2015-12-03 - Inspection d’établissements psychiatriques français par le Comité de prévention de la torture du Conseil de l’Europe

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/ccqrWO ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/524

Document du jeudi 3 décembre 2015
Article mis à jour le 28 août 2020
par  H.F., A.B.

Communiqué du Comité de prévention de la torture du Conseil de l’Europe, 1er décembre 2015 : http://www.cpt.coe.int/documents/fr…

Précédent rapport du Comité de prévention de la torture suite à sa visite d’inspection en France de décembre 2010 (lien)

2013-09-19 C.A. Toulouse • La transformation d’une mesure de SDT en mesure de SDRE contraint à un contrôle JLD

2014-02-14 - La décision du Conseil constitutionnel sur les UMD soulève plus de questions qu’elle n’en résout


Note introductive du CRPA

Paris, le 4 décembre 2015.

Trouvez ci-dessous et en pièce jointe une dépêche d’Hospimedia d’hier, sur la visite d’inspection de la France par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants, du 15 au 27 novembre passé.

Vous observerez que notre association a été la seule association d’usagers en psychiatrie à avoir été auditionnée par la délégation du Comité de prévention de la torture. La FNAPSY qui a été sollicitée par le Comité n’a, semble-t-il, pas répondu à cette sollicitation. Nous avons été auditionnés le dimanche 15 novembre en début de soirée (sur-lendemain des attentats à Paris et à St-Denis du 13 novembre 2015). J’étais accompagné de Mme Yaël Frydman, secrétaire du CRPA.

Nous avons abordé la question des nouvelles unités pour malades difficiles sur la base d’un dossier contentieux dans lequel notre association est intervenue en cours d’instance devant le Conseil constitutionnel (décision QPC du 14 février 2014, sur le statut législatif des UMD), en partant d’une hospitalisation sur décision du représentant de l’État à l’unité pour malades difficiles d’Albi dans le Tarn, laquelle a d’ailleurs été inspectée par le Comité. J’ai conclu à la nécessité de judiciariser le placement dans ces unités.

Nous avons également abordé la question de la mise à l’isolement avec contention, par le biais du dossier personnel d’une de nos adhérentes particulièrement parlant puisque aucune justification médicale digne de ce nom ne figure dans ce dossier qui légitime la mise à l’isolement avec contention que cette personne a subie. Nous avons défendu l’idée que la décision de mise à l’isolement avec contention doit être formalisée par un document administratif écrit et motivé qui puisse être notifié au patient dès la mise à effet de ces mesures, ou tout au moins dès que cette notification est possible en fonction de l’état de santé de la personne. Cette décision écrite devant mentionner les voies de recours. Si ces mesures (d’isolement avec contention) doivent durer plus de 2 à 3 jours (délai à préciser), nous préconisons qu’elles ne puissent être prorogées que sur décision d’un juge des libertés et de la détention à l’issue d’un débat contradictoire. Dès la mise à effet de telles mesures nous préconisons que le patient soit informé qu’il peut faire intervenir un tiers de confiance qui puisse intercéder en sa faveur. Je précise que nous avons fait savoir à la délégation du Comité que notre position de principe s’agissant de la mise sous contention est en faveur de l’interdiction de cette pratique.

Au surplus, mon expérience d’ancien patient au long cours sur le ressort du CHS Perray-Vaucluse en Essonne et sur des dispositifs de secteur dépendant de ce CHS, a été utile puisque la délégation du CPT m’a demandé de faire un comparatif entre la situation psychiatrique telle que je l’ai connue entre 1986 et 1999 en tant que patient, et la situation actuelle telle que je la connais depuis 2000 en qualité de président d’associations d’usagers (le Groupe information asiles jusque fin 2010, le CRPA depuis). Or, incontestablement la situation en psychiatrie s’est durcie.

Vous trouvez également en pièce jointe le texte de mon intervention, pour le compte du CRPA, au congrès du Syndicat des psychiatres des hôpitaux à St-Malo le 1er octobre passé, dans lequel j’avais synthétisé les principaux axes que j’ai développés auprès de la délégation du Comité de prévention de la torture lorsque nous avons été sollicités en septembre passé en vue de cette visite d’inspection.

André Bitton, pour le CRPA.


Dépêche d’Hospimedia, 3 décembre 2015

Hospimedia. Le CHU et le CHS de Toulouse ont été visités par le Comité européen de prévention et de la torture

Publié le 03/12/15 - 13h11 - HOSPIMEDIA - Caroline Cordier.

