2018-03-14 Cour de cassation • L’absence de preuve de l’examen somatique n’entraîne pas la mainlevée de la mesure

• Pour citer le présent article : https://goo.gl/fhYQP5 ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/671

Document du mercredi 14 mars 2018
Article mis à jour le 27 août 2020
par  A.B.

Cf. sur notre site internet : 2015-01-15 Cassation • Le défaut d’information sur ses droits d’un patient contraint : une irrégularité dans l’exécution de la mesure


Principal attendu de l’arrêt de la Cour de cassation du 14 mars 2018

Attendu que la réalisation de l’examen somatique prévu à ce texte ne donne pas lieu à l’établissement d’un certificat médical ni ne figure au nombre des pièces dont la communication au juge des libertés et de la détention est obligatoire ; que, dès lors, une simple défaillance dans l’administration de la preuve de son exécution ne peut entraîner la mainlevée de la mesure …


Commentaire de cet arrêt de la Cour de cassation - Me Raphaël Mayet

2018-03-14 Arrêt de la Cour de cassation.

Source (site internet Legifrance) : https://www.legifrance.gouv.fr/affi…

28 mars 2018.

La 1re chambre civile de la Cour de Cassation a rendu le 14 mars dernier un arrêt particulièrement regrettable.

2018-04-09 Dépêche de l’APM.

En effet, la Cour casse une décision rendue par le Premier Président de la Cour d’Appel de Douai qui avait ordonné la levée d’une mesure d’hospitalisation faute de justification de la réalisation d’un examen somatique complet dans les 24 heures de l’admission comme l’exige pourtant de façon claire l’article L 3211-2-2 du Code de la Santé Publique.

La Cour retient que cet examen ne donne pas lieu à l’établissement d’un certificat médical et que la justification de la réalisation de cet examen ne fait partie des pièces dont la communication au juge des libertés et de la détention est obligatoire. Pourtant, la réalisation d’un examen somatique complet en début d’hospitalisation revêt un caractère essentiel. Cet examen rendu obligatoire par la loi du 5 Juillet 2011 (et ajouté en cours d’élaboration de cette loi) a pour but de s’assurer d’une part que les troubles du comportement constatés n’ont pas une origine somatique et d’autre part que les traitements qui vont être administrés sous la contrainte sont compatibles avec l’état de santé de l’intéressé. En plaçant la question de l’examen somatique hors du champ de contrôle du juge des libertés et de la détention, la Cour de Cassation va à l’encontre de l’exigence posée par le Conseil Constitutionnel dans ses décisions des 26 novembre 2010 et 9 Juin 2011 à savoir que le juge judiciaire s’assure que la mesure d’hospitalisation soit nécessaire, proportionnée et adaptée. Faute de réalisation d’un examen somatique, le juge des libertés et de la détention pourra donc autoriser la poursuite d’une hospitalisation psychiatrique d’une personne dont les troubles du comportement ont une origine somatique, tumeur cérébrale par exemple, et non psychique.

La Cour va également à l’encontre de l’exigence de l’article 5&4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme qui fait obligation au juge de lever une mesure d’hospitalisation qui ne serait pas conforme aux exigences légales, et ce, à bref délai. On observera que cette compatibilité avec les dispositions de l’article 5§4 précité n’était pas soutenue devant la Cour de Cassation et c’est peut-être en se plaçant sur ce terrain que l’arrêt du 14 mars 2018 pourra être contourné.

En outre, cet arrêt, s’il fait échapper au contrôle du JLD la question de la réalisation de cet examen, n’empêchera pas la personne hospitalisée de se tourner vers le juge de l’indemnisation.

Quoiqu’il en soit, cet arrêt de la Première Chambre Civile s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle récente défavorable aux droits des personnes hospitalisées ; le 15 Juin 2017, cette même chambre décidait qu’un médecin non psychiatre de l’établissement d’accueil pouvait être le rédacteur du certificat de l’article L 3213-1 du Code de la Santé Publique et le 27 septembre 2017 elle estimait que le juge ne pouvait lever une mesure d’hospitalisation pour des motifs relevant de la seule appréciation médicale au risque de voir le contrôle du juge se réduire à un contrôle formel, ce qui va nécessairement à l’encontre des souhaits du Conseil Constitutionnel et du législateur qui a souhaité unifier le contentieux de l’hospitalisation sous contrainte.

