2021-06-04 - (Décision QPC) Vers une judiciarisation systématique de l’isolement et de la contention

• Pour citer le présent article : https://psychiatrie.crpa.asso.fr/786

Document du vendredi 4 juin 2021
Article mis à jour le 24 juillet 2021
par  A.B.

Dossier sur notre site sur l’isolement et la contention en psychiatrie à partir de l’instauration d’une traçabilité de ces mesures, cliquer sur ce lien

Pour retrouver cet article sur l’édition participative de Mediapart, Les Contes de la folie ordinaire, cliquer sur ce lien

2021-06-09 - Radio Libertaire L’Entonnoir : un point sur la réforme de l’isolement - contention

2021-06-05 - (Le Monde) Vers un véritable contrôle judiciaire des mesures d’isolement - contention

2021-06-04 - (Hospimedia) Le Gouvernement est contraint à légiférer de nouveau sur l’isolement-contention

2021-06-09 - Réactions des organisations professionnelles de psychiatrie


CRPA - Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la psychiatrie
Association régie par la loi du 1er juillet 1901 | Réf. n° : W751208044
Président : André Bitton. 14, rue des Tapisseries, 75017, Paris.
Pour nous contacter, cliquer sur ce lien

2021-06-06 Communiqué CRPA.

Communiqué - CRPA

Paris, le 6 juin 2021.

Décision QPC du Conseil constitutionnel, 4 juin 2021, MM. Pablo et autres représentés par Me Raphaël Mayet. Interventions du CRPA, du Conseil national des Barreaux, d’Avocats, droit et psychiatrie, et du Syndicat des avocats de France.

2021-06-04 Décision QPC Cons. Cstit. Isolement - contention.

Dossier relatif à cette décision sur le site du Conseil constitutionnel, cliquer sur ce lien
 

Le Conseil constitutionnel a pris une nouvelle décision de censure vendredi 4 juin concernant l’isolement et la contention en psychiatrie tels que réformés par le biais de l’article 84 de la loi de financement de la sécurité sociale 2021 du 14 décembre 2020.

Les 3e et 6e alinéas du II du nouvel article de loi portant sur le contrôle judiciaire facultatif de l’isolement et la contention (cliquer sur ce lien pour lire cet article) sont censurés pour défaut de contrôle judiciaire systématique du maintien de ces mesures.

En effet le Gouvernement suivi cela par le Parlement n’avait réformé qu’à la marge la version initiale de cet article en conséquence de la décision de censure constitutionnelle prise également par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité du 19 juin 2020. Un contrôle judiciaire sur demande de l’entourage du patient ou du patient lui-même avait été introduit, ainsi que la possibilité de faire contrôler la régularité de telles mesures dans le cadre du contrôle judiciaire à 12 jours des mesures d’hospitalisation sans consentement. Au surplus le décret d’application permettant la mise en œuvre de cette réforme n’a été pris qu’au 30 avril passé (cliquer sur ce lien pour lire ce décret).

Un tel contrôle judiciaire sur demande et donc facultatif sans qu’il soit systématique, ne pouvait satisfaire aux exigences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l’article 66 de la Constitution (« l’autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle … »). Le Conseil constitutionnel a donc tiré les conséquences du fait que le Gouvernement a refusé d’opérer une réforme satisfaisante au regard des droits et libertés publiques constitutionnellement garanties en prononçant cette nouvelle censure.

Un effet différé est fixé par le Conseil à l’abrogation de ces dispositions au 31 décembre 2021. D’ici là, le Gouvernement va devoir ouvrir des concertations, et proposer au Parlement de nouvelles dispositions.

Nous sommes pour le moins réservés sur la volonté du Gouvernement comme d’ailleurs des professionnels du terrain, d’opérer une réforme en profondeur qui limite l’utilisation abusive des pratiques d’isolement et de contention dument constatée par les inspections et rapports du Contrôle général des lieux de privation de liberté. Ces dérives ont par ailleurs prêté lieu à des dénonciations récurrentes. Nous sommes d’autant plus réservés que les gains juridiques que nous pouvons obtenir ou participer à obtenir (le CRPA étant intervenant dans cette instance comme dans celle précédente de 2020), sont fréquemment utilisés par les pouvoirs publics pour continuer et accentuer la politique de casse de l’hôpital public et de mise au pas des hospitaliers.

Cette nouvelle censure devrait néanmoins permettre que des concertations soient ouvertes avec les acteurs de la psychiatrie, même si l’époque pour le moins répressive dans laquelle nous sommes entrés ne laisse rien présager qui aille dans le sens d’une humanisation des pratiques dans l’internement psychiatrique.

