2020-06-19 - Le maintien en isolement et contention en psychiatrie devra être judiciarisé

• Pour citer le présent article : https://psychiatrie.crpa.asso.fr/766

Document du vendredi 19 juin 2020
Article mis à jour le 2 octobre 2020
par  A.B.

Dossier sur notre site sur l’isolement et la contention en psychiatrie, cliquer sur ce lien

Vidéo retransmission de l’audience du 2 juin 2020 du Conseil constitutionnel, sur cette QPC, cliquer sur ce lien

Dossier de la Cour de cassation lié à cette QPC cliquer sur ce lien

Pour retrouver cet article sur l’édition participative Les contes de la folie ordinaire de Mediapart, cliquer sur ce lien

2020-09-12 - Réunion pot - Inconstitutionnalité de l’isolement et de la contention des patients

2020-09-20 - Propositions pour une judiciarisation du maintien de l’isolement et de la contention

Projet de réforme du Gouvernement, cliquer sur ce lien


Communiqué - CRPA

CRPA - Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la psychiatrie
Association régie par la loi du 1er juillet 1901. Réf. n° : W751208044
Président : André Bitton. 14, rue des Tapisseries, 75017, Paris.
Pour nous contacter
 

Paris, le 19 juin 2020.

2019-06-19 Décision du Conseil constitutionnel

Le maintien en isolement et contention en psychiatrie devra être judiciarisé

OBJET : décision QPC du Conseil constitutionnel du 19 juin 2020 sur un recours individuel porté par Me Raphaël Mayet (avocat au Barreau de Versailles), soutenu par les interventions du CRPA, de la Ligue des droits de l’homme et d’Avocats, droit et psychiatrie.

2019-06-19 Commentaire - Conseil constitutionnel

Dossier sur le site du Conseil constitutionnel : https://www.conseil-constitutionnel…

Sans surprise le Conseil constitutionnel censure l’article L 3222-5-1 du code de la santé publique sur la traçabilité de l’isolement et de la contention en psychiatrie, introduit par amendement du député PS Denys Robiliard dans la loi Santé du 26 janvier 2016, au visa de l’article 66 de la Constitution (« le juge judiciaire est garant des libertés individuelles »). L’abrogation de cet article est différée au 31 décembre 2020 pour laisser au Gouvernement le temps de prendre une nouvelle disposition législative.

2019-06-19 Comuniqué.

L’article L 3222-5-1 du code de la santé publique est déclaré inconstitutionnel au motif que le Législateur n’a pas prévu de durée du maintien de l’isolement et de la contention limite au-delà de laquelle un contrôle judiciaire de ces mesures intervienne avec ouverture de droits et voies de recours.

En statuant ainsi le Conseil constitutionnel fait droit à ce que notre association revendique et analyse de ces pratiques parmi les plus barbares de la psychiatrie française. Voir à ce sujet nos revendications rendues publiques à l’occasion de la décision QPC du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012 (cliquer sur ce lien), ainsi que les positions que nous avons soutenues en décembre 2015 lors des auditions des acteurs de la société civile préalablement à l’adoption de l’article L 3222-5-1 du code de la santé publique dans le cadre de la loi Santé du 26 janvier 2016 (cliquer sur ce lien). Également en janvier 2017 lorsque notre association a été sollicitée pour avis par la haute autorité de santé (cliquer sur ce lien).

Nous ne pouvons qu’être dans l’attente de savoir quelles dispositions le Gouvernement entendra prendre pour régulariser ces pratiques.

On ne peut pas exclure que l’exécutif légifère sur ce sujet par ordonnance sans même revenir devant le Parlement. Voir sur ce point une très récente décision du Conseil constitutionnel sur QPC du 28 mai 2020 (cliquer sur ce lien).


Communiqué de presse du Conseil constitutionnel

Source (Conseil constitutionnel) : https://www.conseil-constitutionnel…

Décision n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020 - M. Éric G. Contrôle des mesures d’isolement ou de contention dans le cadre des soins psychiatriques sans consentement

Non conformité totale - effet différé

Le Conseil constitutionnel juge que le législateur ne pouvait, au regard des exigences de l’article 66 de la Constitution, permettre le maintien à l’isolement ou en contention en psychiatrie au-delà d’une certaine durée sans contrôle du juge judiciaire.

