2015-08-31 La systématisation du contentieux de l’internement psychiatrique par le Groupe information asiles (GIA)

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/UQZaZ4 ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/520

Document du lundi 31 août 2015
Article mis à jour le 11 avril 2023
par  H.F., A.B.

Sur notre site : 2014-01-29 Sur Wikipedia, un article synthétisant l’histoire du Groupe Information Asiles (GIA), de 1972 à 2010

Ainsi que : 2011-10-05 Radio Libertaire, émission Ras les murs animée par Jacques Lesage de la Haye

2010-11-11 - Sur les événements qui ont rendu nécessaire la fondation du CRPA

2016-01-15 - Thèse • Systématisation de la judiciarisation des hospitalisations sous contrainte : impact de l’action du GIA

Pour retrouver cet article dans l’édition participative « Les contes de la folie ordinaire », sur Mediapart : http://blogs.mediapart.fr/edition/c…

Sur la rubrique jurisprudence du site internet du GIA (années 1990 à 2000), cliquer sur ce lien

2019-09-25 - Un récapitulatif sur le blocage des réformes dans la psychiatrie française


CRPA - Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la psychiatrie Association régie par la loi du 1er juillet 1901 | Réf. n° : W751208044
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André Bitton [1], Paris, le 31 août 2015
 

2015-08-31 La systématisation du contentieux de l’internement psychiatrique par le Groupe information asiles (GIA).

Note liminaire. Je publie cet article sur l’Internet, alors qu’il m’a été initialement commandé par un sociologue du programme interdisciplinaire « Contrast », pour un numéro spécial de la Revue de droit sanitaire et social (RDSS) sur la liberté d’aller et de venir. J’ai préféré couper court à toute discrimination que je pourrais subir dans le cadre de cette revue, sur mon absence de statut social et sur ce qui a été mon ancienne situation de personne handicapée sur motif psychiatrique, et refuser cette proposition de publication.
 

Exergue : « La psychiatrie est tout sauf une science. Sauf à dire qu’elle est une science de la répression. » Philippe Bernardet [2] , lors d’une réunion du Groupe information asiles (GIA), au printemps 1990 .

I. - Introduction

Il faut préciser que c’est l’action juridique systématique du Groupe information asiles (GIA), essentiellement de par les rédactions bénévoles et le leadership de Philippe Bernardet, ainsi que le fait que cette action ait pu essaimer, qui ont conduit au versant judiciaire de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques. Cette loi, prise sur un projet de réforme Gouvernemental initial hostile à toute judiciarisation et déposé le 5 mai 2010 à la présidence de l’Assemblée nationale, a en effet judiciarisé partiellement l’hospitalisation sans consentement, du fait d’une décision du Conseil constitutionnel no 2010-71, Mme Danièle A., du 26 novembre 2010.

Cette jurisprudence constitutionnelle est une décision prise sur une question prioritaire de constitutionnalité, à partir d’une contestation en légalité formelle, devant la juridiction administrative, d’une hospitalisation sur demande d’un tiers. C’est cette décision qui a contraint le Gouvernement de Nicolas Sarkozy à modifier son projet de loi initial, sur une lettre rectificative du Ministère du travail, de l’emploi et de la santé, du 26 janvier 2011. Il faut observer que les conclusions de la question prioritaire de constitutionnalité à la base de la décision du 26 novembre 2010 du Conseil constitutionnel, ont été l’œuvre d’une scission du GIA en date de novembre 2000, l’Association française contre l’abus psychiatrique (AFCAP) [3]. Le Groupe information asiles intervint volontairement dans cette instance renforçant ainsi les arguments de la requérante principale qui était une ancienne adhérente du GIA, par des conclusions d’intervention rédigées par Me Corinne Vaillant.

La question se pose de savoir pour quelles raisons et selon quelles étapes le Groupe information asiles décida de systématiser le contentieux de l’internement psychiatrique qui, avant les années 80, n’était pas développé. En effet entre les premières années de la loi du 30 juin 1838, et le début des années 1980, soit en plus de 140 ans (!), on ne compte guère que quelques dizaines de décisions judiciaires concernant le champ de l’internement psychiatrique et seulement une poignée de décisions qui frayent un début de jurisprudence. Autant dire qu’on se trouve au début des années 1980 devant un désert jurisprudentiel.

Au contraire, et du fait de l’action pionnière systématique du Groupe information asiles, entre le début des années 1980 et la fin des années 2000, ce terrain juridique qui est expérimental, connaît environ un millier de décisions juridiques diverses, faisant droit à des requêtes d’internés ou d’anciens internés ayant saisi les juridictions de l’arbitraire des mesures qu’ils ont subies. Ces décisions recouvrent surtout des contentieux a posteriori en annulation des décisions de placements psychiatriques devant les juridictions administratives, mais aussi quoiqu’en nombre moins important des décisions de sortie immédiate d’internement psychiatrique, des décisions indemnitaires devant les juridictions civiles, ainsi que des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme.

Précisons encore qu’entre 1988 et 2007, période durant laquelle Philippe Bernardet systématise la saisine de la Commission européenne des droits de l’homme en matière d’internement psychiatrique arbitraire, tout d’abord dans le cadre du Groupe information asiles, puis à partir de cette association, on compte plus d’une cinquantaine de condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l’homme. La France est ainsi, à la fin des années 2000, l’État européen le plus condamné, en matière d’internement psychiatrique arbitraire, par la Cour de Strasbourg.

C’est l’histoire de cette lutte pionnière, essentiellement juridique mais au fond très politique, que j’essaye de synthétiser dans cet article.
 

