2014-07-10 Historique d’un internement abusif, sur fond de racisme anti-noirs, au CH Sainte-Marie de Nice

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/ZHv9Tt ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/422

Document du jeudi 10 juillet 2014
Article mis à jour le 27 août 2020
par  H.F., A.B.

Sur notre site : tem : Témoignages

Sur la décision de mainlevée du 25 juillet 2014 : 2014-07-25 C.A. d’Aix-en-Provence • Mainlevée d’une SDRE pour défaut de contradictoire

Auteurs : A.B - H.F.


2014-07-10 Historique d’un internement abusif au CH Sainte-Marie de Nice

Historique d’un internement abusif, sur fond de racisme anti-noirs, au CH Sainte-Marie de Nice

Une chanson de Roland

Par le Comité de soutien de Roland

Le 10 juillet 2014.
 

2014-07-17 Tract de la section CGT du CH Sainte-Marie

La Chanson de Roland est un poème épique, la plus célèbre des chansons de geste (du latin gesta, « action aventureuse »). Créée à la fin du XIe siècle par un poète anonyme, elle relate le combat fatal du chevalier Roland contre l’armée des Vascons à la bataille de Roncevaux, suite à la trahison de Ganelon, qui a intrigué à son insu avec le calife Marsile.

Dix siècles plus tard, au XXI° siècle, une nouvelle Chanson de Roland, toute aussi épique, rapporte la lutte du jeune gabonais Roland contre le racisme de certains camarades niçois, attitude confortée au Centre Hospitalier Sainte-Marie par le psychiatre Giordano, qui intrigua dans son dos avec la connivence du préfet.
 

Un contexte de persécutions racistes sur un campus universitaire de la Côte d’Azur

Roland, né en 1988 au Gabon, vient en France en 2009 poursuivre ses études et obtient en juin 2011 un DUT de mesures physiques à l’université de Lille, où il donne entière satisfaction. Puis il intègre l’école Polytech Nice Sophia pour préparer un diplôme d’ingénieur en électronique et informatique industrielle, l’admission se faisant après sélection de dossiers, examen de contrôle des connaissances et entretien d’évaluation psychologique et technique. Sélectionné, mais seul étranger de sa promotion, Roland entame donc ses études d’ingénieur à Nice Sophia, tout en étant stagiaire dans une entreprise niçoise spécialisée dans ce domaine.

Mais, tout au long de l’année 2011, Roland dénonce un harcèlement moral, ainsi que des attitudes de discrimination et d’incitation à la haine raciale perpétrées à son encontre par quelques-uns des étudiants de sa promotion. Alors qu’il n’avait rien connu de ce genre à Lille, Roland se trouve confronté à des attitudes racistes dès son arrivée à Nice, cité dans laquelle le racisme semble faire partie du patrimoine culturel, et ses déclarations ne feront donc l’objet d’aucun traitement de la part des responsables de l’institut.

Excédé par les quolibets racistes dont il est l’objet (« singe, monkey, esclave, macaque, fais chier, nègre trapu, poumba, des bruits de singe quand il prend la parole, etc. »), il adresse finalement une lettre en septembre 2012 à l’un des camarades le harcelant. Cette lettre est transmise à deux responsables pédagogiques, qui lui suggèrent de relativiser les comportements de camarades décrits comme « immatures ».

Cet échange permettra d’apaiser les relations avec certains, tandis que d’autres poursuivront leur dénigrement.

C’est ainsi que Roland lors d’un échange vif finit par répondre à l’un de ses agresseurs le 29 octobre 2012 par un coup, tant son exaspération est intense. Son adversaire, encouragé par ses complices, en profite pour porter plainte, alors que le geste, certes déplacé, est heureusement sans conséquence physique. Quoi qu’il en soit, Roland se retrouve convoqué par la gendarmerie, où il explique les raisons de l’incident et porte plainte à son tour pour propos racistes. L’officier de gendarmerie comprend la situation et classe donc le dossier, en suggérant de régler ce litige à l’amiable. Cette altercation est signalée par ailleurs à la direction de Polytech Nice-Sophia et une décision d’exclusion des cours pendant une semaine, du 29 octobre au 2 novembre, est prononcée à son encontre pour le motif suivant : « a agressé physiquement l’un de ses collègues de promotion : un coup de poing, puis un coup de tête ayant entraîné une blessure de la lèvre. »

Roland est alors orienté vers une prise en charge par la psychologue de l’université, qui lui proposera de monter un dossier de plainte contre les propos racistes dont il est victime, ainsi qu’une consultation au Centre d’Accueil Psychiatrique du centre hospitalier Saint Roch à Nice, où le Dr X commencera à le suivre, lui prescrivant du Xanax, un anxiolytique, et du Deroxat, un antidépresseur, mais bien évidemment aucun antipsychotique, puisque la souffrance psychique de Roland ne relève en rien d’une quelconque psychose.