A tout le moins le front juridique est ouvert, non seulement en ce qui concerne l’hospitalisation sans consentement, mais aussi en ce qui concerne l’isolement et la contention que le Conseil constitutionnel reconnaît désormais clairement comme des mesures privatives de liberté, et non comme des mesures de soins. Certes ces mesures peuvent avoir une finalité soignante mais il n’en reste pas moins que ce sont des mesures de police, privatives de liberté qui jusque-là n’ouvraient pas un droit d’accès au juge (« l’habeas corpus » anglo-saxon) et donc un droit à la défense.

Notre association ayant pleinement participé à la mobilisation du Barreau de Versailles, autour de Me Raphaël Mayet, et par ce biais à celle des magistrats versaillais, mobilisation qui doit être félicitée, ne peut que se déclarer satisfaite de cette nouvelle décision de censure. Mais ce sera sans illusions compte tenu du contexte sécuritaire ambiant dans le cadre duquel les « schizophrènes dangereux djihadistes » sont dans la ligne de mire médiatique et politique en vue de l’établissement étape par étape d’une dictature.

Plus que jamais le Conseil constitutionnel est ici un « garde-fou ».


Vidéo-retransmission de l’audience de plaidoirie du 25 mai 2021


Conclusions d’intervention du CRPA au soutien de cette QPC

20 avril 2021.

Jean-Marc PANFILI, Docteur en droit.

Pour Monsieur le Président, Mesdames et messieurs les membres du CONSEIL CONSTITUTIONNEL. 2 rue de Montpensier, 75001 Paris

N/Réf : 2021-912 à 914 QPC

MEMOIRE EN INTERVENTION ET OBSERVATIONS
A l’APPUI DE QUESTION PRORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

Article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958

POUR : l’Association Cercle de Réflexion et de Proposition d’Action sur la psychiatrie (CRPA), régie par la loi de 1er juillet 1901, dont le siège social est situé 14 rue des Tapisseries, 75017 PARIS, représentée par son Président M. André Bitton, domicilié en cette qualité audit siège.

Ayant pour avocat : Maître Jean-Marc PANFILI, avocat au Barreau du Tarn-et-Garonne, domicilié 110 rue François Mauriac, 82000, Montauban.

A l’appui de :

Question transmise par un arrêt de la Cour de cassation en date du 1er avril 2021- Question n° 2021-912 à 914,

Demandant : « les dispositions de l’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021 sont-elles compatibles avec les normes constitutionnelles en vigueur et plus particulièrement les articles 34, alinéa 20, et 66 de la Constitution ».

1.- SUR LA CAPACITE ET L’INTERET DU CRPA A INTERVENIR

De par les stipulations de l’article 4 de ses statuts précisant l’objet de l’association, le CRPA est fondé à intervenir.

P1. Statuts du CRPA actuellement en vigueur
P2. Récépissé de la Préfecture de police 23 03 2019

En outre, le CRPA dispose de l’agrément ARS Ile-de-France pour la représentation des usagers du système de santé.

P3. Arrêté d’agrément de l’ARS-Île-de-France pour la représentation des usagers du système de santé jusqu’au 06 09 2021

Enfin, par décision de son Président André BITTON, en application des articles 4 et 7-2 des statuts le CRPA intervient au soutien des questions prioritaires de constitutionnalité n° 2021-912, 2021-913 et 2021-914 QPC enregistrées au Conseil constitutionnel le 2 avril 2021.

Il est ainsi démonté la capacité et l’intérêt à intervenir du CRPA.

2. SUR LES MOTIFS D’INTERVENTION DU CRPA

Les dispositions de l’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021 sont incompatibles avec les normes constitutionnelles en vigueur et plus particulièrement les articles 34, alinéa 20, et 66 de la Constitution, dès lors que les dispositions de l’article L. 3222-5-1, du Code de la santé publique, modifié par l’article 84 de la LOI n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, suite à la décision N°2020-844 QPC du 19 juin2020, prévoient pour l’isolement et la contention seulement une information du Juge des Libertés et de la détention après quarante-huit heures d’isolement, et vingt-quatre heures de contention, et non un contrôle effectif.

Par son intervention, l’association exposante entend soutenir l’ensemble des griefs soulevés dans le cadre de la présente question prioritaire de constitutionnalité.

Le CRPA insiste sur les considérations suivantes :

L’article 66 de la Constitution dispose que « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. ».

La Décision N°2020-844 QPC du 19 juin 2020 a retenu à propos de l’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique, que la liberté individuelle n’est sauvegardée, que si le juge intervient au-delà d’une certaine durée.

