2020-06-19 - Recommandation en urgence de la CGLPL relative à l’EPSM de Moisselles

• Pour citer le présent article : https://psychiatrie.crpa.asso.fr/767

Document du vendredi 19 juin 2020
Article mis à jour le 20 juin 2021
par  A.B.

A lire dans Mediapart Club (16 mai 2020) les 1res alertes du service du Dr Mathieu Bellahsen : https://blogs.mediapart.fr/violence…

Ainsi que : https://blogs.mediapart.fr/mathieu-…

2020-08-26 - Mais où est le nouveau Contrôleur général des lieux de privation de liberté ?

2021-06-20 - Chasse aux sorcières à l’EPSM Roger Prévot de Moisselles


Recommandation en urgence du CGLPL relatives à l’EPSM Roger Prévot de Moisselles

Journal officiel de la république française n°0150 du 19 juin 2020

Source (J.O.) https://www.legifrance.gouv.fr/affi…

Texte n°94 - NOR : CPLX2014877X

2020-06-19 Recommandation CGLPL.

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, informée de pratiques portant gravement atteinte aux droits fondamentaux des personnes hospitalisées, a visité l’établissement public de santé Roger Prévot de Moisselles (Val-d’Oise) le lundi 18 mai 2020, accompagnée de trois collaborateurs.

A l’occasion de cette visite, des violations graves des droits des personnes privées de liberté ont été constatées. Elles résultent d’une confusion entre le régime de l’isolement psychiatrique institué par le code de la santé publique et le confinement sanitaire décidé par les pouvoirs publics afin de lutter contre la propagation du covid-19. Bien que, localement, des mesures correctrices aient été prises dès les jours qui ont suivi la visite, la gravité des violations constatées et le risque que cette ambiguïté provoque des atteintes de même nature aux droits des patients accueillis dans d’autres établissements de santé mentale justifient l’usage de la procédure prévue à l’article 9, alinéa 2, de la loi du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté : « S’il constate une violation grave des droits fondamentaux d’une personne privée de liberté, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté communique sans délai aux autorités compétentes ses observations, leur impartit un délai pour y répondre et, à l’issue de ce délai, constate s’il a été mis fin à la violation signalée. S’il l’estime nécessaire, il rend alors immédiatement public le contenu de ses observations et des réponses reçues. »

Les présentes recommandations ont été adressées au ministre des solidarités et de la santé le 25 mai 2020 ; il lui a été demandé de faire connaître ses observations avant le jeudi 4 juin. Aucune réponse n’est parvenue au contrôle à la date de publication des présentes recommandations.

Prenant en charge les patients de cinq secteurs de psychiatrie adultes des Hauts-de-Seine, l’établissement, situé dans le Val-d’Oise, est éloigné du domicile des patients comme des structures extrahospitalières. Il compte huit unités d’hospitalisation à temps complet (dont une située à Nanterre) pour 174 lits.

Les contrôleurs ont visité :

— l’unité d’hospitalisation complète « Clichy 2 », transformée en unité pour patients atteints de covid-19 (cinq lits), et en unité « entrants » (dix lits et une chambre d’isolement) ;

— l’unité « entrants » (dix lits et une chambre d’isolement), ouverte le 10 mai ;

— l’unité d’hospitalisation « Levallois-1 » du pôle « G04 Levallois-Perret ».

Les contrôleurs se sont entretenus avec plusieurs patients hospitalisés ainsi qu’avec des médecins et infirmiers de ces unités.

Les unités « entrants » accueillent tous les patients entrant dans l’établissement pour une période d’observation de 72 heures au maximum. L’unité « covid », accueille ceux qui sont atteints de covid-19. Ces unités sont placées sous la responsabilité d’un médecin somaticien et non d’un psychiatre.

Dans les jours précédant cette visite, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté avait été informée d’atteintes aux droits fondamentaux des personnes hospitalisées dans l’établissement.

Le jeudi 7 mai 2020, deux patients de l’unité d’hospitalisation du pôle « G02 Asnières-sur-Seine », testés positif au covid-19, ont été transférés dans l’unité « covid ». Dans la soirée, le psychiatre de garde et la direction de l’établissement ont décidé, sans tracer par écrit cette initiative, de confiner, porte fermée à clé, tous les autres patients de l’unité « Asnières-sur-Seine », y compris ceux admis en soins libres et ceux hébergés dans des chambres doubles. Le lendemain, un autre psychiatre de garde a fait réouvrir l’ensemble des chambres après avoir expliqué à chaque patient la nécessité, pour raison sanitaire, de rester confiné dans sa chambre.

Le mercredi 13 mai, le CGLPL a été informé que toutes les chambres des unités « entrants » et « covid » de l’établissement étaient fermées à clé et qu’une patiente, hébergée dans une unité « entrants », au deuxième étage, avait été gravement blessée et admise aux urgences somatiques après être sortie par la fenêtre de sa chambre qu’elle avait brisée. Le CGLPL ignore si cette patiente souhaitait se donner la mort par défenestration ou si, plus probablement, elle ne désirait que recouvrer sa liberté de mouvements.