Dans le cadre de sa 3e année, Roland choisit l’option génie logiciel et suit sa formation à L’ISEN —Toulon du 30 août 2013 au 7 décembre 2013. A nouveau, il est l’objet de quolibets et remarques désobligeantes de ses camarades, en raison de ses origines africaines. Il interpelle les enseignants, mais le directeur de la recherche et du développement de l’ISEN-Toulon lui dit qu’ « on n’accuse pas les gens ainsi » et notera ultérieurement, le 22 novembre, que Roland est « un homme en souffrance, qui a besoin d’une aide médicale. », tandis que certains camarades et quelques enseignants l’accusent de comportement agressif, lui reprochant de troubler le fonctionnement régulier des cours.

2 novembre 2013 : Le retour de Roland se fait dans un climat de tension, d’un côté comme de l’autre, ainsi que le montre ce témoignage d’un de ses camarades J. :« J’étais à ce moment-là très angoissé pour être à nouveau avec Roland dans un groupe de travail, car mon expérience avec lui lors de la matière Gestion des Applications avait été très mauvaise, mais sans incidents graves. Roland est venu vers moi de façon très agressive.(…) Il cherche alors à m’intimider en se mettant face à moi avec une intention, qui me laisse penser qu’il cherche à me menacer physiquement. » Curieusement, ce vécu persécutif par ce camarade ne sera jamais décrit par un psychiatre comme un délire de persécution, alors que le harcèlement raciste dont Roland fera les frais ne sera jamais considéré, depuis huit mois, que comme le fruit de son imagination délirante.

8 novembre 2013 : En début de matinée, une dispute verbale éclate entre Roland et B., qui l’avait humilié la veille, pendant le cours d’un enseignant de l’ISEN-Toulon, qui notera que Roland « ressentait une certaine animosité des autres étudiants envers lui et plus généralement vers les personnes originaires d’Afrique. »

La querelle se poursuit à l’heure du déjeuner, Roland finissant par arracher à B. le sac contenant son repas Mac Donald et s’enfuyant. Lorsqu’il revient, l’étudiant J.,le même que précédemment, se range aux côtés de B, ce qui amène Roland à proférer des menaces : « les blancs ça pensent, les noirs ça cognent » et à proposer de les attendre à la sortie, ce qui, dans le contexte culturel de la région PACA, est d’une grande banalité, les menaces de régler par les poings le moindre différend entre automobilistes, par exemple, étant quotidiennes.

A la reprise des cours, les responsables de la formation désignent Roland comme le seul responsable de la perturbation des cours et le placent dans une salle voisine, pour qu’il y poursuive seul son projet de formation, tandis que ce dernier dénonçait en vain une mesure discriminatoire.

Un procès-verbal de ces faits est rédigé, puis signé par des enseignants, administratifs et étudiants, ajoutant que Roland s’est déjà montré agressif les deux mois précédents.

14 novembre 2013 : Le directeur lui adresse un courriel, dans lequel il lui est notifié, sans aucune référence au règlement intérieur, à un quelconque texte ou article du code de l’éducation nationale, qu’il est exclu du cours de génie logiciel et interdit d’accès aux locaux jusqu’à ce que le conseil de discipline ait statué sur l’incident du 8 novembre 2013, alors même que les torts sont partagés entre les deux protagonistes, dont la relation s’est par ailleurs normalisée.

21 novembre 2013 : En l’absence de l’intéressé, une réunion d’un Conseil de Discipline se tient et informera Roland que « suite à l’incident que vous avez provoqué pendant les cours organisés le vendredi 8 novembre 2013. », car « le comportement agressif de Roland n’est pas récent, différents incidents ayant déjà émaillé son parcours au cours des années précédentes », le Conseil de Discipline décide à l’unanimité que Roland « est exclu à titre conservatoire du CFAI ITII PACA , jusqu’à la réunion de la section disciplinaire de l’Université de Nice-Sophia-Antipolis qui étudiera et statuera sur les faits qui lui sont reprochés. » Cette décision d’exclusion temporaire lui est notifiée non seulement par lettre recommandée avec accusé de réception et mais aussi par voie d’huissier.