Maître Raphaël Mayet, avocat au Barreau de Versailles, en charge de la coordination des avocats du Barreau de Versailles volontaires pour les contrôles judiciaires des hospitalisations sans consentement.


Réactions de Mme Anne Darmstädter - Delmas, magistrate honoraire

28 mars 2018.

1re réaction.

2018-04-01 Analyse de M. Éric Péchillon.

Il convient de considérer que l’article L.3216-1 du code de la santé publique, qui autorise le JLD à prononcer la mainlevée en cas d’irrégularité, ne vise que les irrégularités qui affectent la décision administrative. C’est dire que n’importe quel manquement ne constitue pas nécessairement une irrégularité au sens de ce texte. N’affecte en effet la décision administrative que l’irrégularité qui soit participe de son édiction (formalisation et motivation ; auteur ; date et signature ; respect de la procédure d’élaboration de la décision ; existence des éléments exigés au soutien de la décision - voir mon ouvrage § 242 et suivants), soit entache les éléments au vu desquels elle est prise.

Or, la décision de maintien des soins faisant suite à la période d’observation et de soins initiale n’est jamais prise au vu de l’examen somatique et un tel examen n’en constitue par conséquent pas le soutien. Tout moyen le concernant est donc inopérant dans le cadre du contrôle de régularité exercé par le juge judiciaire.
Bref, pour moi, la Cour de cassation aurait dû surtout commencer par affirmer que le manquement invoqué (défaut d’examen somatique dans les 24 heures) est sans influence sur la légalité de la décision administrative comme ne participant pas à son édiction, tout comme elle l’a fait dans son arrêt du 15 janvier 2015. Le fait, en effet, comme elle le relève dans son arrêt du 14 mars, que cet examen somatique ne figure pas au nombre des pièces dont la communication au JLD est obligatoire n’en est que la conséquence puisque seules sont communiquées au JLD les pièces qui constituent le soutien de la décision et au vu desquelles elle est prise !

Mais si de tels moyens ne concernent par conséquent pas le contentieux de la mainlevée dévolu au JLD (qui englobe tout à la fois le contrôle de régularité des décisions administratives et le contrôle du bien fondé de la mesure), il peut en revanche relever du contentieux de la réparation dévolu au TGI à charge toutefois pour le demandeur d’apporter la preuve (et là, nous entrons bien dans la question du régime probatoire) du manquement qu’il invoque puis du préjudice qui en est résulté, lequel s’analyse, s’il s’agit d’un défaut d’examen somatique, en une perte de chance de faire constater que le trouble d’allure psychiatrique trouvait en réalité son origine dans un trouble somatique, ce qu’il faut alors également établir.

Pour aller dans le même sens, je suis très choquée que le TGI de Versailles prononce systématiquement la mainlevée au motif de pratiques d’isolement non régulières (soit que le registre spécial ne soit pas produit ou soit illisible ; soit que la procédure n’ait pas été suivie). En quoi, cela relève-t-il du contentieux de la mainlevée puisque l’isolement est une décision médicale prise postérieurement à la décision administrative de soins psychiatriques sans consentement ? Elle lui est certes liée mais n’en est pas moins extérieure à celle-ci et toujours postérieure. C’est donc là encore à mon sens uniquement sur le terrain de la réparation qu’il faut se placer.

Lorsque, en revanche, il y a bel et bien irrégularité au sens de l’article L.3216-1, rien n’interdit de se placer sur le terrain de la réparation, que la mainlevée ait été ou non par ailleurs demandée et obtenue.

Si mainlevée obtenue pour irrégularité par décision définitive ayant acquis force de chose jugée, la discussion ne porte que sur le préjudice ; sinon, la discussion portera tout à la fois sur le manquement et sur le préjudice.
 
2e réaction.

Je souhaite compléter.

1°) Le JLD n’a pas plénitude de juridiction et doit donc s’en tenir strictement aux compétences qui sont les siennes.

2°) Pour l’isolement et la contention, il est toujours possible de saisir le juge des référés pour « voie de fait » ou trouble manifestement illicite.
 

