hors de l’humanité, le droit de porter ses propres habits n’existe pas. Les infirmiers de l’U*** ne s’embarrassent pas de blabla. Tout est expéditif et froid. Je les entends siffloter pendant que je pleure. Je regarde la robe d’hôpital que je porte. En plus d’être considérée comme folle, il faut que j’aie le look qui va avec. Il ne faudrait pas qu’on puisse me confondre avec une non-patiente. Je passerai donc les prochains jours dans cette tenue, à dormir profondément, ou à errer toute la journée dans l’unique couloir du service. Je le remonte dans un sens, puis dans l’autre. Et je pleure, je ne fais que pleurer. Je dors, et je pleure. Quand je croise des gens, j’ai encore assez de conscience pour mesurer l’image honteuse que je renvoie. Mon visage ravagé et gonflé par les larmes, ma blouse d’hôpital, mes cheveux ébouriffés, mon air hagard.

J’ai la haine, j’ai tellement la haine. Je la sens bouillonner dans mes tripes malgré les médocs, j’ai envie d’agresser les infirmiers, de les insulter, mais je dois me retenir, ce sont eux qui ont le pouvoir. Je ne dois pas leur donner raison, je dois tout faire pour rentrer chez moi… Malgré les tentatives des médecins de me briser à coup de médicaments et de séquestration, je ne me départirai jamais de ma conviction que je n’ai absolument rien à faire là, que je suis victime d’un internement abusif et injustifié, et cette lucidité rend ma situation d’autant plus insupportable.

Je suis obsédée par le cliquetis des clés, les bips des badges qui commandent l’ouverture des portes, j’essaye d’apercevoir l’autre côté, la liberté, la vie normale, là où est restée ma dignité, là où m’attendent mon travail, ma vie, mes amis.

Debout, au milieu du couloir, je m’immobilise souvent et je sanglote bruyamment parce que je n’en peux plus, j’étale mon chagrin : « Je veux rentrer chez moi, je n’ai pas prévu de me tuer, pourquoi suis-je ici ? ». Les infirmiers me contournent parce que je gêne le passage. Ils ne se formalisent pas, ne m’adressent pas la parole sauf pour me dire « Allez dans votre chambre ».

Je n’ai jamais expérimenté de rapports humains si indifférents et condescendants. Ce n’est pas seulement mon corps qu’ils m’ont volé, ils me confisquent mon humanité. Ici ma dignité n’est plus qu’un lointain souvenir. Ce n’est même pas du mépris, je ne suis pas assez considérée pour être méprisée. Je suis transparente. Ma souffrance est tournée en ridicule : « Elle boude », « Elle n’a encore rien mangé, tant pis pour elle ».

On parle brièvement de moi à la troisième personne. Le reste du temps on m’ignore, je suis priée de ne pas déranger. Je pense à mes repas de la semaine dans mon frigo, ils vont moisir. Et les jeunes dont je m’occupe, et les partenaires de travail, quel jour est-on ? Il y avait une réunion au collège mardi pour Kilian, je ne pourrai pas y être ! Et jeudi j’avais un rendez-vous de recadrage pour une jeune maman qui va se faire virer de son centre maternel. Ils m’attendent, ils attendent Madame L*****, mais il y a les murs, je ne peux pas les rejoindre. Je me dis : Madame L***** est là, mais on lui a pris sa vie, elle ne peut plus utiliser son corps, ses jambes, sa bouche, on lui a tout pris, ce n’est pas sa faute, elle ne peut pas venir ! Et j’en pleure, j’en pleure. Le mot pleurer n’est même pas assez fort pour retranscrire les torrents de malheur et de détresse qui ruissellent de moi. POURQUOI SUIS-JE LA ? C’est un non-sens absolu. Et ça dure, ça dure, ça dure, ça dure des heures, des jours, des nuits. Il n’y a aucun répit.

Ca fait des mois que je suis déprimée, mais cette souffrance - là est inédite. Ce n’est pas la souffrance solitaire de mon repli habituel, c’est la souffrance de la violence publique, « légitime », qu’on m’inflige, et elle est nettement plus intense. Je ne pensais même pas que ma tête pouvait supporter un tel niveau de détresse.