II.- Les années héroïques : l’après mai 68

Une citation de la brochure programmatique, « Psychiatrie, la peur change de camp », publiée en octobre 1973 par le Groupe information asiles (GIA), alors formé essentiellement de soignants en psychiatrie en dissidence avec leur corporation, donne une idée de ce qui se passe dans l’après mai 68, sur le terrain de l’internement psychiatrique :

« Un silence incroyable, véritablement scandaleux, règne sur l’ensemble de l’appareil asilaire. Un silence sans comparaison possible avec celui qui est imposé aux autres institutions totalitaires de la société capitaliste. (…) La loi [du 30 juin 1838 sur l’enfermement des aliénés] ne lutte pas contre la maladie mentale, mais contre les malades mentaux. Le GIA lutte pour l’abrogation de cette loi. (…) Nous croyons que le recours au tribunal peut cristalliser, à un moment donné, un rapport de force et que le juge peut céder (cf. affaire L.) ». Il est ici question de l’affaire de l’internement abusif de Mme Lavable en février 1973 au CHS Perray-Vaucluse (Essonne), qui fut la première affaire d’internement arbitraire portée par le GIA devant les juridictions. Cette affaire fut tranchée en 1975 par une condamnation indemnitaire de l’État.

Au contraire du GISTI (Groupe d’information et de soutien aux travailleurs immigrés), initié en 1972, dans la lancée du Groupe d’information sur les prisons (GIP) formé en février 1971, le Groupe information asiles (GIA) connaît un début problématique et conflictuel. Le GIA des années 1970, dites ici « années héroïques », est pris entre l’hégémonie de la parole des professionnels du champ psychiatrique qui ont toute la visibilité politique et médiatique de cette période antipsychiatrique, et la difficile émergence d’une parole propre aux patients psychiatriques vus en tant que « psychiatrisés en lutte », selon le titre de l’organe de presse du GIA entre 1975 et 1979 [4].

Précisons qu’il n’existe à l’époque en France aucune organisation de patients psychiatriques. Les personnes psychiatrisées n’ont tout simplement pas la parole. Le rôle pionnier du GIA est précisément d’organiser et de rendre audible une parole des internés et d’anciens internés en psychiatrie, en tant que parole libre, sur le registre contestataire. Précisons encore que la France, au contraire d’autres pays d’Europe, ne connaîtra de développement d’associations de patients psychiatriques en tant que telles, qu’à partir de la fin des années 1990 lors de l’officialisation de la FNAP PSY (Fédération nationale des associations de patients et d’ex-patients des services de psychiatrie), en 1996, un quart de siècle après le lancement en 1972 du Groupe information asiles (GIA). C’est dire qu’en France, la prise de parole des personnes connaissant, ou ayant connu, l’internement psychiatrique et les traitements psychiatriques sous contrainte, se fera de force, par le biais d’une contestation radicale des institutions psychiatriques et de la psychiatrisation des populations, celle du GIA ou de Marge (mouvement anarchiste autonomiste des années 1974 à 1978 [5]), mais ne se fera pas de gré. Cette prise de parole se développera au plan juridique par le biais de la problématique de l’internement abusif, au travers de la systématisation du contentieux par le Groupe information asiles de l’internement arbitraire. On doit donc au réalisme de constater que les patients psychiatriques en France se font entendre de façon autonome, tout d’abord par le biais de la problématique de l’internement arbitraire.

Évacuer ou mettre de côté cette problématique de l’émergence de la parole des usagers en psychiatrie, c’est faire une erreur, qui a été fréquemment commise. Cette erreur d’optique permet surtout, précisons-le, d’évacuer le fait que cette prise de parole des patients psychiatriques s’est faite, dans ces années de l’après mai 68, de façon conflictuelle, sur le mode contestataire, anti-institutionnel et contre les professionnels du champ psychiatrique. Un exemple de cette erreur d’optique, qui tient d’ailleurs du programme politique, se lit dans l’ouvrage du Dr Guy Baillon, psychiatre, médecin chef retraité, publié en 2009 [6], où cet auteur développe la thèse selon laquelle les mouvements de patients psychiatriques en France trouvent leur origine dans les clubs thérapeutiques développés par les courants de la psychothérapie institutionnelle. Cela alors même que les dirigeants de ces structures, n’ont nullement considéré que ces clubs devaient être autogérés par les patients eux-mêmes ; Guy Baillon faisant ainsi l’impasse sur la période fondatrice et conflictuelle de l’après mai 68.

On comprend mieux ainsi que la revendication de la judiciarisation de l’hospitalisation sans consentement ait été portée par le GIA dès 1979, et de façon plus systématique à partir de 1982 où cette revendication devient un thème programmatique essentiel de cette association. On comprend aussi que cette thématique, et cette revendication, de la judiciarisation pleine et entière du placement d’office, avec débat public et contradictoire, n’ait pas été portée par des professionnels de la psychiatrie, si antipsychiatriques qu’ils aient pu être, mais bien par le GIA, sous les arguments et les rédactions de Philippe Bernardet, sur le fond de l’expérience qu’acquiert progressivement le Groupe information asiles du contentieux de l’internement psychiatrique arbitraire.

