2015-08-25 Témoignage de Mme T. sur sa psychiatrisation avec curatelle abusive.

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/RBLz59 ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/526

Document du mardi 25 août 2015
Article mis à jour le 27 août 2020
par  H.F., A.B.

Cf. notre rubrique Témoignages

Plus précisément : 2012-08-14 Maltraitance ordinaire dans une clinique psychiatrique


2015-0825 Témoignage de Mme T. sur sa psychiatrisation.

25 Août 2015
 

En septembre 2005, j’ai été hospitalisée pour dépression dans une clinique psychiatrique privée des Bouches-du-Rhône, et traitée par le docteur X. Celui-ci m’a condamnée à l’invalidité, dès mon premier jour d’admission, considérant que mon état dépressif et ma situation personnelle (fils à l’époque toxicomane et atteint de schizophrénie) ne me permettaient plus d’exercer ma profession. Au cours de cette première hospitalisation qui a duré … quinze mois ( !), j’ai été soumise à un traitement chimique lourd : thymo-régulateur (Dépamide), antipsychotique, antidépresseur…

J’ai commencé à présenter des troubles divers dus aux effets secondaires de ces traitements dès le mois d’octobre 2005. Ces troubles n’ont eu de cesse de s’aggraver jusqu’à ce que ce médecin, après des explorations neurologiques, décide d’une fenêtre thérapeutique en avril 2006, suite à quoi ces symptômes ont disparu. Mais j’ai sombré dans une grave dépression. Il en a conclu à une incompatibilité médicamenteuse et a substitué le Dépakote au Dépamide. Au cours de la période incriminée, des troubles graves sont apparus : perte de la locomotion, de la graphie et de l’élocution, épisodes délirants hallucinatoires, perte des repères spatio-temporels, sensations terrifiantes de chute dans le vide et chutes fréquentes avec impossibilité de me relever sans aide, « justifiant » une mise en isolement de quelques jours, dont je garde un souvenir terrifiant : ramper le long des murs, sans pouvoir me soulever et hurler, sans secours, ni recours, derrière une porte blindée, définitivement close et imperméable…

Le docteur X a décidé d’une mesure de curatelle renforcée qui était abusive, « pour me protéger du harcèlement de mon fils et de ses exigences dispendieuses », cela alors même que mes comptes n’étaient pas en danger (je n’avais jamais eu de découvert bancaire). Je n’ai, bien sûr, pas été informée des modalités d’application de cette mesure et je ne disposais pas d’une capacité de jugement éclairé…

J’ai subi une violation de mes données personnelles, une privation de la quasi-totalité de mes droits civiques, une infantilisation, une privation de mes libertés fondamentales et de mon droit d’accès à mes comptes.

Il m’a convaincue de la nécessité d’un éloignement géographique et c’est ainsi que d’Aix-en-Provence, où j’ai longtemps vécu et où vivent mes enfants, je me suis retrouvée en Avignon, en rupture de mes rares liens sociaux… Je considère que le docteur X, en vertu de ses responsabilités médicales, a fait preuve d’abus de pouvoir et a mis ma santé en danger.

La curatelle s’est très vite révélée un piège avec les restrictions drastiques qui vont avec ce genre de mesures dites « de protection »… J’ai subi un début de spoliation, avec l’assentiment de la Juge des Tutelles, que j’ai dénoncée : facture de prestations exorbitantes d’une curatrice privée, prélèvement indu par l’UDAF d’un pourcentage en 2009, qui ne m’a été restitué, après menace de plainte, qu’en…2013 et bien sûr, sans aucune réaction du service des majeurs protégés du Tribunal d’Instance d’Avignon… Les juges qui commettent des infractions, en couvrant des procédures illégales, ne peuvent être poursuivis et condamnés… La levée totale de cette mesure de curatelle inique et humiliante, allégée en avril 2007, a été obtenue en septembre 2009, après une bataille menée contre l’avis du docteur X, qui aurait souhaité la maintenir, contre également l’avis du curateur. La juge des tutelles ne s’est prononcé que sept mois après l’expertise, avec une lettre de menace à mon encontre de ne pas la lever, si je persistais à « harceler » sa greffière pour avoir une date d’audience… J’avais, entre temps, renoncé de moi-même à prendre le Dépakote et l’Abilify.

En mars 2009, je reprenais mon travail au CH MONTPERRIN, avec une affectation indigne sur un poste fictif, sans bureau, ni mission. J’y ai subi un harcèlement moral continu et des stratégies de discrimination du chef de service et de la Direction, ce malgré le soutien de la médecine du travail, jusqu’à ma mutation externe en janvier 2013, à ma demande.

