2019-05-17 Fichiers Hopsyweb - fichés S : ne soyez surtout pas interprétatifs ! (revue de presse)

Pour citer le présent article : https://psychiatrie.crpa.asso.fr/698

Document du vendredi 17 mai 2019
Article mis à jour le 1er septembre 2020
par  A.B.

Dossier sur notre site internet sur le décret du 6 mai 2019 : 2019-05-06 Les données sur les psychiatrisés sous contrainte croisées par décret avec le fichier terrorisme

Ainsi que : 2019-05-22 Emission L’Entonnoir sur Radio Libertaire • Interview sur les décrets Hopsyweb - terrorisme

Ou bien : 2018-05-23 Décret portant fichage informatique généralisé des personnes psychiatrisées sous contrainte

Décision du Conseil d’État : 2020-03-27 Le fichage informatique des internés psychiatriques intéresse la sûreté de l’État


Introduction - CRPA

Ainsi donc nous ne sommes plus seuls à nous pourvoir devant les juridictions contre des textes sécuritaires concernant la psychiatrie. Les corporations institutionnelles ont fini par comprendre, suivant en cela le SPH (syndicat des psychiatres des hôpitaux) que dans un système comme celui que nous connaissons, qui est un régime présidentialiste renforcé, elles se doivent de se pourvoir devant le Conseil d’État contre des textes qui mettent à mal l’exercice même de la psychiatrie, les conditions d’exercice et de prise en charge.


Hospimedia - Psychiatrie - Frank Bellivier tente d’apaiser les inquiétudes liées au « fichage » des patients via Hopsyweb

Publié le 17/05/19 - 16h40 - par Caroline Cordier.

Source (site internet d’Hospimedia) : https://www.hospimedia.fr/actualite…
 

Interpellé par des associations sur des atteintes aux droits en psychiatrie, dénonçant un « fichage » des patients via Hopsyweb à des fins sécuritaires, le délégué ministériel Frank Bellivier a tenté de rassurer. Il a affirmé notamment que « toutes les garanties existent en ce qui concerne la préservation du secret médical ».

2019-05-17 Dépêche d’Hospimedia.

Une position officielle était très attendue par les acteurs de la psychiatrie, fortement mobilisés ces derniers jours contre un décret croisant fichiers de patients en soins sans consentement (Hopsyweb) et de terroristes présumés. Un texte qui suscite une vague d’indignation (lire notre article et l’encadré ci-dessous). L’interpellation du délégué ministériel à la santé mentale et psychiatrie Frank Bellivier, intervenant ce 17 mai à une journée* sur les droits et libertés des patients, est venue des associations de patients. En effet, les représentants du Cercle de réflexion et de proposition d’actions (CRPA) et de l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam) ont pris la parole pour dénoncer le décret paru le 7 mai dernier (lire notre article) et celui du 23 mai 2018 relatif à Hopsyweb, jugés attentatoires aux droits des patients et fortement stigmatisants. De fortes inquiétudes que Frank Bellivier a tenté d’apaiser en assurant des garanties autour de ces textes.
 

Sujet « extrêmement sensible »

« Aujourd’hui, toute personne admise en soins sans consentement est surfichée dans toutes les directions, avec croisement avec le fichier des fichés S », s’est indigné le président du CRPA André Bitton. C’est Agnès Aymé, chargée de mission psychiatrie et santé mentale à la DGOS, qui s’est chargée de lui répondre dans un premier temps, en soulignant bien toutefois qu’elle « n’était pas mandatée » en ce sens. Elle a repris les éléments de langage du ministère, déjà recueillis par Hospimedia le 14 mai, expliquant qu’il s’agit de « trouver un point d’équilibre entre deux logiques et préoccupations de la société ». À savoir, « d’un côté, une préoccupation de sécurité publique, on ne va pas se mentir et aussi [celle] de la protection et de la non-stigmatisation des personnes en souffrance psychique ». Selon elle, « il ne faut pas forcément avoir en tête une volonté de stigmatisation » dans ces textes.

C’est un sujet « extrêmement sensible », a reconnu Frank Bellivier, et le « ministère s’est exprimé sur la difficulté à trouver ce point d’équilibre ». Le délégué a concédé la nécessité d’être « très vigilants collectivement ». Mais d’ajouter aussitôt : « La manière dont l’information a été relayée ne me paraît pas coller à la réalité de ce dispositif. » Il a notamment affirmé que « toutes les garanties existent en ce qui concerne la préservation du secret médical ».
 

Recours de l’ordre au Conseil d’État confirmé

La mobilisation continue contre les décrets Hopsyweb. Le bureau du Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) a confirmé ce 17 mai via les réseaux sociaux le dépôt à titre conservatoire d’un recours en Conseil d’État contre le décret paru le 7 mai dernier, au surplus de son recours contre le décret de mai 2018. Par ailleurs, la vice-présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale et députée de la majorité, Martine Wonner (LREM, Bas-Rhin), a informé avoir notamment alerté par courrier le Premier ministre Édouard Philippe sur le sujet, ainsi que la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn. Elle s’inquiète de l’atteinte potentielle aux droits des patients, « notamment au respect du secret médical, en plus de la stigmatisation manifeste [que le dispositif] véhicule à l’endroit des personnes souffrant de troubles psychiques ». Enfin, dans un communiqué commun du 13 mai, plusieurs associations de patients, dont l’Unafam, interpellent le Premier ministre sur le dernier décret, qui conduit à « assimiler toute personne en soins sans consentement à une personne représentant une menace de terrorisme pour la société ».
 

Étanchéité « préservée » entre fichiers

Le délégué ministériel a affirmé qu’il « n’y a pas d’accès réciproque » au fichier Hopsyweb et au fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Ainsi, le ministère de l’Intérieur « n’a pas accès au listing de psychiatrie et vice-versa, cette étanchéité entre les fichiers est préservée », a-t-il poursuivi. Ce qui est prévu par le dispositif en réalité existe déjà, c’est la mise en évidence d’un point de connexion, qui peut se faire de manière anonyme, a-t-il expliqué. À partir du moment où cette connexion s’opère, « il y a une instruction complémentaire qui peut être faite et qui met en relation le ministère de l’Intérieur avec l’équipe médicale ».

Cependant, les réquisitions pour une instruction qui demanderait un accès au médecin en charge d’un patient sont des possibilités qui existent déjà, a développé Frank Bellivier (lire notre fiche pratique). « Et la liberté que le médecin aura de fournir des informations ou de ne pas en fournir reste intacte », a-t-il souligné. Il est donc important d’être à la fois vigilants, « et nous le sommes déjà », a insisté le délégué, et « de ne pas voir dans le dispositif une porosité complète entre les informations médicales » et le ministère de l’Intérieur.

