2021-11-19 - Proposition de loi sur l’isolement et la contention en psychiatrie

• Pour citer le présent article : https://psychiatrie.crpa.asso.fr/801

Document du vendredi 19 novembre 2021
Article mis à jour le 11 février 2022
par  A.B.

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2021-06-04 - (Décision QPC) Vers une judiciarisation systématique de l’isolement et de la contention

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CRPA - Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la psychiatrie
Association régie par la loi du 1er juillet 1901 | Réf. nº : W751208044
Président : André Bitton. 14, rue des Tapisseries, 75017, Paris.
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Communiqué

Paris, le 19 novembre 2021.

Résumé - Réforme à la sauvette de l’isolement et de la contention en psychiatrie, débat squeezé. Depuis la loi Santé de 2016 qui avait inclus un article sur la traçabilité de l’isolement et la contention par amendement (donc sans étude d’impact …) ce sont 2 censures constitutionnelles qui sont intervenues … et bientôt une 3e

Comme prévu mardi 16, lors de la 1re lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2022 au Sénat, la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale réunie le 18 novembre a rétabli, sur amendement du Rapporteur M. Thomas Mesnier, l’article 28 relatif à l’isolement et à la contention en psychiatrie tel qu’il avait été adopté en 1re lecture par l’Assemblée nationale le 22 octobre passé (cliquer sur ce lien).

Néanmoins le Groupe Les Républicains du Sénat a clairement annoncé son intention de saisir le Conseil constitutionnel en fin de parcours législatif de ce projet de loi notamment pour que les « cavaliers législatifs » qu’il contient soient abrogés afin de préserver la lisibilité et la sincérité de ce texte (cliquer sur ce lien).

Une suppression de l’article 28 étant donc fort probable sur décision du Conseil constitutionnel, on pouvait s’attendre à ce qu’une proposition de loi soit déposée pour pallier le vide juridique pouvant être créé par ces abrogations - suppression successives.

2021-11-19 Communiqué CRPA - Proposition de loi du 12-10-2021.

Tel est le cas. Une proposition de loi en date du 12 octobre a bien été déposée sous la signature de 19 députés de différents bords politiques qui vise à rétablir les dispositions relatives à la judiciarisation systématique des maintiens en isolement et contention lors des hospitalisations sans consentement (lire ci-joint).

Ces différents rebondissement dans le cadre de ce que Hélène Mora (ancienne secrétaire générale de la Fédération nationale des associations de patients et ex-patients des services de psychiatrie) aurait appelé « Une véritable histoire de fous » [1], n’en traduisent pas moins l’inadéquation structurelle d’une institution en situation de faillite et d’un Gouvernement qui serre les boulons de tous les côtés en faisant aux professionnels de la psychiatrie une situation impossible.

Encore une fois un débat de fond a été évité sur cette question douloureuse voire traumatique de l’isolement et de la contention : nombre de patients qui subissent ces mesures en sortent traumatisés et en ayant perdu confiance dans la médecine.
Qu’on en juge : depuis la loi Santé de 2016 qui avait inclus un article sur la traçabilité de l’isolement et la contention par amendement (donc sans étude d’impact …) ce sont 2 censures constitutionnelles qui sont intervenues … et bientôt une 3e

Nous en concluons au plus fort qu’encore une fois le Gouvernement et sa majorité parlementaire légifèrent sur les droits fondamentaux des personnes psychiatrisées sans y consentir (…) et même lorsque enfin on y arrive c’est selon une modalité telle qu’une nouvelle censure pointe à l’horizon…

Ce serait drôle si ce n’était en réalité dramatique. Que l’on se réfère à des photos de chambres d’isolement avec des sangles de contention qui figurent dans les rapports annuels du Contrôle général des lieux de privation de liberté.

Nous en appelons pour notre part à un changement de paradigme sur la question de l’hospitalisation psychiatrique sans consentement.