Source : http://abonnes.hospimedia.fr/articl…
 

2015-12-03 Dépêche d’Hospimedia.

En vue d’un rapport prévu vraisemblablement pour mi-2016, une délégation du Comité européen de prévention de la torture du Conseil de l’Europe a visité en France plusieurs lieux de privation de liberté. Elle s’est rendue à Toulouse, au CHU et au CH Gérard Marchant et a également visité une unité pour malades difficiles à Albi.
 

Une délégation du Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l’Europe a effectué une visite périodique en France du 15 au 27 novembre 2015, informe le comité dans un communiqué du 1er novembre. Elle est la douzième en France et fait partie du programme des visites périodiques prévues pour 2015. Elle n’est donc pas une réaction immédiate aux attentats tragiques survenus à Paris le 13 novembre 2015 et aux événements qui ont suivi, tient à préciser le CPT.

Comme à son habitude, le comité visite des établissements où des personnes sont privées de liberté, ce qui inclut des établissements de santé accueillant des patients recevant des soins sans consentement ou des lieux de soins pour personnes sous main de justice. Lors de cette visite, « la situation des patients hospitalisés sous contrainte dans les établissements psychiatriques a fait l’objet d’une analyse approfondie », signale notamment le CPT. Dans ce cadre, le CH Gérard Marchant de Toulouse (Haute-Garonne), spécialisé en psychiatrie, son unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) et l’unité de soins de longue durée (USLD) Marcel Riser, ainsi que l’unité UF1 pour soins psychiatriques sans consentement du CHU de Toulouse ont été visités. La délégation s’est également rendue dans l’unité pour malades difficiles (UMD) Louis Crocq d’Albi (Tarn).

Parmi ses visites en établissements pénitentiaires, un passage à la Maison d’arrêt de Fresnes (Val-de-Marne) a été effectué, y compris dans le service médico-psychologique régional (SMPR). Sollicité par Hospimedia pour préciser comment s’effectue la sélection des établissements visités, le comité indique choisir en fonction des informations officielles et officieuses de son réseau, en lien avec les représentants institutionnels, professionnels et associatifs des secteurs pénitentiaires, judiciaires et sanitaires. Il peut choisir de revoir des lieux déjà visités pour assurer le suivi de ses recommandations.
 

Un rapport rendu public à partir de la mi-2016

Le communiqué précise que la délégation s’est entretenue avec de nombreux institutionnels, dont Christiane Taubira, ministre de la Justice, et a eu des échanges avec Étienne Champion, directeur de cabinet de la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, ainsi qu’avec d’autres hauts fonctionnaires de ces ministères. De plus, la délégation a rencontré Adeline Hazan, contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), des représentants du défenseur des droits et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) ainsi que des membres d’organisations non gouvernementales actives dans des domaines intéressant le CPT. Selon nos informations, elle a notamment rencontré des associations d’usagers en psychiatrie et a, par exemple, entendu le président du Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie (CRPA), André Bitton. À l’issue de la visite, la délégation - à laquelle ont participé un médecin chef du service de médecine pénitentiaire de l’hôpital du Valais (Suisse) et un psychiatre, ancien directeur de l’Institut universitaire de médecine légale de Genève (Suisse) - a fait part de ses observations préliminaires aux autorités françaises.

Une fois le rapport préliminaire remis au Gouvernement, celui-ci apportera des réponses, commentaires, corrections, éléments supplétifs, etc. Le rapport définitif doit intégrer ces éléments et demande plusieurs mois de préparation. Il doit ensuite être adopté en réunion plénière du CPT et sa publication est soumise à l’autorisation des autorités du pays visité, indiquent à Hospimedia les services du comité. Il pourrait être donc rendu public à partir de la mi-2016 au plus tôt. Une information qu’a confirmé Adeline Hazan aux journalistes, en marge de la 8e journée d’étude psychiatrie et justice organisée par l’établissement public de santé mentale (EPSM) de l’agglomération lilloise (lire ci-contre).

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Intervention à une table ronde du Congrès du SPH, St-Malo, 1er octobre 2015

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CRPA - Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la psychiatrie
Association régie par la loi du 1er juillet 1901 | Réf. n° : W751208044
Président : André Bitton.
Pour nous joindre.
 
André Bitton, Paris, le 28 septembre 2015.

2015-10-01 Intervention pour le CRPA à une table ronde du Congrès du SPH.

A propos d’une visite d’inspection en France fin 2015 du Comité de prévention de la torture du Conseil de l’Europe

Quatre ans après la réforme du 5 juillet 2011 sur les soins psychiatriques sans consentement, qu’en est-il ?
 