Au moment de la visite, dix-huit patients étaient hospitalisés dans les unités « entrants » et « covid », dont six admis en soins libres. Les contrôleurs ont constaté que toutes les chambres de ces unités étaient fermées à clé.

Ces événements et constats révèlent une confusion absolue entre les notions de « confinement sanitaire » et d’« isolement psychiatrique ». Des patients ont été enfermés à clé 24 h sur 24 sans que leur état clinique psychiatrique le justifie, sans décision médicale écrite émanant d’un psychiatre ni traçabilité et, au surplus, dans des espaces dangereux car non aménagés à cet effet. Ces patients ont été enfermés sur décision du médecin généraliste, prise sur le fondement de la circulaire Minsante99 du 9 mai 2020. Pourtant, le confinement strict en chambre fermée à clé n’est pas mentionné dans cette circulaire, mais les praticiens l’ont décidé en lui donnant un caractère systématique, prétendant que les patients de psychiatrie ne seraient pas à même de comprendre et de respecter les gestes barrière.

Ces privations de liberté injustifiées et illégales ont été mises en œuvre dans des conditions indignes.

Les chambres ne reçoivent la lumière naturelle que par une baie vitrée non ouvrable et une étroite imposte verticale (20 cm) ouvrable qui permet un faible renouvellement d’air. Elles ne sont équipées ni de poste de télévision, ni, sauf exception, de radio, ni d’horloge. Celles de l’une des unités « entrants » n’ont pas de bouton d’appel et dans l’autre unité « entrants » et l’unité « covid », plusieurs de ces boutons ne fonctionnent pas.

Lors de la visite, les patients ne disposaient pas de leurs effets personnels, ils étaient habillés d’un pyjama en tissu déchirable et les sous-vêtements avaient été retirés à certains d’entre eux. Les chambres n’étaient pas équipées de douche, du matériel de toilette était mis à disposition sans nécessaire de rasage pour les hommes. La toilette au lavabo était préconisée car l’accès à la douche extérieure mobilisait trop de personnel.

La plupart des patients disposaient de leur téléphone portable, car il n’est retiré qu’en cas d’usage pathologique. Les patients fumeurs étaient autorisés à fumer dans leur chambre. Dans l’une des unités « entrants », les chaises avaient été retirées des chambres après qu’un patient se soit servi de la sienne pour tenter de briser une vitre : une chaise était apportée à chaque patient pour le repas puis reprise.

La notification de la mesure et l’information des patients en soins sans consentement sur leur statut et leurs droits n’étaient pas assurées pendant leur séjour dans ces unités.

Par ailleurs, le pôle « G04 Levallois-Perret » avait instauré une contrainte de confinement supplémentaire : les patients accueillis au terme de leur séjour en unité « entrants » étaient soumis à une obligation de confinement strict en chambre pendant quatorze jours supplémentaires, parfois porte fermée à clé « s’ils ne se plient pas à cette mesure ». Depuis le début de la pandémie, plusieurs patients ont ainsi été enfermés à clé dans leur chambre. Il a été affirmé aux contrôleurs que ces décisions étaient prises par des psychiatres du pôle ou par ceux du secteur d’origine du patient en cas d’hébergement hors secteur ; néanmoins, aucune décision n’a été trouvée dans les dossiers.

Lors de la visite, deux patients étaient enfermés à clé dans leur chambre au sein de l’unité « Levallois-1 » de ce pôle :

— l’un venait d’intégrer l’unité et avait été enfermé avant-même qu’une décision médicale n’ait été prise ;

— l’autre était enfermé depuis six jours dans l’unité, après trois jours d’enfermement en unité « entrants ». Aucune décision médicale d’isolement ne figurait dans son dossier et aucune consigne médicale ne faisait référence à une décision de porte fermée. Par ailleurs, aucun élément ne faisait état d’une éventuelle absence de respect des mesures de confinement en chambre susceptible de « justifier » la fermeture de sa chambre à clé.

A la suite de ces constats, la Contrôleure générale a rappelé à la direction comme aux praticiens rencontrés que les pratiques d’enfermement sont illégales :

— en l’absence de décision prise par un psychiatre sur des considérations cliniques relatives seulement à l’état de santé mentale du patient, lorsqu’elles concernent des patients en soins sans consentement ;

— en toute hypothèse, pour des personnes admises en soins libres.

Elle a souligné que la mauvaise compréhension prétendue des gestes barrière par les patients ne pouvait justifier un enfermement systématique, cette mauvaise compréhension n’étant du reste pas démontrée, et en tout cas loin d’être générale.

