2017-08-10 - Hospimedia • À propos du futur observatoire des soins sans consentement

• Pour citer le présent article : https://goo.gl/BXazZ8 ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/652

Document du jeudi 10 août 2017
Article mis à jour le 28 août 2020
par  H.F., A.B.

Sur notre site de façon connexe : 2017-02-15 - Rapport de la mission d’évaluation de la loi du 27 septembre 2013

Ainsi que : 2017-03-14 Lettre ouverte à la DGS à propos d’un colloque sur les soins sans consentement en Europe


Note introductive et réaction - CRPA

2017-08-10 Dépêche d’Hospimedia.

Cet observatoire futur risque fort de n’être guère qu’une commission Théodule de plus où quelques notables s’auto-conforteront sans résultats probants qui trouvent une traduction concrète sur le terrain. Il aurait été préférable qu’en 2012 nous ayons pu trouver un accord avec la Ligue des droits de l’homme, l’Union syndicale de la psychiatrie et Sud santé sociaux pour embrayer le montage d’un observatoire militant - à l’instar de l’OIP - qui fasse remonter des informations sensibles du terrain même (des établissements psychiatriques) afin d’établir une veille destinée à une due propagande à visée réformiste sur l’abus et l’arbitraire psychiatrique.

Malheureusement le corporatisme et un certain conformisme de gauche l’ont emporté, joint également au fait que les leaders du Collectif des 39 étaient, et sont toujours d’ailleurs, opposés de façon virulente à une quelconque judiciarisation. Or, les abus les plus grossiers commis dans les institutions psychiatriques sur des personnes internées et/ou hospitalisées, et en situation de haute vulnérabilité, doivent être sanctionnés judiciairement, naturellement et bien évidemment.

Le corporatisme a étouffé dans l’œuf une telle possibilité, de la même manière que le carriérisme et l’immobilisme confortables de nombre de soignants de l’époque des mobilisations des années 1960, 70 et 80 contre les asiles d’aliénés ont fait capoter quelque réforme que ce soit en France qui amène à ce que les droits des personnes psychiatrisées sous contrainte soient posés et rendus effectifs. Cf. la réforme ratée du 27 juin 1990 qui a été, pour l’essentiel une modernisation de la loi du 30 juin 1838.

Les soignants politiquement à gauche des anciennes générations assument une responsabilité éminente et singulièrement grave dans un tel état de fait. Singulièrement celles et ceux qui ont été dans l’orbite du Parti communiste français de la belle époque et qui ont participé, avec celles et ceux de position socialiste à geler les réformes humanistes possibles.

Nous en sommes donc à ce qu’un prétendu observatoire des soins sans consentement soit envisagé afin encore une fois, une fois de plus, que des notables s’auto-confortent et publient de temps en temps quelques conclusions fantoches appuyées par des usagers de service aussi fantoches et sous tutelle de l’UNAFAM que possible.

Lamentable spectacle !


HOSPIMEDIA - Psychiatrie. Des points importants restent à éclaircir sur le futur Observatoire des soins sans consentement

Publié le 10/08/17 - HOSPIMEDIA

Source (site internet d’Hospimedia) : http://www.hospimedia.fr/actualite/…
 

Le futur Observatoire des soins sans consentement et des pratiques de contention et d’isolement, dont la création est désormais officiellement annoncée, doit contribuer à un objectif général de moindre recours à ces pratiques. Mais quelles missions exactes seront attribuées à cette nouvelle instance, et avec quels moyens pour les mener à bien ?

Très attendue, la création de l’Observatoire national sur les pratiques d’isolement et de contention semble désormais actée. La mise en place de cette instance était en effet appelée depuis plusieurs années des vœux de nombre d’acteurs-clés de la psychiatrie, parmi lesquels les représentants de la Conférence des présidents de commission médicale d’établissement (CME) de centres hospitaliers spécialisés (CHS), le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), des représentants des usagers, des professions de santé, etc. Cet observatoire apparaît comme l’un des outils essentiels au service de la « politique déterminée de prévention, de réduction et de contrôle de ces pratiques », que veut poursuivre le ministère de la Santé, selon une ambition ré-affichée en mars dernier par la DGOS. Et la mise en place du comité de pilotage (Copil) de la psychiatre, au sein de cette direction, a visiblement permis d’accélérer ce projet.
 

