2019-11-21 La Cour de cassation invalide la jurisprudence versaillaise sur l’isolement

• Pour citer le présent article : https://psychiatrie.crpa.asso.fr/743

Document du jeudi 21 novembre 2019
Article mis à jour le 27 août 2020
par  A.B.

Sur notre site internet : 2019-11-07 Cour de cassation : incompétence du JLD pour statuer sur l’isolement et la contention ?

Pour retrouver cet article sur l’édition participative Les contes de la folie ordinaire de Mediapart, cliquer sur ce lien

2019-12-06 - Une QPC sur l’isolement - contention transmise à la Cour de cassation

2020-06-19 - Le maintien en isolement et contention en psychiatrie devra être judiciarisé


Réponse de la Cour de cassation sur l’isolement - contention

Citation de la réponse nº3 de la Cour :

"9. L’ordonnance [de la Cour d’appel de Versailles] énonce à bon droit qu’aucun texte n’impose la production devant le juge des libertés et de la détention du registre prévu à l’article L 3222-5-1 du code de la santé publique consignant les mesures d’isolement et de contention, lesquelles constituent des modalités de soins. Celles-ci ne relevant pas de l’office du juge des libertés et de la détention, qui s’attache à la seule procédure de soins psychiatriques sans consentement pour en contrôler la régularité et le bien-fondé, le premier président en a justement déduit que le grief tenant au défaut de production de copies du registre était inopérant".

Pour la Cour de cassation le juge des libertés et de la détention ainsi que la cour d’appel ne sont pas juges des soins. Le contenu même des hospitalisations sans consentement n’est pas statué dans le cadre du contrôle des juges des libertés …


Mail de Mme Anne Darmstädter -Delmas magistrate honoraire

2 décembre 2019.

OBJET : soins psychiatriques sans consentement.

Cher Monsieur,

Les faits sont quelquefois têtus…

2019-11-26 Arrêt de la Cour de cassation.

Et cet arrêt du 21 novembre dernier clarifie, me semble-t-il, les choses en ce qui concerne l’office du juge des libertés et de la détention lorsqu’est mise en place une mesure d’isolement.

Il est, en effet, expressément énoncé, au visa de l’article L 3216-1 du code de la santé publique,

— que les mesures d’isolement et de contention constituent des modalités de soins,

— que s’agissant de modalités de soins, celles-ci ne relèvent pas de l’office du juge des libertés et de la détention,

— que l’office du juge des libertés et de la détention s’attache, en effet à la seule procédure de soins psychiatriques sans consentement pour en contrôler la régularité et le bien-fondé,

— si bien que l’on ne saurait reprocher au juge des libertés et de la détention (ou au premier président statuant en appel), devant lequel est contestée la régularité de cette mesure d’isolement et de contention, de ne pas exiger la production du registre spécial puisqu’il n’entre pas dans son office de la contrôler.

Et en l’espèce, il s’agit d’une mesure décidée après la décision d’admission en soins psychiatriques sans consentement et donc pendant le cours de la procédure ainsi mise en place.

Le visa de l’article L. 3216-1 du code de la santé publique est à mon sens important car, ainsi que je vous l’écrivais à l’origine, cet article précise lui-même que le juge des libertés et de la détention ne connaît que des contestations portant sur la régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV [sur les mesures de soins sans consentement].

Or, l’isolement et la contention ne figurent pas dans ces chapitres, lesquels ne traitent que de la procédure des soins psychiatriques sans consentement (procédure qui s’entend de celle qui résulte d’une décision administrative soit du directeur soit du préfet), et non des soins mis en œuvre une fois cette procédure enclenchée, que ce soit pendant le temps d’une hospitalisation complète ou pendant le temps d’un programme de soins.

Je rappelle d’ailleurs à cet égard que le juge des libertés et de la détention ne peut jamais décider, s’il lève une mesure d’hospitalisation complète, que la personne fera l’objet d’un programme de soins, un tel programme relevant uniquement de l’office du médecin.

Cela me permet de revenir sur l’article du Dalloz actualité que vous m’aviez adressé concernant l’arrêt du 17 octobre 2019 et les deux interprétations y contenues.

Pour la première interprétation selon laquelle "le juge ne peut contrôler les mesures d’isolement et de contention qui sont des mesures médicales par nature », je persiste à dire que ce contrôle existe mais que le juge compétent est le juge des référés qui, en tant que gardien des libertés individuelles, peut faire cesser toute voie de fait commise par l’administration, et non le juge des libertés et de la détention qui est lui-même gardien des libertés individuelles mais uniquement dans la sphère déterminée par l’article L. 3216-1.