Nous rappelons que les difficultés sont réelles et sérieuses pour accéder à des soins en matière de santé mentale dès lors que les personnes ne sont pas recrutées par cooptation dans des filières de prises en charge précises (voir les Centres experts) qui ont fréquemment des critères de recrutement des patients qui ne concernent pas ou seulement à la marge les populations les plus fragiles et les plus à risques de décompensation.

Il s’est instauré ces deux dernières décennies une psychiatrie à plusieurs vitesses qui renvoie à la seule répression, à l’enfermement et à la maltraitance un très grand nombre de personnes qui nécessiteraient une prise en charge psychiatrique. Entre autres problématiques graves dont celle des internements psychiatriques abusifs dont on peut actuellement avoir une idée chiffrée par le nombre de mainlevées accordées annuellement par les juridictions en charge des contrôles judiciaires des mesures d’hospitalisations sans consentement.


Proposition de loi instaurant un contrôle judiciaire systématique des mesures d’isolement et de contention

Source (site Assemblée nationale) : https://www.assemblee-nationale.fr/...

Nº4546.

ASSEMBLÉE NATIONALE - CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 - QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2021.

Proposition de loi visant à instaurer un contrôle systématique du juge des mesures d’isolement ou de contention

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Pierre MOREL À L’HUISSIER, Jean Christophe LAGARDE, Guy BRICOUT, Jean Yves BONY, Typhanie DEGOIS, Stéphanie KERBARH, Philippe BENASSAYA, Luc LAMIRAULT, Marie France LORH.O. Martine WONNER, Sébastien CHENU, Gérard MENUEL, Bénédicte TAURINE, Graziella MELCHIOR, Victor HABERT DASSAULT, Jean Luc REITZER, Sophie MÉTADIER, Jennifer DE TEMMERMAN, Jean Claude BOUCHET,
députés.

1. – EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Il y a un an, le Conseil Constitutionnel se prononçait sur la compatibilité des dispositions de l’article L 3222-5-1 du code de la santé publique avec l’article 66 de la Constitution, notamment » en ce qu’elles ne prévoient pas de contrôle juridictionnel systématique des mesures d’isolement et de contention mises en œuvre dans les établissements de soins psychiatriques ».

Cet article prévoyait les contours des mesures d’isolement et de contention dans le cadre d’une hospitalisation sans consentement. Ces mesures s’inscrivent dans une démarche thérapeutique afin de protéger le patient de violences imminentes liées à un trouble mental que ce soit pour eux mêmes ou pour les praticiens les encadrant. Si le cadrage législatif de l’hospitalisation sans consentement permet une intervention systématique du juge des libertés et de la détention, ce personnage central était assez mystérieusement peu réquisitionné dans le contentieux de l’isolement ou de la contention.

À ce titre, le Conseil Constitutionnel a déclaré l’article L. 3222 5 1 inconstitutionnel considérant que si « l’article 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire, il n’impose pas que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté […]. En revanche, la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible. Or, si le législateur a prévu que le recours à isolement et à la contention ne peut être décidé par un psychiatre que pour une durée limitée, il n’a pas fixé cette limite ni prévu les conditions dans lesquelles au delà d’une certaine durée, le maintien de ces mesures est soumis au contrôle du juge judiciaire. Il s’ensuit qu’aucune disposition législative ne soumet le maintien à l’isolement ou sous contention à une juridiction judiciaire dans des conditions répondant aux exigences de l’article 66 de la Constitution ».

Dès lors, le juge constitutionnel considérait que le législateur aurait dû fixer les conditions garantissant la sauvegarde de la liberté individuelle en prévoyant l’intervention du juge dans le plus court délai possible.

La loi nº 2020 1576 du 14 décembre 2020 (cliquer ici) est venue pallier cette inconstitutionnalité. Le nouveau dispositif rappelle que ce sont « des pratiques de dernier recours » et qu’elles doivent être prises « pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui ».