Enjeu de la fiabilité des données observables

Le Copil compte en effet désormais un groupe de travail dédié à la thématique « limitation et encadrement du recours aux soins sans consentement et aux pratiques de contention et d’isolement ». Et comme l’a annoncé la DGOS, la lettre de mission des référents de ce groupe de travail prévoit l’organisation de la mise en œuvre de « l’Observatoire des soins sans consentement et des pratiques de contention et d’isolement, en cours de création ». Son animation est confiée au Copil, « en lien avec les institutions et experts incontournables sur cette question », a annoncé le ministère. Ceci posé, tout (ou presque) reste à définir… Car le champ des questionnements sur les objectifs, les moyens et le périmètre d’action de cet observatoire est large et ne manque pas de soulever des problématiques qu’il faudra résoudre, pour lui donner les moyens de réaliser ses missions. Déjà, si l’on suppose dans un premier temps de manière un peu provocatrice, que l’observatoire se « contente » d’observer, cette tâche va se révéler en soi pour le moins ardue. Car pour bien observer, il faut disposer de données fiables et, dans la mesure du possible, exhaustives ou pour le moins représentatives de la réalité de terrain. Or, comme l’avait signalé une mission parlementaire récente sur les soins sans consentement (lire notre dossier), leurs travaux se sont précisément heurtés à ces problèmes d’exhaustivité et la qualité des données, sur plusieurs aspects des soins sous contrainte en psychiatrie.
 

Existence et qualité du recueil en question

Malgré leurs demandes de chiffrage précis aux ministères concernés (Intérieur, Justice, Santé), les députés avaient ainsi pointé l’absence de statistiques nationales portant par exemple sur la répartition territoriale des modes légaux d’admission, ainsi qu’en particulier, sur les procédures d’admission en soins pour péril imminent. Autre écueil possible : lorsque des statistiques existent, recouvrent-elles tout ou partie d’une réalité ? Si l’on prend le seul exemple de la mise à l’isolement, qui doit désormais figurer obligatoirement dans un registre tenu dans l’établissement de santé, il faut donc, pour des données fiables : que ce registre existe effectivement — ce qui était encore rare début 2017, selon les premières constations du CGLPL — et qu’il soit de surcroît correctement renseigné. Car une autre difficulté s’ajoute, comme l’avait pointé l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), à savoir une possible sous-estimation des situations de mise à l’isolement hors du protocole. C’est-à-dire selon que l’on isole hors chambres d’isolement dûment identifiées. C’est le cas des placements de patients dans des structures intermédiaires qui portent toutes sortes d’appellations : chambres d’apaisement, sécurisées, de soins intensifs, de réflexion, etc. La DGOS a par ailleurs annoncé que le recueil d’informations médicalisé en psychiatrie (RimP) recensera à partir de 2018 les recours à la contention dans les établissements de santé. Mais le RimP est-il bien adapté au recueil des pratiques ? Et sera-t-il correctement renseigné, alors qu’il se trouve encore des professionnels en psychiatrie pour s’opposer à cet outil de recueil, de manière générale ? De plus, en poussant le raisonnement à l’extrême, l’on peut se demander si les établissements ont intérêt à bien recueillir ces données. Un recueil trop zélé ferait ainsi risquer à l’établissement de se retrouver au nombre des « mauvais élèves » des soins sans consentement, par un recours considéré comme trop fréquent à des pratiques désormais directement dans le viseur des tutelles…
 

Des « rails de sécurité » posés par la République

Ces enjeux ont été notamment discutés lors de la journée d’étude européenne du centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé français le 14 mars dernier, au ministère. Une table ronde portait justement sur ce futur observatoire, avant que sa création ne soit officiellement actée. En tant que présidente de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH), Rachel Bocher, a rappelé que les pratiques de soins sans consentement étaient « hétérogènes, au cas par cas, empiriques » et nécessitaient donc des protocoles précis. « Les rails de sécurité posés par la République peuvent être représentés par un observatoire, qui doit répondre au besoin d’éthique autour de ces pratiques », a-t-elle estimé. Elle a envisagé un observatoire national, avec des antennes régionales, et dont la composition serait interdisciplinaire. Ses missions pourraient être diverses : veille bibliographique, lancement d’études épidémiologiques et statistiques, de formation et de recherches, développement d’une culture commune de base sur les soins, etc. Au nom de l’Association des établissements participant au service public de santé mentale (Adesm), Luce Legendre, a exprimé des réserves sur le volet recueil et remontée des informations sur ces pratiques, au niveau du RimP entre autres. « Quid de la collecte au niveau national et régional ou encore du délai de parution des résultats ? », s’était-elle notamment interrogée. Elle avait enfin souligné les enjeux de l’implémentation des bonnes pratiques et de la transmission d’expériences créatives des équipes pour trouver des alternatives aux pratiques de contrainte. Enfin, comme d’autres intervenants, elle a souligné la nécessité de la reconnaissance de l’ensemble des professionnels de la psychiatrie, des usagers et des familles, pour que cet observatoire ait une réelle portée « politique », au sens noble du terme, et permette une observation pertinente au niveau national, mais aussi au niveau local.
 