Précisons encore, pour clarifier ce sujet que la première proposition de réforme de l’internement psychiatrique dans le sens d’une judiciarisation, formulée par le Groupe information asiles, date du 2 mars 1982. Elle est émise par le GIA, pour un texte de synthèse coordonné par le Dr Bernard Chouraqui, psychiatre [7], dans le cadre de la mission confiée par le Ministre de la santé communiste M. Jack Ralite, au Dr Jean Demay, lui-même psychiatre au CHS Charles-Perrens de Bordeaux, afin d’envisager une réforme de la loi du 30 juin 1838. Le GIA dans cette proposition de réforme prône l’abrogation du placement volontaire (actuelle mesure de soins sur demande d’un tiers), et la judiciarisation du placement d’office, avec comparution du futur interné devant la première chambre civile du tribunal de grande instance couvrant l’établissement d’accueil statuant en formation collégiale, et organisation d’un débat public et contradictoire. Cette comparution devant se faire après un maximum de quatre jours de garde à vue préalable. La décision de placement judiciaire étant renouvelable au bout de trois mois selon les mêmes modalités que la décision judiciaire initiale. Cette proposition sera reprise et systématisée en mai 1989, par le GIA, sous la rédaction de Philippe Bernardet en tant que contre-proposition par rapport au projet de loi du Ministre Claude Evin, déposé à la présidence de l’Assemblée nationale en novembre 1989, en même temps que « Les dossiers noirs de l’internement psychiatrique » de Philippe Bernardet étaient publiés chez Fayard [8].

On comprend sans doute mieux également par ce prisme, la difficile éclosion en France des organisations de patients psychiatriques, à partir du début des années 1990 [9], et leur développement très surveillé, sous la tutelle des pouvoirs publics et des institutions psychiatriques, dans la décennie 2000. On observera néanmoins que dans ce même laps de temps le GIA était brocardé, mis à l’index et combattu en tant que regroupement de « paranoïaques quérulents, processifs, procéduriers ». L’ironie de l’histoire, qui est loin d’être anodine, veut que si la France connaît depuis la loi du 5 juillet 2011 une judiciarisation de l’hospitalisation psychiatrique sans consentement, c’est précisément dû à l’activisme de ces mêmes paranoïaques procéduriers que nous avons pu être. Je précise ce point car je pense qu’il est important qu’on se rende compte de l’atmosphère conflictuelle dans laquelle tout cela s’est fait et du fait qu’il y a bien là, précisément, une part essentielle de l’histoire réelle des mouvements de patients en psychiatrie en France.

On doit préciser aussi, à ce stade du développement de l’histoire de ce mouvement, que dans l’ensemble des publications de base du GIA, durant les années 1970, le constat que les personnes internées en psychiatrie n’ont aucun droit, sont privées de liberté sans aucune possibilité de débat contradictoire, et donc sans droit à la défense, est une constante. Le constat de cet état de fait, révoltant en soi, est à la base du développement de l’action juridique du Groupe information asiles. Les premiers contentieux lancés par le GIA le sont précisément afin que soit instauré un débat contradictoire, devant une juridiction, aussi public que possible, qui permette d’affirmer la situation de non-droit des personnes psychiatrisées, et le fait que les textes eux-mêmes de la loi du 30 juin 1838 sur l’enfermement des aliénés, ne sont même pas respectés par l’administration préfectorale, les psychiatres hospitaliers et leurs équipes.

Dans cette perspective, afin de crédibiliser une telle action, ce sont les dossiers d’internements abusifs qui ont d’emblée une priorité politique et tactique pour le GIA, puisque ces affaires permettent d’affirmer l’existence d’internements psychiatriques abusifs alors qu’une telle affirmation est combattue et déniée par les détenteurs du pouvoir institutionnel pour qui l’accès légitime aux soins des malades mentaux (ou étiquetés tels), efface tout autre considération. Les affaires d’internements abusifs permettent par ailleurs d’opérer des médiatisations, à travers lesquelles il devient possible de dénoncer publiquement l’arbitraire structurel de la psychiatrie institutionnelle. Cet arbitraire qui fait dire au GIA que « tout internement est arbitraire » [10], ce que défend aussi bien le Dr Lucien Bonnafé, psychiatre, tête de pont communiste du courant désaliéniste, et promoteur de la sectorisation psychiatrique en tant qu’alternative à la logique asilaire. Pour être exact, le Dr Lucien Bonnafé dit ce qui suit : « C’est l’internement qui est arbitraire dans son principe ». Mais là où le GIA en conclut qu’il faut certes abroger la loi de 1838 mais qu’il faut également judiciariser l’internement psychiatrique afin que le droit commun s’applique, le Dr Bonnafé et ses partisans concluent au contraire que toute législation spécifique au champ psychiatrique ne pourrait qu’être une loi d’exception et qu’il importe de laisser tomber en désuétude la loi de 1838, en développant les alternatives par un développement de la sectorisation qui participe d’un changement radical des mentalités. Pour le Dr Lucien Bonnafé, le seul texte législatif acceptable en la matière serait de promulguer : « La loi du 30 juin 1838 est abrogée. » [11].

C’est dans ce contexte qu’en 1974 est initiée par le GIA une commission juridique nommée « Commission Internement et loi de 1838 » [12], qui sera une des commissions de ce mouvement, avec la Commission médicaments, et celle portant sur l’ergothérapie [13]. Cette commission loi de 1838, dont l’action sera systématisée en 1976, se donne d’abord comme tâche essentielle « … l’étude critique de la loi [du 30 juin 1838] régissant actuellement les internements afin d’établir les bases d’une nouvelle forme d’action en matière de contestation des placements en hôpital psychiatrique. »