J’ai été sollicité, en qualité de président du CRPA, début septembre passé par le Comité de prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants du Conseil de l’Europe, en vue d’une visite d’inspection de certains sites d’enfermement français que cet organisme va faire à la fin de cette année. Ma réponse a porté sur les points suivants.
 

1. Sur les contrôles judiciaires des hospitalisations sans consentement

Ce qui va mieux qu’à la fin de l’année 2010 lors de la dernière visite en France du Comité de prévention de la torture du Conseil de l’Europe, en ce qui concerne les droits des personnes soumises à des mesures de contrainte psychiatrique c’est que, tout au moins sur le terrain juridique, nous sommes passés en 5 ans d’une quinzaine de personnes actives et d’une dizaine d’avocats compétents sur ce terrain à plusieurs centaines d’avocats actifs, si l’on prend en compte les avocats qui se sont formés plus ou moins efficacement sur ce terrain à travers le pays depuis l’entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 2011. Je parle ici des avocats qui ne se contentent pas de pointer dans une sorte de permanence pénale bis, dans laquelle ils font juste acte de présence, mais de ceux qui s’efforcent de faire leur travail de défenseur, et qui déposent des conclusions où ils déploient des moyens de droit.

Ce qui va mieux qu’il y a 5 ans, c’est l’essor de la jurisprudence qui ouvre plus de possibilités qu’on en avait avant, de par notamment l’unification du contentieux des soins sous contrainte qui a été introduite en avril 2011, lors d’une navette au Sénat du projet de loi sur les soins sans consentement, par un amendement du sénateur Jean-René Lecerf (UMP), et qui est rentrée à effet au 1er janvier 2013. Ainsi que de par la représentation obligatoire par avocat dans les contrôles de plein droit, introduite par le député Denys Robiliard dans le cadre de la loi du 27 septembre 2013 réformant partiellement la loi du 5 juillet 2011.

Quoiqu’il en soit, on constate à travers le pays en matière de contrôle judiciaire des mesures de soins psychiatriques sous contrainte, des dysfonctionnements judiciaires béants. Ainsi de juges des libertés et de la détention et de magistrats d’appel, en nombre relativement conséquent qui refusent de faire leur travail de contrôle de légalité sur les hospitalisations psychiatriques sans consentement, et qui rejettent tout examen des nullités. Je prends pour exemple la juge des libertés et de la détention de Grenoble qui était en fonction l’été 2014, alors même que le CHS de St-Egrève, en Isère, fait à peu près n’importe quoi, ce qu’elle refusait d’envisager. On constate également des avocats en nombre très conséquent qui viennent des permanences pénales, qui se contentent de faire de la figuration et qui se refusent de faire un quelconque travail de défense des droits des personnes hospitalisées sous contrainte digne de ce nom. Certains magistrats parisiens, ou de Créteil - la juridiction de Créteil couvre l’unité pour malades difficiles Henri Colin du groupe public de santé Paul-Guiraud-Villejuif - d’après ce que des avocats commis par leurs barreaux respectifs m’en ont dit, interdisent aux avocats de soulever des nullités, ou comble (!) demandent aux avocats qui remettent des conclusions (qui sont d’ailleurs très minoritaires), de retirer leurs conclusions en nullité, pour ne pas avoir à faire droit aux moyens soulevés…

Un avocat compétent et efficace avec lequel j’ai eu contact s’est retrouvé sur le ressort de la Cour d’appel de Dijon, avec une saisine de son Bâtonnier par le magistrat conseiller de la Cour d’appel opérant les contrôles des hospitalisations sans consentement, parce qu’il soulevait des nullités telles que des mainlevées devenaient obligatoires au plan juridique… Parce que faisant son travail il a été déféré pour rappel à l’ordre devant son Bâtonnier…

D’ores et déjà il est apparu que des professionnels des professions judiciaires tendent à saborder la loi du 5 juillet 2011 sur son versant judiciaire favorable aux droits des internés, parce qu’à la base ils étaient opposés à une quelconque judiciarisation des hospitalisations sans consentement. Certains juges transforment le contrôle obligatoire des mesures de soins sans consentement en autant d’occasions pour tendre à incriminer les patients lors des audiences de contrôle, alors qu’à la base ces audiences ont été conçues en faveur des patients, pour que ceux-ci puissent parler et se faire entendre. On voit ainsi des magistrats se servir du casier judiciaire dans le cadre de ces contrôles pour mieux incriminer les patients dont la mesure est contrôlée…

Cela sans parler du sabordage de cette loi par certaines équipes hospitalières qui rejettent depuis le début une quelconque judiciarisation des hospitalisations sans consentement.