Trois jours après la visite, la directrice de l’établissement a fait connaître au CGLPL que des mesures destinées à provoquer une réflexion sur la privation de liberté et à mettre fin aux pratiques constatées avaient été mises en œuvre.

Il a été demandé à la présidente de la commission médicale d’établissement d’anticiper le collège médical prévu le 29 mai sur la question du droit des patients ; un directoire extraordinaire s’est réuni le 20 mai avec l’ensemble des chefs de pôle, pour susciter de leur part une réflexion visant à mettre en accord les pratiques médicales avec le dispositif législatif relatif à l’isolement en psychiatrie.

Dans l’attente de cette réflexion et à titre conservatoire, la directrice a pris, par une note du 20 mai 2020, relative à « l’organisation des admissions des patients dans les unités d’entrants et l’unité covid », des mesures soumises à la concertation des médecins chefs de pôle lors du directoire exceptionnel. Elle prévoit notamment que les chambres accueillant des patients en soins libres ne peuvent être fermées à clé et que celles des « patients en soins sous contrainte ne peuvent être fermées à clé que sur décision médicale d’un psychiatre, qui évalue l’opportunité d’une mesure d’isolement justifiée par la situation clinique du patient ». Cette note est de nature à mettre fin aux pratiques d’enfermement abusives constatées dans les unités « entrants » et « covid », mais elle n’évoque pas la situation des patients hospitalisés au sein de l’unité « Levallois-1 » auxquels ces dispositions doivent également s’appliquer, comme à l’ensemble des patients de l’hôpital.

Les constats effectués à l’hôpital Roger Prévot résultent d’une confusion entre le régime juridique de l’isolement psychiatrique et celui du confinement sanitaire. Le CGLPL a observé que de nombreux établissements de santé mentale ont créé des unités « covid », il a été à plusieurs reprises informé d’incidents, souvent mineurs ou ponctuels, qui semblaient résulter d’une confusion comparable à celle observée à Moisselles, il a également été interrogé sur ce point par un comité d’éthique.

Pour ces raisons, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté adresse au ministre des solidarités et de la santé les recommandations de principe qui suivent.

Si un patient en soins libres accepte son traitement psychiatrique mais refuse l’hospitalisation dans une unité « covid », il lui est loisible de quitter l’hôpital quelle que soit sa situation au regard du covid-19. Si, en revanche, des motifs liés à sa pathologie mentale imposent que ce patient demeure hospitalisé contre sa volonté, celui-ci peut être placé en soins sans consentement. Le refus de rejoindre une unité « covid » ne peut cependant être regardé comme un refus des soins de santé mentale ; il appartient donc au médecin psychiatre, et à lui seul, d’apprécier de manière individualisée si un tel refus résulte de la pathologie psychiatrique ou du libre arbitre du patient.

L’enfermement dans leur chambre des patients qui ne respectent pas le confinement ou les gestes barrière ne peut reposer que sur une décision d’isolement motivée par la mise en danger immédiate ou imminente du patient ou d’autrui. Il doit répondre aux conditions posées par l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique : « L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d’un psychiatre, prise pour une durée limitée. »

Comme pour toute décision d’isolement, c’est au psychiatre qu’il appartient d’apprécier si le comportement du patient est le fait de la maladie mentale, s’il est avéré qu’aucune autre formule ne peut avoir pour effet de prévenir un dommage et si le refus de respecter les gestes barrière constitue, non pas un simple risque, mais « un dommage immédiat ou imminent » justifiant une mesure aussi attentatoire à la dignité et aux droits du patient. En tout état de cause une telle contrainte ne peut être imposée ni à un patient en soins libres ni pour une durée excédant quelques heures.

Des mesures d’enfermement, de sédation ou de contention ne sauraient être justifiées par la seule considération des moyens dont dispose l’établissement (hébergement en chambre collective, insuffisance de personnel, absence de sanitaires dans les chambres, etc.) en application du principe général selon lequel aucune mesure de privation de liberté ne peut être prise ni aggravée pour des raisons d’organisation, principe qui ne peut souffrir aucune exception. Dès lors, pour un patient dont l’état clinique ne justifierait pas de telles mesures en temps ordinaire, elles doivent également être écartées en période d’épidémie.

De manière générale, les règles du code de la santé publique relatives aux soins sans consentement, à l’isolement et à la contention imposent au patient qui leur est soumis des contraintes d’une exceptionnelle gravité. Elles doivent dès lors être systématiquement interprétées de manière restrictive et toujours en conformité avec les principes qui les sous-tendent :

— elles ne peuvent être utilisées en vue d’aucune autre finalité que celles qui résultent de la lettre du texte qui les institue ;

— elles ne peuvent être appliquées qu’en considération de l’état clinique du patient au regard de ses troubles mentaux, apprécié par un psychiatre et régulièrement réévalué, et non au regard d’un éventuel risque infectieux ;

— elles doivent avoir pour unique finalité la stabilisation de la crise psychiatrique qui a conduit à les décider ;

— la nature et la durée des mesures prises doivent être limitées par les principes de nécessité et de proportionnalité.

