2019-05-20 - Une enquête sur le recours abusif aux procédures d’urgence dans les HSC

• Pour citer le présent article : https://psychiatrie.crpa.asso.fr/730

Document du lundi 20 mai 2019
Article mis à jour le 28 août 2020
par  A.B.

Sur notre site internet : 2019-06-07 - Statistiques 2018 : Le Gouvernement mène une politique de hausse des soins sans consentement

Ainsi que : 2017-02-15 - Rapport de la mission d’évaluation de la loi du 27 septembre 2013


Introduction - CRPA

2019-05-20 Dépêche d’Hospimedia.

Trouvez en pièce jointe une dépêche d’Hospimedia d’aujourd’hui qui synthétise une enquête faite par l’ADESM (association des établissements du service public de santé mentale) auprès d’un échantillon représentatif d’établissements psychiatriques. Cette enquête établit que de nombreux hôpitaux psychiatriques recourent abusivement aux procédures d’urgence (SDTU et SPI, 67 % du total). Idem pour les services de police et les autorités municipales avec un fort pourcentage de mesures de SDRE initiées sur la base d’ un arrêté municipal provisoire (40 % du total), alors que de tels arrêtés ne doivent être pris qu’en cas de danger imminent.

Lexique :

— SDRE : soins sur décision du représentant de l’État.
— SDT : soins sur demande d’un tiers.
— SPI : soins péril imminent.


Psychiatrie - Une enquête Adesm confirme le large recours aux procédures d’exception en soins sans consentement

Publié le 20/05/19 - 16h46 | Par Caroline Cordier.

Source : https://abonnes.hospimedia.fr/reche…
 

Les modes d’admission en soins sans consentement dits d’exception sont en fait largement développés, confirme une enquête-flash menée auprès d’une petite centaine d’hôpitaux. Près de 60% en moyenne des admissions proviennent des urgences et Smur.

À l’occasion d’une journée organisée à Paris le 17 mai sur les droits et libertés des patients, l’Association des établissements du service public de santé mentale (Adesm) a présenté les résultats (anonymisés) d’une enquête-flash sur les soins sans consentement (SSC) menée auprès de ses établissements adhérents. Il s’agissait de réaliser un état des lieux sur l’activité des établissements autorisés en psychiatrie (taux de recours, modes d’admission, etc.), a expliqué le responsable du groupe de travail sur les droits et libertés des patients, François Courtot — également directeur du CH de Rouffach (Haut-Rhin) et délégué régional Adesm Grand-Est. Il a averti en préambule que « certains résultats sont un peu surprenants » et certains d’entre eux nécessiteront « une réflexion plus poussée », tant les différences entre établissements sont importantes, pour « réussir à comprendre [leurs] causes » (organisations, pratiques, etc.) et en tirer des conclusions plus solides. Cependant, peuvent déjà être relevées l’hétérogénéité des pratiques (avec des variabilités extrêmes dans certains cas) et surtout la confirmation de certaines tendances, notamment la forte montée en charge de certaines procédures d’admission censées être exceptionnelles, comme celle des soins pour péril imminent (SPI, lire aussi notre dossier).
 

Des SDRE représentant jusqu’à 25% des admissions

François Courtot a précisé que 90 réponses ont été obtenues (sur quelque 220 établissements adhérents au total), dont 55 issues d’établissements publics spécialisés en psychiatrie (ex-CHS), 10 d’établissements de santé privés d’intérêt collectif (Espic) et 25 de CH ou CHU ayant une activité de psychiatrie. L’enquête montre ainsi « une très grande diversité de situations », avec par exemple des admissions réalisées sur décision du représentant de l’État (SDRE) qui correspondent à 16% en moyenne des admissions réalisées en SSC — versus 84% en soins sur décision du directeur d’établissement (SDDE). Mais les proportions de SDRE vont de 0% à plus de 25% selon les établissements de santé et sont en moyenne plus importantes dans les établissements monodisciplinaires — 17,22% dans les EPSM (ex-CHS) et 15,2% en Espic — que dans les CH polyvalents et les CHU — 13,31% en moyenne.