Pour le reste, le tableau de l’hospitalisation et des soins psychiatriques sans consentement reste à peu près ce qu’il était fin 2010, lors de la dernière visite du Comité de prévention de la torture du Conseil de l’Europe, si l’on excepte l’instauration des mesures de soins péril imminent, et des programmes de soins qui tendent à modifier de plus en plus nettement le paysage des soins sans consentement.
 

2. Les Unités pour malades difficiles et la gestion disciplinaire de certains patients

La multiplication des unités pour malades difficiles (UMD) pose un authentique problème en ce qui concerne les droits fondamentaux des personnes internées en soins sans consentement. Ainsi de l’envoi facilité dans de telles unités spéciales, de jeunes gens plus ou moins adeptes des stupéfiants, pour des motifs parfois légers, qui pose question. De même le fait que si le ratio personnels/patients en Unité pour malades difficiles est de 6 personnels pour un patient (autant que j’ai pu savoir), ce ratio tombe aux alentours de 1 personnel pour 1 patient en établissement psychiatrique classique (toujours d’après ce que j’ai pu glaner comme informations)… C’est-à-dire que ces patients ont intérêt à se montrer violents et perturbateurs pour avoir quelque chance d’intéresser leur environnement soignant… Ce qui est un comble.

J’ai indiqué dans ma réponse au Comité de prévention de la torture que les unités pour malades difficiles Henri Colin, du CH Paul-Guiraud Villejuif, et d’Albi (Tarn, 81), me sembleraient à inspecter. Pour celle de Villejuif, le conflit qui a opposé Sud Santé Sociaux et la commission médicale d’établissement de cet hôpital, à l’ancien directeur de l’établissement, a -t-il eu des effets délétères sur la gestion de cette UMD ou bien au contraire ce conflit a–t-il permis que des choses se disent ?…

Qu’en est-il de l’usage disciplinaire des nouvelles unités pour malades difficiles, vu l’ouverture de 5 nouvelles UMD depuis 2011 ? Qu’en est-il également de la multiplication des USIP (unités de soins intensifs psychiatriques) ? Que dire des traitements médicamenteux punitifs, ou de la tendance massive à médiquer, point… ?
 

3. A propos des programmes de soins ambulatoires sous contrainte

Une de nos adhérentes placée sous mesure de soins sur décision du représentant de l’État dans le service psychiatrique de secteur de l’hôpital général de Meaux, entre mai 2013 et janvier 2015, a été mise à l’isolement vingt jours de suite dont les six premiers jours sous contention, lors de son admission… Elle ne présentait pourtant aucun risque. Elle a été ensuite « recrutée » dans la file active des patients suivis en ambulatoire sous contrainte, en direction d’une perpétuité. Nous avons dû donner une saisine volontaire du juge des libertés et de la détention de Meaux, qui a ordonné le 8 janvier 2015 la mainlevée du programme de soins ambulatoire sous contrainte, sous mesure préfectorale, que cette jeune femme subissait depuis le mois de mars 2014. Il était hors de question pour la psychiatre hospitalière qui la suivait de demander dans un certificat médical mensuel de situation, en direction de la Préfecture de Seine-et-Marne, la levée cette mesure de contrainte ambulatoire alors même que cette psychiatre écrivait dans ces certificats mensuels que cette patiente était compliante, calme et avait des projets.

Pour quelles raisons de fond cette situation était-elle maintenue en l’état ? Nous n’en savons rien. Nous l’apprendrons peut-être en cours d’instance indemnitaire devant le TGI de Paris lorsque le contentieux en demande d’indemnisation sera introduit. Tout cela d’ailleurs alors même que cette jeune femme avait fait au contact de notre association depuis avril 2014, de nets progrès. Cette patiente est actuellement suivie par un psychiatre privé, en ville, éœurée d’avoir été vue comme tout juste bonne pour être piquée aux neuroleptiques une fois par mois, dans le cadre d’un exercice de la psychiatrie s’apparentant plus à une technique vétérinaire qu’à une prise en charge digne de ce nom.
 

