2015-07-15 (Affaire CRPA C/ ARS d’Île-de-France) le Tribunal administratif de Paris déboute le CRPA

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/9nkBtr ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/518

Document du mercredi 15 juillet 2015
Article mis à jour le 27 août 2020
par  H.F., A.B.

Sur ce même sujet : 2015-07-01 Représentation des usagers en psychiatrie, affaire CRPA contre l’ARS d’Île-de-France • Compte rendu d’audience

Ainsi que : 2015-01-12 Requête du CRPA devant le T.A. de Paris (aff. demande d’agrément)

2015-09-02 Aff. agrément • Acte d’appel du CRPA devant la Cour administrative d’appel de Paris


Mail d’André Bitton, représentant le CRPA, à Me Raphaël Mayet, avocat du CRPA dans cette instance

 

OBJET : Affaire CRPA contre l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France. Jugement de débouté du Tribunal administratif de Paris, du 15 juillet 2015

Copies pour le Bureau du CRPA.

Paris le 16 juillet 2015, 17h48.

 
Cher maître,

2015-07-15 Jugement du Tribunal administratif de Paris. Affaire CRPA contre l’ARS d’Île-de-France.

Trouvez en pièce jointe la décision de l’association CRPA de se pourvoir en appel contre le jugement du 15 juillet 2015 du tribunal administratif de Paris rejetant notre demande d’annulation de la décision de l’Agence régionale de santé d’Île-de-France du 24 novembre 2014 qui a rejeté notre demande d’agrément pour la représentation des usagers dans le système de santé (voir pièce jointe au format PDF). Je vous joins également le compte rendu de l’audience de ce même tribunal du 1er juillet (en direction des camarades du Bureau de l’association).

Ce jugement me semble correctement motivé. Néanmoins il me semble qu’il y apparaît plusieurs points faibles, qui sont à soulever dans une procédure d’appel à introduire devant la Cour administrative d’appel de Paris.

1. - Sur la QPC et notamment sur la question de la séparation des pouvoirs et de l’autonomie du pouvoir judiciaire

En effet, les Commission départementales des soins psychiatriques (CDSP) bénéficient d’un pouvoir de contrôle tant de la légalité que du bien fondé des mesures de soins psychiatriques sans consentement, contrairement à ce que dit le jugement du Tribunal administratif sur ce point, et si elles n’ont plus, comme c’était le cas dans le cadre de la loi du 27 juin 1990, le pouvoir de lever certaines mesures d’hospitalisations à la demande d’un tiers, il n’en reste pas moins que si par extraordinaire, certaines CDSP saisissaient le juge des libertés et de la détention de leur ressort de certains dossiers, ce ne pourrait être qu’afin que soit ordonnée la mainlevée des mesures dont elles saisiraient ce juge. On voit bien qu’il y a là un mélange des genres, entre ce pouvoir de contrôle par une autorité administrative dont les membres sont nommés discrétionnairement par les Préfets (à Paris par le Préfet de police), et qui ayant un pouvoir de contrôle pré-juridictionnel (en quelque sorte), ne comprennent en leur sein que des représentants d’usagers soigneusement triés et choisis pour leur soumission au pouvoir administratif qui les désigne. Qu’on ne puisse pas parler en l’espèce de violation de la séparation des pouvoirs paraît donc fragile.

2. - Sur les arguments en nullité de la décision de l’ARS du 24 novembre 2014

 

**2-1. - Sur l’illégalité de la convocation de la réunion de la Commission nationale d’agrément

 

Dans la mesure même où l’Agence régionale de santé d’Île-de-France était en compétence liée par rapport à l’avis de la Commission nationale d’agrément le fait que la réunion de cette commission, pour le 24 octobre 2014, ait été convoquée de façon irrégulière par un signataire qui n’était pas son président (lequel est un magistrat conseiller d’État), mais un chef de division du Ministère de la santé, entache de nullité la réunion de la commission elle-même qui a statué sur notre demande d’agrément, alors même que l’avis que cette commission a rendu a été, de fait, la décision qui nous est opposée. En effet, comme le souligne le tribunal lui-même dans le considérant 10 de son jugement, l’Agence régionale de santé n’avait pas de latitude par rapport à cet avis étant en compétence liée. Or, le fait que la Commission ait pris son avis nous concernant selon une convocation entachée de nullité, provoque par voie de conséquence, la nullité de la réunion de cette commission, ainsi que la nullité de son avis pris durant cette réunion, et partant la nullité de la décision prise par l’Agence régionale de santé francilienne qui était en compétence liée par rapport à cet avis.
 