Notons d’ailleurs que, pour le GIA, il s’agit de collectiviser les recours, et non de former un corps de spécialistes du droit agissant en dehors de la mobilisation militante. En effet, la mobilisation du GIA tend à l’organisation des psychiatrisés eux-mêmes, en ce que seules les personnes concernées elles-mêmes par l’abus et l’arbitraire psychiatrique, les patients eux-mêmes, sont, pour le GIA, susceptibles d’apporter un regard neuf et révolutionnaire sur le champ psychiatrique, en dehors des enjeux corporatistes de carrière et d’écoles qui marquent ce champ au niveau des professionnels. Ainsi l’action juridique du GIA va se faire selon des analyses et des actes bénévoles, préférentiellement à des productions procédurales d’avocats. Notons encore que la jurisprudence sur le champ de l’internement psychiatrique étant inexistante, ce terrain étant marqué d’un éclatement des compétences entre la juridiction administrative et celle judiciaire, qui le complexifie d’autant, il ne sera investi que très tardivement par les Barreaux. Le GIA collabore au long des actions contentieuses qu’il déclenche ou auxquelles il se joint, durant les années 1970, avec quelques avocats militants sensibilisés à ces questions. Parmi ceux-ci, on peut citer Mes Didier Villatte, Christian Revon, ou Anne Darmstädter, qui sera la maîtresse de stage de Me Corinne Vaillant au début des années 1980, celle-ci devenant l’avocate du GIA au long des années 1980 et 1990, dans le cadre du développement systématique de la jurisprudence sur ce terrain.

Au plan technique cette commission Internement – loi de 1838 est, d’après les documents en ma possession, essentiellement animée, entre 1974 et 1979, par Philippe Bernardet d’une part (celui-ci est à l’époque étudiant salarié), mais aussi par M. Paul Peguin, conseiller juridique retraité, qui a subi un internement d’office abusif de quatre mois entre décembre 1970 et avril 1971, au CHS Sainte-Anne, dans le cadre d’un conflit de voisinage et de copropriété. C’est M. Paul Peguin, en tant que juriste, qui fera réaliser à Philippe Bernardet et aux animateurs du GIA, lorsque son affaire passera en audience devant le Tribunal administratif de Paris en 1976, qu’il fallait en passer par les arcanes de la juridiction administrative seule compétente pour statuer sur des illégalités de droit formel, telle l’absence de motivation d’un arrêté préfectoral de placement d’office, ou le caractère insuffisamment circonstancié d’un certificat médical de placement volontaire. C’est aussi M. Paul Peguin, connaissant du droit en tant que juriste retraité, qui soulignera que la loi du 30 juin 1838, qui a instauré en France un régime d’internement psychiatrique purement administratif, est inconstitutionnelle, vu l’article 66 de la Constitution de la 5e république, qui fait du juge judiciaire le garant des libertés individuelles. Ce même article 66 de la Constitution prohibe au surplus toute détention arbitraire. M. Paul Peguin développe ces arguments lors de l’audience concernant son internement abusif devant le Tribunal administratif de Paris du 16 septembre 1976, où il plaide sa cause sans avocat [14].

C’est au demeurant au long de cette même année 1976 qui voit aboutir certains recours initiés ou soutenus par le Groupe information asiles, que la volonté de systématiser le contentieux en matière d’internement psychiatrique devient un programme d’action princeps du GIA. Citons à cet égard les pages 54 et suivantes de la brochure du GIA de 1977, « La psychiatrie devant les tribunaux » qui signe le tournant juridique du Groupe information asiles :

« Dans l’introduction de cette brochure nous avons vu qu’il était nécessaire d’utiliser la loi de 1838 si nous voulions la détruire. Les actions menées en ce sens à l’occasion des affaires Peguin, Burmann, Blériot, relatées ici, ne sont qu’un premier pas de l’offensive préparée par le GIA depuis les affaires Lavable et Durcin en 1973. Il s’agit maintenant de développer l’attaque en suscitant des recours massifs et coordonnés, recours visant à obtenir une sortie par voie de justice ou attaquant, après la sortie, les mesures d’internement dont on a été l’objet (…) ».

Le n° 18-19 de « Psychiatrisés en lutte », daté janvier – juin 1979, est consacré pour l’essentiel à une critique au vitriol de la proposition de loi du sénateur radical socialiste Henri Caillavet, de septembre 1978 qui, eu égard à la nouvelle législation italienne (loi 180 de 1978, dite « Loi Basaglia »), propose une judiciarisation de l’internement psychiatrique, sous le contrôle de psychiatres experts, dans les mains du président du Tribunal d’instance, lequel est aussi juge des tutelles. A l’occasion de ce numéro de Psychiatrisés en lutte, le GIA formalise sa revendication d’une judiciarisation du placement d‘office avec un débat public et contradictoire. L’association présente également un bilan des recours contre les internements arbitraires dont le groupe a connaissance et auxquels il participe. Sur une trentaine de noms et d’affaires distinctes, Philippe Bernardet – qui est le rédacteur principal de la série des Psychiatrisés en lutte, dont il est le rédacteur en chef – prend soin de préciser que seules dix-sept de cette trentaine d’affaires se sont développées en lien avec le Groupe information asiles. Il précise encore que, dans les mois qui suivent, une quinzaine d’autres recours seront déposés.
 

III. - Les contentieux expérimentaux de la Commission juridique du GIA : 1982 –1992

On voit donc clairement s’affirmer dès 1976 la programmation d’une action contentieuse systématique destinée d’une part à développer une jurisprudence inexistante ou très peu affirmée, et d’autre part à emboliser le système de recours, de sorte que l’accumulation de décisions de justice positives diverses concernant des internements psychiatriques, finisse par provoquer une judiciarisation a posteriori du système de l’internement psychiatrique français, créant un état de fait aux conséquences irréversibles.