L’article L. 3222-5-1, du Code de la santé publique dispose dans sa nouvelle rédaction issue de l’article 84 de la loi n° 2020-1576 « (…) A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues aux deux premiers alinéas du présent II, la mesure d’isolement ou de contention, (…). Le médecin informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la mesure, ainsi que les personnes mentionnées à l’article L. 3211-12 dès lors qu’elles sont identifiées. Le médecin fait part à ces personnes de leur droit de saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de mainlevée de la mesure (…) et des modalités de saisine de ce juge. (…) ».

L’intervention du CRPA a déjà été reçue par le Conseil Constitutionnel aboutissant à la décision N°2020-844 QPC du 19 juin2020.

Le CRPA a émis le jour même de cette décision un communiqué diffusé aux acteurs du terrain ainsi, adressé à la presse et publié sur le site du CRPA. Ce communiqué a été diffusé sur l’édition participative du journal Mediapart - Les Contes de la folie ordinaire

P4. 2020-06-19 Communiqué CRPA

Le CRPA a émis des propositions de réforme de l’isolement et de la contention, dans un communiqué publié sur son site et diffusé par mails du 20 septembre 2020.
Ces propositions ayant été discutées et travaillées avec une équipe de chercheurs en sociologie de l’institut Max Weber lié à l’université Lyon 2, dont M. Frédéric MOUGEOT, sociologue, et M. Nicolas ORDENER médiateur de santé pair. Ce travail en collaboration s’est traduit par un article de M. Frédéric MOUGEOT sur le Journal en ligne AOC.

2020-11-30 Article de Frédéric Mougeot dans AOC.

P5. 2020-11-30 Article dans AOC de Frédéric Mougeot et collaborateurs

Suite à la publication du projet de loi de finances de la sécurité sociale 2021, le CRPA émis une analyse soulignant que le projet de réforme de l’isolement et de la contention contenu dans l’article 43 du PLFSS 2021, encourait d’être déclaré inconstitutionnel, d’une part en tant que cavalier social, d’autre part parce que n’engageant qu’un contrôle judiciaire sur demande, non systématique, par le juge judiciaire des mesures d’isolement et de contention en milieu psychiatrique.
S’appuyant sur le principe d’égalité des citoyens devant la loi garanti par l’article 1er de la DDHC de 1789, le CRPA soulignait que le Gouvernement en plus de méconnaître la jurisprudence liée à l’article 66 de la Constitution, introduisait une rupture d’égalité entre les citoyens. A savoir, entre celles et ceux qui sont suffisamment entourés et soutenus pour qu’un pourvoi facultatif devant le JLD soit possible, et celles et ceux isolés et impécunieux ne pouvant pas saisir le JLD d’eux-mêmes puisque non entourés, non soutenus, et socialement précaires. Ceci alors que le risque maximum de violation des droits fondamentaux pèse beaucoup plus spécifiquement sur les personnes isolées, socialement précaires, et financièrement nécessiteuses.

P6. 2020-10-01 Communiqué CRPA projet de réforme

Le CRPA a critiqué l’adoption du projet de réforme de l’isolement et de la contention dans des communiqués successifs, diffusés par mail, et publiés sur son site internet, ainsi que sur Les contes de la folie ordinaire Mediapart des 07 et 24 octobre 2020 et 1er mars 2021.

P7. 2020-10-08 Communiqué sur l’art. 42 du PLFSS

P8. 2020-10-24 Communiqué sur l’adoption de l’art. 42 PLFSS 2021 par AN

Le CRPA a fait connaître son désaccord avec les motions des organisations représentant les psychiatres hospitaliers, ces derniers demandant un moratoire sur le décret d’application devant être pris en février 2021, sur la judiciarisation des mesures d’isolement et de contention.

P9. 2021-03-01 Communiqué - Pour un moratoire sur la maltraitance dans les unités d’hospitalisations psychiatriques

Les mesures d’isolement et de contention, selon l’interprétation retenue par la Cour de cassation le 1er avril 2021 dans son arrêt de renvoi devant le juge constitutionnel, pourraient porter une atteinte à la liberté individuelle de nature à caractériser une privation de liberté, imposant au regard de l’article 66 de la Constitution qu’elles ne puissent être prolongées au-delà d’une certaine durée, sans la décision d’un juge.

En l’espèce :

L’association CRPA se joint aux requérants dans leurs arguments tendant à voir déclarer non constitutionnel l’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, modifiant l’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique, dès lors que cet article n’institue pas un contrôle judiciaire systématique des décisions d’isolement et (ou) de contention, au-delà d’une certaine durée, et viole en conséquence l’article 66 de la Constitution.

