2019-09-16 Conseil d’Etat : des articles essentiels du décret Hopsyweb pourraient être annulés

• Pour citer le présent article : https://psychiatrie.crpa.asso.fr/736

Document du lundi 16 septembre 2019
Article mis à jour le 27 août 2020
par  A.B.

Décision elle-même : 2019-10-04 Une annulation très partielle pour le moins décevante du décret Hopsyweb

Sur notre site internet, un dossier sur cette affaire, cliquer sur ce lien

Ainsi que : 2019-09-16 Audience du Conseil d’État sur le décret du 23 mai 2018 relatif au fichier Hopsyweb

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Communiqué - CRPA

La Rapporteure publique a conclu lors de l’audience du Conseil d’État à l’annulation de 3 articles de ce décret dont 2 sont essentiels. Une telle annulation, si elle est confirmée, entraînerait l’impossibilité de mettre en œuvre le croisement du fichier Hopsyweb et celui des fichés S.
 

2019-09-16 Communiqué du CRPA.

La Rapporteure publique des 9e et 10e chambres du Conseil d’État a conclu cette après-midi à l’annulation entière de l’article 4 du décret du 23 mai 2018 Hopsyweb (les destinataires du fichage), essentiellement du fait que certains destinataires ne devraient avoir qu’un envoi anonymisé ou pseudonymisé des données ; mais aussi de l’article 5 (le ministère de la Santé destinataire des informations nominatives de ce fichage pour une finalité statistique), et de l’article 6 sur la durée de conservation de 3 ans de ce fichage. Cette durée de 3 ans est considérée par la Raporteure publique comme inutilement longue, la durée de conservation adéquate devant être celle de l’année durant laquelle la mesure a cour, c’est-à-dire celle de l’arrêté de 1994 du fichier Hopsy.

Par ailleurs, la Raporteure publique considère qu’il y un net problème sur ce fichage des hospitalisations sans consentement s’agissant de mesures qui sont statuées irrégulières et/ou non fondées ab initio (dès le début), puisque le décret du 23 mai 2018 ne prévoit aucune possibilité de destruction ou d’effacement de fichier quand des mesures de soins sans consentement sont déclarées de nul effet par la juridiction de contrôle. Le Tribunal des conflits est actuellement saisi pour trancher sur la juridiction compétente pour connaître des demandes de neutralisation des fichiers indiquant des mesures de soins psychiatriques irrégulières et/ou non fondées.

La Rapporteure publique considère également que l’information des personnes admises en soins sans consentement est de droit, alors même qu’aucune information des patients n’est prévue par le décret.

S’agissant de l’applicabilité à ce décret du RGPD (règlement général sur la protection des données, directive européenne) la Rapporteure publique considère que l’entrée en vigueur de cette directive ayant eu cours le même jour que l’entrée en vigueur du décret du 23 mai 2018, très peu de mesures ont été impactées par ce décret ce qui rend cet argument inopérant.

La Rapporteure publique considère qu’un tel texte relève bien du pouvoir réglementaire vu la dérogation comprise dans la loi de 1978 modifiée relative à l’informatique et aux libertés qui autorise le Gouvernement à prendre de tels textes par décret moyennant quelques réserves dont celle d’un avis de la commission nationale informatique et libertés.

Si elle conclut à l’annulation entière de l’article 4 de ce décret (qui liste les destinataires du fichage), c’est, me semble-t-il, à titre de simplification.

En tout, et sous réserve que les Conseillers d’État suivent ces conclusions, c’est l’essentiel de ce décret qui est annulé.

Une telle annulation si elle est prononcée rendra inopérant le croisement opéré par le décret du 6 mai 2019 du fichier Hopsyweb avec le fichier terrorisme, du fait de l’annulation des destinataires de ce fichage

Point important : des trois requérants en annulation (le CRPA, le syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) et le Conseil national de l’ordre des médecins), seul le CRPA est considéré comme ayant un intérêt entier à agir (le CRPA est une association ad hoc), le SPH et le Conseil de l’ordre des médecins sont considérés comme ayant un intérêt à agir pour les seuls intérêts catégoriels que ces organismes représentent : les intérêts des psychiatres des hôpitaux pour le SPH, des médecins pour le Conseil de l’ordre.

Les organisations intervenantes volontaires sont considérées recevables dans la limite de leur objet statutaire, sauf la Fédération française de psychiatrie irrecevable pour défaut d’intérêt à agir.

En tout il s’agit d’une formidable victoire pour notre association, pour les avocats versaillais (Me Raphaël Mayet et Vanessa Landais) qui ont rédigé les actes du CRPA et de l’association Avocats droit et psychiatrie. Le fait que les organisations de psychiatres jointes à l’UNAFAM ont été requérantes ou intervenantes est à souligner comme un évènement historique.

Le ministère de la Santé devra sans doute ouvrir des concertations vu l’annulation qui va intervenir de l’essentiel de ce décret.

Je fais savoir immédiatement que je refuse de participer à ces concertations. J’ai beaucoup trop été considéré comme un déviant, un malade mental dangereux et un marginal à mater et à jeter après exploitation, ce qui a cessé d’être tolérable.

Une assemblée générale du CRPA devra statuer prochainement sur la question de savoir si nous pouvons continuer à frayer les milieux des professionnels de la psychiatrie, de l’UNAFAM et du ministère de la Santé. Pour ma part, je m’y refuse. Trop d’insultes diagnostiques sur une mobilisation sacrificielle pour un intérêt général supérieur, c’en est trop. Je ne fréquente pas des gens qui pratiquent un apartheid.

André Bitton, Président du CRPA.