Ce propos sera systématisé à partir de 1982 jusqu’à la fin des années 2000, avec une étape clé en 1990 qui radicalisera cette lutte. En effet, la loi du 27 juin 1990 sur l’hospitalisation psychiatrique, dite « loi Evin », qui va réformer en la modernisant la loi du 30 juin 1838, rejette toute judiciarisation et proroge l’internement psychiatrique administratif que connaît la France depuis le 19e siècle, contre même les recommandations du Conseil de l’Europe de 1977 et 1983 [15] , contre aussi bien la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme depuis son arrêt de principe du 24 octobre 1979, dans l’affaire Winterwerp. Cet arrêt en effet affirme en tant que droits fondamentaux les droits d’accès au juge et à la défense des personnes internées sans consentement en milieu psychiatrique. Le GIA, sous la direction de Philippe Bernardet radicalisera donc, à partir de la loi du 27 juin 1990 sa systématisation des recours contentieux, tant devant les juridictions internes, que surtout et en priorité devant les organes de la Cour européenne des droits de l’homme, afin d’une part de développer un droit positif à l’endroit des personnes internées sous contrainte en milieu psychiatrique, et d’autre part pour contraindre le Gouvernement à une réforme du système de l’internement psychiatrique dans le sens d’une judiciarisation des mesures d’hospitalisation sans consentement, par le biais du développement de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la voie politique étant bloquée.

L’activité quasi exclusivement juridique du GIA à partir de 1982 s’analyse comme un contre feu par rapport à la fin des « années héroïques » (la période militante 68 arde), qui se fait entre 1979 et 1980 [16]. C’est d’ailleurs au fur et à mesure des années 80, avec l’expérience du contentieux systématique de l’internement psychiatrique que le GIA abandonne sa phraséologie gauchiste des années 1970, et sa volonté programmatique d’une destruction de l’institution psychiatrique en tant qu’institution psychiatrico-policière. Le GIA adopte dans ces années 1980 un schéma discursif tourné vers une revendication de l’application du droit existant en matière psychiatrique, et singulièrement des droits de l’homme. Ce tournant idéologique et thématique du GIA est clairement consacré avec le projet de loi du Ministre Claude Evin de novembre 1989, qui deviendra la loi du 27 juin 1990, en parallèle où Philippe Bernardet publie Les dossiers noirs de l’internement psychiatrique. Ce livre, fondamental pour comprendre l’aventure juridique du GIA, rend compte des principaux dossiers contentieux traités, durant la décade 1980 par la commission juridique du GIA, dirigée par Philippe Bernardet, qui est également trésorier de cette association.
 

III-1. - Les évolutions législatives qui rendent possible la systématisation du contentieux de l’internement psychiatrique

 [17]

La loi du 17 juillet 1978 tout d’abord, portant amélioration des relations entre l’administration et le public, qui instaure la communicabilité des documents administratifs, ainsi que celle des documents médicaux par le biais d’un médecin tiers intermédiaire entre le demandeur et le corps médical (article 6-II dernier alinéa de cette loi), constitue un pas en avant tout à fait fondamental [18]. En effet, avant cette législation qui instaure une certaine transparence de l’action de l’administration, les pièces fondamentales d’un internement psychiatrique n’étaient pas accessibles, ou seulement selon des biais pour le moins compliqués à mettre en œuvre, qui supposaient de se pourvoir devant juridiction soit en action civile, soit devant la juridiction administrative, à la seule fin de se procurer quelques pièces utiles. Cette loi instaure, dans son article 5 la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), qui est une autorité administrative indépendante composée de magistrats administratifs. Elle permet d’accéder aux pièces administratives et médicales d’un dossier d’internement psychiatrique et va incontestablement rendre possible de développer le contentieux a posteriori de l’internement psychiatrique, puisque les décisions d’internements deviennent accessibles. Cette loi va être la pierre angulaire sur laquelle le contentieux de l’annulation des décisions de placements d’office et de placements volontaires [19], devant les juridictions administratives va être développé, à partir de 1982 par le Groupe information asiles, sous les écritures de Philippe Bernardet et celles de Me Corinne Vaillant. En effet, il n’était guère possible avant la loi du 17 juillet 1978 de se pourvoir systématiquement en annulation des décisions d’un internement psychiatrique puisque le code des tribunaux administratifs imposait de produire à l’appui des conclusions d’annulation la ou les décisions administratives attaquées.

La loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public, joue également un rôle singulièrement important, puisqu’elle rend obligatoire pour l’administration d’informer « sans délai » les administrés des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent [20]. Sauf urgence absolue, les décisions prises par l’administration au titre des mesures de police, ou qui de façon générale portent grief, doivent être motivées. Or, l’article 8 de la loi du 17 juillet 1978 avait consacré qu’une décision individuelle prise par l’administration n’est opposable que si cette décision a été préalablement notifiée à la personne visée.

La combinaison de ces deux lois permet d’une part l’accès aux dossiers d’internement et d’autre part d’agir en nullité, singulièrement contre les arrêtés de placement d’office, pour défaut de notification et d’information de la personne sur sa situation et sur ses droits, mais aussi et surtout pour défaut de motivation. Il faut à ce titre préciser que la majeure partie des centaines de décisions d’annulation d’arrêtés de placements d’office (les hospitalisations d’office de la loi du 27 juin 1990) prises par les juridictions administratives entre 1984 et 2010, soit à l’initiative du Groupe information asiles, et de Me Corinne Vaillant, puis dans les années 2000 de Me Raphaël Mayet et de quelques autres confrères, sont basées sur le défaut de motivation des arrêtés au sens des articles 1 et suivants de la loi du 11 juillet 1979.