Si la situation constatée le 18 mai à l’hôpital Roger Prévot semble avoir cessé à la suite de l’intervention du CGLPL, il demeure indispensable que des directives soient immédiatement adressées à l’ensemble des services de santé mentale afin de lever toute ambiguïté relative à l’interprétation de la notion de mesure de confinement sanitaire dans les unités d’hospitalisation. Il convient de rappeler la nature et le champ d’application des mesures de confinement et d’isolement psychiatrique et, en toute hypothèse, la proscription de l’enfermement de patients au titre du confinement sanitaire, quel que soit leur statut d’admission.


Plutôt le droit pour la psychiatrie qu’une droite contre la démocratie

Source (Mediapart Club) : https://blogs.mediapart.fr/mathieu-…

Par Mathieu Bellahsen - 19 juin 2020 [psychiatre, chef du pôle de psychiatrie générale d’Asnières-sur-Seine, sectorisé à l’EPSM de Moisselles]

2019-06-19 M. Bellahsen Mediapart Club.

Hier, la commémoration de l’appel du 18 juin. Aujourd’hui, le 19 juin qui appelle à d’autres « chemins vers la liberté » : où comment solliciter les contre-pouvoirs en terrain psychiatrique hostile avec le CGLPL, les QPC (et autres abréviations…)

Le Contrôle Général des Lieux de Privation de Liberté a le pouvoir d’émettre des recommandations en urgence quand les droits fondamentaux sont mis en péril pour les personnes privées de liberté. Un lieu de privation de liberté comme un hôpital psychiatrique peut priver d’une partie de la liberté, celle nécessaire pour soigner un moment psychopathologique où le consentement de la personne est impossible ou trop fragile. Mais priver d’une liberté n’est pas sacrifice de toutes les libertés.

Or, « pour le bien », « parce que c’est plus facile » ou « parce que sinon c’est trop complexe » des libertés sont mises à mal d’autant plus facilement que le vieux fond asilaire de la psychiatrie imprègne toujours les têtes et les murs.

Suite à notre signalement, c’est ce que vient rappeler avec force Adeline Hazan et l’équipe du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL) avec la parution d’une recommandation en urgence ce matin au Journal Officiel concernant l’établissement dans lequel j’exerce.

Dans un billet de blog précédent, j’évoquais cette confusion dramatique pour les patients hospitalisés entre l’isolement psychiatrique (c’est à dire le fait d’être enfermé à clé dans un espace dédié avec une prescription médicale quotidienne) et le confinement sanitaire (le fait de devoir rester dans sa chambre pour éviter la propagation du virus). Entre les deux : une serrure et une clé.

Quand le COVID arrive en psychiatrie, certains des patients qui ont le Covid « comme les autres » non psychiatrisés ne seront pas traités comme les autres. Puisqu’ils sont psychiatrisés, ils sont bien trop souvent considérés comme irresponsables, comme ne pouvant pas respecter les gestes barrières, comme ne comprenant pas les consignes etc. Le vieux fond d’infantilisation des psychiatrisés bat son plein et avec lui la réponse simple et bien connue de l’enfermement… Pas comme les autres donc.

Les préfectures aussi s’y sont mises… Certaines exigeaient que figure dans les certificats pour les patients en soins à la demande du représentant de l’État (SPDRE, ex Hospitalisation d’Office), la possibilité pour les patients de respecter les gestes barrières. Donc en plus de se stabiliser de leurs troubles psychiatriques, pour sortir de l’hôpital ces patients devaient être encore plus irréprochables que les citoyens ordinaires…

Pourtant, même à l’hôpital psychiatrique, avec des personnes qui sont à mille lieux des gestes barrières parce qu’elles sont trop prises dans leur délire ou autre manifestation encombrante pour faire avec la réalité, le fait de leur parler, de faire place à leur parole, de les considérer comme des interlocuteurs valables, de récolter leur avis sur la situation et de partager les difficultés peut permettre de construire un espace commun de responsabilité. Un espace thérapeutique. Un espace démocratique.

C’est ce qui s’appelle « traiter l’ambiance ». Et ce n’est plus beaucoup à la mode de nos jours en psychiatrie. Mais ce n’est plus trop à la mode non plus dans la société… Traiter l’ambiance, ça s’applique autant aux soins psychiques qu’à la démocratie, en cours d’involution express ces derniers temps.

Il suffit de voir comment les tutelles nous infantilisent, comment le pouvoir veut nous caresser « comme des gentils toutous à sa mémère » avec une jolie petite médaille qui va très bien avec le collier Hermès et la laisse Ségur du propriétaire des toutous soignants.