**2-2. - Sur le conflit d’intérêt

 

Il n’est pas anodin de remarquer que j’ai saisi à plusieurs reprises en 2012 et en 2013 la cheffe du Bureau Santé mentale de la Direction générale de la santé (DGS) de plusieurs demandes de rendez-vous suite aux gains successifs que nous avons obtenus devant le Conseil constitutionnel (décision QPC du 20 avril 2012), et devant le Conseil d’État (arrêt du 13 novembre 2013). Mes demandes sont restées sans réponse. Cela alors même que Mme Geneviève Castaing, cheffe du Bureau santé mentale de la DGS recevait, ces mêmes années, des représentants d’associations d’usagers en psychiatrie agréées au plan national, notamment pour les rappeler à l’ordre en regard de leurs subventions et de leur nécessaire soumission par rapport à la politique de l’administration centrale en matière de santé mentale. Voir en ce sens, l’article que j’ai rédigé pour les Cahiers de santé publique et de protection sociale de la fondation Gabriel Péri du Parti communiste français, le 4 juin dernier et qui doit être publié prochainement dans le prochain numéro de cette revue (également en pièce jointe).

Je vous produirai quand ce sera nécessaire une copie de ces courriers que j’avais envoyés en 2012 et 2013 à Mme Geneviève Castaing, cheffe du Bureau santé mentale de la DGS.

Or, manifestement, le CRPA, qui est une scission du Groupe information asiles (GIA), est en situation de conflit, ancien et réel, avec cette direction du Ministère des affaires sociales et de la santé qui est en charge des droits des patients en psychiatrie. En conséquence les deux fonctionnaires de la DGS (de cette même direction de ce ministère), qui siègent à la Commission nationale d’agrément et qui en assurent le secrétariat (Mmes Nathalie Vallon qui représente également dans cette commission la DGS, et Mme Dominique Babillote), entre autres fonctionnaires de ce ministère, se trouvaient en conflit d’intérêt par rapport à la réunion de la Commission quand fut abordée la demande d’agrément du CRPA, dans la mesure où ces deux fonctionnaires sont parties liées dans le cadre de leur direction (la DGS) avec la cheffe du Bureau santé mentale de la DGS, qui est une de leur collègue, dans le cadre de la même direction centrale de ce ministère (la DGS), avec qui, manifestement, nous avons un conflit. Ce Bureau, ainsi d’ailleurs que la DGS, refuse de nous recevoir, à fin de concertation, bien que nous ayons fait condamner leur administration à réformer le circuit des droits des patients en mesures de soins sans consentement, notamment par l’arrêt du Conseil d’État du 13 novembre 2013, annulant l’ancien article R 3211-11 du décret n°2011-846 du 18 juillet 2011 pris en application de la loi du 5 juillet 2011, en son volet judiciaire. Cet article, je le rappelle, ne prévoyait pas l’envoi, par le directeur de l’établissement, au juge des libertés et de la détention, dans le cadre des contrôles judiciaires des mesures de soins sur demande d’un tiers, d’une décision écrite et motivée d’admission et de maintien des personnes sous mesures de soins sur demande d’un tiers. Cette décision de censure prise par le Conseil d’État a ainsi renversé une jurisprudence ancienne du Conseil d’État, qui voulait que les décisions d’admission et de maintien en matière d’hospitalisations à la demande d’un tiers soient orales et partant non motivées.

Il en allait de même avec la décision QPC du 20 avril 2012, censurant des articles de la loi du 5 juillet 2011 sur les soins psychiatriques sans consentement sur une action du CRPA, puisque j’avais saisi ce même ministère de plusieurs demandes de rendez-vous concernant cette décision de censure, et que je n’avais eu aucune réponse. Manifestement un conflit est en place entre notre association et précisément la Direction générale de la santé (DGS), en son Bureau de la santé mentale, qui refuse de nous admettre comme interlocuteur, et n’entend avoir comme représentants des usagers en psychiatrie que des dirigeants d’associations agréées et en position, en tant que tels, d’être des exécutants des directives de l’administration centrale et du pouvoir central en matière de politique de santé mentale.