La grande variabilité du taux de recours en SSC correspond à un écart allant de 1 à 5,2 selon les établissements. Un écart qui se retrouve à un niveau équivalent (de 1 à 5,8) pour les SDDE mais passe de 1 à 13,7 pour les SDRE. « C’est la variabilité du taux de recours aux soins en SPI qui interpelle particulièrement sur l’extrême hétérogénéité des pratiques », avec un écart de 1 à 70 selon les hôpitaux et cliniques ayant répondu — soit de 1,3 à 90,3 admissions pour 100 000 habitants de plus de 18 ans, pour une médiane à 25 admissions pour 100 000 habitants majeurs.
Les différents modes d’admission en soins sur décision du représentant de l’État (SDRE)
 

Les différents modes d’admission en soins sur décision du représentant de l’État (SDRE)

La moitié des établissements admet des détenus dits « D.398 »« D398 », c’est à dire des détenus souffrant de troubles mentaux nécessitant une hospitalisation tels que définis dans l’article D398 du Code de procédure pénale (CPP). Une proportion qui atteint pour certains établissements jusqu’à 20% de leurs admissions en SSC. Les admissions en SDRE proviennent pour 40% d’arrêtés provisoires du maire, un quart de D398, moins d’un quart d’arrêtés préfectoraux et marginalement de mesures judiciaires (4%) et d’admissions en unité pour malade difficile (UMD, 2%). Enfin, « il existe une certaine corrélation entre forte proportion d’admissions en SPI et plus faible taux d’admission en SDRE », a commenté le délégué régional de l’Adesm.
 

Admissions via les structures d’urgence majoritaires

Près de 60% en moyenne des admissions proviennent d’une structure de médecine d’urgence (service d’accueil des urgences, Smur, etc.), mais « l’échantillon s’éparpille » selon les établissements entre 10% des admissions ayant cette origine jusqu’à près de 100%. Quelque 20% des établissements ayant répondu à l’enquête sur ce critère ont plus de 80% de leurs admissions en SSC qui proviennent des urgences mais 20% n’ont qu’un tiers ou moins de leurs admissions par ce biais. Par ailleurs, les admissions en SCC provenant de structures ambulatoires de psychiatrie — centre médico-psychologique (CMP), centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (Cattp), etc. — sont « globalement marginales » (moins de 4%). D’autre part, si la majorité des établissements ont moins de 20% d’admissions en SSC par transformation d’une hospitalisation libre, une petite minorité d’établissements semble principalement admettre les patients en soins libres avec « conversion ultérieure » en SSC.

Fait notable, « le recours aux procédures dites »d’exception« est largement développé en ce qui concerne les admissions SDDE », a relevé François Courtot. La procédure correspondant à la règle générale en SDDE, « le mode d’admission »normal« [en soins à la demande d’un tiers (SDT) avec deux certificats médicaux initiaux] est désormais fortement minoritaire » (26% des admissions SDDE), souligne-t-il. Les modes « d’exception » (avec un seul certificat initial) prédominent avec des SDT urgents (SDTU) qui atteignent 40% des SDDE et les SPI environ 33%. Près d’un quart des établissements conservent au moins 40% d’admissions en SDT et pour certains, « peu nombreux », cette procédure demeure majoritaire. A contrario, un tiers des hôpitaux publics et privés répondants admettent de manière largement majoritaire en SDTU.
Le fort recours aux SPI pose (encore) question

Ce fort recours aux SPI était déjà pointé en 2017 par l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes, lire notre article) et qualifié par des parlementaires auteurs d’un rapport sur le sujet en 2017, comme une « dérive » du dispositif et qui apparaît « davantage comme un expédient pour désengorger les services d’urgence » que comme la mesure exceptionnelle qu’elle est censée être dans l’esprit du législateur.

Sur les « périls imminents, il y a beaucoup de discussions », a poursuivi François Courtot, expliquant que les causes peuvent être doubles. « Soit une insuffisance de recherche des proches [par les professionnels présents aux urgences] — qu’elle soit voulue ou pas, parfois pour éviter à communiquer le nom du tiers au patient, a-t-il développé, soit une utilisation dans certains cas juridiquement abusive du péril imminent, pour éviter des SDRE, même si cela peut poser des problèmes quand le patient se trouve en programmes de soins par la suite. » Et de conclure qu’il y a « en tout cas certainement une forme d’abus de droit dans cette affaire ».
L’origine des certificats médicaux conduisant à une admission en soins sans consentement
 

* Rapport de la mission d’évaluation de la loi du 27 septembre 2013 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques, corédigé par les députés Denys Robiliard (SER, Loir-et-Cher) et Denis Jacquat (Les Républicains, Moselle), février 2017.