L’association CRPA soutient en outre que l’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 doit être déclaré inconstitutionnel, dans la mesure où il ignore le principe d’égalité des citoyens devant la loi au regard des articles 1er et 6 de la DDHC de 1789, en permettant de fait un droit de recourir contre une mesure d’isolement et de contention, aux personnes bénéficiant d’un entourage et de soutiens susceptibles de saisir le juge judiciaire dans le cadre d’une saisine facultative.

L’association CRPA soutient que la rédaction l’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique issue de l’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, mentionnant une information du juge avec possibilité pour ce dernier de se saisir, ne répond pas aux exigences du juge constitutionnel, formulées dans la Décision N°2020-844 QPC du 19 juin 2020, retenant que la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée, que si le juge intervient au-delà d’une certaine durée.
L’association CRPA soutient que l’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, modifiant l’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique constitue un « « cavalier législatif », et est contraire à l’article 34 -alinéa 20 de la Constitution de 1958.

PAR CES MOTIFS il est demandé au Conseil constitutionnel de :

Vu les articles 34 -alinéa 20, et 66 de la Constitution de 1958 ;

Vu les articles 1er et 6 de la DDHC de 1789 ;

Vu la Décision N°2020-844 QPC du 19 juin 2020 ;

RECEVOIR l’intervention de l’Association Cercle de Réflexion et de Proposition d’Action sur la psychiatrie (CRPA) ;

REPONDRE positivement à la question transmise par la Cour de cassation le 1er avril 2021 ;

DECIDER que les dispositions de l’article 84 de la loi n° 2020-1576, modifiant l’article L. 3222-1-5 du Code de la santé publique :

— portent atteinte aux droits et libertés garantis par l’article 66 de la Constitution, en ce qu’il ne prévoit pas de contrôle juridictionnel systématique des mesures d’isolement après 48 heures et de contention après 24 heures, mises en œuvre en établissement psychiatrique ;

— violent les articles 1er et 6 de la DDHC de 1789, en permettant de recourir contre une mesure d’isolement et de contention, aux personnes bénéficiant d’un entourage et de soutiens susceptibles de saisir le juge judiciaire dans le cadre d’une saisine facultative ;

— sont non conformes à la Décision N°2020-844 QPC du 19 juin 2020, retenant que la liberté individuelle est sauvegardée, si le juge intervient au-delà d’une certaine durée ;

— sont contraires aux dispositions de l’article 34 -alinéa 20 de la Constitution de 1958 ;

ABROGER les dispositions de l’article 84 de la loi n° 2020-1576, modifiant l’article L. 3222-1-5 du Code de la santé publique, à une date permettant au législateur de déterminer les dispositions complémentaires nécessaires.

Montauban le 19 avril 2020
Me Jean-Marc PANFILI, avocat.

Bordereau de pièces jointes

P1. Statuts du CRPA actuellement en vigueur
P2. Récépissé de la Préfecture de police 23 03 2019
P3. Arrêté d’agrément de l’ARS-Île-de-France pour la représentation des usagers du système de santé jusqu’au 06 09 2021
P4. 2020-06-19 Communiqué CRPA
P5. 2020-11-30 Article dans AOC de Frédéric Mougeot et collaborateurs
P6. 2020-10-01 Communiqué CRPA projet de réforme
P7. 2020-10-08 Communiqué sur l’art. 42 du PLFSS
P8. 2020-10-24 Communiqué sur l’adoption de l’art. 42 PLFSS 2021 par AN
P9. 2021-03-01 Communiqué Moratoire sur la maltraitance dans les unités d’hospitalisations psychiatriques


Conclusions d’intervention complémentaires du CRPA

23 avril 2021.

Jean-Marc PANFILI. Avocat, Docteur en droit

Pour Monsieur le Président, Mesdames et messieurs les membres du CONSEIL CONSTITUTIONNEL. 2 rue de Montpensier, 75001 Paris

N/Réf : 2021-912 à 914 QPC

OBSERVATIONS COMPLEMENTAIRES A l’APPUI DE QUESTION PRORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE

Article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958

POUR : l’Association Cercle de Réflexion et de Proposition d’Action sur la psychiatrie (CRPA), régie par la loi de 1er juillet 1901, dont le siège social est situé 14 rue des Tapisseries, 75017 PARIS, représentée par son Président M. André BITTON, domicilié en cette qualité audit siège.