4. A propos du Contrôle général des lieux de privation de liberté  [1]

Enfin, en réponse à la sollicitation du Comité de prévention de la torture, j’ai également joint à cet organisme du Conseil de l’Europe la lettre de saisine que j’avais rédigée à l’attention de Mme Adeline Hazan, Contrôleure général des lieux de privation de liberté, que nous avions vue en rendez-vous le 15 décembre 2014, avec le trésorier du CRPA. Certes lors de ce rendez-vous, Mme Adeline Hazan nous avait écoutés attentivement mais, à ma connaissance, aucune suite n’a été donnée par elle-même et son service, aux demandes d’inspection que nous avions formulées visant 5 sites psychiatriques distincts et indiquant des pistes de réflexion. En effet, Mme la Contrôleure générale a, pour l’essentiel, pratiqué depuis un an, de multiples auditions des acteurs du terrain psychiatrique français, sans – pour autant qu’on sache - mettre en place des inspections de sites psychiatriques problématiques. Si bien que, dans l’ensemble, nous en restons aux rapports des visites de contrôle opérées par le précédent Contrôleur général, M. Jean-Marie Delarue.

Il est à craindre d’ailleurs, que le Contrôle général des lieux de privation de liberté soit actuellement en train de se faire neutraliser, au plan de son efficacité, notamment par le président de la Conférence des présidents des Commissions médicales des établissements psychiatriques, le Dr Christian Muller, qui se livre à un lobbying intensif et qui prône entre autres, l’ouverture de nouvelles unités pour malades difficiles (UMD), afin d’assurer une meilleure couverture géographique dans certaines provinces, ainsi qu’une politique de santé mentale qui permette d’obtenir une meilleure observance de leur suivi psychiatriques par les populations visées, c’est-à-dire en fait essentiellement un assujettissement médicamenteux toujours plus poussé, des populations concernées, essentiellement en ambulatoire.

Cette crainte est fondée quand on lit, par exemple, dans le rapport annuel 2014 du Contrôle général des lieux de privation de liberté, que la mise en chambre d’isolement qui est souvent accompagnée d’ailleurs d’une mise sous contention physique des patients, ne fait guère qu’engendrer de l’angoisse (page 9 du cahier 5 du dossier de presse synthétisant le rapport 2014 du CGLPL). Il s’agit donc ici de pratiques simplement anxiogènes, selon les termes de Mme la Contrôleure générale, alors que force est de se rendre compte qu’il s’agit bien de pratiques qui, telles qu’elles sont mises en œuvre, et telles qu’elles ont été systématisées dans certains sites psychiatriques depuis une dizaine d’années, violent les droits fondamentaux des personnes, et sont en fait des traitements inhumains et dégradants. Voir entre autres, un arrêt récent de la Cour européenne des droits de l’homme, du 19 février 2015, contre la Croatie à propos d’une mesure de mise à l’isolement et sous contention de 15 heures de suite injustifiée au plan médical, qui a été statuée par la Cour comme un traitement inhumain et dégradant (requête n°75450/12, M.S. C/Croatie, 19 février 2015).

Cette neutralisation tendancielle du Contrôle général des lieux de privation de liberté m’a donc amené à ressaisir le Comité de prévention de la torture du Conseil de l’Europe, du dossier dont nous avions saisi le Contrôle général lors de notre rendez-vous du 15 décembre 2014, puisque si nous avons été écoutés, visiblement nous n’avons pas été entendus. Nous n’avons pas, à ce jour, connaissance de suites qui aient été données aux demandes de contrôle que j’ai pu formuler lors de ce rendez-vous.
 

Je conclus sur le fait qu’il serait de loin préférable que les instances de contrôle nationales des mesures d’hospitalisations sans consentement, soient efficaces et effectives, plutôt qu’on en soit réduit à multiplier les saisines d’organes de contrôle supra nationaux. Mais telle est la situation en France où les soins psychiatriques sans consentement ne sont pas régulés par une volonté politique ou administrative de limiter l’usage de la contrainte, mais bien pour l‘essentiel par le contentieux. Situation française où le contrôle judiciaire systématique des hospitalisations sans consentement a été introduit par les pouvoirs exécutif et législatif, sous la contrainte de décisions du Conseil constitutionnel saisi dans le cadre de certains de nos contentieux.


[1Rectificatif. Juste après mon intervention le 1er octobre 2015, au Congrès du syndicat des psychiatres des hôpitaux, Mme Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, a répondu sur le dernier point de mon intervention, que ses équipes faisaient trois visites d’établissements psychiatriques par mois, contre deux visites de contrôle d’établissements pénitentiaires. Cette information, d’ailleurs précieuse, corrige certaines de mes affirmations sur ce qui me semblait être une neutralisation du rôle du Contrôle général des lieux de privation de liberté.