Dès le 2e jour, le psychiatre de l’U*** me reçoit. Ma langue étant paralysée à cause des médicaments inconnus qu’on me force à ingurgiter, je ne peux pas parler, même en forçant. Je produis des sons inaudibles, ma mâchoire est de travers, j’ai honte, j’ai l’air d’une folle comme ça. Lundi, j’étais encore Mme L*****, j’avais des habits, je parlais sans peine à des juges, à des gens qui m’écoutaient. Aujourd’hui mercredi je suis là, un corps brisé en robe d’hôpital, dans un esprit brisé et ma langue ne fonctionne plus. A la demande du médecin, l’infirmière court me chercher un antidote pour que le médecin puisse me comprendre.

J’ai une brève lueur d’espoir car le médecin semble trouver mon discours cohérent et estime mon hospitalisation non justifiée « Je ne comprends pas bien ce que vous faites là ». La vie revient, j’accepte de prendre une douche, je me dis qu’ils vont me libérer très vite. Mais finalement, le psychiatre a un échange avec ma sœur, et tous mes espoirs de libération seront douchés. Encore une fois, ma sœur a dû mettre le paquet pour le convaincre de me garder. La haine me déchire les tripes, je sombre.

Les deux chambres d’isolement sont occupées, ça hurle et ça cogne tout au long de la journée. Je suis terrifiée, c’est un climat de folie. Je me sens totalement vulnérable, minuscule, et je refuse de me mêler à mes « semblables ». Je les regarde avec horreur et je sais que je suis considérée comme l’une des leurs. Je n’arrive plus à manger, je n’arrive plus à me laver, je ne vais même plus aux toilettes, et le reflet dans la vitre me terrorise. A quoi m’ont-ils réduite en si peu de temps ?

Je pleure, je supplie, je questionne. J’étale mon pathétique. Ma tenue pathétique, mon visage pathétique boursouflé tellement je pleure, mes propos pathétiques : « S’il vous plaît, je veux rentrer chez moi. Je n’ai pas prévu de me tuer, je regardais la télé, j’avais des RDV importants au travail. Pourquoi suis-je ici ? ». On ne me répond pas ou on ricane « Mais oui madame, tout va bien se passer ».

Ils savent beaucoup mieux que moi ce qui est bon pour moi. Ils le savent tellement mieux qu’ils ne prennent même pas la peine de me le dire. Ils estiment que ce qu’ils me font vivre est bon pour moi, bien meilleur que le reste.

Rapidement je me dégrade. Les fortes doses de médicaments m’assomment et les effets secondaires deviennent insupportables : mon corps me lâche, j’ai des pertes de connaissance et je tombe par terre, ma langue se paralyse, parfois je ne peux plus parler et je fais de l’akathisie. Malgré l’épuisement provoqué par les médicaments, mon corps est incapable de se reposer et de s’arrêter de bouger. Je ne m’alimente plus. Je pleure, je macère dans ma détresse et dans ma rage.

Le dimanche lors de la pesée, je réalise que j’ai perdu plus de 4 kilos en 5 jours.
Du fond de ma séquestration, je ne sais plus si je veux vivre, je suis au fond du trou. Je pense à mes RDV médicaux, à mes amis qui doivent se demander où je suis, je n’ai pu prévenir personne. On m’a confisqué mes affaires et mon téléphone. Ils refusent de me le donner, ils se moquent que mon travail ne soit pas averti de mon absence. Personne ne m’a même demandé les coordonnées de mon employeur. Ma vie ne les intéresse pas, ce que je suis et ce que j’ai à dire ne les intéresse pas.

Ca fait mal, tellement mal, la douleur refuse de se calmer… Mon travail, on m’a arraché mon travail… J’ai honte, comment pourrai-je expliquer cette disparition soudaine et inexpliquée aux familles, aux partenaires, à ma hiérarchie et aux collègues ? Même si je sors d’ici, comment pourrais-je justifier cela ? L’humiliation me tord les tripes.