Qu’est-ce qui permet de dire qu’il y a une connexion intéressante pour [le ministère de l’Intérieur] entre les patients admis en soins sans consentement ? Unafam

Un représentant de l’Unafam a alors tenu à rappeler qu’un lien a été explicitement fait en 2018 par le ministère de l’Intérieur entre la volonté de lutter contre la radicalisation et le terrorisme et « l’amélioration du fichier Hopsy ». Donc « on savait déjà qu’il y avait une volonté politique » derrière, même si le premier décret reste « assez flou » le second est « carrément explicite ». Mais, « enfin, qu’est-ce qui vous permet de dire qu’il y a une connexion intéressante pour les services de sécurité entre les patients admis en soins sans consentement ? » a-t-il insisté, alors que « la majorité » de ces patients sont admis à la demande d’un tiers ou en soins pour péril imminent. Et non en soins à la demande du représentant de l’État (SDRE), ce qui correspond à des troubles à l’ordre public.
 

Débat contradictoire « vertueux »

Même s’il n’y a pas d’intention initiative de stigmatisation du Gouvernement, il va quand même y avoir des patients fragilisés, qui n’ont commis aucun tort à personne, qui vont apprendre qu’ils se retrouvent sur un fichier de personnes considérées contre dangereuses, a expliqué le responsable associatif. « C’est extrêmement violent pour les personnes et leurs familles et c’est dissuasif de l’entrée dans les soins psychiatriques », a-t-il conclu avec émotion.

Frank Bellivier a alors indiqué qu’il allait rencontre le jour-même la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, précisément sur ces sujets. « Nous sommes dans une démocratie et le débat contradictoire est vertueux […], il faut le poursuivre, je pense que les interpellations sont bienvenues, et cela va faire aussi évoluer les mentalités par rapport à ce qui est attendu de ces décrets », a-t-il commenté. Avant d’affirmer en conclusion, avec assurance : « Non, si un patient est hospitalisé sans consentement, il ne se retrouve pas dans un fichier du ministère de l’Intérieur. »

Ordre des Médecins

@ordre_medecins
Décret autorisant la mise en relation des fichiers dits #Hopsyweb et FSPRT : le Bureau du CNOM a confirmé le dépôt à titre conservatoire d’un recours en Conseil d’État.

Ordre des Médecins

@ordre_medecins
[Communiqué] Décret autorisant la mise en relation des fichiers dits #Hopsyweb et FSPRT : le CNOM examine les voies juridiques d’un recours au Conseil d’État https://www.conseil-national.medecin.fr/node/3208

Twitter
10:49 - 17 mai 2019

* Journée organisée par l’Association des établissements du service public de santé mentale (Adesm) à l’établissement public de santé Maison-Blanche à Paris


Mediapart - Le monde de la psychiatrie s’oppose au fichage des patients

17 mai 2019 Par Jérôme Hourdeaux

Source : https://www.mediapart.fr/journal/fr…
 

2017-05-17 Mediapart - Le monde de la psychiatrie s’oppose au fichage des patients.

Le Conseil national de l’ordre des médecins annonce le dépôt d’un recours contre un décret qui autorise les préfets à interconnecter les fichiers des personnes hospitalisées sous contrainte en raison de troubles psychiatriques avec le fichier des personnes signalées pour radicalisation. Cette nouvelle polémique, après celle du fichier SI-VIC, est révélatrice d’une pression sécuritaire pesant de plus en plus sur le monde médical.

La publication au Journal officiel du mardi 7 mai d’un décret autorisant l’interconnexion entre le fichier des personnes hospitalisées sous contrainte pour raisons psychiatriques, Hopsyweb, et celui des personnes radicalisées, FSPRT, a suscité l’indignation de l’intégralité du monde de la psychiatrie.

Le 13 mai, pas moins de 23 institutions, associations professionnelles de psychiatres et de psychologues, de proches et d’usagers ont signé un communiqué commun dénonçant « une étape supplémentaire inacceptable et scandaleuse au fichage des personnes les plus vulnérables touchées par la maladie mentale dans notre pays, dans un amalgame indigne entre le champ sanitaire et celui de la prévention de la radicalisation ».

« La mise en concordance d’informations du ressort du domaine médical et de renseignements du domaine de la lutte contre le terrorisme, et ce à l’insu de la personne concernée, représente une atteinte grave du secret professionnel qui ne saurait être tolérée », assènent les signataires.

Vendredi 17 mai, le conseil de l’ordre des médecins a également annoncé à Mediapart « le dépôt d’un recours à titre conservatoire, afin de respecter les délais légaux. Celui-ci devrait être confirmé lors de la session du Conseil national des 27 et 28 juin en y joignant une délibération sur le fond ».

Psychiatre et députée LREM, membre de la commission des affaires sociales, Martine Wonner a de son côté publié un communiqué dans lequel elle annonce avoir « alerté Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Ministre de l’intérieur, Madame la Ministre des solidarités et de la santé, Monsieur le délégué ministériel à la santé mentale et Madame la Secrétaire générale du Comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation ».

« Si je suis bien sûr attachée à la lutte contre le terrorisme, explique l’élue dans son communiqué, il me semble néanmoins que ce procédé pourrait porter atteinte aux droits des patients, notamment au respect du secret médical, en plus de la stigmatisation manifeste qu’il véhicule à l’endroit des personnes souffrant de troubles psychiques. ».

La colère est d’autant plus forte que ce décret intervient à peine un an après la publication du décret de création de Hopsyweb contre lequel plusieurs recours sont en cours d’examen. Plus précisément, ce fichier existait depuis plusieurs années sous la forme d’une application, mais uniquement destinée au personnel médical durant la durée de l’hospitalisation.

En février 2018, le gouvernement présente son grand plan national de prévention de la radicalisation dont la « mesure 39 » proposait d’« actualiser les dispositions existantes relatives à l’accès et à la conservation des données sensibles contenues dans l’application de gestion des personnes faisant l’objet d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement (HOPSY) ».

Le 23 mai 2018, le décret appliquant cette mesure est publié. Celui-ci ouvrait la consultation du fichier à toute une liste de personnes telles que le procureurs, les juges d’instruction, les préfets, les maires… qui doivent pour cela passer par les Agences régionales de santé (ARS). Le décret étendait par ailleurs de un à trois ans la durée de conservation des données.

La communauté psychiatrique s’était à l’époque déjà fortement mobilisée et des recours devant le conseil d’État avaient été déposés par des syndicats de psychiatres ainsi que par l’ordre national des médecins.

