2015-08-11 - Hospimedia • Quand le voile commence à être levé sur le sujet tabou de la contention des patients

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/jaX6mp ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/507

Document du mardi 11 août 2015
Article mis à jour le 28 août 2020
par  H.F., A.B.

Sur notre site : 2015-03-18 Le député Denys Robiliard fait adopter un amendement sur la traçabilité des mises à l’isolement et sous contention

Ainsi que : 2014-12-09 Positions du CRPA sur la démocratie sanitaire en psychiatrie et sur la sectorisation


Note introductive du CRPA

2012-04-20 Revendications du CRPA.

Le CRPA s’est positionné dès le 20 avril 2012, dans des revendications rendues publiques lors d’une conférence de presse à l’occasion d’une décision du Conseil constitutionnel sur une QPC de notre association (voir pièce jointe), en faveur d’une part de l’interdiction de la contention et d’une formalisation des décisions de mise à l’isolement, par un administrateur de garde de l’établissement ayant délégation de signature du directeur de l’établissement, de sorte que ces décisions soient opposables et notifiables aux intéressés. Cela afin que les personnes visées par de telles mesures puissent recourir contre ces décisions, surtout si elles doivent durer plusieurs jours ou plusieurs semaines.

Nous avons nuancé cette position, en la confirmant pour partie, lors de notre audition du 9 décembre 2014, par la députée PS, Mme Bernardette Laclais, rapporteure du projet de loi de Santé à l’Assemblée nationale.

Nous pensons néanmoins qu’une traçabilité des décisions de mise à l’isolement et sous contention, constitue un premier pas en direction de la possibilité pour les patients de contester de telles mesures qui, incontestablement, sont trop souvent des décisions disciplinaires non fondées médicalement. Nous regrettons absolument que de telles pratiques se soient généralisées dans nombre de services de psychiatrie.


(Enquête d’Hospimedia) Quand le voile commence à être levé sur le sujet tabou de la contention des patients

[Analyse] Psychiatrie

Publié le 11/08/15 ­ HOSPIMEDIA | Par Caroline Cordier |

Source : http://abonnes.hospimedia.fr/analys…
 

LE FAIT

Plusieurs initiatives de parlementaires et professionnels de santé vont récemment dans le sens d’une levée de voile sur la contention des patients en psychiatrie. Un sujet tabou, bien que son usage reste fréquent. Cette pratique devrait néanmoins bénéficier à l’avenir d’un meilleur encadrement et, si besoin, être véritablement réinterrogée.
 

L’ANALYSE

La contention physique des patients en psychiatrie, outil thérapeutique ou mesure de protection ? Pratique de soin ou sanction parfois à seule visée sécuritaire ? Le sujet — et les débats qui l’entourent — n’est pas neuf mais revient récemment à divers titres dans l’actualité sanitaire. Depuis quelques années déjà, ce thème sensible est régulièrement mis au jour dans les rapports annuels du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), habilité à visiter les établissements de santé destinés à recevoir des patients faisant l’objet de soins sans consentement. En 2013 notamment, le CGLPL, Jean-­Marie Delarue, s’est notamment penché sur des pratiques pouvant s’apparenter à « une gestion disciplinaire des patients ». Il a relevé à ce sujet que la notion de « cadre de soins » semble parfois servir à des fins d’organisation du service ou à des fins disciplinaires mais n’a pas une visée strictement thérapeutique. « La plupart du temps, aucune traçabilité de ces restrictions importantes aux libertés fondamentales n’existe et aucun registre ad hoc n’est instauré », a­-t-­il déploré. « Par conséquent, les patients n’ont aucun recours contre l’arbitraire d’une décision qu’ils peuvent estimer à juste titre abusive, dans la mesure où elle est, par définition, non motivée et non écrite », a-­t-­il écrit. Mais si son rapport a considéré « un nombre non négligeable d’incidents », Jean­-Marie Delarue a toutefois tenu à souligner que ces incidents « ne remettaient pas en cause, massivement, le dévouement des soignants pour les malades et ne leur faisaient pas perdre de vue leur mission de soin ». « Ces incidents interrogent les professionnels, les médecins, qui cherchent des solutions pour prévenir ces situations », a-­t-­il poursuivi. « Si dans tous les centres de privation de liberté, on pouvait avoir cette même réaction… », a souligné le contrôleur général.
 