Une durée limite légale a été fixée pour chaque mesure au regard des recommandations faites par la Haute Autorité de Santé (HAS, Recommandation de bonne pratique, isolement et contention en psychiatrie générale, févr. 2017) :

–- une mesure d’isolement peut être prise par un psychiatre pour une durée maximale de douze heures et être renouvelée, si l’état de santé du patient le nécessite, par périodes de douze heures, dans la limite d’une durée totale de quarante huit heures ;

–- une mesure de contention peut être prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée par périodes de six heures, dans la limite d’une durée totale de vingt quatre heures.

Dans le cas exceptionnel où la mesure d’isolement excède quarante huit heures ou la mesure de contention vingt quatre heures, le médecin doit informer sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la mesure.

Doivent également être informés :

— la personne faisant l’objet des soins ;
— les titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur si la personne est mineure ;
— la personne chargée d’une mesure de protection juridique relative à la personne faisant l’objet des soins ;
— son conjoint, son concubin, la personne avec laquelle elle est liée par un pacte civil de solidarité ;
— la personne qui a formulé la demande de soins ;
— un parent ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de la personne faisant l’objet des soins ;
— le procureur de la République.

Ces personnes peuvent saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de mainlevée de la mesure d’isolement ou de contention, et doivent être informées par le médecin de ce droit.

Dans le cas d’une telle saisine, le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de vingt quatre heures.

Par ailleurs, lorsque le médecin prend une quatrième mesure d’isolement ou de contention sur une période de quinze jours, il devra obligatoirement en informer le juge des libertés et de la détention ainsi que les personnes précédemment énumérées.

Si les prescriptions faites par le Conseil constitutionnel en 2020 semblent être respectées, un nouveau rebondissement vient mettre à mal le nouveau dispositif.
En effet la juridiction de nouveau saisie par la voie d’une question prioritaire de constitutionnalité a censuré dans une décision nº 2021 912/913/914 QPC en date du 4 juin 2021 l’alinéa 3 du II de l’article L. 3222 5 1 du code de la santé publique fixant les conditions dans lesquelles une personne en hospitalisation sans consentement peut être placée en isolement ou en contention, jugeant que le contrôle judiciaire mis en place par cette disposition était insuffisant.

Les juges ont estimé qu’en ne soumettant pas le maintien en isolement ou en contention du patient au delà du délai légal à un contrôle systématique du JLD, l’article L. 3222 5 1 alinéa 3 du code de la santé publique violait l’article 66 de la Constitution protégeant les individus contre toute détention arbitraire.

La censure, dont les effets sont différés au 31 décembre 2021, concerne les troisième et sixième alinéas de l’article L. 3222 5 1 du code de la santé publique, relatifs à l’information du juge lorsque le médecin prend plusieurs mesures :

— consécutives d’une durée excédant quarante huit heures pour l’isolement ou vingt quatre heures pour la contention ;
— ou d’une durée cumulée excédant, sur une période de quinze jours, quarante huit heures pour l’isolement et vingt quatre heures pour la contention.

Par conséquent, la présente proposition de loi vise à instaurer un contrôle systématique du JLD au delà d’une certaine durée.

L’article 1er prévoit qu’au delà de la limite légale fixée, à savoir 48 heures pour l’isolement et 24 heures pour la contention, le directeur de l’établissement informe le JLD qui peut s’autosaisir.

De plus, avant l’expiration du délai de 72 heures pour l’isolement et 48 heures pour la contention, la saisine du JLD est obligatoire et celui ci doit statuer dans un délai de 24 heures après l’expiration des délais précités.

De plus, cette procédure devra s’appliquer également en cas de cumul arrivant à 48 heures pour l’isolement et 24 heures pour la contention dans un délai de 15 jours.
En conséquence des modifications apportées, les articles 2, 3 et 4 de la proposition de loi modifient les articles L. 3211 12, L. 3211 12 2 et L. 3211 12 4 du code de la santé publique.
 

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le II de l’article L. 3222 5 1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« II. ‒ La mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée par périodes maximales de douze heures dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités, dans la limite d’une durée totale de quarante huit heures. « La mesure de contention est prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée par périodes maximales de six heures dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités, dans la limite d’une durée totale de vingt quatre heures.