Le décret du 7 mai 2019 permet désormais aux préfets de vérifier quotidiennement si des personnes sont inscrites au FSPRT (Fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste). L’interconnexion ne se fait que sur quelques informations ne relevant pas du secret médical : le nom, le prénom et la date de naissance.

Mais, en cas de concordance, le préfet du département d’hospitalisation peut alors lancer « une procédure de levée de doute » lui permettant d’obtenir des informations complémentaires. Et, si le profil lui semble intéressant, il pourra demander en effet une évaluation plus complète du patient qui se fera dans le cadre du groupe d’évaluation départemental (GED) ou de la cellule de prévention de la radicalisation et d’accompagnement des familles (CPRAF). Le préfet a également la possibilité de compléter le FSPRT.

La publication du décret au Journal officiel était accompagnée de celle d’un avis particulièrement critique de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), saisie pour avis. Le gendarme des données personnelles y soulignait notamment « la différence profonde d’objet entre les deux fichiers en présence » et appelait à « une vigilance particulière ».

Or, le dispositif prévu par le décret présente, selon la Cnil, de nombreuses faiblesses. « Elle estime qu’au regard du caractère particulièrement sensible de l’information dont il est question (inscription ou non au FSPRT), les modalités d’échanges des informations précitées avec l’ARS, dans le cadre de la procédure de levée de doute, ne sont pas suffisamment encadrées », explique l’avis. Par exemple, les informations transmises dans le cadre de la levée de doute le seront « via les canaux de transmission habituels, soit par exemple par téléphone ».

La Cnil s’inquiète également du nombre de personnes qui pourront avoir à connaître des informations personnelles dans le cadre de la procédure de levée de doute ou de l’évaluation complémentaire. L’implication du GED, composé de membres de la sécurité intérieure et des forces de l’ordre, et du CRPAF, regroupant des représentants des principaux services de l’État, de l’éducation nationale à la justice, et du monde associatif, augmente considérablement le nombre de personnes risquant d’accéder à des informations couvertes par le secret médical.

Dans son avis, « la Commission estime qu’en pratique il est possible de considérer que tant le préfet en charge du suivi de la personne radicalisée, que des membres du GED et de la CPRAF, ou encore les personnes accédant au FSPRT, seront destinataires de l’information selon laquelle une personne déterminée fait l’objet d’une mesure d’hospitalisation sans consentement ». Cela « pose question au regard des exigences de secret professionnel en la matière », écrit-elle.

« Dans cette cellule, il y a des personnes de différentes institutions éloignées du médical, comme l’éducation nationale par exemple, confirme Virginie Gautron, maîtresse de conférences en droit pénal, spécialiste des fichiers de police et travaillant depuis plusieurs années sur les liens entre le monde de la santé et la justice pénale. Celles-ci sont normalement soumises au secret, mais on sait à quel point, en matière de radicalisation, les informations ont une propension à être transmises. En matière de terrorisme, les verrous sautent très facilement et les gens ont tendance à prendre l’initiative de transmettre des informations », poursuit-elle. « C’est le type d’informations que l’on pourra retrouver sur une note blanche. »

« Même au sein des ARS, il n’y a pas que des médecins, précise Virginie Gautron. Et même si ce sont des médecins, ceux-ci ne sont pas en charge du patient. Il faut savoir que le secret médical s’impose au médecin en charge du patient qui ne peut échanger des informations qu’avec des médecins eux-mêmes en charge du suivi de cette personne. Et il ne doit transmettre que les informations nécessaires. »

L’un des principaux points de la délibération de la Cnil est peut-être juridique. Elle considère en effet que la nouvelle interconnexion permise par le décret ne modifie pas la finalité principale du fichier Hopsyweb mais constitue une « finalité secondaire ». Cette précision lui évite de basculer sous le régime des fichiers « intéressant la sûreté de l’État ou la défense », sous lequel se trouve le FSPRT, bénéficiant ainsi d’un régime dérogatoire lui permettant, notamment, d’échapper aux contrôles de la Cnil. De ce fait, l’Hopsyweb doit répondre au droit commun des données personnelles régi par le règlement général sur la protection des données (RGPD) et la loi du 6 janvier 1978.

La commission liste donc d’ores et déjà plusieurs dispositions qui lui semblent contraires à la législation en vigueur et pouvant ouvrir la voie à des recours. Ainsi, le décret ne prévoit aucune information des patients de leur fichage. « Or, la commission rappelle qu’une telle information est exigée au regard des articles 12, 13 et 14 du RGPD », pointe l’avis.

De même, le décret « ne prévoit aucune disposition sur le droit à l’effacement des informations contenues dans Hopsyweb, en particulier lorsqu’une mesure de soin sans consentement est ensuite déclarée irrégulière par le juge des libertés et de la détention. De la même manière, la Commission constate que le projet de décret ne précise pas les modalités selon lesquelles l’ARS concernée devra notifier l’effacement des données au préfet de département du lieu d’hospitalisation conformément aux dispositions de l’article 9 du RGPD », poursuit la Cnil.
 

« Une dérive sécuritaire » du monde médical

Outre les aspects juridiques touchant au secret professionnel, les psychiatres dénoncent la rupture de confiance que ce décret risque d’engendrer entre eux et leurs patients qui craindront désormais de s’exprimer. « La confiance et le soin ne sont possibles que dans la confidentialité », insiste Michel David, le président de l’Association française de psychiatrie et de l’Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire.

Ils s’indignent également de la stigmatisation de leurs patients impliquée par l’interconnexion de leurs données avec celles liées à la radicalisation terroriste. « On donne l’impression que les malades sont de dangereux terroristes, regrette Michel David. C’est stigmatisant. D’autant plus qu’on ne vise que la radicalisation islamique. J’ai eu un patient qui était dans un délire mystique chrétien, personne ne s’y est intéressé. »

Les professionnels ont notamment encore en travers de la gorge les propos du ministre de l’intérieur de l’époque Gérard Collomb qui avait affirmé, en août 2017, qu’« à peu près un tiers » des personnes signalées pour radicalisation présentaient « des troubles psychologiques ». « Je leur dis : prouvez-le-nous !, s’insurge Michel David. C’est facile d’affirmer ce genre de chose sans publier de données. Ce que nous, professionnels, savons, c’est que nous sommes loin d’avoir des hordes de terroristes dans nos services. Ça ne correspond pas à ce que l’on voit. »

« Quand on dit un tiers de “troubles psychologiques”, qu’est-ce que ça veut dire ? Avoir eu une pathologie reconnue par un médecin ? Avoir simplement consulté un thérapeute ?, interroge de son côté Virginie Gautron. Quand on regarde les parcours des personnes radicalisées, il n’y a pas de profil unique. Certains présentent à l’évidence des failles émotionnelles ou des troubles de la personnalité, mais pas forcément des marqueurs de maladie mentale. Il y a une exagération très forte du lien avec le terrorisme. Les études montrent d’ailleurs que les maladies mentales ne sont pas plus fréquentes que pour d’autres actes de délinquances. »