Un observatoire militant ?

L’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam), par la voix d’Alain Monnier, a souligné à son tour que l’observatoire ne devait pas être un instrument de contrôle. Précisant que l’instance devait être portée par les pouvoirs publics pour la pérennisation, il s’agissait néanmoins que son indépendance soit garantie, notamment vis-à-vis de l’administration. Il a alors imaginé une gestion pluraliste avec participation des usagers, psychiatres, directeurs d’hôpitaux et personnalités qualifiées (sociologie, droit), etc. Le député Denys Robiliard (PS, Loir-et-Cher) a alors souligné que l’accord qui se dégageait sur la nécessité d’observer, « implique des données de qualité, des comparaisons statistiques ». Il a alors rappelé, à l’instar de l’ancien président de la Fédération française de psychiatrie (FFP), Bernard Odier, le rôle important joué par les commissions départementales des soins psychiatriques (CDSP), à condition que les moyens de fonctionner correctement leur soient donnés. Leurs rapports pourraient ainsi être une remontée d’information précieuse pour cet observatoire. Plusieurs intervenants ont également souhaité la présence d’un regard étranger, international, au sein de cette instance. Enfin, comme le député, des voix se sont élevées pour souhaiter que cet observatoire soit « militant ». Qu’il observe mais soit engagé dans ses positions.

Le groupe de travail dédié au sein du Copil a donc la lourde tâche de préfigurer cet observatoire et ses missions exactes. Et la réunion du prochain comité vers la fin septembre devrait permettre d’avancer sur cette question. Pour l’heure, selon nos informations, les référents sur les soins sans consentement travaillent en priorité à la qualité du recueil sur l’isolement et la contention. Au-delà du recensement (quantitatif) précisé par une circulaire DGOS dédiée, ils souhaiteraient élaborer assez rapidement un modèle de recueil des données plus qualitatif (intégrant par exemple les diagnostics, antécédents psychiatriques, etc.), sous forme d’un questionnaire adressé à l’ensemble des établissements de santé autorisés à réaliser des soins sans consentement.

Caroline Cordier

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Vos réactions (3

Michel COMBRET (infirmier en psychiatrie) 11/08/2017 - 12h12

Il peut être intéressant de mettre en place un observatoire des pratiques d’isolement et de contention mais pour remplir sa mission, il faudrait qu’il puisse réaliser des observations participantes. Ayant beaucoup travaillé sur ce sujet, je suis persuadé que l’immersion est le seul moyen pour saisir la réalité du terrain. Par ailleurs, pour véritablement faire régresser ces pratiques, il faudrait se focaliser sur deux des raisons essentielles de leur accroissement. D’une part, le déficit de formation des professionnels de la psychiatrie et, d’autre part, l’idéologie sécuritaire qui est prégnante dans les établissement depuis la fin des années 2000. Enfin, il faut cesser de parler d’alternatives à l’isolement, ce terme renvoie à un choix alors que l’isolement ne doit pas être considéré comme un choix mais comme un dernier recours, à n’utiliser que très exceptionnellement, lorsque les véritables soins en psychiatrie, fondés sur une connaissance fine de la clinique et des méthodes d’accompagnement, ont échoué.
 

Patrick CHEMLA (psychiatre)11/08/2017 - 08h03

Il est étonnant que cet observatoire n’ait pas encore invité ceux qui ont initié une pétition contre la contention et l’isolement ayant recueilli 10000 signatures ( le Collectif des 39), les organisations militantes comme le CRPA et HumaPsy représentantes des usagers, et tous ceux qui sur le terrain s’insurgent réellement contre la montée inexorable de ces pratiques en tout point régressives et reprouvables. La crise actuelle de la psychiatrie exacerbée par les restructurations allant à l’encontre d’une psychiatrie de secteur respectueuse de l’humain risque fort d’exacerber au contraire ces pratiques agressives et défensives à l’égard des patients. Nous attendons toujours une relance nationale de cette politique de la psychiatrie qui encouragerait les initiatives locales au lieu de les décourager pratiquement.

En attendant l’observatoire en question regagnerait de la légitimité en invitant tous ceux qui sur le terrain se passent de telles pratiques, militent contre leur mise en acte dans les services de psychiatrie.

Peut-être n’est-il pas trop tard pour cela ?