2017-08-13 Tentative d’hospitalisation psychiatrique sous contrainte

• Pour citer le présent article : https://goo.gl/2yAAgr ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/654

Document du dimanche 13 août 2017
Article mis à jour le 27 août 2020
par  H.F., A.B.

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Témoignage de Mme Eugénie X

12 août 2017.

Tentative d’hospitalisation psychiatrique sous contrainte [1].

Le 5 avril 2016, je me suis rendue avec mon conjoint au CPOA (Centre psychiatrique d’orientation et d’accueil, du CH Sainte-Anne) sur conseil de son médecin traitant, qui lui avait prescrit une consultation en psychiatrie dans le cadre d’un problème de couple que nous rencontrions.

Nous avons du mal à avoir une socialisation satisfaisante car, d’une part, nous devons souvent faire face à l’incompréhension de nos pairs en raison du caractère atypique de notre couple (couple intergénérationnel et mixte), Et d’autre part, je fais moi-même l’objet de nombreuses discriminations, en raison d’un physique semble-t-il atypique. Nous cherchions donc de l’aide pour gérer ces questions.

Nous avons été reçus en matinée par une infirmière dans un coin de la salle d’attente, afin de constituer un dossier administratif qui n’avait aucune valeur thérapeutique. Elle a recueilli certaines informations sur ce qui amenait mon conjoint à consulter. Elle nous a expliqué que le CPOA n’avait pas l’habitude de recevoir des couples, mais que nous serions à titre exceptionnel reçu séparément, puis conjointement, le dossier d’admission ne concernant que mon conjoint : j’étais son accompagnatrice.

Mon conjoint a été reçu et est revenu en salle d’attente absolument catastrophé. Le médecin qui ne m’avait pas encore vue, souhaitait m’hospitaliser sous la contrainte, moi l’accompagnatrice. Mon conjoint ayant refusé d’accéder à sa demande, elle a demandé le numéro d’un proche afin d’avoir l’autorisation d’un tiers…sans même m’avoir consulté. Je ne présentais de menace ni pour moi, ni pour mon entourage. Mon comportement était tout à fait normal et sain. Je jugeais en revanche que le leur était plutôt malsain, car je n’avais même pas été reçue par un psychiatre et que mon sort, sur mon faciès (discrimination ?), était plié.

Sur quel fondement médical la psychiatre s’était-elle basée pour arriver à cette conclusion sans même me voir ? Je l’ignore.

J’ai été reçue ensuite, et je pense que la clarté de mon propos et ma détermination à faire respecter mes droits d’usagère potentielle, ont participé à ce que je ne sois pas immédiatement « hospitalisée sous contrainte ».

Je lui ai expliqué que nous sommes venus à 2, demander de l’aide sur une situation de discrimination dont nous faisions l’objet - vraisemblablement moi plus que mon conjoint - en raison d’un physique atypique et que nous sommes souvent objets de railleries et de moqueries.

La thérapeute m’a alors dit qu’elle souhaitait que je bénéficie de l’aide d’une équipe médicale afin de « prendre de la distance avec cette souffrance ». Je lui ai alors demandé si par « prise de distance », elle sous-entendait « béquille thérapeutique avec prise de médicament ». Elle a acquiescé.

Je lui ai expliqué que je n’étais pas d’accord avec cette façon de faire qui consistait à traiter par la médication les personnes victimes, comme je le suis du fait des dysfonctionnements d’une société qui rejette l’autre parce que différent, au lieu de s’attaquer à la source du problème qui est l’intolérance de plus en plus grande de la société.

Elle m’a répondu qu’elle ne pouvait pas soigner la société, mais en revanche qu’elle pouvait soigner les personnes. Je lui ai alors fait remarquer que sa profession ne pouvait qu’avoir de plus en plus de personnes à soigner car cassées et broyées par cette société.

J’ai pu ressortir sans être inquiétée, mais je me suis rendue compte a posteriori de la violence de la procédure et des manquements de celle-ci :

Je n’ai pas été reçue par un médecin psychiatre avant d’être orientée vers une hospitalisation sans consentement. Une demande d’hospitalisation sous contrainte était-elle déjà en cours me concernant ? Sur quels éléments se sont-ils basés ? Je l’ignore. Je pense que la moindre des choses eut été de me recevoir avant d’en décider. Les choses se sont passées inversement : ils ont vu mon conjoint et lui ont demandé d’autoriser mon internement psychiatrique.

Je réalise que ce traitement peut être infligé à toute personne saine de corps et d’esprit en France, à cette heure-ci. Il suffit qu’une personne malveillante vous entraîne dans ce type de consultation pour que vous retrouviez avec un dossier médical lourd (internement) qui peut vous pénaliser par la suite.

Je souhaiterais envisager quels sont mes droits par rapport à ce qui s’est passé, car je ne voudrais pas que d’autres personnes, ayant moins de chance que moi, subisse le sort qui m’était promis.

Je reste à votre disposition pour toute information complémentaire,


[1La personne qui a rédigé ce témoignage est issue d’une famille originaire d’Afrique noire.