3e réaction.

3°) L’article L.3216-1 n’autorise le JLD à prononcer la mainlevée qu’en cas d’irrégularité affectant les "décisions administratives prises en application des chapitres II à IV du présent titre ». L’article L 3222-5-1 du CSP ne fait pas partie de ce titre. Seule peut donc être autorisée la cessation de la mesure par le juge des référés.


Réaction d’André Bitton, pour le compte du CRPA

28 mars 2018.

Bonjour,

Je vous dérive deux réactions complémentaires de Mme Anne Darmstädter - Delmas sur cet arrêt.

Je ne pense pas pour ma part que le JLD ait perdu du fait de l’unification du contentieux des soins sans consentement par l’article L 3216-1 du CSP son rôle ancien de juge de l’opportunité et de la proportionnalité de ces mesures. Son rôle a en fait été élargi et non réduit.

Carrer le rôle du JLD sur le seul contrôle de la légalité formelle, ce que tend à faire la Cour de cassation ces temps-ci, c’est entraver le contrôle au fond des mesures d’hospitalisations sous contrainte, ce qui est éminemment contestable au regard de la jurisprudence de la CEDH (l’internement est subsidiaire … par ex.) et de l’entrée en vigueur de la Convention internationale des droits des personnes handicapées. Cf. l’article 14-1 de cette convention en matière de privation de liberté des personnes "handicapées" - au sens anglais du terme.

Par ailleurs ce que fait l’article L 3216-1 du CSP (chapitre Contentieux) c’est de réduire les conséquences du constat des irrégularités formelles en disant que la mainlevée n’est ordonnée en conséquence des irrégularités constatées "que s’il en est résulté une atteinte aux droits de la personne". Le JLD n’est donc, à mon sens, pas réduit du fait de cet article L 3216-1 CSP au seul contrôle de légalité formelle des mesures de soins sans consentement. En application des articles L 3211-12 et L 3211-12-1 il est également un juge du fond qui peut commettre une expertise mais aussi se faire communiquer l’entier dossier de l’hospitalisation sans consentement en question comme l’a très bien dit le Conseil d’État dans un arrêt du 13 novembre 2013, sur une requête du CRPA.

Bref la discussion est ouverte.


Autre réaction de Mme Anne Darmstädter - Delmas, magistrate honoraire

Le 29/03/2018.

Bonjour M. Bitton,

Vous l’aurez, je l’espère, compris. Il ne s’agit pas pour moi de polémiquer ni de me réjouir du sens des décisions de la Cour de cassation.

J’essaie simplement de m’en tenir aux textes et aux répartitions de compétences.

Je souhaiterais donc encore préciser mon raisonnement :

Le transfert de compétence avec l’unification du contentieux s’est fait au profit du juge judiciaire et non pas seulement du JLD, c’est-à-dire que désormais il y a d’une part, le JLD qui connaît du contentieux de la mainlevée et à la faveur duquel il peut connaître des irrégularités affectant les décisions administratives et d’autre part, le TGI qui connaît du contentieux de la réparation et à la faveur duquel il peut également connaître des irrégularités affectant les décisions administratives. Enfin, il y a le juge des référés qui connaît quant à lui des troubles manifestement illicites. C’est donc à l’une ou à l’autre de ces trois juridictions judiciaires que l’on peut s’adresser en matière de soins psychiatriques sans consentement en veillant à respecter les compétences de chacune.

Pour autant, le JLD reste, comme vous le faites justement valoir, le juge de l’opportunité et de la proportionnalité des mesures de soins psychiatriques lorsqu’il est amené, dans le cadre du contentieux de la mainlevée, à statuer non plus sur la régularité mais sur le bien fondé de celles-ci. Le rôle du JLD a bien été élargi en ce qu’il ne connaît pas seulement de la légalité interne des décisions (bien fondé) mais désormais également de leur légalité externe (avant 2013, de la seule compétence du juge administratif).