« En revanche, en établissant ce lien, poursuit la pénaliste, on stigmatise la maladie mentale alors que cette question est justement un des plus grands enjeux pour ces populations qui ont besoin de se faire accepter. On présente souvent les schizophrènes comme des personnes dangereuses, ce qui est entièrement faux. Ce sont eux qui sont le plus souvent victimes. Là, le gouvernement induit qu’il y a un lien entre maladie mentale et terrorisme. C’est catastrophique. »

« Ce qu’il faut souligner, c’est que la loi permet déjà une levée du secret médial dès qu’il y a un doute sérieux de passage à l’acte d’un de nos patients, insiste Michel David. C’est un cas d’école qui n’arrive jamais, mais imaginons tout de même qu’un jour un patient m’avoue des projets terroristes. Il est évident que je ne le laisserais pas ressortir de mon cabinet ! Je lui dirais : “Monsieur, je suis désolé mais je ne peux pas vous laisser partir. Vous avez besoin de soins. Restez-là et on va vous aider.” »

Cette remise en cause des liens entre patients et médecins intervient quelques semaines après les révélations sur le fichier SI-VIC, un dispositif de suivi hospitalier créé à l’origine pour les situations d’attentat et déclenché lors de plusieurs rassemblements des « gilets jaunes », ce alors qu’un décret de mars 2018 autorise les policiers à accéder à ses données.

Dans leur communiqué commun, les 23 organisations du monde de la psychiatrie établissent un lien entre les fichiers SI-VIC et Hopsyweb, qui « viennent ajouter aux graves inquiétudes d’une dérive sécuritaire annoncée et dont on ne peut que constater qu’elle est désormais en cours ».

« Cela fait longtemps que les médecins alertent sur cette dérive, acquiesce Michel David. Je dirais que ça remonte à la loi sur la rétention de sûreté de 2008 [permettant le placement d’une personne condamnée dans un centre socio-médico-judiciaire après l’exécution de sa peine – ndlr] et le discours d’Antony de Nicolas Sarkozy de la même année [dans lequel le président de la République annonçait un plan de sécurisation des hôpitaux psychiatriques – ndlr]. »

« Tout ça s’inscrit dans un processus de responsabilisation des professionnels de la santé dans un contexte extrêmement sensible de menace terroriste, estime pour sa part Virginie Gautron. C’est assez classique en matière de fichiers. Face à l’émotion, on ne veut prendre aucun risque. On fait tout ce qu’on peut et, en matière de surveillance, on récolte toutes les informations que l’on peut. On a coutume de dire “un fait divers, une loi”. Je pense qu’on peut désormais ajouter “un fait divers, un fichier”. »

Outre le Hopsyweb et le SI-VIC, la chercheuse cite également le cas de la généralisation, en 2015, du fichier Genesis (Gestion nationale des personnes écrouées pour le suivi individualisé et la sécurité). « C’est un fichier utilisé par l’administration pénitentiaire et qui doit être rempli pour tous les personnels, même par les soignants, explique-t-elle. Cela permet de pister les détenus en détention et savoir, par exemple, combien de fois ils vont en service sanitaire. Si un détenu prend de la méthadone, l’obligeant à y aller chaque jour, arrête d’y aller, l’administration va en tirer la conclusion qu’il a arrêté son traitement. Du coup, beaucoup de soignants refusent de donner ces informations. »

Michel David rapporte également une expérimentation, baptisée « Expérience de territorialisation de la prévention », menée dans le Val-de-Marne et consistant à créer des binômes composés « du président de la communauté médicale d’établissement (CME) et d’un professionnel administratif désigné par le directeur d’établissement ».

« Un autre cas est encore plus inquiétant, ajoute encore Michel David. Une loi de 2018, complétée par un décret de cette année, permet aux commissaires de la Cour des comptes de vérifier si l’activité médicale des médecins est en rapport avec les soins prescrits. Et pour cela, ils ont le droit de consulter le dossier médical de la personne. »

Cette pression sécuritaire sur le monde médical a, selon les professionnels, déjà des conséquences. « Ce qu’on constate, c’est que pour des patients placés d’office, notamment ceux placés par le préfet, nous avons énormément de mal, quel que soit le motif, à obtenir des permissions de sortie, pointe Michel David. Les préfets sont de plus en plus sévères. Il y a aujourd’hui des patients qui restent enfermés de manière totalement injuste. Il y a des gens dont on ne sait plus trop quoi faire. Lorsque nous déposons des demandes de permission de sortie, les préfets nous demandent de plus en plus d’argumenter. Et même avec des arguments médicaux, c’est de plus en plus difficile. Ils veulent qu’on affirme qu’il n’y a aucun danger. Or, c’est impossible ! N’importe qui, même sans maladie mentale, ne peut prédire de quel manière il réagira face à tel ou tel événement auquel il pourra être confronté dans sa vie. »

« Il y a une part de mise en garde, un message subliminal pour dire qu’ils ont les médecins à l’œil, estime de son côté Virginie Gautron. Les informations vont circuler dans les deux sens et des psychiatres pourront être incités à éviter de libérer tel ou tel patient car il est par ailleurs fiché comme radicalisé. »

Une autre conséquence, déjà visible elle aussi, est la résistance de plus en plus forte du monde médical aux sollicitations des forces de l’ordre. « La psychiatrie est la spécialité médicale la plus rebelle, prévient Martine Wonner, interrogée par Mediapart. Ce qui va se passer, c’est qu’il va y avoir de plus en plus de dossiers vides… »


Hospimedia - Psychiatrie - Une vague d’indignation suit le décret croisant fichiers de patients et de terroristes présumés

Publié le 14/05/19 - 17h02 - par Caroline Cordier.

Source (site internet d’Hospimedia) : https://www.hospimedia.fr/actualite…
 

La possibilité de croiser Hospyweb, recensant les hospitalisés sans consentement, et un fichier de renseignement lié au terrorisme provoque un tollé chez les acteurs de psychiatrie. Le ministère de la Santé se veut rassurant sur l’accès aux données.

C’est une nouvelle bronca qui se fait entendre du côté de la psychiatrie face à la dérive sécuritaire menaçant de nouveau la discipline aux yeux des professionnels et des usagers. La sortie d’un décret au Journal officiel le 7 mai permettant une « mise en relation » du fichier Hopsyweb, sur le suivi de patients hospitalisés sans consentement en psychiatrie, avec le fichier des personnes surveillées pour radicalisation et/ou lien avec le terrorisme (lire notre article) provoque ces derniers jours une vague d’indignation. Des recours contre ce texte s’annoncent, venant bientôt s’ajouter à ceux déposés contre le décret du 23 mai 2018 sur Hopsyweb lui-même, déjà controversé (lire notre article).
 