Pour la seconde interprétation selon laquelle "le juge ne pourrait contrôler les mesures d’isolement et de contention prises avant la décision administrative qui signent le point de départ dans le temps de son contrôle mais pourrait, a contrario, contrôler celles qui sont décidées après », je ne puis que constater que cet arrêt la met à mal.

Croyez, cher Monsieur, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Anne Darmstädter-Delmas. Magistrat honoraire.


Dalloz Actualité - Contrôle du juge judiciaire sur les mesures de contrainte et d’isolement

Analyse de Mme Valérie-Odile Dervieux dans Dalloz Actualité, 16 décembre 2019, cliquer sur ce lien


Arrêt du 21 novembre 2019 - Cour de cassation - Première chambre civile

Source (site Legifrance), cliquer sur ce lien

Publié au Bulletin.

ECLI:FR:CCASS:2019:C101075

SANTÉ PUBLIQUE

Rejet

Demandeur(s) : M. A… X…

Défendeur(s) : Institut MGEN Marcel Rivière ; et autres

Faits et procédure

1. - Selon l’ordonnance attaquée, rendue par le premier président d’une cour d’appel (Versailles, 15 avril 2019), et les pièces de la procédure, le 21 mars 2019, le directeur de l’Institut MGEN Marcel Rivière (l’institut) a pris une décision d’admission en soins psychiatriques sans consentement de M. X…, à la demande de sa mère.

2. - Le 26 mars 2019, en application de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, le directeur a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de la mesure.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

3. - En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Énoncé du moyen

4. - M. X… fait grief à l’ordonnance de rejeter les moyens d’irrégularité invoqués et d’ordonner le maintien de la mesure de soins psychiatriques sous forme d’hospitalisation complète, alors que « la décision d’admission en soins psychiatriques sans consentement du directeur du centre hospitalier doit précéder l’admission effective du patient ; que le requérant a fait valoir sans être contesté que la décision d’admission en soins psychiatriques sans consentement du directeur du centre hospitalier en date du 21 mars 2019 est postérieure à son admission effective en soins psychiatriques contraints intervenue le 20 mars 2019 ; que le patient retenu sans consentement, sans statut et sans garanties juridiques entre son arrivée effective dans l’établissement et la signature, le lendemain, de la décision d’admission, souffre nécessairement d’une atteinte à ses droits ; qu’en statuant comme il l’a fait, le juge a violé les articles L. 3211-1, II, 1º, du code de la santé publique, 8 de la loi du 17 juillet 1978, et 5.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. - Il résulte de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique que la mesure de soins psychiatriques sans consentement commence à la date du prononcé de la décision d’admission.

6. - Ayant constaté, par motifs propres et adoptés, que la décision d’admission en soins psychiatriques sans consentement de M. X… était intervenue le 21 mars 2019, jour de son entrée à l’institut, le premier président en a exactement déduit que celle-ci était intervenue sans retard.

7. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche

Énoncé du moyen

8. - M. X… fait le même grief à l’ordonnance alors que « l’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours, il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d’un psychiatre, prise pour une durée limitée, leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et un registre est tenu dans l’établissement lequel mentionne pour chaque mesure d’isolement ou de contention, le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date, son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée, ce registre doit être présenté au juge des libertés et de la détention dans le cadre de son contrôle ; qu’en l’espèce, selon le personnel soignant accompagnant le patient à l’audience, expressément interrogé par l’avocat, M. X… aurait encore été en chambre d’isolement jusqu’au début de la semaine d’audience soit au plus tard le 8 avril ; qu’en s’abstenant de vérifier comme il y était invité la régularité de l’isolement et d’exiger la production du registre d’isolement jusqu’à cette date le juge a violé les articles L. 3222-5-1 du code de la santé publique et 66 de la Constitution. »

Réponse de la Cour

9. L’ordonnance énonce à bon droit qu’aucun texte n’impose la production devant le juge des libertés et de la détention du registre prévu à l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique consignant les mesures d’isolement et de contention, lesquelles constituent des modalités de soins. Celles-ci ne relevant pas de l’office du juge des libertés et de la détention, qui s’attache à la seule procédure de soins psychiatriques sans consentement pour en contrôler la régularité et le bien-fondé, le premier président en a justement déduit que le grief tenant au défaut de production de copies du registre était inopérant.

10. Le moyen ne peut donc être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Président : Mme Batut
Rapporteur : Mme Gargoullaud, conseiller référendaire
Avocat général : Mme Marilly, avocat général référendaire
Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia - SCP Rocheteau et Uzan-Sarano



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