Pour en revenir à l’examen somatique qui doit être effectué dans les 24 heures, je maintiens, pour les raisons précédemment exposées, que cela ne peut relever du contrôle de régularité. Pour autant, rien n’interdit, le cas échéant, si cet examen n’a pas été effectué, de s’en prévaloir et de demander alors une expertise au JLD pour que celui-ci puisse s’assurer, dans le cadre de l’appréciation du bien-fondé de la mesure, que le trouble psychiatrique ne trouve pas son origine dans un trouble somatique. Cela me semble plus cohérent et pour ma part, je n’aurais pas, en qualité de JLD, hésité à faire droit à une telle demande.

Sentiments les meilleurs.

Anne Darmstädter-Delmas


Réaction de Me Valery Montourcy à ce même arrêt de la Cour de cassation

30 mars 2018.

OBJET : Observations.

Madame, Monsieur,

En tant que praticien, je vous livre mes quelques commentaires sur les derniers échanges relayés au sein de votre liste de diffusion.

1. Examen médical somatique. L’arrêt de la Cour de cassation du 14 mars 2018 (pourvoi n° Z 17-13.223) ayant considéré que l’absence d’examen somatique (requis par l’article L. 3211-2-2 CSP) ne pouvait entraîner la mainlevée de la mesure, appelle une résistance critique des juges du fond, et des avocats.

En effet, ainsi que l’a rappelé justement Raphaël Mayet, l’exigence de cet examen somatique, dont la formalisation se traduit par une mention au dossier, a pour objectif que l’établissement de santé vérifie que le trouble psychiatrique apparent n’ait pas une cause somatique, telle un cancer. Et donc pour but d’éviter que l’établissement psychiatrique ne soigne une pathologie mentale alors que c’était le corps qu’il fallait soigner !

Cette absence d’examen somatique fait donc courir un risque au justiciable interné, qui peut par ailleurs ignorer souffrir d’une tumeur.

Cette irrégularité initiale peut donc entacher le bien-fondé des certificats ultérieurs.

Il est donc nécessaire que les JLD et 1ers Présidents continuent d’ordonner la mainlevée lorsque l’établissement n’y procède pas, comme il est nécessaire que les établissements améliorent leurs pratiques et procèdent systématiquement à cet examen somatique. Les décisions de mainlevée ont une vertu pédagogique : à défaut, la loi devient lettre morte.

2. Isolement, contention. Le respect des libertés fondamentales de la personne internée, dont le JLD est le gardien, justifie que celui-ci ordonne la mainlevée d’une hospitalisation au cours de laquelle une personne a été placée en contention de façon irrégulière.

L’essentiel de nos structures sociales, médicales ou médico-sociales est dégradé. Le rapport parlementaire sur les EHPAD, qui a permis les récents mouvements de grève des personnels, démontre des conditions d’hébergement indignes de nos Anciens, sacrifiés à l’autel de la rentabilité et du cynisme. Le rapport parlementaire sur les mesures de protection judiciaire (curatelles, tutelles) pointe les dysfonctionnements des services tutélaires, et la relégation à l’oubli de tant de majeurs vulnérables. Le dernier bastion qui se croyait en dehors du droit, l’hôpital, a été rattrapé par les lois de 2011, 2013 et en dernier lieu 2016 sur la contention.

Des établissements psychiatriques ont été fustigés administrativement pour des pratiques abusives d’un autre temps, que la négligence, un sous-effectif chronique qui finit par éroder l’empathie et le respect d’autrui, et parfois le sadisme de quelques-uns, transformaient dans la plus grande discrétion en mode habituel de gestion.

Il est heureux que les JLD prononcent des mainlevées lorsque les conditions de recours à la contention ne sont pas respectées. D’ailleurs, quel autre juge pourrait le faire, sinon le JLD, juge de la régularité de la procédure et des conditions de l’internement ? Dans quel état moral et sanitaire seraient ceux qui ont été victimes de telles mesures, si le JLD n’y avait pas mis fin par sa décision au 12e jour ? Qui le justiciable ainsi blessé, mais toujours hospitalisé, pourrait-il saisir ? Comment pourrait-il le faire, sans le contrôle automatique du JLD ? Qui ne serait pas broyé au bout de quelques heures dans une camisole et une chambre insonorisée – que dire alors, de plusieurs jours ? Comment le directeur d’établissement pourrait-il, au vu des dégâts causés par l’isolement ou la contention, ne pas prononcer le maintien de l’hospitalisation, et ne pas ensuite la requérir devant le JLD, dans une logique imparable ?