Je ne sais même plus quel jour on est, mon cerveau est confus, mon corps est confus, certaines parties ne répondent plus. Une nuit je me mets à trembler, j’essaye d’atteindre le poste de soin pour demander de l’aide mais je m’effondre sur le seuil de ma chambre. Il fait totalement noir, je suis allongée par terre, la joue sur le linoleum collant. C’est pas naturel d’avoir sa bouche si près du sol, c’est répugnant. Mon corps ne répond plus, je n’arrive pas à relever ma tête. J’essaye d’appeler au secours, mais aucun son ne sort de ma bouche. J’ai encore ma conscience, mais mon corps ne répond plus, c’est une sensation atroce.

Je suis terrifiée. Je reste étendue là longtemps. Ma voix finit par revenir et j’arrive à crier « A l’aide ! » plusieurs fois. L’infirmier arrive avec sa lampe de poche, il m’éclaire tandis que je suis toujours étendue sur le sol : « Allez Madame, ça suffit, relevez-vous, retournez dans votre lit ».

Il ne m’aide pas. Il pense que je joue la comédie. Encore une zinzin de l’U*** qui fait des siennes pour attirer l’attention. Il m’est tellement difficile de parler, et son ton est tellement sec que j’arrive à rassembler mes forces pour m’agripper à ma poignée de porte pour me relever toute seule. Je réussis à tituber jusqu’à mon lit et je n’en sortirai plus. Ils m’ont réduite à l’état de légume.

Ces 6 jours ont été les plus cauchemardesques de toute ma vie. Je n’ai jamais vécu une expérience aussi violente et déshumanisante. Juste un magma de détresse, des torrents de larmes que les médicaments ne calmaient même pas. Et cette haine sourde contre tous ceux qui me maintenaient dans cet enfer. Contre celles qui m’y avaient envoyée. Et surtout cette logique INSENSEE, cette montagne d’ABSURDITE. Pourquoi ai-je eu à vivre une telle horreur ? Qu’avais-je concrètement fait pour justifier des mesures aussi disproportionnées ? Où était l’état de crise, la mise en danger concrète ? Je ne m’étais fait aucun mal, ni directement, ni indirectement.

On m’a enfermée uniquement sur la base des projections délirantes de tierces personnes que j’avais mises à distance depuis des semaines.

Pour les derniers jours, je suis transférée sur l’unité 2, le service de ma propre psychiatre, le Dr S****. Un lieu plus humain, où les soignants font plus attention aux patients. C’est 3 fois plus grand que l’U***, il y a un jardin et une salle d’activité manuelle, même si elle est rarement ouverte. Et j’ai mes habits !

Quand le Dr S**** me voit arriver, elle est effarée par mon état et la lourdeur du traitement qui m’a été donné. Elle sera choquée également d’apprendre que j’ai été ligotée. Elle modifie immédiatement la prescription. Mes malaises continuent quand même, le midi, je tombe par terre au milieu de la salle à manger. Je me cogne le front et une bosse se forme. De toute façon, je ne sens plus mon corps depuis que j’ai été enlevée et séquestrée dans cet hôpital.

Les infirmières me ramassent, m’examinent et me disent que je fais de l’hypotension orthostatique à cause des médicaments. Ma tension est effectivement au ras des pâquerettes. Je les remercie, je suis devenue docile, soumise. Ma colère s’atténue, je suis obnubilée par l’idée de sortir de là, le reste n’est rien. C’est la seule perspective qui occupe mes pensées. Je serais capable de lécher les chaussures de n’importe qui si ça pouvait mettre un terme à ce supplice.

Je continue de pleurer et de supplier en remontant les couloirs et en gémissant que je veux rentrer chez moi, que je n’ai rien à faire là. Le groupe de malades est bruyant et leurs pathologies forment un tableau effrayant. Je ne supporte pas ce collectif, la promiscuité avec ces patients. L’un d’eux porteur du Covid (je l’apprendrai plus tard), me tousse dessus en plein repas. C’est à cette occasion que je serai contaminée.