En décembre 2012, je découvrais dans mon dossier administratif, deux extraits de jugement de curatelle devenus caducs depuis septembre 2009 date de la mainlevée de la mesure de curatelle que j’ai subie. Sur ces extraits figuraient les coordonnées des curateurs, l’identité du médecin spécialiste, ainsi que la mention des « éléments médicaux » qui motivaient les décisions, alors même que l’extrait d’acte de naissance ne comporte que la mention R.C. (Répertoire Civil) et sa date d’enregistrement. Ces pièces, dont la neutralité administrative ne peut qu’être mise en doute, étaient assorties de courriers de curateurs qui justifiaient ainsi leur demande de re-domiciliation de mes courriers… Ces extraits de jugement avaient été intégrés dans un sous-dossier médical lié à mon dossier administratif de fonctionnaire hospitalière.

Le retrait de ces pièces de mon dossier m’a été refusé par la Directrice de l’hôpital, au prétexte que « tous les éléments, même d’ordre privé, ont vocation à figurer dans le dossier personnel de l’agent, quand bien même ils ne produiraient plus d’effet. »…. J’ai donc engagé une procédure devant la juridiction administrative très coûteuse (13000 euros), que j’ai à ce jour perdue (procédure d’appel en cours), avec une condamnation, en première instance, prononcée par le Tribunal administratif de Marseille, que je verse 1000 euros à mon ancienne administration. Bien sûr, mon dossier intégral, avec ces données non actualisées, a été transmis à la nouvelle administration hospitalière où je travaille actuellement… en violation des articles 39 et 40 sur la protection des données personnelles, lesquels s’appliquent aux données mécanographiques comme aux données informatiques (loi de janvier 1978 « Informatique et liberté »).

J’ai, par ailleurs, démontré dans mes recours :

1. - Le caractère illicite de la collecte de ces données et le détournement de sa finalité : mon administration n’a pas respecté son obligation de m’adresser mes courriers chez la curatrice et a ainsi commis une faute administrative. Argument balayé par le Tribunal administratif.

2. - Le non-respect de mon droit à la rectification, voire à la suppression de ces données (confirmé par un courrier de la Commission nationale informatique et liberté), transmises telles que à une autre administration à laquelle elles n’étaient pas destinées, l’informant d’éléments susceptibles d’induire des jugements discriminatoires à mon encontre.

3. - Le caractère de non neutralité de ces pièces, lesquelles ne figurent pas dans la composition du dossier administratif, quand bien même elles seraient numérotées, et leur lien indirect avec des données de santé évidentes, conformément à la règlementation européenne sur la définition des données de santé (données sensibles).

4. - Les conséquences de la pérennité de ces pièces dans mon dossier sur la discrimination liée à l’état de santé que j’ai subie.

Le mémoire produit par mon conseil d’une quarantaine de pages, assorti d’une cinquantaine de preuves, attestations, témoignages, a été synthétisé en deux lignes par le tribunal administratif, lequel n’a produit aucun moyen, pour justifier sa décision de rejet de ma requête, s’appuyant simplement sur « l’argument » cité de la Directrice de l’établissement et ne faisant aucun cas de la faute administrative commise, qui invalide, à elle seule, la présence de ces pièces dans mon dossier.

La saisie de la Garde des Sceaux, en requête d’une réforme des droits des personnes sous mesures de « protection », garantissant leurs droits au respect de leur vie privée et de leurs données de santé et leur accès à plus de transparence, s’est traduite par une fin de non-recevoir en forme de pirouette, au prétexte de la non-ingérence du ministère dans les décisions de « justice ».

J’ajouterai qu’en juillet 2013, suite à ma plainte auprès du Conseil départemental de l’ordre des médecins contre le docteur X, avait lieu une audience de « conciliation », menée de manière partiale par le médecin médiateur du Conseil de l’ordre, lequel m’a prévenue d’emblée que le Conseil de l’Ordre pouvait se retourner contre moi, si je persistais dans ma plainte, dans l’hypothèse où celle-ci soit statuée comme étant abusive et juridiquement infondée. Il a, par ailleurs, mené la conciliation de telle sorte que je sois contrainte de me justifier.

J’ai mis plus de deux ans à me remettre de mes troubles : persistance d’une phobie de la conduite jusqu’en 2009, souvenirs traumatiques et récurrents des chutes, altération de ma santé physique.