Des formations se mettent en place à l’hôpital

Des professionnels qui s’interrogent et qui cherchent des solutions, il en existe par exemple au sein de l’un des plus gros hôpitaux psychiatriques de l’Hexagone, le CH Gérard-­Marchant à Toulouse (Haute-­Garonne). En effet, grâce à la thèse* réalisée par un étudiant de médecine, désormais médecin psychiatre au CH toulousain, l’établissement interroge actuellement les pratiques médicales et soignantes autour de la contention physique. En effet, cette thèse, publiée en 2014, a montré que cette méthode comporte d’importants effets indésirables, sans avoir fait de démonstration de son efficacité clinique. « Si la contention physique est une pratique fréquente en psychiatrie, elle reste très peu abordée dans la littérature scientifique », explique à Hospimedia le Dr Raphaël Carré, auteur de la thèse. Les rares études sur le sujet ne permettent pas de prouver son efficacité thérapeutique, elles mettent l’accent sur ses nombreux effets secondaires et aucune étude n’est disponible en France. C’est en partant de ce constat que l’interne en psychiatrie dédie sa thèse à l’étude du vécu des patients face à cette procédure (lire encadré ci­-dessous). Un travail qui intéresse immédiatement l’équipe médicale, puisqu’il donne l’occasion « d’identifier ces détails qui permettent de rendre la contention physique moins insupportable lorsqu’elle est strictement nécessaire », explique le Dr Anne Moncany, psychiatre au CH Gérard­Marchant et directrice de la thèse.« Ce sont ces applications concrètes et rapidement transposables dans les pratiques qui font toute la valeur d’un travail de thèse médical », souligne-­t­-elle encore. Mais ce constat n’allait heureusement pas rester lettre morte puisque le CH s’est saisi de cette étude pour proposer des améliorations à la mise en place de la contention physique, ainsi que des alternatives en vue de limiter au maximum sa pratique. Ainsi, des sessions de formation s’adressant à l’ensemble du personnel médical et soignant ont été mises en place cette année afin de permettre de questionner collectivement le sujet : contexte clinique, abord éthique et théorique, améliorations et alternatives possibles…
 

Vers un observatoire national de la contention ?

Concernant le suivi des mesures de contention, le président de la commission médicale d’établissement (CME) du CH toulousain, le Dr Radoine Haoui, explique que depuis six mois peuvent être intégrées de façon spécifique au dossier patient les prescriptions de contention. Ceci offre la possibilité d’extraire ces données, en vue d’une épidémiologie. Une étude à un an sera d’ailleurs réalisée. La thématique figure également au programme de la toute nouvelle Fédération de recherche en psychiatrie et santé mentale en Midi-­Pyrénées (Ferrepsy), créée en juin 2015. Cette dernière pourrait permettre un recueil régional des données sur la contention, voire alimenter la base de données d’un observatoire national, fait remarquer Radoine Haoui. Le souhait d’un tel observatoire a d’ailleurs été formulé par la Conférence nationale des présidents de CME de CHS en septembre 2014, auprès d’Adeline Hazan, qui avait récemment pris ses fonctions de CGLPL en remplacement de Jean­Marie Delarue. Le président de la conférence, Christian Müller, a indiqué alors vouloir donner suite à une proposition du rapport Robiliard rendu fin 2013 à la ministre de la Santé, Marisol Touraine, à savoir « l’installation d’un observatoire national des libertés permettant d’objectiver au sein des services de psychiatrie la réalité des pratiques d’isolement et de contention ». Dans le cadre de l’examen du projet de loi sur la modernisation de notre système de santé — qui doit reprendre le 14 septembre au Sénat —, la question de la contention est d’ailleurs évoquée.
 