Ayant pour avocat : Maître Jean-Marc PANFILI, avocat au Barreau du Tarn-et-Garonne, domicilié 110 rue François Mauriac, 82000, Montauban (panfili-jm.avocat chez orange.fr - tél. 06 82 38 48 94).

A l’appui de : Question transmise par un arrêt de la Cour de cassation en date du 1er avril 2021- Question n° 2021-912 à 914

Demandant : « les dispositions de l’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021 sont-elles compatibles avec les normes constitutionnelles en vigueur et plus particulièrement les articles 34, alinéa 20, et 66 de la Constitution ».

Sommaire

1. -inconstitutionnalité du contrôle des mesures d’isolement et de contention - articles L. 3212-12 et L. 3212-12-1 du CSP,

— Un contrôle potentiel trop tardif
— Le défaut d’information du juge par absence de transmission du registre

2. -Inconstitutionnalité de l’article L. 3222-5-1 du CSP pour rupture d’égalité entre les citoyens
— Le caractère inopérant du contrôle sur saisine d’office du juge
— Les limites au recours exercé par les proches
— L’impossibilité de recours effectif exercé par le patient

3. - inconstitutionnalité de l’article L. 3211-12-2 III du CSP pour insuffisance de garanties procédurales

4. -Sur l’irrecevabilité des moyens soulevés par le Gouvernement

1. INCONSTITUTIONNALITE DU CONTROLE DES MESURES D’ISOLEMENT ET (OU) DE CONTENTION - ARTICLES L. 3212-12 ET L. 3212-12-1 DU CSP

L’ordre judiciaire doit intervenir, à titre exclusif, chaque fois qu’est concernée la « liberté individuelle », dont il est gardien, définie de manière extensive quelle que soit la nature de la décision ayant autorisé une privation.

Ainsi, l’intervention du Juge judiciaire constitue bien la « pierre angulaire » des garanties constitutionnelles de protection des libertés individuelle, et de la sûreté personnelle.

Précisément l’intervention du Juge des libertés en matière d’isolement et de contention est prévue dans trois cas, lors du renouvellement de la mesure d’isolement et (ou) de contention, lors du contrôle de la régularité de la mesure d’hospitalisation complète à 12 jours et à 6 mois, ou lors du contrôle prévu à l’article L.3211-12 du Code de la santé publique.

Aux termes de sa décision du 19 juin 2020, le Conseil constitutionnel a censuré la précédente version de l’article L 3222-5 du CSP, dès lors que les conditions dans lesquelles « au-delà d’une certaine durée, le maintien de ces mesures est soumis au contrôle du juge judiciaire n’étaient pas prévues. »

Force est de constater que la rédaction de l’article L. 3222-5 modifié, en cas de renouvellement des mesures d’isolement et de contention ne répond pas aux exigences constitutionnelles énoncées le 19 juin 2020.

Ce texte contesté ne prévoit qu’une information systématique « sans délai » du Juge des libertés et de la détention, de l’intéressé et de son entourage, et du Procureur de la République.

De plus, le décret prévu à cet effet n’est toujours pas paru.

Le contrôle systématique exigé par le Conseil constitutionnel est transformé par le législateur avec l’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, en une simple faculté du Juge qui peut « se saisir d’office ».

— Un contrôle potentiel trop tardif

Le principe de l’intervention de l’autorité judiciaire ne suffit pas en lui-même à ôter le caractère arbitraire, et ne constitue pas une garantie effective.

Le contrôle effectif doit permettre au juge « d’apprécier, de façon concrète, la nécessité de la mesure privative de liberté » (D. 92-307 DC, Zones de transit).

En effet, « Le législateur doit prévoir, selon les modalités appropriées, l’intervention de l’autorité judiciaire pour que celle-ci exerce la responsabilité et le pouvoir de contrôle qui lui reviennent. » (Décision 92-307 DC. Cons 15 ; Décision 83-164).

L’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 modifie les articles L. 3211-12 et L. 3212-12-1 du CSP prévoyant un contrôle a posteriori, qui ne répond pas aux exigences de l’article 66 de la Constitution, puisqu’il intervient bien après que la mesure a été maintenue au-delà des durées maximales prévues et parfois lorsque la mesure d’isolement a cessé. Dans cette dernière hypothèse la demande de contrôle de la régularité de la mesure d’isolement devient sans objet.

L’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 devra être déclaré contraire à la Constitution, et notamment à son article 66, dès lors que la rédaction des articles L. 3212-12 L. 3211-12 et L. 3212-12-1 du CSP prévoient un contrôle tardif.