Or, précisément, l’article R 1114-6 du décret du 31 mars 2005, dit bien que « les membres de la commission ne peuvent siéger, lorsqu’ils ont un intérêt direct ou indirect à l’affaire examinée ». Par ailleurs l’article 2 de la loi du 11 octobre 2003 relative à la transparence de la vie publique, que cite le Tribunal administratif de Paris dans son jugement, dit bien, selon les termes même des magistrats administratifs de première instance : « constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction. ». En l’espèce, il nous apparaît que les deux secrétaires de la Commission nationale d’agrément, Mmes Nathalie Vallon (représentant la DGS dans cette commission), et Mme Dominique Babillote secrétaire de cette Commission et fonctionnaire de la DGS, ne pouvaient pas siéger valablement parce qu’ayant un intérêt public, de carrière, et de lien hiérarchique, qui obérait l’indépendance de leur point de vue lors de la réunion de la commission d’agrément du 24 octobre 2014 qui a statué sur notre demande d’agrément. En effet le conflit d’intérêt est ici en place, vu la situation conflictuelle où le CRPA se trouve, en relais du Groupe information asiles d’ailleurs, avec la direction centrale de ces deux fonctionnaires siégeant à la Commission nationale d’agrément, puisque nous sommes opposés structurellement à la politique de la DGS en matière de droits des patients en psychiatrie, et puisque les décisions de justice prises dans nos instances ont contraint cette direction centrale du Ministère de la santé à prendre des dispositions favorables aux droits des patients sous contrainte psychiatrique qu’elle ne voulait pas prendre de gré et qu’elle a dû prendre sous la contrainte des décisions des hautes cours saisies par notre association.
 

**2-3. - Sur l’erreur de droit

 

Cette erreur de droit consiste en nous opposer un déficit démocratique dans le fonctionnement de notre association, alors que cette notion ne figure, littéralement, ni dans l’article L 1114-1 du code de la santé publique qui organise la représentation des usagers dans le système de santé, ni dans l’article R 1114-4 du décret du 31 mars 2005 qui, de son côté, ne fait que mentionner que les associations agréées doivent présenter des garanties suffisantes au regard du respect des libertés individuelles. Or, on ne saurait valablement nous opposer un motif de rejet qui nous cause grief qui ne soit pas expressément visé dans les textes qu’on nous oppose. Ce n’est pas de notre fait si l’article R 1114-4 du décret du 31 mars 2005 n’est pas libellé comme l’entendent l’Agence régionale de santé francilienne et la Commission nationale d’agrément de la DGS, et s’il n’y figure pas, textuellement, que le déficit démocratique dans le fonctionnement d’une association d’usagers est, en soi, un motif de rejet d’une demande d’agrément formulée par une association d’usagers. Cela même s’il n’est nullement établi ni même invoqué ( ! ) - ce qui est le cas en l’espèce - que cette association mette en péril les libertés individuelles dans son espace propre.

Qu’on nous oppose un motif de rejet qui figure effectivement dans les textes, et non un motif pour lequel, afin de le rattacher aux textes en vigueur, on doit se livrer à toute une gymnastique qui n’est, juridiquement comme dans les faits, pas évidente, sauf à dire que l’administration peut choisir quelle association elle agréé et quelle association elle n’agrée pas, de sorte à n’avoir comme interlocuteurs que des représentants d’associations d’usagers aux ordres, en vue de mettre en œuvre la politique de santé publique qu’elle entend mener.

Il y a là, me semble-t-il, des motifs suffisants pour argumenter en cause d’appel devant la Cour administrative d’appel de Paris contre ce jugement du tribunal administratif de Paris qui d’ailleurs est en cohérence avec les conclusions du rapporteur public lues à notre audience du 1er juillet dernier.
 

Pouvez-vous par ailleurs demander au rapporteur public, M. Jauffret, une copie de ces conclusions lues à cette audience du 1er juillet dernier ?

Veuillez croire, cher maître, en mes bien dévouées salutations.
 

Pièces jointes à ce mail :

— Décision du CRPA de saisir la Cour administrative d’appel de Paris, faite ce même jour.
— Compte rendu de l’audience du 1er juillet 2015, rédigé le 2 juillet 2015.
— Jugement de débouté du Tribunal administratif de Paris du 15 juillet 2015, aff. CRPA C/ ARS d’Île-de-France.
— Article à paraître dans Les cahiers de santé publique et de protection sociale (Fondation Gabriel Péri), sur la représentation des usagers en psychiatrie.



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