L’encadrement juridique de la contention bientôt voté

En première lecture, un nouvel article a été introduit dans le projet de loi de Santé lors de son examen à l’Assemblée nationale en commission des affaires sociales. Il résulte de l’adoption d’un amendement du député Denys Robiliard (SRC, Loir­-et-­Cher), inspiré des conclusions de la mission d’information sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie. L’article propose un encadrement juridique du placement en isolement et de la contention. Il définit tout d’abord les circonstances dans lesquelles ils peuvent être pratiqués. Il est précisé qu’il s’agit de solutions de derniers recours qui ne peuvent être mises en œuvre que dans le but de « prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou pour autrui ». Et elles feront l’objet d’une « surveillance stricte confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin ». Enfin, les établissements assurant des soins psychiatriques sans consentement auront l’obligation de tenir, sous forme numérique s’ils le souhaitent, un registre retraçant pour chaque mesure d’isolement ou de contention « le nom du psychiatre l’ayant décidée, sa date et son heure, sa durée ainsi que le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée ».

Chaque établissement devra par ailleurs établir chaque année un rapport rendant compte des pratiques en matière d’isolement et de contention ainsi que des actions mises en place pour en limiter le recours. S’il faut attendre le vote définitif du projet de loi pour que ces mesures puissent entrer en vigueur — et si ces dispositions subsistent au final —, un pas important va être en tous cas franchi vers plus de transparence et un meilleur contrôle de la contention, donc vers un plus grand respect des droits des patients. Ceci grâce au travail conjoint des élus et des acteurs de la psychiatrie mais surtout des professionnels de terrain qui sauront engager des questionnements sur les soins à partir de ces nouveaux outils.
 

La contention, un vécu essentiellement négatif

Pour ce travail de thèse, des entretiens semi-­directifs ont été réalisés, en 2014, auprès de 29 patients afin d’évaluer leur vécu vis-­à-­vis de leur expérience de la contention. La trame de l’entretien a permis au patient de décrire son ressenti sur trois grands temps :

— la situation ayant conduit à la contention puis à la mise sous contention en elle­même ;

— le vécu tout au long du maintien sous contention ;

— la description des rapports avec l’équipe soignante tout au long de la procédure.

Il en ressort un vécu essentiellement négatif pour le patient, indique le Dr Raphaël Carré. Ainsi, les thèmes « d’agressivité et de violence, d’impuissance et de dépendance, de punition et de sanction, de déshumanisation » sont récurrents dans le discours des patients inclus dans cette étude. D’où des pistes explorées en formation pour gérer l’agitation et les angoisses des patients, limiter les risques somatiques ou encore améliorer les protocoles et affiner les indications de contention.

* Raphaël Carré (2014), Contention physique : revue de la littérature et étude qualitative du vécu des patients, thèse d’exercice en médecine spécialisée, université Toulouse III.

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Réactions

Dominique SNIDER : 12/08/2015,­ 13h00

Ce thème est très pertinent et conduit les équipes soignantes à beaucoup de questionnements ­ je ne connais pas de professionnels qui rélaisent cet acte par plaisir ou confort­. Et la lecture de la thèse de cet étudiant m’intéresserait vivement pour savoir s’il est allé plus loin qu’améliorer ces pratiques, c’est à dire
s’il a investigué sur la possibilité de proscrire la contention. L’ASM 13 (Paris XIII) a sauvegardé le dogme de ses créateurs selon lequel la contention physique est interdite au sein de ses services. L’isolement existe mais s’il doit y avoir contention sur un épisode aigu d’agitation, la contention ne passe pas par des ceintures mais par des humains ­ les soignants contiennent le patient (en se relayant) le temps que la crise soit dépassée . Cela nécessite bien sur des moyens humains.

D. SNIDER directeur des soins de l’ASM 13
 

André BITTON : 12/08/2015,­ 11h24

Lire notre introductive en tête de cette publication.
 