J’apprends le lundi qu’une audience concernant ma situation aura lieu le mercredi matin. La privation de liberté doit en effet être validée par la justice. Je réussis à écrire une lettre pour demander un avocat, en mettant 2 jours à la rédiger tellement je suis brumeuse et ralentie. Je suis horrifiée : mes facultés intellectuelles étaient très performantes avant que je sois enfermée ici, je pouvais tenir une audience, rédiger un écrit pertinent et structuré. Et là, mon cerveau peine à aligner les mots : les médecins m’ont aussi confisqué mes capacités cognitives et intellectuelles… ! Y a-t-il quoi que ce soit qu’on ne m’ait pas enlevé ?

Je dois passer devant un juge pour valider mon hospitalisation forcée. J’en suis là. L’humiliation continue de me donner le vertige. J’ai tellement honte de devoir passer au tribunal en tant que patiente, de devoir aller au tribunal où je travaille depuis des années, escortée par des infirmiers psychiatriques. Et si je croisais des collègues, des juges ou des greffiers que je connais ? Ils se diraient : « Ah, c’est pour ça qu’elle a disparu ? » Mme L*****, assistante socio-éducative, réduite à l’état de légume, encadrée par des blouses blanches, qui s’avance vacillante devant le tribunal pour être traînée devant un juge qui confirmera que cette séquestration est bonne pour elle. La justice doit venir apposer son sceau et sa validation sur les horreurs ininterrompues que je vis depuis 8 jours. Démolie comme je le suis sur le plan physique et mental, les médecins se sont assurés que je n’aurai aucune crédibilité devant un magistrat !

Finalement le confinement national tombe le mardi, l’audience se tiendra donc sans moi, sans que j’aie pu me défendre. J’apprends avec dégoût que bien évidemment, mon internement a été validé.

Le vendredi, je suis libérée par le Dr S*****. Je ressors amaigrie, démolie psychologiquement, désorientée et terrifiée de ce qui m’a été infligé. Mais le soulagement est immense. Je retourne à mon appartement comme si je regagnais le rivage après m’être noyée.

Je ne retiens rien d’autre de ces 10 jours de cauchemars qu’un traumatisme à vif, que je n’arrive pas à dépasser. Je sais maintenant que je peux être emmenée de force de chez moi par des inconnus, et que c’est légal. Je sais que je peux être attachée, qu’on peut me confisquer mon corps et ma vie et que c’est légal. Je sais que je peux être traitée comme une folle, je sais que la valeur de ma parole peut disparaître à tout moment. Je sais que je peux basculer dans la déshumanisation et que ça peut arriver très vite.

J’ai parfois des angoisses le soir chez moi quand je suis tranquillement devant ma télé, je guette les bruits de pas derrière ma porte. Je me réveille la nuit en panique pour vérifier que le cauchemar est fini et que je suis bien dans mon lit, et plus emprisonnée à l’hôpital. Qu’il n’y a plus de sangles, que j’ai bien récupéré mon corps. Parfois même, je suis étalée sur mon lit, les membres en étoile et je n’arrive plus à bouger, comme si les sangles étaient encore là. Quand je vais au tribunal pour le travail et que je croise des patients encadrés par des infirmiers psychiatriques, je tremble et je me cache dans les toilettes, parce que je me vois moi, ce qu’on m’a fait, et ça me terrifie.

Pour mon esprit, il y a une partie de moi qui est restée là-bas, enfermée dans cet hôpital. Il suffit parfois de peu de choses pour sentir revenir la rage et la détresse, l’impuissance et la haine qui se sont emparées de moi pendant ces 10 jours de séquestration. L’humiliation et le sentiment d’injustice n’ont pas perdu de leur puissance, ils sont toujours aussi cuisants, même 2 ans après.

Pour résumer :

— J’étais une citoyenne normale, insérée socialement et professionnellement

— J’étais chez moi, propre, bien nourrie, en pyjama devant ma télé

— J’avais préparé tous mes repas de la semaine, stockés dans mon frigo

— Mon logement était propre et bien rangé

— Je travaillais normalement à temps plein, je recevais du public, je menais des rendez-vous avec des usagers.