Il n’est pas suffisant d’inviter la personne broyée par une mesure de contention injustifiée, qui mettra des mois voire des années à s’en relever, à initier une hypothétique action en indemnisation, alors que la preuve de son caractère illégitime est sous les yeux du JLD, et que c’est son honneur de mettre un terme à une voie de fait.

Refuser au JLD de contrôler la régularité et le bien-fondé des contentions reviendrait à laisser se commettre l’irréparable, en parfaite impunité.

Bien sincèrement,

Valéry Montourcy, avocat au Barreau de Paris.


Dépêche d’Hospimedia sur cet arrêt de la Cour de cassation

DROIT - L’absence de preuve d’examen somatique ne peut justifier la mainlevée de soins sans consentement

Publié le 05/04/18 - 15h57 - HOSPIMEDIA

Source (site internet d’Hospimedia) : http://www.hospimedia.fr/actualite/…

2018-04-05 Dépêche d’Hospimedia.

La Cour de cassation a estimé, dans un arrêt rendu le 14 mars dernier (à télécharger ci-dessous), qu’une "simple défaillance dans l’administration de la preuve" de la réalisation de l’examen somatique prévu dans le cadre d’une admission en soins sans consentement "ne peut entraîner la mainlevée de la mesure". La cour était chargée d’examiner une ordonnance rendue en décembre 2016 par la Cour d’appel de Douai (Nord). La procédure a été initiée à la suite de l’admission d’un homme en hospitalisation sans consentement en urgence à l’EPSM Lille-Métropole d’Armentières (Nord), à la demande de son fils. La cour d’appel avait refusé d’ordonner la poursuite de cette mesure, en expliquant qu’aucun élément objectif ne permettait d’indiquer que l’examen somatique prévu par l’article L.3211-2-2 du Code de la santé publique avait été réalisé. La direction de l’EPSM a alors formé un pourvoi contre cette ordonnance.

Mais la haute juridiction a estimé qu’une mainlevée se pouvait se justifier au seul motif que la réalisation de cet examen ne peut être prouvée et a cassé l’ordonnance "qui a violé la loi". Se référant au CSP, la Cour de cassation explique que "la réalisation de l’examen somatique […] ne donne pas lieu à l’établissement d’un certificat médical ni ne figure au nombre des pièces dont la communication au juge des libertés et de la détention (JLD) est obligatoire". La loi prévoit en effet que "dans les vingt-quatre heures suivant l’admission [en soins sans consentement], un médecin réalise un examen somatique complet de la personne et un psychiatre de l’établissement d’accueil établit un certificat médical constatant son état mental et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques".

Cet arrêt est "particulièrement regrettable", selon Me Raphaël Mayet, l’avocat du Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie (CRPA), association qui a notamment diffusé la décision sur son site et des commentaires juridiques sur sa portée. Il s’inscrit en outre "dans une ligne jurisprudentielle récente défavorable aux droits des personnes hospitalisées", signale l’avocat. Il souligne également, entre autres arguments, qu’en plaçant la question de l’examen somatique hors du champ de contrôle du JLD, la Cour de Cassation "va à l’encontre de l’exigence posée par le Conseil constitutionnel" dans plusieurs décisions en 2010 et 2011, "à savoir que le juge judiciaire s’assure que la mesure d’hospitalisation soit nécessaire, proportionnée et adaptée".

Faute de réalisation d’un examen somatique, poursuit Raphaël Mayet, le JLD "pourra donc autoriser la poursuite d’une hospitalisation psychiatrique d’une personne dont les troubles du comportement ont une origine somatique, tumeur cérébrale par exemple, et non psychique" (lire aussi notre article). Les conclusions de cet examen somatique mériteraient de figurer dans les certificats justifiant la poursuite éventuelle d’une hospitalisation sans consentement en psychiatrie.