Revenons en à la pratique d’enfermement qui a eu lieu lors de la pandémie du Covid dans l’établissement où j’exerce. La confusion entre isolement psychiatrique et confinement sanitaire a entraîné des privations de liberté indues. J’ai donc alerté le CGLPL puisque la situation était bloquée au niveau de notre établissement. Toute discussion était devenue compliquée.

Il est un fait notable : l’autoritarisme des tutelles s’applique quand il s’agit de faire régner l’ordre gestionnaire et l’ordre sécuritaire mais s’absente à lui-même quand il s’agit de libertés fondamentales. La culture de l’enfermement qui existe en psychiatrie se confirme et se renforce chaque année par les rapports accablants du CGLPL, par l’accroissement du nombre d’hospitalisations sans consentement, par les recours toujours plus grands aux dispositifs de contrainte (chambre d’isolement, contentions physiques, unité de soins intensifs…). Et les beaux discours sur la « bientraitance » ne viennent pas à bout des pratiques de maltraitance. Et pour cause… Pour ne pas maltraiter il faut des gens pour soigner les existences en morceaux, il faut des gens formés, en nombre, curieux du mystère que constitue la vie humaine. Il faut aussi une société plus apaisée et plus juste. A défaut, le terrain des contentieux peut ouvrir des brèches.

19 juin encore : la QPC isolement / contention

Un délibéré est également rendu aujourd’hui par le Conseil Constitutionnel sur une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) sur l’article L 3222-5-1 du code de la santé publique concernant la traçabilité de l’isolement et de la contention en psychiatrie sur la base de l’article 66 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel vient de juger "que le législateur ne pouvait, au regard des exigences de l’article 66
de la Constitution, permettre le maintien à l’isolement ou en contention en psychiatrie au-delà d’une certaine durée sans contrôle du juge judiciaire".

Ce que cela dit, c’est que le champ du Droit est devenu un terrain de lutte. Cela dit aussi que les contre pouvoirs à la disposition des défenseurs des libertés existent tout de même mais qu’il faut s’en servir. Cela confirme ce que nous abordons avec Rachel Knaebel dans le livre « La révolte de la psychiatrie ». Les pratiques altératrices articulent plusieurs registres de lutte : pratiques cliniques, pratiques de droit, pratiques militantes, pratiques associatives etc. Ces croisements produisent du radicalement nouveau dans « l’archipel des lieux et des luttes » en cours.

Dans le champ de la santé, la remise en question la démocratie sanitaire telle qu’elle existe actuellement est une nécessité car les représentants nommés défendent plus souvent l’ordre établi qu’ils ne le contrarient.

Encore un exemple du terrain : la scène se passe à la Commission des Usagers (CDU) de l’établissement un peu après le passage surprise des contrôleurs du CGLPL. A cette CDU, les sièges des représentants des usagers sont tous occupés par des représentants des familles et non par des représentants des psychiatrisés. Un contentieux est en cours au tribunal administratif car des patients usagers de la psychiatrie souhaitent siéger pour se représenter en leur nom. Pour l’instant la réponse des tutelles est réglementaire : les sièges des usagers sont déjà occupés par des associations agréées dans la représentation des usagers et il n’y a pas de distinction dans les textes entre familles et patients. Circulez il n’y a rien à voir…
Alors quand un « représentant des familles-représentants des usagers » désapprouve le passage du CGLPL lors de la crise Covid pour ces questions d’enfermement, qu’est-ce que cela dit de ces instances ? Si la démocratie sanitaire est une farce, reste à savoir qui sont les dindons.

Transformer la plainte, porter plainte

Sur un autre plan, c’est aussi par le Droit que des limites peuvent être mises à la toute puissance des dirigeants, à leurs mensonges et à l’escamotage de leur responsabilité. Avec une cinquantaine de médecins, nous avons porté plainte contre Jérôme Salomon, Agnès Buzyn, Edouard Philippe et Olivier Véran pour plusieurs motifs dont « abus de droit », « abstention volontaire de prendre les mesures visant à combattre un sinistre », « mise en danger délibérée de la vie d’autrui ». Car il faut qu’ils rendent des comptes. D’une façon ou d’une autre. Nous sommes dans une séquence historique où nous marchons sur la tête, le droit peut avec d’autres choses nous aider à « remettre à l’endroit les choses qui étaient à l’envers ».

Il faut le réaffirmer avec force, une psychiatrie qui cède sur la question de la démocratie ne peut que basculer progressivement, subrepticement, vers les tréfonds asilaires où les établissements de soins sont d’abord faits pour les professionnels plutôt que pour les patients.