« Amalgame indigne » dénoncé

Dans un communiqué commun le 11 mai, pas moins de 23 organisations* de représentants du monde de la santé, notamment de la psychiatrie, dont des syndicats, des présidents de commission médicale d’établissement (CME), des directeurs d’hôpitaux ou encore des usagers, demandent « l’abrogation pure et simple » du décret. Il constitue selon eux « une étape supplémentaire inacceptable et scandaleuse au fichage des personnes les plus vulnérables touchées par la maladie mentale […], dans un amalgame indigne entre le champ sanitaire et celui de prévention de la radicalisation ».

GEPS

@GEPSasso 9 mai 2019
Quelles preuves scientifiques autoriseraient une confusion de ce genre ? Les soins sans consentement ont été créés initialement pour permettre de donner des soins aux personnes ayant des tb psy leur faisant perdre leurs capacités de raisonnement et de jugement

Santé Mentale
@SanteMentale
Soins sans consentement : un décret autorise la mise en relation entre les fichiers Hopsyweb et FTSPRCT (signalements pour la prévention de la radicalisation) https://urlz.fr/9HqK

StopHopsyweb
@hopsyweb
Ce décret, en plus d’entretenir une confusion stigmatisante entre terrorisme et psychiatrie dont on se passerait bien, met gravement en danger les données personnelles des personnes qui ont été hospitalisées, qui devraient être avant tout des patients et patientes.

08:51 - 9 mai 2019
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Les fortes oppositions déjà formulées lors de la création d’Hopsyweb se voient « largement confirmées par un décret dont on ne peut que craindre les très lourdes conséquences en termes d’atteintes aux libertés, foulant ainsi aux pieds des années de lutte contre la stigmatisation des patients présentant des troubles psychiques », poursuivent-ils. Les événements récents autour du système d’information pour le suivi des victimes (Sivic) — un fichage dénoncé par des personnels hospitaliers de patients admis en urgence lors des mouvements des gilets jaunes (lire nos articles ici et là) —, « viennent ajouter aux graves inquiétudes d’une dérive sécuritaire annoncée et dont on ne peut que constater qu’elle est désormais en cours », soulignent-ils.

La mise en concordance d’informations […] représente une atteinte grave du secret professionnel. Les acteurs de la psychiatrie

 

La mise en concordance d’informations du ressort du domaine médical et de renseignements du domaine de la lutte contre le terrorisme, et « ce à l’insu de la personne concernée, représente une atteinte grave du secret professionnel qui ne saurait être tolérée », concluent les signataires. En estimant que les « précautions et inquiétudes » soulignées par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) « ne sont pas de nature à rassurer sur l’application concrète d’un texte dont on peut déjà anticiper les effets délétères ».
 

« Silence » de la ministre et du délégué psychiatrie

Les acteurs du Printemps de la psychiatrie (lire notre reportage) dénoncent également le texte gouvernemental dans un communiqué le 11 mai. « Nous dénonçons le renforcement de cet amalgame entre terrorisme et troubles psychiques et mentaux qu’entérine le Gouvernement actuel », écrivent-ils. Et d’appeler « l’ensemble des citoyens pour qui la démocratie, les libertés fondamentales, […], le respect de la vie privée et du secret professionnel ne sont pas des vains mots à se mobiliser contre ce fichier faisant basculer toujours plus notre République vers un état de non-droit ».

SUD santé sociaux GHU Paris
@sud_ghu
Non à la destruction du secret médical par le tout sécuritaire !
Nos patient.e.s n’ont pas à être stigmatisé.e.s !

Radicalisation et psychiatrie : les données de deux fichiers pourront être consultées par les préfets https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/05/07/radicalisation-et-psychiatrie-les-donnees-de-deux-fichiers-pourront-etre-consultees-par-les-prefets_5459292_3224.html

20:45 - 13 mai 201

Radicalisation et psychiatrie : les données de deux fichiers pourront être consultées par les…
Des psychiatres et des associations de patients y voient des « amalgames entre maladie psychique et terrorisme ».

lemonde.fr

 

Ils s’interrogent également sur le « silence d’Agnès Buzyn sur ce décret » et sur ce qu’en dit le nouveau délégué ministériel à la psychiatrie, Frank Bellivier. Même questionnement pour la Fédération française de psychiatrie (FFP). Dans un communiqué le 11 mai, elle demande au Premier ministre, Édouard Philippe, et à la ministre de la Santé, tous deux signataires du décret, de « contribuer à éclaircir la situation pour ceux qui n’auraient pas encore bien perçu l’obsession sécuritaire de nos gouvernants ». Elle interpelle le nouveau délégué à la psychiatrie afin de connaître son positionnement et « s’il trouve que la méthode est bonne pour »déstigmatiser« la psychiatrie et surtout les personnes qui y ont recours ».
 

Recours étudié par l’Ordre des médecins

Plusieurs des dépositaires de recours contre le décret du 23 mai 2018 comptent de nouveau ester en justice. Ainsi, l’association Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie (CRPA) annonce le 13 mai qu’elle va saisir le Conseil d’État en annulation du récent décret. Elle compte s’appuyer notamment sur les réserves soulevées par la Cnil, en particulier celle liée à la procédure de levée de doute lorsqu’une vérification a lieu sur un croisement entre Hopsyweb et le fichier des signalements pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT). Elle introduirait une dérogation au secret médical qui relève de la loi et non du domaine règlementaire.

Fédération Française de Psychiatrie
@FPsychiatrie
En espérant que les réactions vont se multiplier. #Hopsyweb n’est pas un cas isolé. Il pose le problème de la multiplication des fichiers et l’impossibilité pour le citoyen d’en considérer les conséquences.

SPH@SPHtweeter
Psychiatrie, terrorisme et données personnelles : « un amalgame extrêmement dangereux » |ARTE| Dr Marc Bétrémieux, président du SPH « ces mesures mettent à mal le secret médical et s’inscrivent dans une vision sécuritaire des maladies mentales. » Interview : https://www.arte.tv/fr/articles/psychiatrie-terrorisme-et-donnees-personnelles-un-amalgame-extremement-dangereux

10:22 - 11 mai 2019
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Le Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) informe pour sa part avoir « décidé d’examiner les voies juridiques d’un recours » et se prononcera « à cet égard, le 17 mai, après s’être réuni collégialement en bureau ». L’ordre tient à réaffirmer dans un communiqué le 10 mai « la nécessité de préserver le caractère absolu du secret médical, […] condition sine qua non de la relation de confiance » entre un patient et son médecin. « Conscient des enjeux liés à la prévention de la radicalisation », il rappelle que la législation permet « des exceptions au secret professionnel en cas de danger imminent et préconise une stricte application des textes législatifs en vigueur » (lire notre fiche pratique). En parallèle, dans plusieurs communiqués, le Syndicat des jeunes médecins généralistes (SNJMG) ou encore l’Union française pour une médecine libre syndicat (UFML-S) s’alarment à leur tour de potentielles violations du secret médical.
 