Gérard GOSSET : 12/08/2015,­ 09h46

La contention est et doit être un acte thérapeutique afin de protéger le patient et son entourage de toute geste agressif lié à une pathologie. Il sous entend un encadrement et une surveillance particulière de la part des soignants. La contention est pratiquée dans de nombreux lieux de soins en dehors de la psychiatrie.
 

Yves Gigou : 12/08/2015,­ 09h45

Notre association, préoccupée depuis sa constitution en décembre 2008, par les dérives sécuritaires des pratiques soignantes en psychiatrie, organise au Sénat, un colloque le 9 septembre 2015 au Sénat de 14h30 à 18h, s’articulant autour de trois tables rondes :
­Pour l’hospitalité de la folie, non à la contention.
­Ou en est La pédopsychiatrie ?
­Quelles Espaces citoyens pour les patients dans les établissements du sanitaire et du médicosocial.
Plus d’informations sur notre site : http://www.collectifpsychiatrie.fr
 

Éric ASSEMAT : 12/08/2015,­ 09h37

Il n’y a pas que la psychiatrie qui soit concernée… Est on sur du consentement au soin dans tous les environnements ? Quid des EHPAD et plus généralement de tout lieu ou une contrainte s’exerce sans que l’intéressé puisse nous faire savoir s’il accepte d’en être le sujet ? Ce débat méritera d’être très élargi
 

Éric DURCA : 12/08/2015,­ 09h29

Comment se fait­-il que bon nombre de détenus schizophrènes ne posent pas de problèmes en prison du fait de l’apaisement de leur angoisse de morcellement par l’enfermement, cette forme de contention ayant un effet quasi ­thérapeutique de système de « pare-­excitation » ?
 

François PUYSSEGUR : 12/08/2015,­ 09h11

« Il est fini le bon temps des soignants tous puissants qui baillonnaient, attachaient et maltraitaient les patients. Ne soyez pas nostalgique Madame ! » commentaire sans intérêt et polémique
 

Sandra MOUNTASSIR : 12/08/2015,­ 08h35

Depuis 1995 ,suite à l’évaluation de l’Andem sur les pratiques d’isolement en psychiatrie (qui à à ce titre établit un référentiel de bonnes pratiques ! (téléchargeable sur le site de la HAS). Je dispense une formation à l’Infipp (formation à l’initiative du Dr Jean Pierre Vignat qui avait déjà écrit à cette époque sur les effets indésirables de cette pratique !) sur cette pratique de soins et j’ai donc contribué à la formation de nombreux soignants de toute la France ! Par ailleurs l’évaluation du recueil du vécu des patients est déjà réalisée dans de nombreux établissements ( cf à ce titre les études réalisées par Patrick Perret et Charlotte Mouillerac depuis 2002 !!). Cette pratique au niveau infirmier à été l’une des premières à être évaluée,alors je veux bien entendre qu’il reste encore certainement beaucoup de choses à améliorer mais de grâce, ne balayez pas d’un revers de main 30 années de recherche et d’amélioration continue de cette pratique, qui dans bien des institutions ,est irréprochable sur le plan thérapeutique et respect des droits fondamentaux des patients !
 

Didier DELHAYE : 12/08/2015,­ 08h33

Il est fini le bon temps des soignants tous puissants qui baillonnaient, attachaient et maltraitaient les patients. Ne soyez pas nostalgique Madame !
 

Frédéric VEZILIER : 12/08/2015,­ 08h19

Les cas d’abus de la contention dans le soin sont l’arbre qui cache la forêt, je vis cette « encadrement » de nos pratiques comme autant de remise en cause de ce que nous faisons et de ce que nous sommes en tant que soignant.

Nous empilons depuis toujours des textes des réglementations des nomes, des bons usages des recommandations qui nous ensevelissent sous des tonnes de procédures administratives, nous éloignant d’autant de ceux pour qui nous existons en tant que patients.

L’enfer est pavé de bonnes intentions….
 

Henri GUILLET : 12/08/2015,­ 07h54

la psychiatrie n’est pas seule concernée, nombres de situations nécessitent une contention. La démarche est applicable à tous. Bravo.