L’objet de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC)

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 mars 2020 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

Ces dispositions établissent le cadre dans lequel, lors d’une prise en charge dans un établissement assurant des soins psychiatriques sans consentement, il peut être recouru à l’isolement d’une personne hospitalisée, consistant à la placer dans une chambre fermée, ou à sa mise sous contention, consistant à l’immobiliser.

Les critiques formulées contre ces dispositions législatives

Le requérant et les parties intervenantes reprochaient à ces dispositions, telles qu’interprétées par la Cour de cassation, de méconnaître la liberté individuelle protégée par l’article 66 de la Constitution en ce qu’elles ne prévoyaient pas de contrôle juridictionnel systématique des mesures d’isolement et de contention mises en œuvre dans les établissements de soins psychiatriques, non plus qu’aucune voie de recours en faveur de la personne qui en fait l’objet.

Le cadre constitutionnel

Par sa décision de ce jour, le Conseil constitutionnel rappelle que, aux termes de l’article 66 de la Constitution, « Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». La liberté individuelle, dont la protection est confiée à l’autorité judiciaire, ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire. Les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis.

Le contrôle des dispositions législatives faisant l’objet de la QPC

Au regard des exigences constitutionnelles qui viennent d’être rappelées, le Conseil constitutionnel juge que les mesures d’isolement et de contention ne sont pas nécessairement mises en œuvre lors d’une hospitalisation sans consentement et n’en sont donc pas la conséquence directe. Elles peuvent être décidées sans le consentement de la personne. Par suite, l’isolement et la contention constituent une privation de liberté.

Le Conseil constitutionnel relève que le placement à l’isolement ou sous contention d’une personne prise en charge en soins psychiatriques sans consentement ne peut être décidé que par un psychiatre pour une durée limitée lorsque de telles mesures constituent l’unique moyen de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour elle-même ou autrui. Leur mise en œuvre doit alors faire l’objet d’une surveillance stricte confiée par l’établissement d’accueil à des professionnels de santé désignés à cette fin. En outre, tout établissement de santé chargé d’assurer des soins psychiatriques sans consentement doit, d’une part, veiller à la traçabilité des mesures d’isolement et de contention en tenant un registre mentionnant, pour chaque mesure, le nom du psychiatre qui a pris la décision, sa date et son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée. Ce registre doit être présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires. D’autre part, l’établissement de santé doit établir un rapport annuel rendant compte des pratiques d’admission en chambre d’isolement et de contention, de la politique définie pour limiter le recours à ces pratiques et de l’évaluation de sa mise en œuvre. Ce rapport est transmis pour avis à la commission des usagers et au conseil de surveillance de l’établissement

Le Conseil constitutionnel en déduit que, en adoptant ces dispositions, le législateur a fixé des conditions de fond et des garanties de procédure propres à assurer que le placement à l’isolement ou sous contention, dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement, n’intervienne que dans les cas où ces mesures sont adaptées, nécessaires et proportionnées à l’état de la personne qui en fait l’objet.

Il juge en outre que, si l’article 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l’autorité judiciaire, il n’impose pas que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté. Dès lors, les dispositions contestées, en ce qu’elles permettent le placement à l’isolement ou sous contention dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement, ne méconnaissent pas l’article 66 de la Constitution.

En revanche, la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible. Or, si le législateur a prévu que le recours à isolement et à la contention ne peut être décidé par un psychiatre que pour une durée limitée, il n’a pas fixé cette limite ni prévu les conditions dans lesquelles, au-delà d’une certaine durée, le maintien de ces mesures est soumis au contrôle du juge judiciaire. Le Conseil constitutionnel en déduit qu’aucune disposition législative ne soumet le maintien à l’isolement ou sous contention à une juridiction judiciaire dans des conditions répondant aux exigences de l’article 66 de la Constitution.

Par ces motifs, le Conseil constitutionnel juge contraires à la Constitution les dispositions contestées. Dès lors que l’abrogation immédiate des dispositions déclarées contraires à la Constitution, en ce qu’elle ferait obstacle à toute possibilité de placement à l’isolement ou sous contention des personnes admises en soins psychiatriques sous contrainte, entraînerait des conséquences manifestement excessives, la date de leur abrogation est reportée au 31 décembre 2020.