Caroline Cordier Ecrire à l’auteur - Twitter

Liens et documents associés

Arrêt de la Cour de cassation du 14 mars 2018 [PDF]

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Vos réactions (4) :

André BITTON 06/04/2018 - 14h32

Je suis partiellement d’accord avec le Dr Michel David, mais souvenons-nous qu’au printemps 2010, avant la décision de censure du conseil constitutionnel du 26 novembre 2010 sur QPC qui impose un contrôle judiciaire obligatoire des hospitalisations sans consentement, ce que le Gouvernement (ministre de la santé Mme Roselyne Bachelot, 1er ministre François Fillon, président de la République Nicolas Sarkozy) voulait imposer c’est :

— la légalisation de la contrainte aux soins toutes modalités de soins psychiatriques sans consentement confondues dont en ambulatoire et à domicile ;

— une admission facilitée en soins psychiatriques sans consentement et des difficultés redoutables pour les levées de mesure d’hospitalisations sans consentement singulièrement quand celles-ci étaient sur le registre des mesure préfectorales.

— des perpétuités psychiatriques de fait pour les patients en mesures de soins sur décisions du représentant de l’État pénaux irresponsables et pour les internés en unités pour malades difficiles avec la notion d’un antécédent sur 10 ans en arrière de sorte à mettre en œuvre ces perpétuités de fait. Instauration de deux collèges d’experts obligatoirement constitué pour lever ces mesures ou même seulement pour un allègement de ces mêmes mesures.

— aucun contrôle judiciaire obligatoire ; quelques facilités pour des contrôles facultatifs ; un rôle habituellement fantoche pour les commissions départementales de soins psychiatriques.

Point.

Le volet judiciaire de la loi du 5 juillet 2011 a été introduit sous contrainte. Le Gouvernement, le Parlement et les services techniques des ministères concernés ont produit des textes sans y consentir, contraints par un calendrier fixé par le Conseil constitutionnel.

Même la réforme du 27 septembre 2013, elle-même prise sur la base d’une décision de censure sur QPC du Conseil constitutionnel, a relevé d’une initiative parlementaire (une proposition de loi), sans étude d’impact.

Une des finalités du Gouvernement et de l’administration a été de démanteler l’ancien pouvoir des praticiens des hôpitaux et d’imposer ses vues les plus gestionnaires et répressives tant aux professionnels qu’aux patients… en prenant appui sur les représentants institutionnels des "usagers", sur les directeurs d’hôpitaux et sur les lobbies psychiatriques les plus favorables à une psychiatrie basée sur le médicament.

En réalité le Gouvernement et le ministère de la santé ne voulaient pas réformer sur le terrain psychiatrique sauf sur le volet sécuritaire et hygiéniste dans le sens d’une contrainte aux traitements psychiatriques aussi généralisée que possible.

C’est cette impasse qui fait notre situation actuelle et le fait qu’au contraire il faut que le droit passe. Il faut qu’il y ait multiplication de mainlevées sur nullités pour contraindre le Gouvernement et le ministère de la santé à revenir de façon élargie à une table des négociations sans y convier seulement ses seuls obligés et affidés.
 

Michel DAVID 06/04/2018 - 11h19

L’arrêt de la cour de cassation, outre la question spécifique de la preuve de l’examen somatique dans les 24 h, permet de soulever de nombreuses autres questions de détail et de fond quant aux soins psychiatriques et l’organisation des hôpitaux.

1. - L’intérêt d’un examen somatique pour tout patient hospitalisé en psychiatrie est indéniable, qu’il soit en service libre ou en soins sous contraintes, SDT comme SDRE, et tout psychiatre qui a la possibilité de travailler avec un somaticien dans son établissement ne peut que se satisfaire de cette possibilité.

L’examen somatique a pour fonction première d’éliminer une pathologie organique qui pourrait être à l’origine d’une symptomatologie psychiatrique. Il a aussi pour fonction de de repérer d’autres pathologies somatiques dont il faut tenir compte, notamment pour les prescriptions de psychotropes. Il est en ainsi par exemple pour les troubles cardiaques ou pour s’assurer qu’une femme n’est pas enceinte.

Et surtout, aucun d’entre nous n’est un pur esprit et tenir compte du corps permet de considérer un être humain dans ses composantes psychique et somatique.