Enfin les articles 74 et 75 qui s’insèrent dans les mesures diverses de la loi « Sécurité et liberté » du 2 février 1981, prise par le pouvoir Giscardien avant l’alternance de mai 1981 et l’élection de François Mitterand, concernent le terrain psychiatrique, et sont des dispositions favorables au droit des personnes internées en milieu psychiatrique [21]. Selon Philippe Bernardet dans son mémoire pré-cité : « La loi Sécurité et liberté pourtant dénoncée dans d’autres domaines, représenta un incontestable progrès par les modifications qu’elle apporta à la procédure de sortie judiciaire, telle qu’elle résultait de l’article L. 351 du code de la santé publique (article 29 de la loi du 30 juin 1838). Elle instaurait tout d’abord le débat contradictoire devant le juge libérateur [dans les termes de la loi du 30 juin 1838 le tribunal n’était pas contraint d’entendre l’interné qui demandait sa libération, et par ailleurs statuait en chambre du conseil sans pouvoir motiver ses ordonnances]. Elle précisait ensuite que le magistrat se devait de statuer « en la forme des référés », ce qui impliquait que, conformément à l’article 5 § 4 de la Convention, il statuât « à bref délai ». Elle supprimait enfin l’interdiction faite aux juges de motiver leur décision. ». En cela ces dispositions de la loi « Sécurité et liberté » du 2 février 1981, ont pu être considérées comme un premier pas dans l’élaboration d’une procédure d’habeas corpus à la française pour les personnes hospitalisées sous contrainte en milieu psychiatrique.

C’est ainsi que, de façon indépendante du GIA, furent prises deux décisions de sortie immédiate de placement d’office, du 21 juin et du 13 octobre 1982, du président du Tribunal de grande instance de Bar-le-Duc [22]. Celui-ci, considérant les dispositions de la loi du 2 février 1981, et l’obligation de motiver ses ordonnances, se basa sur le défaut de motivation de l’arrêté préfectoral en cause pour ordonner la sortie immédiate des deux requérants. Notons qu’il y avait un risque que de telles ordonnances heurtent le principe de séparation des pouvoirs, et la jurisprudence en matière d’internement psychiatrique qui en découlait, concernant la dualité de compétence entre la juridiction administrative et celle judiciaire.

Le Groupe information asiles, ainsi que Me Corinne Vaillant, se servirent très abondamment de cette percée jurisprudentielle opérée par le Président du Tribunal de grande instance de Bar-le-Duc, précisément parce qu’il était acquis qu’en matière de contentieux de la sortie immédiate d’internement il fallait mettre en avant les illégalités formelles, quitte à ce que le juge judiciaire se déclare incompétent à en connaître, pour le sensibiliser aux illégalités du dossier statué et démédicaliser ainsi ce contentieux. Les dispositions ici citées de la loi « Sécurité et liberté » favorisèrent incontestablement le développement par la commission juridique du Groupe information asiles, assistée de Me Corinne Vaillant, des demandes de sortie immédiate d’internement. En 1987, le GIA atteint ainsi un maximum dans cette activité en faisant opérer dans quatre affaires différentes, autant de mainlevées de placement d’office, alors même que dans deux de ces affaires les motifs retenus contre les personnes internées n’avaient rien de léger [23].
 

IV. – Les séquences historiques de l’activité juridique du Groupe information asiles

 [24]

La décade 1982 – 1992 est, comme nous l’avons vu, celle où se déploie la Commission juridique du GIA animée bénévolement par Philippe Bernardet, suite à la période des « années héroïques » de l’après mai 68. C’est donc une période durant laquelle le Groupe information asiles systématise les recours juridiques tant en annulation des mesures d’internements psychiatriques devant les juridictions administratives, qu’en mainlevée d’internements psychiatriques en cours, ainsi qu’au plan indemnitaire. A partir de 1988 Philippe Bernardet systématise les recours de personnes ayant subi un internement contestable devant la Commission et la Cour européenne des droits de l’Homme. Cette période voit se développer, sur le fond d’un travail inlassable de Philippe Bernardet dont on mesure mal l’ampleur, une jurisprudence de l’internement psychiatrique favorable aux internés, là où il n’existait pratiquement rien auparavant. Ce sont ces années où se déploient les activités de cadres militants du GIA tels Bernard Langlois, Pierre Courson qui organise les évasions de personnes internées en établissements psychiatriques, Jean Seidel, Suzanne Lukki, ou René Loyen qui assuma la présidence du GIA de 1990 à 1996.

Il faut observer au surplus qu’à partir de décembre 1983 jusqu’en novembre 2010, le GIA, qui est majoritairement composé depuis la fin des « années héroïques » en 1979-1980, de personnes ayant connu l’internement psychiatrique, est continument présidé par une personne ayant été internée en milieu psychiatrique. Cette caractéristique est essentielle, puisqu’il s’agissait là d’une question de principe, qui allait faire école à la fin des années 1990 dans les associations d’usagers en psychiatrie et santé mentale.

La décade 1993 – 2000, est marquée pour l’essentiel par la démission de Philippe Bernardet, en décembre 1992, de ses fonctions au GIA de dirigeant de la Commission juridique et de trésorier de l’association. Philippe Bernardet contrôle cette association de l’extérieur, à partir de cette date jusqu’à sa mort en 2007, le GIA et ses responsables ayant ainsi une obligation d’autonomie par rapport au leader historique de ce mouvement. Le Groupe information asiles vit ainsi une période de déclin, qui dure de 1993 à 2000.

Sur le plan juridique, cette période est profuse en jurisprudences permettant d’affirmer un droit positif pour les personnes hospitalisées sous contrainte en psychiatrie, avec notamment des arrêts du Tribunal des conflits qui permettent d’éclaircir la question de la répartition des compétences entre la juridiction administrative et celle judiciaire, dans le contentieux de l’internement psychiatrique. Ainsi de la décision du 17 février 1997, du Tribunal des conflits, Préfecture Île-de-France, qui attribue de manière claire à la juridiction judiciaire le contentieux de l’indemnisation d’un internement annulé comme illégal par le juge administratif, ainsi que la charge de statuer sur le bien ou le mal fondé des internements psychiatriques contestés [25].