— Un défaut d’information du juge par absence de transmission du registre

L’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 a prévu la modification des articles L. 3212-12 et L. 3212-12-1 pour permettre au Juge des libertés et de la détention, dans le cadre du contrôle systématique de l’hospitalisation complète ou du recours facultatif, de contrôler la régularité des mesures d’isolement et de contention.
L’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 a ainsi modifié l’article L. 3222-5-1 du CSP en prévoyant « III. - Un registre est tenu dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie et désigné par le directeur général de l’agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement en application du I de l’article L. 3222-1. Pour chaque mesure d’isolement ou de contention, ce registre mentionne le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, un identifiant du patient concerné ainsi que son âge, son mode d’hospitalisation, la date et l’heure de début de la mesure, sa durée et le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée. »

Alors que la loi ne le prévoit pas lors des contrôles des décisions d’hospitalisation sans consentement, le Juge doit recevoir parmi les pièces exigées par l’article R. 3211-12 du CSP, le registre institué par l’article L. 3222-5-1 du CSP, et toutes informations utiles sur la traçabilité des mesures d’isolement et de contention, alors que l’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 devra être déclaré contraire à la Constitution et notamment à son article 66, dès lors que la rédaction l’article L. 3222-5-1 du CSP ne prévoit pas la transmission du registre lors des contrôles au titre des articles L. 3212-12 et L. 3212-12-1 du CSP.

2. INCONSTITUTIONNALITE DE L’ARTICLE L. 3222-5-1 DU CSP POUR RUPTURE D’EGALITE ENTRE LES CITOYENS

L’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 modifie l’article L. 3222-5-1 du CSP, disposant : « A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales (…) la mesure d’isolement ou de contention (…). Le médecin informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la mesure, ainsi que les personnes mentionnées à l’article L. 3211-12 dès lors qu’elles sont identifiées. Le médecin fait part à ces personnes de leur droit de saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de mainlevée de la mesure en application du même article L. 3211-12 et des modalités de saisine de ce juge. En cas de saisine, le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de vingt-quatre heures. Les mesures d’isolement et de contention peuvent également faire l’objet d’un contrôle par le juge des libertés et de la détention en application du IV de l’article L. 3211-12-1. »

— Le caractère inopérant du contrôle sur saisine d’office du juge

Certes la loi du 5 juillet 2011 permet au Juge des libertés et de la détention de se saisir d’office, pour contrôler une mesure d’hospitalisation complète, mais le nombre de saisine d’office est insignifiant. A tel point que les statistiques ministérielles ne recensent plus ce type de saisine depuis 2019.

En réalité, ce contrôle sur saisine d’office du juge constitue une « fiction » sans traduction concrète, assimilable dans les faits à une absence de contrôle.
Si par hypothèse le juge se saisissait d’office, dans quelques cas lors d’un renouvellement, il y aurait alors une différence de traitement discriminatoire et contraire à la Constitution entre les personnes bénéficiant d’un contrôle et les autres.
Il y a aurait alors rupture d’égalité des citoyens devant la loi, en violation des articles 1er et 6 de la DDHC de 1789.

L’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, devra être déclaré contraire aux articles 1er et 6 de la DDHC de 1789, dès lors que le contrôle du juge par auto saisine sera aléatoire et marginal.

— Les limites au recours exercé par les proches

L’hypothèse d’un recours par la famille ou les proches nécessiterait plusieurs conditions.

Tout d’abord que cet entourage existe, ce qui est loin d’être toujours le cas, le propre de ces patients étant souvent l’isolement social.

Ensuite, il faudrait que la famille ou les proches, s’ils existent, aient la capacité de saisir le juge, et s’ils n’émargent pas de l’aide juridictionnelle, puissent rémunérer un avocat au titre de la représentation obligatoire devant le JLD, puis si besoin devant la Cour d’appel.

D’autant que dans le cadre d’une saisine facultative, les avocats qui sont commis d’office pour représenter les personnes si elles n’ont pas désigné d’avocat choisi, ne sont pas inscrits d’office à l’aide juridictionnelle. Cet obstacle est susceptible d’être rédhibitoire pour nombre de proches, familles ou amis et ne peut que limiter fortement le nombre de recours.

Si tel était le cas, il faudrait également que la famille ou les proches, s’ils existent, aient la volonté de saisir le JLD.

En résumé, seuls des patients bénéficiant d’un entourage répondant à toutes ces exigences pourraient bénéficier d’un contrôle.

Il y aurait encore rupture d’égalité des citoyens devant la loi, en violation des articles 1ers et 6 de la DDHC de 1789.