Hospimedia - Le Conseil d’État pourrait censurer plusieurs dispositions controversées du décret Hopsyweb

Source : https://www.hospimedia.fr/actualite…

Trois recours contre le décret permettant via le fichier Hospyweb un suivi informatisé des patients hospitalisés en psychiatrie ont été examinés au Conseil d’État. Le rapporteur public se prononce pour la censure de trois articles contestés.

2019-09-16 Dépêche d’Hospimedia.

Trois recours contre le décret très controversé du 23 mai 2018, dit décret Hopsyweb (lire notre article et l’encadré ci-dessous) accusé de porter atteinte aux droits des patients suivis en soins sans consentement en psychiatrie, ont été examinés ce 16 septembre au Conseil d’État. Si les magistrats n’ont pas encore rendu leur décision — le délibéré devrait être connu dans deux à trois semaines — le rapporteur public s’est déclaré favorable à une censure de trois articles du décret, lors de l’audience publique à laquelle Hospimedia a assisté. L’avis du rapporteur étant suivi par les juges administratifs dans la très grande majorité des cas, on peut donc raisonnablement s’attendre au retrait de plusieurs dispositions importantes de ce texte interministériel, relatives notamment aux personnes ayant accès aux données.
 

Trois articles problématiques visés

2019-09-16 Dépêche de l’APM.

L’objectif poursuivi par les trois requêtes, celles du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) et de l’association Cercle de réflexion et de proposition d’action sur la psychiatrie (CRPA, lire notre article) et celle du Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom, lire notre article) est celui d’une annulation de la totalité du décret, qui constitue à leurs yeux un « fichage » des patients. L’objet principal de ce texte est en effet de permettre la mise en œuvre par les ARS du traitement de données à caractère personnel, dit fichier Hopsyweb. Mais, comme le rapporteur public n’a pas conclu dans le sens d’une annulation de l’ensemble du décret ni de l’article 1 relatif au fichier proprement dit, Hopsyweb devrait être maintenu.
 

Le Gouvernement accusé d’intentions sécuritaires

Les détracteurs d’Hopsyweb ont surtout accusé le Gouvernement, dès la parution du décret, de favoriser la stigmatisation des patients et de servir en priorité des intérêts sécuritaires, dans le cadre notamment de la lutte contre la radicalisation et le terrorisme, voire de porter atteinte au secret médical. Joint peu après la publication du décret par Hospimedia, le cabinet de la ministre des Solidarités et de la Santé a pourtant tenu à rassurer en expliquant l’absence de fondements de ces inquiétudes (lire notre article). Mais un nouveau « rebondissement » a ravivé les craintes des adversaires de ce fichier et les a confortés dans cette accusation de fins sécuritaires : la publication début mai 2019 d’un nouveau décret, permettant de croiser le fichier Hopsyweb avec le fichier des personnes surveillées pour radicalisation et/ou lien avec le terrorisme (lire notre article). Lors de l’audience du 16 septembre, le rapporteur public a fait allusion à ce second décret (en prévision de nouveaux recours à venir) et estimé qu’il pourra « y revenir » dans le futur. Il a fait néanmoins remarquer que la poursuite éventuelle d’intentions sécuritaires ne rend pas pour autant un décret illégal.Cependant, les conclusions du rapporteur ont visé plusieurs points importants (et problématiques) du dispositif Hopsyweb, à savoir les destinataires des données recueillies dans ce fichier (article 4) et l’accord pouvant être donné « à des personnels habilités » par le ministère de la Santé pour avoir accès aux données « à des fins statistiques » (article 5). La durée de conservation des données sur les hospitalisations sans consentement, à savoir, selon le décret, une durée de trois ans à compter de la fin de l’année civile suivant la levée de la mesure de soins sans consentement (article 6) a aussi été abordée. Au terme de son argumentaire (qui ne pourra être rendu public qu’à l’issue du délibéré des juges), le rapporteur a proposé de censurer ces trois articles.
 

Des intentions « statistiques » questionnées

Compte tenu du caractère extrêmement sensible des données, la durée totale de conservation de celles-ci, même pseudonymisées, ne doit « pas être déraisonnable » au regard des besoins statistiques exprimés par le ministère, a-t-il notamment expliqué. Dans le mémoire en réponse aux recours, « la ministre en dit très peu » sur les fins statistiques, a-t-il poursuivi. Elle explique qu’il s’agit de procéder à « une étude globale sur le parcours de soins des patients de nature à assurer un pilotage efficace des politiques publiques » et précise que l’identification des personnes n’est pas nécessaire, puisque les statisticiens travaillent sur des données non nominatives. Mais, pour reprendre le décret, « on n’en trouve pas la trace, au contraire », a commenté le rapporteur, puisque l’article 5 permet aux personnes habilitées par le ministère d’accéder à l’ensemble des données pouvant être renseignées dans Hopsyweb, dont celles relatives à l’identification des personnes.

Il a ainsi proposé aux magistrats la censure de l’article 6 sur la conservation des données, « en tant qu’il ne prévoit pas une anonymisation des données » au-delà de la levée définitive de la mesure de soins sans consentement et celle de l’article 5 donnant accès aux données (même non anonymisées) dans une visée statistique. Enfin, il a préconisé d’étendre l’annulation de l’article 4 qui liste l’ensemble des destinataires des données (préfets, magistrats, etc.) puisqu’un accès aux données est prévu pour certains destinataires poursuivant des fins statistiques ne devant par conséquent pas figurer dans cette liste. Pour finir, le rapporteur a demandé à ce qu’une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l’État pour chacun des requérants contre le décret.

Caroline Cordier, à Paris