Sécurité et protection des données conciliées

Sollicité par Hospimedia ce 14 mai pour réagir à cette levée de boucliers, le ministère de la Santé informe qu’il n’y a pas « de réaction particulière » mais explique que ce décret signé par Agnès Buzyn est « un reflet du point d’équilibre entre la volonté de prévenir la radicalisation et la protection des données des personnes hospitalisées sous contrainte ». Le décret « permet de croiser des informations » entre les fichiers sur l’identité des personnes, telles que « nom, prénom, date de naissance » mais il n’y a « pas d’accès direct du ministère de l’Intérieur aux données » médicales des personnes hospitalisées sans consentement, souligne le cabinet.

Les deux fichiers « ne sont pas interconnectés », insiste le ministère. Justement, le décret « crée une plateforme, un moyen au-dessus » des fichiers pour voir s’il y a des correspondances éventuelles de données, une sorte d’automatisation du « rapprochement des données » mais pas une interconnexion, afin de « concilier les attentes en matière de sécurité et la protection des données individuelles et personnelles ». Enfin, le ministère tient à rappeler que le fichier Hopsy est ancien — sa création date de 1994 — et que le décret Hopsyweb de mai 2018 vise à faciliter « certaines procédures administratives qui prévoient une consultation préalable d’Hopsy, par exemple celles incluant les préfets pour la délivrance d’autorisations de détention d’armes ». Et que les préfets puissent être informés dans ce cadre des entrées et sorties des hospitalisations sans consentement.
 

* Les organisations signataires sont les suivantes (cliquer sur ce lien pour lire le communiqué commun de ces organisations) : l’Association des établissements du service public de santé mentale (Adesm), Avenir hospitalier, le Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes, biologistes et pharmaciens des hôpitaux publics (Snam-HP), le Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH), l’Intersyndicale des praticiens hospitaliers de France (INPH), la Coordination médicale hospitalière (CMH), la Confédération des praticiens hospitaliers (CPH), le Syndicat des psychiatres d’exercice public (Spep), l’Intersyndicale de la défense de la psychiatrie publique (Idepp), l’Union syndicale de la psychiatrie (USP), la Conférence nationale des présidents des commissions médicales d’établissement (CME) de CH, la Conférence nationale des présidents des CME de CHU, la Conférence nationale des présidents de CME de CH spécialisés, la Fédération française de psychiatrie (FFP), l’Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP), le Collège national des universitaires de psychiatrie (Cnup), l’Association française fédérative des étudiants en psychiatrie (Affep), le Syndicat national des psychologues (SNP), la Fédération française des psychologues et de psychologie (FFPP), le Comité d’études des formations infirmières et des pratiques en psychiatrie (Cefi-Psy), l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam), la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie (Fnapsy) et Santé mentale France (SMF).
 

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Vos réactions (6)

Patrick CHEMLA - Le 15/05/2019 à 18h16
Il est important de constater l’unanimité contre ce décret et la société policière qu’il promet. Il est vraiment inquiétant de revenir à l’amalgame malade mental/terroriste. On avait cru cette période révolue : c’est un retour sinistre qui impose recours en justice et mobilisation des professionnels, patients et familles. Il ne faut pas laisser passer de telles attaques contre la démocratie !

Mathieu BELLAHSEN - Le 15/05/2019 à 12h40
nous voyons donc la falsification toujours plus grande des discours. Agnès Buzin sur le plateau télé de France 3 qui pleurniche et qui veut mettre toute sa volonté au service de la psychiatrie… Et le faite qu’elle signe ce décret sans problème en arguant de détails techniques ! C’est un scandale. Rappelons aussi qu’elle a soutenu Castaner au moment des pseudos événements de la Pitié-Salpêtrière…

Patrick DAUGA - Le 15/05/2019 à 10h24
Quand on voit le tollé déclenché, suite à un fichage "fictif"des manifestants à l’ AP-HP dans le fichier SI-VIC ( identification des victimes) . On est en droit de craindre qu’un tel décret et Hopsyweb , laisseront passer des erreurs(!!) humaines de fichages catastrophiques pour le devenir des personnes soignées en psychiatrie ,sous contrainte ou non.

André BITTON - Le 15/05/2019 à 09h30
Ce décret s’inscrit dans cet état d’urgence permanent que nous subissons depuis la levée de l’état d’urgence au 1er novembre 2017, qui a suivi la promulgation de la loi Sécurité intérieure du 30 octobre 2017.
Les personnes psychiatrisées ou psychatrisables font partie des populations cibles en tant que "classes sociales dangereuses" pour reprendre la terminologie du 19e siècle.
Pour le Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie (CRPA).

Alberic COUSIN - Le 15/05/2019 à 09h15
Il y a une procédure très simple et qui a déjà été utilisée dans le passé par les praticiens : refuser de faire les certificats réglementaires tant que ce scandale perdure !
Il faut juste un peu de détermination et ne pas se contenter de pousser des cris d’orfraies !

Brigitte DELPHIS - Le 15/05/2019 à 08h29
C’est bien au delà de l’indignation. C’est de la trahison ! Imaginez notre réaction de parents, de proches, acculés bien souvent à signer des demandes de soins sans consentement, du fait des carences du système de santé et de l’incapacité de la psychiatrie à prévenir les crises en « allant vers » le patient, à découvrir aujourd’hui que nous avons exposé ceux que nous aimons à cet amalgame stigmatisant sans aucun fondement. La vulnérabilité au stress de nos proches leur interdit tout engagement dans un complot ou un attentat terroriste. Que le le gouvernement autorise par décrets à croiser ces fichiers est juste de la démagogie et du cynisme électoral. Que des responsables politiques dissimulent leur incompétence en désignant des boucs émissaires est consternant et nauséabond et indigne du courage de nos proches à affronter les difficultés de leur quotidien.


Marianne - Tribune MGEN - Les directeurs d’hôpitaux et les psychiatres n’ont pas vocation à devenir des auxiliaires de police !