Philippe Koechlin aimait à dire que « le vrai directeur de l’hôpital, c’est le patient ». L’ambiguité de cette formule est plus programmatique. A l’heure des « mardis colère », des « jeudis colères », des mobilisations massives sur tout le territoire, les soignants doivent porter la parole des usagers pour que celle-ci s’émancipe, qu’elle les déborde et qu’elle produise du radicalement nouveau : de la contestation des pouvoirs précédents et des abus, de la création de nouvelles formes de démocraties directes dans les lieux. Nous devons concourir à instituer des contre-pouvoirs capable de remettre en cause les autorités quand elle deviennent autoritaires. Nous devons être le support de la réorganisation du système de santé avec les premiers concernés, les citoyens usagers du système de santé, et pas uniquement avec leurs représentants piégés par la farce des représentations officielles.

Montreuil, Mai 2020 © M. Bellahsen

PS : Un conseil de lecture : un site de mobilisation contre la réforme du financement de la psychiatrie vient d’être lancé.

https://www.reformepsychiatrie.org

L’enjeu est d’informer le public sur la poursuite et l’aggravation dans le champ de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie de réformes délétères laissant les personnes les plus fragiles avec très peu de soins et d’accompagnement.

Vous y trouverez des interviews d’usagers, des témoignages de familles et de professionnels ainsi que des ressources vidéos.


Mediapart - Pour les confiner, des patients en psychiatrie enfermés à double tour

Source (Mediapart) : https://www.mediapart.fr/journal/fr…

19 juin 2020 Par Mathilde Goanec

Un hôpital psychiatrique du Val-d’Oise se voit rappeler à l’ordre pour avoir enfermé des patients dans leur chambre, au motif d’empêcher la circulation du Covid-19 pendant le confinement. Une dérive qui rappelle le poids croissant du soin sous contrainte, en France, dans les établissements en santé mentale.

Le Covid-19 ne peut pas tout justifier, rappelle en substance le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), dans une recommandation rendue vendredi, après la visite en urgence de l’hôpital psychiatrique Roger-Prévot de Moisselles dans le Val-d’Oise.

Alerté par l’un des psychiatres de l’établissement, l’une de ses équipes s’est rendue sur place il y a un mois. De nombreux patients, testés positif au Covid-19 ou non, certains venant d’arriver, étaient alors enfermés à double tour dans leur chambre depuis plusieurs jours, avec des conséquences parfois dramatiques.

« Une patiente hébergée dans une unité “entrants”, au deuxième étage, avait été gravement blessée et admise aux urgences après être sortie par la fenêtre de sa chambre qu’elle avait brisée, détaille l’autorité administrative. Le CGLPL ignore si cette patiente souhaitait se donner la mort par défenestration ou si, plus probablement, elle ne désirait que recouvrer sa liberté de mouvement. »

Comme dans un autre rapport, sur l’hôpital psychiatrique du Rouvray à Rouen, quelques mois plus tôt, le document, publié au Journal officiel, relate au passage les conditions de vie de ces patients enfermés, « habillés d’un pyjama en tissu déchirable », et dont « les sous-vêtements avaient été retirés à certains d’entre eux ». Des chambres où la toilette se fait au lavabo, sans télévision, sans radio, sans horloge, et où l’air circule mal.

Cette manière de fonctionner relève d’une « confusion absolue entre les notions de confinement sanitaire et d’isolement psychiatrique », poursuit le CGLPL. Des patients ont été enfermés à clé 24 h sur 24 sans que leur état clinique psychiatrique le justifie, sans décision médicale écrite émanant d’un psychiatre ni traçabilité et, au surplus, dans des espaces dangereux car non aménagés à cet effet ». Depuis la visite des contrôleurs, cette situation aurait cessé.

Le cas du Val-d’Oise n’est pas isolé. D’après des documents consultés par Mediapart, le directeur d’un établissement en santé mentale dans le Val-de-Marne proposait lui aussi, fin mars, « compte tenu du niveau 3 de la pandémie Covid-19 », « d’isoler strictement les patients à l’admission afin de prévenir une contagion potentielle dans le service, même si cela doit limiter la liberté d’aller et venir, de façon strictement proportionnée ». En les maintenant en « chambre fermée », et s’ils résistaient et montraient de l’agressivité, « en chambre d’isolement ».

Dans cet article, publié en pleine crise sanitaire, Mediapart révélait également des pratiques posant question sur le plan éthique, pour limiter la déambulation des patients âgés, présentant des troubles psychiques ou cognitifs, au sein des Ehpad. Certaines agences régionales de santé, dans des protocoles envoyés aux établissements, ont en effet préconisé que, dans le contexte du Covid-19, où « l’intérêt collectif prime sur l’intérêt individuel, il pourra malheureusement être nécessaire de confiner le résident/patient dans sa chambre. […] En fonction de la tolérance de ce confinement, des moyens de contention chimique et/ou physique supplémentaire pourront être envisagés ».

Illustration dans cet Ehpad d’Aubervilliers, racontée dans une autre enquête de Mediapart, où un directeur a été mis à pied, notamment pour avoir voulu changer les serrures des résidents, afin de les enfermer de l’extérieur.