« À titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au delà des durées totales prévues aux deux premiers alinéas du présent II, la mesure d’isolement ou de contention, dans le respect des autres conditions prévues au I et aux mêmes deux premiers alinéas du présent II. Le directeur de l’établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la mesure, ainsi que les personnes mentionnées à l’article L. 3211 12 dès lors qu’elles sont identifiées.

« Au delà des durées fixées aux alinéas précédents, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure, le directeur de l’établissement saisit le juge des libertés et de la détention :

« 1º Avant l’expiration de la soixante douzième heure de placement en isolement ;
« 2º Avant l’expiration de la quarante huitième heure de placement sous contention.
« Le juge des libertés et de la détention statue dans les vingt quatre heures après l’expiration des durées prévues aux alinéas précédents.

« Le juge des libertés et de la détention autorise le maintien de la mesure dans les conditions prévues au I et aux alinéas précédents. Si le renouvellement de la mesure est nécessaire après deux décisions de maintien du juge des libertés et de la détention, celui ci est saisi au moins vingt quatre heures avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de la précédente décision rendue. Il statue avant l’expiration de ce délai de sept jours. Il peut être saisi de nouveau au moins vingt quatre heures avant l’expiration de chaque délai de sept jours. Il statue dans les mêmes conditions.

« Lorsque le juge des libertés et de la détention ordonne la mainlevée de la mesure, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de quarante huit heures. Toutefois, si la situation du patient rend impossible d’autres modalités de prise en charge permettant d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui, le médecin peut prendre une mesure avant l’expiration du délai susmentionné.

« Les mesures d’isolement et de contention peuvent également faire l’objet d’un contrôle par le juge des libertés et de la détention en application du IV de l’article L. 3211-12-1.

« Pour l’application du présent II, une mesure d’isolement ou de contention est regardée comme une nouvelle mesure lorsqu’elle est prise au moins quarante huit heures après une précédente mesure d’isolement ou de contention. En deçà de ce délai, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement et de contention qui la précèdent et les dispositions des trois premiers alinéas du présent II relatifs au renouvellement des mesures lui sont applicables.

« Les dispositions des troisième à sixième alinéas du présent II s’appliquent également lorsque le médecin prend plusieurs mesures d’une durée cumulée de quarante huit heures pour l’isolement et de vingt quatre heures pour la contention sur une période de quinze jours.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent II. »

Article 2

Le deuxième alinéa du I de l’article L. 3211-12 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1º Les mots : « du troisième alinéa du II » sont supprimés ;
2º Il est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il statue dans un délai de vingt quatre heures à compter de sa saisine. » ;

Article 3

Le III de l’article L. 3211-12-2 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1º Au premier alinéa, les mots : « du II » sont supprimés et après les mots : « d’office », sont insérés les mots : « ou qui a été saisi aux fins de prolongation de celle ci » ;
2º Il est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Le juge de la liberté et de la détention statue dans les conditions prévues par décret en Conseil d’État. » ;

Article 4

À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 3211-12-4 du code de la santé publique, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 3222-5-1, ».


CNEH - Billet d’humeur - Nos élus auraient-ils recouvré de la raison législative ? A propos de la suppression de l’article 28 du PLFSS 2022

Catégorie : Psychiatrie et santé mentale Date : 16/11/2021

Source : https://www.cneh.fr/blog-jurisante/...

Isabelle Génot Pok, juriste consultante en droit de la santé, Centre de droit JuriSanté du CNEH

C’est tard dans la soirée que nos Sages sénateurs ont recouvré de la lucidité législative et constitutionnelle en votant, contre l’avis du Gouvernement, un amendement de suppression de l’article 28 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022 relatif à la systématisation du contrôle judiciaire de l’isolement et de la contention en psychiatrie lorsque les mesures dépassent certaines durées. C’est à l’initiative de la sénatrice Corinne Imbert (LR), que ce vote a eu lieu, dans une volonté ferme de la commission des affaires sociales de « nettoyer » le texte de dispositions qualifiées de cavaliers sociaux[1].