Publié le 10/05/2019 à 20:00

Source (site internet Marianne) : https://www.marianne.net/debattons/…

Éric Chenut, vice-président délégué de MGEN (Mutuelle générale de l’Éducation nationale)

Un récent décret autorise les autorités à croiser deux fichiers : l’un médical, l’autre voué au renseignement. Inacceptable pour la MGEN. Son vice-président délégué, Éric Chenut, explique pourquoi.

Le décret du 6 mai 2019 autorisant les traitements de données à caractère personnel relatifs au suivi des personnes en soins psychiatriques sans consentement va permettre de croiser les identités de patients en psychiatrie et les fichiers de suspects de terrorisme. Le rapprochement est très dangereux, confortant le sens d’un premier décret publié le 23 mai 2018, qui autorisait le traitement et la consultation par les autorités des données de Hopsyweb, et qui fait l’objet de plusieurs recours demandant son annulation devant le Conseil d’État. La CNIL a quant à elle souligné « la différence profonde d’objet entre les deux fichiers en présence, l’un faisant état d’antécédents psychiatriques d’une certaine gravité, l’autre ayant la nature d’un fichier de renseignement. » Le gouvernement n’a pas plus prêté attention à l’avis de la CNIL qu’à celui pourtant diplomatique du Conseil de l’ordre des médecins rappelant l’exigence « du respect du secret médical et des principes fondamentaux de l’exercice professionnel ». Le gouvernement a décidé d’amplifier cette dérive sécuritaire avec ce second décret.

Ainsi, n’importe qui pouvant connaître un épisode dépressif l’amenant à être hospitalisé sans son consentement, pourra se retrouver dans un fichier en compagnie d’aspirants avérés au djihad. Que ce soit en termes de libertés publiques et de libertés individuelles, tout comme dans l’accès aux soins, pourtant droit constitutionnel, la République a connu des temps plus exemplaires…
 

Gilets jaunes fichés par l’AP-HP : un urgentiste dénonce une "violation complète du secret médical"

Replaçons les choses dans leur contexte. En France, un tiers des hospitalisations en psychiatrie se fait à la demande d’un tiers. Nombreuses sont les familles où un des membres devra connaître une hospitalisation sans consentement dans le cadre de son parcours de soins. La loi du 5 juillet 2011, relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, a mis en conformité les modalités de soins en psychiatrie définies dans le Code de la santé publique avec les exigences constitutionnelles : pas de restriction à la liberté d’aller et venir sans contrôle systématique du juge judiciaire. La loi pose le principe du consentement aux soins des personnes atteintes de troubles mentaux, énonce l’exception des soins sans consentement et définit ses modalités d’application. La loi considère que, dans ce cas, c’est plus l’absence de soins qui crée préjudice au patient que leur mise en œuvre sans son consentement.

Ainsi, l’hospitalisation peut se faire sous contrainte. Lorsque les personnes sont en danger pour elles-mêmes, les proches peuvent alors demander une hospitalisation. Lorsque les personnes présentent un danger pour autrui ou un risque de trouble grave à l’ordre public, le préfet peut alors décider de l’hospitalisation. Dans les deux cas, un juge des libertés et de la détention est amené à valider ou non le principe de l’hospitalisation.
 

UNE ATTEINTE GRAVE AUX DROITS DE LA PERSONNE

Si certains aspects de la loi de 2011 et les freins à son application concrète, notamment dans l’exercice des droits des patients, peuvent être critiqués, à aucun moment elle ne prévoit de transformer les directeurs d’établissements en auxiliaires de police ni de destiner les patients hospitalisés sans leur consentement à figurer dans un fichier de personnes radicalisées pour terrorisme. Ce décret est d’autant plus aberrant que rien dans le contexte ne justifie de mesures d’exception aboutissant à un fichage systématique des patients hospitalisés suivis en psychiatrie ; cela ne peut qu’induire la peur vis-à-vis des patients hospitalisés sous contrainte, réactivant les stigmatisations, qu’il a été si difficile de combattre. Si le phénomène de radicalisation touche la prison, aucune donnée, ni même aucun témoignage ne vient aujourd’hui étayer ce risque à l’hôpital. Nous sommes clairement, avec ce décret, face à une atteinte grave aux droits de la personne.

Par ailleurs, les conséquences d’un tel décret, outre qu’elles peuvent être extrêmement préjudiciables pour les patients se retrouvant ainsi fichés, ne seront pas sans impact sur l’accès aux soins des personnes en situation de fragilité psychiatrique. En effet, les personnes souhaitant protéger un de leur proche en situation de danger en recourant à une hospitalisation sans consentement devront être informées de l’existence de ce fichage, ce qui ne manquera pas de peser sur la décision de recourir ou non à l’hospitalisation. Les tiers seront face à un dilemme : faire hospitaliser un proche, pour le protéger et risquer de le voir être fiché, ou prendre le risque d’un suicide pour ne pas grever son avenir au-delà de la maladie.
 

Fichiers S et FSPRT : pour enfin arrêter de tout mélanger

Gestionnaires d’établissements de santé mentale, et militants engagés dans le mouvement social pour promouvoir une société émancipatrice, solidaire et humaine, au nom du groupe MGEN, nous ne pouvons passer sous silence la stigmatisation des malades qu’un tel décret suppose. Ni même de l’image que la France donne d’elle-même à jeter ainsi l’opprobre et le soupçon sur les plus fragiles de ses citoyens quand ceux-ci n’ont besoin que de soins et d’attention.

La loi de 2011, certes imparfaite, mettait enfin la France en conformité avec les standards européens des droits de l’homme concernant les patients hospitalisés en psychiatrie, après des décennies de combat pour faire respecter les droits des patients/citoyens. Huit ans après, comment accepter que nous prenions le chemin d’une telle régression ? Nous sommes contraints de nous en remettre à l’arbitrage du Conseil d’État…


Communiqué du "Printemps de la psychiatrie"

25 mai 2019.

Source : https://printempsdelapsychiatrie.or…

Un fichier terrorisant

Nous, patients, usagers, psychiatrisés, qui avons été hospitalisés sans notre consentement ;

Nous, soignants, qui avons hospitalisé des personnes sans leur consentement ;

Nous, familles et amis, qui avons été sollicités dans les moments de détresse de nos proches pour rédiger des demandes d’hospitalisation par un « tiers » ;

Nous, toutes et tous, citoyennes et citoyens, sommes indignés, scandalisés du décret du 7 mai 2019 croisant les personnes fichées « S » pour terrorisme (FSPRT) et les personnes fichées « Psy » dans le fichier « HoPsyWeb » car hospitalisées sans consentement.