En parallèle à cette montée en puissance de la jurisprudence, le déclin que traverse le GIA depuis le départ officiel de Philippe Bernardet, s’accentue contraignant à la mise en œuvre, à partir de 1996, d’un éclatement gradué du GIA, en réseaux régionaux, afin que les initiatives puissent prendre corps, malgré des conflits internes incessants. C’est cet éclatement en réseaux régionaux, qui prend forme en novembre 2000 avec d’une part, la scission formée par l’ancien réseau Nord du GIA, autour d’Aldo Duhamel et d’Olivier Colman, qui devint l’AFCAP (Association française contre l’abus psychiatrique), et d’autre part mon élection à la présidence du Groupe information asiles. Cette théorie de l’éclatement du GIA en réseaux coordonnés entre eux par une direction nationale, lancée à partir de 1996, si elle n’a pas été adoptée par la direction nationale du GIA, a du moins l’avantage de libérer les leaders régionaux de cette association et leurs initiatives. On trouve trace de cette période tumultueuse du Groupe information asiles, dans les pages 30 à 34 du traité, rédigé en 1997 et publié en 2002 chez Erès, Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe, de Philippe Bernardet (auteur principal), Corinne Vaillant et Thomaïs Douraki.

Quant à la décade 2001 à 2010, il s’agit d’une période de professionnalisation du contentieux de l’hospitalisation psychiatrique sans consentement qui est initiée, avec le déploiement de jeunes avocats qui acceptent de prendre, le plus souvent au titre de l’aide juridictionnelle, les affaires qui partent du Groupe information asiles. Le schéma structurant de la commission juridique rédigeant des actes bénévoles est abandonné au profit d’une collaboration avec des avocats à qui la jurisprudence et une analyse de dossier sont fournies. Cette décade voit aussi se développer une importante activité de l’association en direction des média. Cette période, sur le plan juridique, voit son maximum avec l’arrêt de principe du Conseil d’État du 20 novembre 2009, où la Préfecture de police perd son pourvoi contre le Groupe information asiles, sur la question de l’inclusion du droit d’accès à un avocat dans la charte d’accueil de l’Infirmerie psychiatrique de la Préfecture de police de Paris [26]. Sur le plan médiatique, le GIA connaît une audience soutenue avec le développement de son site internet à partir de l’été 2004, et la montée en puissance de ce média alternatif dans les années qui suivent [27].

Cette époque trouve sa clôture, entre le 9 novembre et le 18 décembre 2010, avec la formation dans cet intervalle, sous mon impulsion, de la scission Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie (CRPA) [28]. Il n’est pas anodin de noter que cette scission du GIA intervient au moment où est prise la décision historique du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010, sur QPC, qui contraint le Gouvernement à judiciariser partiellement l’hospitalisation sous contrainte dans le cadre de la loi 2011-803 du 5 juillet 2011 sur les soins sans consentement.


[1L’auteur a été adhérent au Groupe information asiles de 1990 à 2010, et en a été président de fin novembre 2000 à janvier 2008, et de février 2009 à novembre 2010. Le CRPA est une scission du Groupe information asiles (GIA), formée en décembre 2010. Ces deux organisations sont des associations majoritairement composées de personnes ayant connu et subi une ou des hospitalisations psychiatriques sans consentement.

[2Philippe Bernardet, 1950 – 2007, sociologue, chargé de recherche au CNRS, est l’auteur des Dossiers noirs de l’internement psychiatrique, Fayard, 1989, et de Psychiatrie, droits de l’homme et défense des usagers en Europe, Erès, 2002, co-écrit avec Corinne Vaillant et Thomaïs Douraki. Il a été l’animateur de la commission juridique du Groupe information asiles (GIA) qui a œuvré de 1974 à 1992 au développement du contentieux de l’internement psychiatrique arbitraire, dans le sens d’une affirmation d’un droit des internés. Philippe Bernardet a été le leader historique du Groupe information asiles.

[3Précisons que l’AFCAP a cessé de fonctionner en tant qu’association l’été 2006, et que M. Olivier Colman, rédacteur de la requête à fin de QPC dans l’affaire de Mme Danièle A., ancien trésorier du GIA et président de l’AFCAP, avait conservé quelques dossiers, à titre personnel. L’affaire de Mme Danièle A. est, du reste, le dernier dossier traité par M. Olivier Colman.

[4Sur les premières années du Groupe information asiles, de 1972 à 1979, un mémoire exhaustif et salutaire de Master 2 d’Histoire a été consacré par Emmanuel Hoch et défendu en septembre 2008 à l’Institut d’études politiques de Paris, sous la direction d’Emmanuelle Loyer : « Prendre la parole contre les savoirs. Luttes minoritaires et contestations des savoirs : le Front homosexuel d’action révolutionnaire et le Groupe information asiles ».

[5Lire sur ce sujet le livre passionnant de Jacques Lesage de la Haye : « La mort de l’asile – Histoire de l’antipsychiatrie », éditions libertaires, 2006. J. Lesage de la Haye a été un des fondateurs de Marge, et a accompagné les premières années du Groupe information asiles.

[6« Les usagers au secours de la psychiatrie. La parole retrouvée », Guy Baillon, Erès, 2009.

[7Le Dr Bernard Chouraqui participait aux travaux de la Commission des maladies mentales du Ministère de la santé qui réunissait des experts du champ psychiatrique et conseillait ce Ministère sur ce champ précis.

[8Cette contre-proposition de réforme du GIA est publiée en annexe des Dossiers noirs de l’internement psychiatrique, pages 360- 361, sous le titre : « Proposition de loi du G.I.A. relative à l’internement des aliénés dangereux modifiant la loi du 30 juin 1838 (articles L. 333 à L. 355-5 du code de la santé publique).