2. - L’aspect bidimensionnel de cette prise en charge est clairement précisé par l’article L3211-2-2 du code de la santé publique : « Dans les vingt-quatre heures suivant l’admission, un médecin réalise un examen somatique complet de la personne et un psychiatre de l’établissement d’accueil établit un certificat médical constatant son état mental ».

Cette différenciation des fonctions est essentielle pour au moins deux raisons : Le psychiatre est qualifié pour la psychiatrie et a dû renoncer à l’exercice de la médecine générale (ce qui n’exclut pas des actes « somatiques » en cas d’urgence) et l’examen prévu est un examen somatique complet, d’où l’importance qu’il soit réalisé par un médecin somaticien. La deuxième raison est que le psychiatre, notamment au tout début de l’hospitalisation doit le plus souvent gérer une situation de crise psychique et qu’il ne peut à la fois faire un examen somatique et psychiatrique, ce qui peut interférer dans la prise en charge relationnelle.

3. - Les questions « organisationnelles » que l’examen somatique dans les 24 h soulève, mais aussi d’autres exigences de la loi, notamment des psychiatres différents pour élaborer les certificats d’admission, de 24 h et de 72 h, montrent que le législateur n’a absolument pas tenu compte des moyens à la disposition des hôpitaux psychiatriques et tout particulièrement dans les régions en pénurie médicale. Recruter des médecins somaticiens pour certains hôpitaux est une véritable gageure.

On peut regretter que le législateur, bercé par l’idéal, ait fait fi des dures exigences de la réalité, mais il est surtout regrettable que le ministère de la Santé ne se soit pas saisi des exigences posées par le législateur pour permettre aux hôpitaux de fonctionner conformément à ce que la loi oblige. Outre le préjudice éventuel pour le patient, les personnels administratifs et soignants se trouvent confrontés à des missions impossibles à l’origine de tensions multiples.

Toutefois, cet arrêt de la Cour de Cassation va permettre d’éviter que des mainlevées soient prononcées pour non production de la preuve de l’examen somatique dans des situations où des patients ont d’importants problèmes psychiatriques. Il convient de prendre en considération aussi bien le préjudice d’une hospitalisation injustifiée en psychiatrie pour étiologie organique avec symptômes psychiatriques que celui d’une privation de soin psychiatrique pour une personne n’ayant pas de problèmes somatiques, mais pour qui la preuve de l’examen somatique n’aurait pas été apportée.

Cet arrêt de la Cour de Cassation confirme une nouvelle fois que les lois de 2011 et 2013, dans la partie qui concerne les soins sous contrainte, ont été rédigées trop rapidement avec une complexité notable. Si l’apport du contrôle d’une privation de la liberté d’aller et venir, droit constitutionnel, par le juge des libertés et de la détention est une avancée incontestable, il ne faut pas qu’un excès de procédure entrave un autre droit constitutionnel qui est la protection de la santé. Les réflexions collectives doivent se poursuivre pour faire évoluer au mieux les modalités de soins offertes aux patients.

Dr Michel DAVID
Praticien hospitalier - Psychiatre des Hôpitaux
Vice-président du Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux.
 

Thierry GODOT 06/04/2018 - 11h03

Encore une fois les psychiatres n’ont pas pour vocation et idéal de priver les malades de liberté , de les assassiner…nous ne sommes pas des truands ni des médecins SS
c’est la folie qui les prive de liberté et les psychiatres les libèrent dans la mesure du possible

il n’ a nul crime sans l’intention de le commettre et on ne va pas " chercher " les malades : c’est souvent l’administration , la police, la justice , la société civile qui nous les envoie…tous complices de les livrer à leurs bourreaux alors ?

il faut que les avocats arrêtent de motiver des levées sur vice-de-forme de cet ordre car ne pourrait-on pas les poursuivre pour mise en danger de la personne par obstructions aux soins ?

Summum jus summa injuria !!!
 

André BITTON 05/04/2018 - 19h11

Notez bien qu’en cas d’absence de mention de cet examen médical dans les 24 h de l’admission en hospitalisation sans consentement dans la procédure de contrôle judiciaire à 12 jours, il est possible de demander au JLD qu’il commette une expertise sur la question d’un éventuel substrat somatique aux troubles psychiatriques de la personne hospitalisée.