Depuis mai 2018, en France, toute personne - dépressive, en burn-out, avec des idées suicidaires, avec des idées délirantes - qui nécessite une hospitalisation à laquelle elle ne peut consentir du fait de ses troubles est fichée. Autant dire que, pour tout accident de la vie ayant des conséquences psychiques suffisamment graves, toute personne se trouve inscrite de façon indue dans ce fichier.

Depuis mai 2019, elle est potentiellement considérée comme un terroriste en puissance. Nous dénonçons le renforcement de cet amalgame entre terrorisme et troubles psychiques et mentaux qu’entérine le gouvernement actuel.

Alors que la Ministre de la Santé peut se montrer prompte à être « extrêmement choquée », à féliciter le « sang-froid » des hospitaliers devant « l’inqualifiable » d’événements inexistants à la Pitié Salpêtrière le 1er mai dernier, que penser du silence d’Agnès Buzyn sur ce décret ? Qu’en dit Franck Bellivier le nouveau délégué à la psychiatrie ? Ce silence est inadmissible.

Après le fichage dans le logiciel Si-Vic de l’AP-HP des gilets jaunes blessés, après les violences de l’État, après les abus de pouvoir et les mensonges de représentants de l’ordre public, cette nouvelle dérive sécuritaire et stigmatisante ne peut que nous révolter.

Nous appelons l’ensemble des citoyens pour qui la démocratie, les libertés fondamentales, la séparation des pouvoirs, le respect de la vie privée et du secret professionnel ne sont pas des vains mots, à se mobiliser contre ce décret faisant basculer toujours plus notre République vers un État de non droit.

Printemps de la psychiatrie, Mai 2019

printempsdelapsychiatrie chez gmail.com


Communiqué de Sud Santé Sociaux

De la Psychiatrie vers… La Flichiatrie !

Source (site internet de Sud Santé Sociaux) : http://www.sudsantesociaux.org/de-l…

30 mai 2019.
 

Sous prétexte de prévention de la radicalisation, Edouard Philippe, Premier ministre et Agnès Buzyn, Ministre des solidarités et de la santé ont signé le 6 mai 2019, un décret autorisant la transmission à la police, de données médicales confidentielles. Si nous ne réagissons pas, le bruit des bottes de La République En Marche couvrira bientôt le chant des partisans du printemps de la psychiatrie oeuvrant pour la refonte et la construction de leur discipline associant soin et respect des libertés individuelles.

Le décret n° 2019-412 du 6 mai 2019, modifiant le décret n° 2018-383 du 23 mai 2018, autorise les traitements de données à caractère personnel relatifs au suivi des personnes en soins psychiatriques sans leur consentement. Il reflète bien la nature d’un État policier décomplexé.

« Le décret autorise la mise en relation entre les données enregistrées dans les traitements HOPSYWEB et FSPRT. Cette mise en relation concerne uniquement les informations transmises au représentant de l’État dans le département sur les admissions en soins psychiatriques sans consentement prévues par le code de la santé publique et le code de procédure pénale et a pour objet la prévention de la radicalisation. »

Le texte impose : « L’information du représentant de l’État sur l’admission des personnes en soins psychiatriques sans consentement nécessaire aux fins de prévention de la radicalisation à caractère terroriste, dans les conditions prévues au livre II de la troisième partie du code de la santé publique et à l’article 706-135 du code de procédure pénale ».

Le décret n° 2019-412 du 6 mai 2019, modifiant le décret n° 2018-383 du 23 mai 2018, autorise les traitements de données à caractère personnel relatifs au suivi des personnes en soins psychiatriques sans leur consentement. Il reflète bien la nature d’un État policier décomplexé.

« Le décret autorise la mise en relation entre les données enregistrées dans les traitements HOPSYWEB et FSPRT. Cette mise en relation concerne uniquement les informations transmises au représentant de l’État dans le département sur les admissions en soins psychiatriques sans consentement prévues par le code de la santé publique et le code de procédure pénale et a pour objet la prévention de la radicalisation. »

Le texte impose : « L’information du représentant de l’État sur l’admission des personnes en soins psychiatriques sans consentement nécessaire aux fins de prévention de la radicalisation à caractère terroriste, dans les conditions prévues au livre II de la troisième partie du code de la santé publique et à l’article 706-135 du code de procédure pénale ».
 

TOUT-ES FICHÉ-ES

Depuis la lettre de cachet (ancien régime) abolie par la constituante en 1790 mais techniquement restaurée par la loi du 30 juin 1838, elle-même insuffisamment toilettée en 1990, jusqu’à la loi de juillet 2011, jamais en France, les patient-es hospitalisé-es en psychiatrie contre leur volonté n’auront réellement bénéficié d’une réglementation garantissant leurs droits et leur liberté. Bien au contraire, sous notre « ère numérique, ce phénomène est amplifié où il devient difficile, voire impossible à qui conque d’échapper au fichage systématique.

Une forte campagne organisée par l’État et ses services de renseignements généraux, qui généralise le fichage aux pauvres, chômeur-euses, aux syndicalistes, mineurs isolés étrangers, aux SDF, aux migrant-es, aux gilets jaunes… et pour les plus fiché-es d’entre tout-es, les personnes admises en soins psychiatriques sans consentement associé-es, pour risque de troubles sociaux, voire de radicalisation !

NOUS NE SOMMES PAS DES AUXILIAIRES DE POLICE

La Fédération SUD Santé Sociaux, proche de ses usager-ères, dénonce toute forme de fichage, de stigmatisation et condamne avec force ces politiques liberticides et sécuritaires.

La Fédération SUD Santé Sociaux refuse toute forme d’attaque au soigner dignement en psychiatrie, rappelle que contraindre n’est pas soigner et de dénoncer toute forme de liste visant à ficher et stigmatiser les malades atteints de troubles mentaux.

La Fédération SUD Santé Sociaux rappelle que les plateaux techniques sont faits de chair et d’os, que notre principal outil de travail. C’est la parole donnée, reçue d’autre, clef de voûte de la rencontre comme première chose à soigner et nécessitant alors confiance, réciprocité, donc respect de la liberté individuelle et collective.

Car pour avancer vers leur rétablissement, les patient-es partagent avec nous leurs instantanés de vie. Ils-elles ont besoin pour ça d’être en totale confiance avec nous.

Il est hors de question pour nous, soignant-es et/ou travailleur-euses sociaux-ales, de partager ce qui fait secret, en dehors de toutes visées thérapeutiques et encore moins sans leurs consentements.

RETRAIT DU DÉCRET !

La Fédération SUD Santé Sociaux exige le retrait immédiat du décret n° 2019-412 du 6 mai 2019 et s’associera à tout-es celles et ceux qui luttent contre cet autoritarisme actuel.

Les soignant-es et travailleur-euses sociaux-ales de la psychiatrie ne sont pas des auxiliaires de police !