L’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, modifiant l’article L. 3222-5-1 du CSP, devra être déclaré contraire aux articles 1er et 6 de la DDHC de 1789, dès lors que seul l’entourage du patient favorable et volontaire pourra exercer un recours.

— L’impossibilité de recours effectif exercé par le patient

Selon le texte critiqué, la saisine peut être formée par le patient lui-même au visa de l’article L. 3211-12 du CSP issu de l’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020.

Cette hypothèse selon laquelle la personne faisant l’objet des soins attachée, isolée, et sous traitement sédatif, pourrait saisir le Juge lui-même est totalement irréaliste. Cet article ne prévoit même pas qu’une personne de confiance désignée par le patient au sens de l’article L 1111-6 du CSP, ou un représentant des usagers, ou un aidant professionnalisé puissent pallier l’impossibilité pratique de recourir où se trouve le patient.

En conséquence l’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, modifiant l’article L. 3222-5-1 du CSP, devra être déclaré contraire à la Constitution, dès lors que le recours par le patient au titre de l’article L. 3211-12 du CSP sera de fait impossible.

3. INCONSTITUTIONNALITE DE L’ARTICLE L. 3211-12-2 III DU CSP POUR INSUFFISANCE DE GARANTIES PROCEDURALES

Le droit à la sûreté résulte de l’article 7 de la DHC de 1789, et de l’article 66 de la Constitution, et la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire (Décision 2020-800).

L’intervention de l’autorité judiciaire en cas de privation de liberté doit être systématique (Décision 2020-800 ; Décision 2020-878/879).

L’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 a complété l’article L. 3211-12-2 du CSP ainsi :

« III.- Par dérogation au I du présent article, le juge des libertés et de la détention, saisi d’une demande de mainlevée de la mesure d’isolement ou de contention prise en application du II de l’article L. 3222-5-1 ou qui s’en saisit d’office, statue sans audience selon une procédure écrite. Le patient ou, le cas échéant, le demandeur peut demander à être entendu par le juge des libertés et de la détention, auquel cas cette audition est de droit et toute demande peut être présentée oralement. Néanmoins, si, au vu d’un avis médical motivé, des motifs médicaux font obstacle, dans son intérêt, à l’audition du patient, celui-ci est représenté par un avocat choisi, désigné au titre de l’aide juridictionnelle ou commis d’office. L’audition du patient ou, le cas échéant, du demandeur peut être réalisée par tout moyen de télécommunication audiovisuelle ou, en cas d’impossibilité avérée, par communication téléphonique, à condition qu’il y ait expressément consenti et que ce moyen permette de s’assurer de son identité et de garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges. L’audition du patient ne peut être réalisée grâce à ce procédé que si un avis médical atteste que son état mental n’y fait pas obstacle. (…) S’il l’estime nécessaire, le juge des libertés et de la détention peut décider de tenir une audience. Dans cette hypothèse, il est fait application des I et II du présent article. Le dernier alinéa du I n’est pas applicable à la procédure d’appel. »

La loi de 2011 a institué le contrôle systématique par le Juge des libertés et de la détention des mesures d’hospitalisation complète sans consentement, précisément en raison de l’absence d’effectivité du seul recours facultatif qui préexistait.

C’est pourquoi, en matière d’isolement et de contention, et compte tenu de la gravité de la privation de libertés subies, ce contrôle par le Juge judiciaire doit être systématique a minima sur tout renouvellement d’une mesure d’isolement ou de contention, au-delà des durées maximales fixées par la loi.

De plus, ce contrôle doit s’exercer avec des garanties procédurales qui ne sauraient être moindres que celles prévues pour les hospitalisations sans consentement, lors du contrôle par le Juge des libertés.

Précisément, les deux principales garanties sont la rencontre avec le Juge, et l’intervention de l’avocat.

L’article L. 3211-12-2 III du CSP prévoit une procédure écrite et sans audience, donc sans que la personne ne rencontre le juge. La possibilité de déroger à ces règles repose sur la condition de former une demande expresse.

Mais contrairement aux dispositions du texte, a minima seule la présence d’un avocat devant le Juge des libertés au cours d’une audience permettant un débat contradictoire, est à même de garantir une défense effective de la personne à l’isolement et sous contention.

En conséquence l’article 84 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 devra être déclaré contraire à la Constitution, et notamment, dès lors que l’article L 3211-12-2 III du CSP qui en est issu ne permet pas l’accès effectif au juge, et l’intervention de l’avocat.