Grand bien lui fasse…, En effet on rappellera que si les parlementaires disposent du droit d’amender les projets et propositions de lois, de leur seule initiative ou en adoptant des amendements déposés par le Gouvernement, ce droit d’amendement reconnu connaît cependant des limites commandées par la cohérence législative et la clarté des débats parlementaires.

Chaque fois qu’elle est ignorée, cette prohibition devrait entrainer la chute du « cavalier », notamment à l’issue de la procédure législative et/ou par l’effet de sa censure par le Conseil constitutionnel.

On peut donc se demander pourquoi cette suppression n’a pas eu lieu lors de l’examen du PLFSS de 2020 pour 2021 ?

C’est dans les explications données par la sénatrice porteuse de la suppression de l’amendement que l’on comprend que : « En 2020, la crise sanitaire et les difficultés rencontrées par le Parlement dans ses travaux législatifs au long de l’année ont pu justifier l’introduction d’une disposition relative à l’isolement et à la contention en LFSS, pour laquelle la commission rappelle que le Conseil constitutionnel n’avait pas été saisi ». Cette année, « la présence de cette mesure en LFSS, dont les délais d’examen sont particulièrement contraints, ne peut qu’interroger tant par la forme que par la méthode, car le Gouvernement a eu l’occasion, depuis le 4 juin 2021, de faire examiner un projet de loi sur le sujet ». Par ailleurs, elle précise la nécessité de respecter le « principe fondamental de lisibilité et de sincérité des débats parlementaires, qui commande qu’un véhicule législatif soit le lieu de discussion de dispositions cohérentes et réunies par un même objet »[2]. Ce principe « vaut tout particulièrement pour la LFSS, dont l’examen est enserré dans des délais constitutionnels », insiste l’élue.

De toute évidence l’importance de ce texte touchant aux libertés fondamentales est mise au grand jour et sera, espérons-le, ainsi que l’expriment aussi les membres de la commission sénatoriale, l’objet d’un texte de loi à part entière, comme il le méritait déjà en 2020. On ne peut traiter d’un sujet si aigüe et sensible dans un « simple » article de loi au milieu de moultes autres articles indifférents à ce domaine, sans engendrer un sentiment de non considération pour la santé mentale.

C’est donc dans une fébrile attente que nous regarderons l’horizon législatif en espérant y voir pointer un véritable projet de loi digne de ce nom d’ici la fin de l’année, comme exigé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 4 juin 2021[3]. Faute de quoi, c’est un vide juridique sidéral qui attend les acteurs de la psychiatrie dès lors que le dispositif mis en place par l’article 84 de la LFSS du 14 décembre 2020 sera abrogé fin d’année 2021.

Affaire à suivre.

[1] En droit français, le terme cavalier est utilisé dans un projet ou une proposition de loi afin de désigner des dispositions qui, en vertu des règles constitutionnelles ou organiques régissant la procédure législative, n’ont pas leur place dans le texte dans lequel le législateur a prétendu les faire figurer. Par ailleurs, le cavalier social est une disposition dont la présence dans une loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) est proscrite par l’article 34 alinéa 20 de la Constitution et l’article 1er de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (du 22 février 1996) , car ne relevant ni du domaine exclusif des LFSS ni de leurs domaines facultatifs. À défaut, les cavaliers sociaux inclus dans un projet de loi de finances font systématiquement l’objet d’une censure par le Conseil constitutionnel.

[2] Propos repris de la dépêche d’Hospimédia « Le Sénat supprime dans le PLFSS les dispositions relatives à l’isolement-contention – Publiée le 10/11/21.

[3] https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2021/2021912_913_914QPC.htm


[1«  Une véritable histoire de fous  » est le titre de l’ouvrage témoignage sur sa psychiatrisation qu’Hélène Mora (née en 1924 et décédée depuis) avait fait publier à compte d’auteur. Ce livre avait été préfacé par Loïc Le Goff, fondateur de la FNAP PSY (1992). Editeur 45270, Bellegarde, 1er trimestre 1992.


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