— Aucun de mes collègues ni ma hiérarchie n’avaient constaté la moindre anomalie dans mon comportement ou dans l’exercice de mes fonctions, j’étais performante, cohérente

— Je maintenais des relations sociales avec de nombreuses copines ou amis : Anne, S T, Aurélie, Charles, Cécile, Fréd, Aline, Vanessa. Tous pourront en témoigner

— J’avais des projets : des rendez-vous médicaux en vue de mon opération de chirurgie esthétique, un projet de vacances avec ma meilleure amie Anne

— Je soignais ma dépression, j’étais compliante aux soins

— J’honorais tous les RDV avec ma psychiatre

— Je prenais scrupuleusement le traitement qu’elle me donnait

— J’ai déjà été hospitalisée en clinique par le passé mais jamais la moindre coercition ni la moindre violence ne m’avait été infligée. Même dépressive, j’ai toujours été lucide et ai toujours réclamé de l’aide quand j’en ai eu besoin.

— De toute ma vie, je n’ai jamais eu un passage à l’acte auto-agressif envers moi-même : jamais je n’ai essayé de m’ouvrir les veines, ni avalé une boîte de médicaments ni quoi que ce soit. Je rappelle que les gens dépressifs ne sont pas systématiquement suicidaires, cet amalgame est honteux.

Malgré tout cela, deux psychiatres qui ne me connaissaient pas et qui n’ont même pas pris la peine d’avoir un réel entretien avec moi, ont décrété que j’étais dangereuse et qu’il fallait m’interner de force, sur le seul fondement des propos de 2 personnes qui voulaient garder le contrôle sur ma vie et m’empêcher de subir mon opération de chirurgie esthétique. Je n’ai fait l’objet d’aucun entretien clinique qui aurait permis de nuancer les alarmes et les projections de ces tierces personnes.

Ces psychiatres ont décrété que j’étais dangereuse seulement quelques heures après que ma propre psychiatre m’ait reçue pendant 1h sans noter d’inquiétude réelle sur mon état.

J’ai subi un internement abusif, et reçu des traitements dégradants et inadaptés qui ont entraîné le développement d’un syndrome de stress post-traumatique. Les mesures qui ont été prises à mon encontre étaient injustifiées et totalement disproportionnées. Aucun verrou qui structure la privation de liberté et qui protège le droit des patients n’a été respecté dans ma situation. J’ai subi l’arbitraire et le zèle des médecins dans tout leur excès.

Sous le prétexte d’un « sauvetage », j’ai été plus gravement violentée que jamais. Je ne pardonnerai jamais les atrocités qui m’ont été infligées : j’ai été attachée, séquestrée, droguée à l’excès et niée dans mon humanité. Et tout ça pour RIEN, je n’avais aucune intention de me suicider, je ne représentais un danger ni pour moi-même ni pour autrui. J’avais des projets en cours, à court et moyen terme, et mon travail était le centre de ma vie. On m’a arraché mon corps, ma dignité, anéanti ma parole et confisqué ma vie, et j’ai subi toutes ces violences POUR RIEN.

Dans les semaines et les mois qui ont suivi cette hospitalisation, ce n’est pas une mais deux opérations de chirurgie esthétique que j’ai décidé de subir. Il me fallait me rassurer sur le fait que mon corps était bien à moi. Je suis profondément ravie des résultats et je regrette simplement de ne pas m’être autorisée à les effectuer plus tôt. Mon état mental est bon, je ne prends plus aucun traitement antidépresseur. J’ai repris ma vie et mon travail, je suis toujours aussi bien notée par ma hiérarchie, et ma vie sociale reste satisfaisante.

Je n’adresse plus la parole à ma sœur et à mon « amie » intrusive. Elles m’horrifient d’une force que je n’aurai jamais cru possible. J’ai repris le contrôle de ma vie, en tenant à distance toute personne qui ne respecterait pas mes choix de vie, et je m’en porte beaucoup mieux.

Je continue d’avancer et de me reconstruire malgré tout, mais je n’oublierai ni ne pardonnerai jamais ce qu’on m’a fait vivre durant ces 10 jours d’enfer.