La dérive des notions de contention et d’enfermement a même motivé une note du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, rendue publique le 30 mars, entièrement dédiée aux Ehpad, et remise aux autorités sanitaires. « Les mesures envisagées à l’échelle des établissements doivent tenir compte d’exigences sanitaires pour les personnes résidentes et leur entourage, ainsi que d’exigences éthiques et humaines fortes, également essentielles », relevait le comité, qui y renouvelait son alerte sur les structures collectives.

En psychiatrie comme dans le médico-social, le manque de moyens explique en partie ces décisions : le secteur a perdu des milliers de lits ces dernières années, sans que l’ambulatoire ne soit taillé pour les compenser. Le personnel n’y est pas assez nombreux, ni formé, les psychiatres sont devenus une denrée rare que l’on s’arrache.

Avec la pénurie de masques et d’équipements de protection, qui a touché ce « parent pauvre » comme le reste de l’hôpital public (lire à ce sujet l’enquête du Poulpe à Rouen), les foyers de contamination étaient inévitables et se sont vite développés.

Mathieu Bellahsen, le psychiatre ayant saisi le CGLPL au sujet de son propre établissement dans le Val-d’Oise, très engagé dans le mouvement du Printemps de la psychiatrie, explique ce qui a motivé son signalement : « Nos difficultés quotidiennes sont évidentes. Mais mon rôle de médecin ce n’est pas de gérer et d’accepter la pénurie. Si on ne veut pas fermer les portes à clé, il n’y a pas de secret, il faut plus de monde auprès des patients, pour parler, pour expliquer ce qui est en train de se passer. »

Plus fondamentalement, le médecin dénonce l’habituel « fond asilaire » de la psychiatrie française. « Les médecins et les soignants décident continuellement à la place des patients. Et tout cela n’est pas si grave, finalement, ce qui compte c’est de protéger du virus… Mais on n’est pas obligé de faire n’importe quoi ! »

« Il y a la paupérisation de la psychiatrie qui renforce les isolements et la contention, mais elle ne suffit pas à tout expliquer, poursuit le psychiatre. Pourquoi les gens ont des serrures dans la tête ? Pourquoi, au cœur de la formation en psychiatrie, il n’y a pas cette notion de liberté ? Pourquoi notre démocratie sanitaire est à ce point-là défaillante, sans contre-pouvoir ? C’est aussi toute une culture et des imaginaires alternatifs qui font défaut. »

L’enfermement des malades mentaux est en effet une « tendance lourde », depuis 25 ans, relève un autre rapport publié le 17 juin par le même CGLPL, alors que le mandat de l’actuelle contrôleuse générale, Adeline Hazan, touche à sa fin. Au terme de plus de 200 contrôles, l’hôpital psychiatrique y est bel et bien décrit comme un lieu de privation de liberté, où la contention et l’isolement ne sont pas des exceptions, alors qu’augmente de manière vertigineuse le soin sans consentement.

« Même si les textes affirment que les soins libres doivent être privilégiés lorsque l’état de santé de la personne le permet, dans la pratique, la part des soins sous contrainte dans les admissions croît de façon préoccupante, atteignant le quart des admissions et représentant 40 % d’entre elles dans certains établissements », note Adeline Hazan dans ce document et regrette l’absence, malgré des initiatives locales, de « volonté politique » de la limiter davantage.

Vendredi 19 juin, une autre décision est venue enfoncer le clou sur ce diagnostic. Le Conseil constitutionnel, sollicité sur la loi du 26 janvier 2016 « de modernisation du système de santé » au sujet des conditions d’isolement et de contention lors d’une prise en charge dans un établissement assurant des soins psychiatriques sans consentement, a rappelé que ces mesures doivent être « réduites dans le temps, notifiées par un psychiatre, et restaient soumises au contrôle du juge judiciaire ». Épidémie de Covid-19 ou pas.


Le Monde.fr - Coronavirus : des pratiques d’enfermement « illégales » dans un hôpital psychiatrique du Val-d’Oise

Source (Le Monde.fr) : https://www.lemonde.fr/societe/arti…

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a activé une procédure d’urgence concernant l’hôpital de Moisselles (Val-d’Oise). L’établissement reconnaît une « confusion », désormais rectifiée, entre confinement et isolement.

Par Camille Stromboni Publié le 19 juin 2020.

La situation était assez grave pour mériter une procédure d’urgence. Dans ses « recommandations » publiées au Journal officiel vendredi 19 juin, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) alerte sur les « atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes hospitalisées » constatées dans un hôpital psychiatrique francilien, durant la crise sanitaire due au Covid-19.