4. SUR L’IRRECEVABILITE DES MOYENS SOULEVES PAR LE GOUVERNEMENT

L’article 84 de la LOI n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 a ainsi modifié l’article L. 3222-5-1 du CSP : « - I. L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical. II.- La mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée par périodes maximales de douze heures dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités, dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures. La mesure de contention est prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée par périodes maximales de six heures dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités, dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre heures. »

Il a été démontré le caractère inconstitutionnel de l’article 84 de la LOI n° 2020-1576 du 14 décembre 2020.

On notera en premier lieu, l’incapacité depuis 2011 des Gouvernements successifs à élaborer un texte prenant en compte l’ensemble de la problématique de santé mentale et de l’enjeu lié à l’exercice des libertés. De sorte que les pouvoirs publics considèrent l’augmentation objective, du recours aux pratiques d’isolement et de contention, serait inéluctable. Alors même qu’une approche préventive médico-sociale, alliée à une formation plus efficiente des professionnels permettrait de réduire considérablement le recours à ces pratiques.

En effet, force est de constater que la prise en charge psychiatrique au regard de la problématique des droits de l’homme dont relèvent les patients, et singulièrement quand ces droits doivent être effectifs, n’évolue que par des QPC successives suivies de censures, mais sans qu’un travail de fond exhaustif ne soit initié par le Gouvernement ou le législateur. C’est encore le cas pour la présente QPC.

Selon l’argumentation du Gouvernement, le contrôle systématique du juge sur les mesures d’isolement et de contention nuirait au bon fonctionnement des établissements de santé, et à une bonne administration de la justice.

Ainsi, la juridiction comme les établissements ne seraient pas en mesure de réaliser ces contrôles au vu du nombre de 33 000, selon le chiffre avancé par le Gouvernement.

Cette approche du Gouvernement appelle plusieurs observations.

En premier lieu, il confirme l’ampleur du recours aux pratiques d’isolement et de contention. C’est pourquoi au contraire de ses conclusions, au vu de ce chiffre très inquiétant le contrôle effectif par le juge s’impose.

En deuxième lieu, le Gouvernement soumet le principe de protection effective de la liberté individuelle, aux moyens disponibles pour le faire respecter. Ce raisonnement n’a rien à voir avec une bonne administration de la justice et ne saurait être admis, tant il est sous tendu par une seule logique budgétaire.

En dernier lieu le Gouvernement fait référence au « bon fonctionnement » des établissements de santé, mais à aucun moment à la prise en charge respectueuse de la dignité des patients.

PAR CES MOTIFS il est demandé au Conseil constitutionnel de :

Vu la Constitution de 1958 ;
Vu la DDHC de 1789 ;
Vu la Décision N°2020-844 QPC du 19 juin 2020 ;

ECARTER les moyens soulevés en défense par le Gouvernement et l’établissement de santé ;

REPONDRE positivement à la question transmise par la Cour de cassation le 1er avril 2021 ;

DECIDER que les dispositions de l’article 84 de la loi n° 2020-1576 :

— portent atteinte aux droits et libertés garantis par l’article 66 de la Constitution, en ce qu’elles ne prévoient pas de contrôle juridictionnel systématique des mesures d’isolement après 48 heures et de contention après 24 heures ;

— portent atteinte aux droits et libertés garantis par l’article 66 de la Constitution, dès lors que le recours par le patient au titre de l’article L. 3211-12 du CSP sera de fait impossible ;

— portent atteinte aux droits et libertés garantis par l’article 66 de la Constitution, dès lors que l’article L 3211-12-2 III du CSP ne permet pas l’accès effectif au juge et l’intervention de l’avocat ;

— portent atteinte aux droits et libertés garantis par l’article 66 de la Constitution dès lors que la rédaction l’article L. 3222-5-1 du CSP ne prévoit pas la transmission du registre lors des contrôles, au titre des articles L. 3212-12 et L.3212-12-1 du CSP.

— violent les articles 1er et 6 de la DDHC de 1789, en permettant de recourir contre une mesure d’isolement et de contention, aux seules personnes bénéficiant d’un entourage et de soutiens susceptibles de saisir le juge dans le cadre d’une saisine facultative au visa de l’article L. 3211-12 du Code de la santé publique ;

— sont non conformes à la Décision N°2020-844 QPC du 19 juin 2020, retenant que la liberté individuelle n’est sauvegardée que si le juge intervient au-delà d’une certaine durée ;

— sont contraires aux dispositions de l’article 34 - alinéa 20 de la Constitution de 1958 ;

ABROGER les dispositions de l’article 84 de la loi n° 2020-1576, à une date permettant au législateur de déterminer les dispositions complémentaires nécessaires.

Montauban le 23 mai 2021. Jean-Marc PANFILI