[9La FNAP PSY (Fédération nationale des associations de patients et ex-patients des services de psychiatrie) est fondée en mars 1992. La même année est créée l’association France Dépression par une psychiatre du CH Sainte-Anne.

[10Psychiatrisés en lutte, n°1, page 4, février 1975.

[11Psychiatrie populaire. Pour qui ? Pour quoi ? Lucien Bonnafé, Scarabée, CEMEA, Paris, 1981.

[12La création de cette Commission est annoncée page 4 du numéro 1 de Psychiatrisés en lutte (février-avril 1975), dans un article titré : « A quoi sert la psychiatrie ? Internement et loi de 1838 ».

[13Les travaux gratuits ou presque auxquels les personnes internées sous contrainte ou placées libres étaient astreints, au titre de l’ergothérapie, et qui étaient rémunérés par un pécule basé sur la valeur du timbre- poste. Ces tâches pouvaient être des tâches ménagères, d’entretien, ou de production en atelier.

[14« La psychiatrie devant les tribunaux – Défendons-nous en attaquant », supplément au n° 7-8 de psychiatrisés en lutte, 2e semestre 1977, Groupe information asiles (GIA), pages 6 à 13, et plus précisément page 10.

[15La recommandation n°818 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, de 1977, relative à la situation des malades mentaux prescrit entre autres, aux pays signataires de la Convention européenne des droits de l’homme, d’instaurer une procédure permettant de faire appel d’un internement, ainsi que l’instauration de commissions ou juridictions spécialisées chargées d’enquêter sur les plaintes venant des patients. Ces commissions juridictionnelles ayant un pouvoir d’élargissement des patients. L’instauration d’un débat contradictoire permettant aux patients de se faire entendre est également recommandée.
La recommandation R-83 du 22 février 1983 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, recommande aux États membres du Conseil de l’Europe d’adopter des dispositions telles que les décisions de placement involontaire en établissement psychiatrique soient prises par un organe judiciaire, ou à défaut par une autorité désignée par la loi qui ne peut être l’organe demandeur du placement. En pratique ces deux recommandations du Conseil de l’Europe préconisent la judiciarisation des internements psychiatriques.

[16Sur le redémarrage en 1982 de la Commission juridique du GIA, voir les pages 268 à 280 de l’aperçu historique du GIA de 1972 à 1992, entretien avec Philippe Bernardet, publié dans « Pour en finir avec la psychiatre. Des patients témoignent », Nicole Maillard-Déchenans, Editions Libertaires, juin 2008. Les datations qui figurent dans cet entretien sont imprécises et correspondent aux souvenirs de Ph. Bernardet lors de cet entretien pratiqué en octobre 2003. Ce témoignage n’en est pas moins précieux.

[17On trouve un récapitulatif analytique détaillé des différentes législations du septennat Giscardien qui ont permis, sur le terrain psychiatrique, de faire progresser l’état du droit, dans les pages 48 à 55 du mémoire de DEA de droits l’Homme et Libertés publiques, soutenu par Philippe Bernardet en novembre 1998, à l’Université de Paris X-Nanterre, sous la direction de Pierrette Poncela. Ce mémoire de 342 pages, titré « Le contrôle de l’hospitalisation psychiatrique par le juge administratif de 1838 à 1998 » est publié sur le site internet du Groupe information asiles (GIA), à l’adresse suivante : https://psychiatrie.crpa.asso.fr/ar…

[18Loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal. Site Legifrance : http://goo.gl/W5UYnY

[19Les « hospitalisations d’office » et « hospitalisations à la demande d’un tiers » de la loi du 27 juin 1990 relative à l’hospitalisation psychiatrique.

[20Loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relatons entre l’administration et le public. Site Légifrance : http://goo.gl/u0IWMp

[21Voir à propos de cette loi les pages 51 à 55 du mémoire de DEA de Philippe Bernardet, nov. 1998, « Le contrôle de l’hospitalisation psychiatrique par le juge administratif de 1838 à 1998 », op. cit.

[22Recueil Dalloz Jurisrudence, 1983. Commentaire Jacques Prévault, professeur à la faculté de droit de Clermont-Ferrand.

[23Décisions de la Cour d’appel de Bordeaux, 2 mars 1987, M. René C. , n°3080/86 ; du Tribunal de grande instance de Vannes, M. E. A. 27 mars 1987, dossier n°47/87 ; du Tribunal de grande instance de Créteil, 26 mai 1987, M. A. B., dossier n°1223/87 ; et du Tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand, 10 novembre 1987, Mlle M. A. B., n°629/87.

[24Ce chapitre reporte le dernier chapitre de l’article de Wikipedia sur le Groupe information asiles référencé en tête d’article, étant précisé que l’auteur des présentes lignes est également l’auteur de cette dernière page concernant le GIA dans cette encyclopédie en ligne.

[25Arrêt du Tribunal des conflits, 17 février 1997, Préfecture Ile-de-France, 97.03.045 publié au Bulletin. Site Legifrance : http://goo.gl/vkgGbJ

[26Arrêt du Conseil d’État, 1re et 6e sous-sections réunies, 20 novembre 2009, n°313598, Préfecture de Police de Paris contre Groupe information asiles, mentionné dans les tables du recueil Lebon. Site Legifrance : http://goo.gl/hFZ0BO

[27Site du Groupe information asiles (GIA) : http://www.groupeinfoasiles.org

[28Sur les évènements qui amenèrent à la formation de la scission CRPA, les références citées en tête de cet article issues de notre site sont pertinentes.