Avec la mise en place des unités Covid et des règles de confinement sanitaire, l’établissement public de santé mentale Roger-Prévot, à Moisselles (Val-d’Oise), a eu recours à des « pratiques d’enfermement illégales », relève l’autorité administrative indépendante. Elle y a dépêché quatre de ses membres, dont la contrôleuse des prisons elle-même, Adeline Hazan, lundi 18 mai, à la suite d’une alerte.

Fermeture de certaines chambres à clé vingt-quatre heures sur vingt-quatre, enfermement de patients pourtant hospitalisés « en soins libres », conditions indignes… « Il y a eu une confusion totale entre le régime de l’isolement psychiatrique et le confinement sanitaire, dit Adeline Hazan, au Monde. Dès le 20 mai, la directrice de l’établissement a mis fin à ces pratiques. Mais j’ai considéré qu’il fallait ces recommandations en urgence pour alerter le ministère de la santé et lui demander que des instructions très précises soient données à l’ensemble des hôpitaux psychiatriques, afin de lever toute ambiguïté. »

En effet, « des informations reçues font craindre qu’une semblable confusion ne touche d’autres établissements de santé mentale », peut-on lire dans ses recommandations. A ce stade, le ministère n’a pas répondu officiellement à la demande de l’institution. Une note relative à la liberté d’aller et venir dans les services de psychiatrie en période de déconfinement a été publiée par l’une de ses directions générales, le 5 juin.

Enfermés à clé

Que s’est-il passé à Moisselles ? Avec 174 lits, l’hôpital psychiatrique accueille les patients de plusieurs secteurs des Hauts-de-Seine, notamment d’Asnières-sur-Seine. Le 7 mai, deux patients de ce secteur sont déclarés positifs et transférés dans l’unité Covid de l’hôpital. Dans la soirée, la vingtaine d’autres patients du service est elle aussi confinée, mais d’une manière particulière : avec porte fermée à clé. Le lendemain, un autre psychiatre prenant sa garde fait rouvrir l’ensemble des chambres.

Reste que tous les patients en unité Covid sont, eux, enfermés à clé. Certains nouveaux patients hospitalisés ont été soumis à une obligation de confinement strict en chambre pendant quatorze jours, avec parfois porte close également. La contrôleuse générale a été informée qu’une patiente, enfermée, s’est blessée gravement le mercredi 13 mai, après s’être défenestrée, en brisant la fenêtre de sa chambre.

Pour l’autorité, il s’agit de « privations de liberté injustifiées et illégales » : « Des patients ont été enfermés vingt-quatre heures sur vingt-quatre sans que leur état clinique psychiatrique le justifie, sans décision médicale écrite émanant d’un psychiatre. » Elle a pu constater, en outre, que certains patients ont été enfermés dans des chambres sans douche, ou sans leurs effets personnels.

La contrôleuse rappelle la règle de droit, épidémie ou non : « L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours. Il ne peut y être procédé que sur une décision d’isolement motivée par la mise en danger immédiate du patient ou d’autrui. » Et d’ajouter : « La mauvaise compréhension prétendue des gestes barrières par les patients ne pouvait justifier un enfermement systématique. »

« Concilier deux objectifs contraires »

Certains membres du personnel médical se sont émus de cette situation, dont le psychiatre Mathieu Bellahsen, qui a alerté la contrôleuse générale. « Lorsqu’on a soulevé ces dysfonctionnements majeurs, la direction nous a répondu que l’enfermement était nécessaire, sinon c’était un non-respect du confinement, raconte le médecin. Mais il n’est pas possible, sous prétexte de Covid, de sacrifier des libertés fondamentales et de faire n’importe quoi. »

Interrogée sur cet enfermement, la direction de l’établissement a réagi par communiqué, jeudi 18 juin, reconnaissant une « confusion » entre les régimes d’isolement psychiatrique et de confinement. Elle l’explique par la « complexité de concilier deux objectifs contraires, garantir la liberté d’aller et venir au sein de l’unité et empêcher des contacts qui conduiraient à des contaminations ». Conciliation d’autant plus difficile, écrit-elle, pour « les patients ayant des difficultés à respecter les gestes barrières ».

Cette mise en garde de l’autorité administrative intervient deux jours seulement après la publication de son rapport sur le monde de la psychiatrie, intitulé Soins sans consentement et droits fondamentaux. Son constat : « L’hospitalisation à temps plein s’accompagne d’atteintes, plus ou moins graves, aux droits des patients, à leur dignité, avec une grande disparité selon les établissements. »

L’isolement et la contention sont des pratiques « en diminution » et désormais « interrogées dans le milieu », salue Adeline Hazan, qui a effectué avec ses équipes quelque 200 contrôles d’établissements ces douze dernières années. En revanche, le recours à l’hospitalisation « sans consentement » a augmenté de manière « préoccupante ». La contrôleuse générale en appelle à une grande loi sur la santé mentale, avec « une vraie réflexion sur ce qu’est le soin dans la maladie mentale ».