Par ailleurs, Roland est contacté par mail et par courrier par la psychologue de l’université, qui s’apprête à partir à la retraite, pour l’inciter à reprendre un suivi psychiatrique, mais il rejettera cette proposition de l’université, estimant que le problème de fond n’est pas traité par Polytech Nice-Sophia.

Mais Polytech Nice-Sophia passe alors par l’employeur du stagiaire, pour qu’il saisisse le médecin du travail, qui renverra Roland à la consultation du Centre d’Accueil Psychiatrique du centre hospitalier Saint Roch à Nice. Le médecin de Saint Roch lui transmettra la proposition de Polytech Nice-Sophia d’ « accepter un arrêt de maladie pour la partie entreprise de sa formation et de finir les différents modules à domicile (cours et examens) », car la direction de Polytech Nice-Sophia ne souhaite pas son retour au campus.

Ce citoyen gabonais tente alors d’organiser sa défense et se rend au secrétariat de l’université pour se procurer les adresses de certains étudiants de sa promotion pour initier une plainte au sujet des propos à caractère raciste, dont il a été victime, et pour assurer sa défense devant la commission de discipline. Mais sa présence au secrétariat de Polytech Nice-Sophia est aussitôt interprétée comme une violation de l’interdiction d’accès au campus et sa demande comme une menace pour la sécurité de ses camarades de promo. On conforte ainsi l’argument d’une prétendue dangerosité de Roland, suite à la rixe du 29 octobre 2012 avec un de ses camarades, dont les quolibets l’avaient poussé à bout.

7 janvier 2014 : Fragilisé par toutes ces manœuvres visant à le déstabiliser et par la réception d’une convocation devant la section disciplinaire de l’université pour le 14 janvier, Roland, qui se retrouve seul face à toutes ces menaces quant à son avenir, finit par adresser un courrier le 7 janvier 2014 à la direction de Polytech Nice-Sophia. On y perçoit à l’évidence une déstabilisation, un déchirement et surtout un appel à l’aide. Mais cette missive n’est finalement utilisée que pour confirmer la dangerosité de Roland vis à vis de lui-même et en faire la confirmation d’une véritable menace pour l’université, qui réussira ainsi à se débarrasser de lui.
 

Internement sur décision du représentant de l’État (SDRE) à dater du 9 janvier 2014

8 janvier 2014 : Le jour même de son anniversaire (26 ans), de violents coups à la porte plongent Roland dans une véritable panique et il s’enfuit aussitôt par sa fenêtre, se blessant sur le toit de l’immeuble, avant de réaliser que ce sont des policiers. Il les rejoint donc et est aussitôt emmené aux urgences de l’hôpital Saint-Roch, avant d’être placé en garde à vue et interrogé sans avocat par la police, à laquelle il raconte son calvaire provoqué par le racisme dont il est victime depuis deux ans.

9 janvier 2014 : Au terme de la garde à vue, il est conduit à l’Hôpital de Sainte-Marie de Nice, dans le service d’admission dénommé curieusement S.I.S.O., où il est placé dans une chambre d’isolement fermée à clé, sous vidéo- surveillance. Il est en effet hospitalisé contre son gré en psychiatrie, mais sans que la législation soit respectée, car le Dr Y, médecin du Service de Médecine Préventive et de Promotion de la Santé (SUMPPS), a rédigé un étrange certificat médical justifiant la mesure de soins sans consentement : « Certifie suivre le cas de Roland (…) signalé au SUMPPS par la scolarité de l’école POLYTECH de l’Université de Nice-Sophia-Antipolis, et à la suite d’un passage à l’acte agressif sur un de ses camarades le 29 octobre 2012.

Des écrits avec propos délirants et agressifs avaient déjà été adressés par lui à un de ses camarades en 2012.(???) Des soins psychiatriques lui ont été proposés, qu’il a interrompus en février 2013. En mai 2013, de nouveaux incidents verbaux avec menaces sur ses camarades ont eu lieu. (…) En date du 7 janvier 2014, il a rédigé un écrit à l’école POLYTECH, qui fait mention clairement exprimée d’une dangerosité pour lui-même avec évocation d’un acte suicidaire tragique à venir dans les deux jours sur les lieux de l’école POLYTECH. (…) Il a refusé toute hospitalisation proposée par le psychiatre traitant le 6 janvier 2013.(???) Son état nécessite une hospitalisation d’office en milieu spécialisé psychiatrique. »

Il faut rappeler ici l’article L. 3212-1 du Code de la Santé Publique : « Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le malade ; il constate l’état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il doit être confirmé par un certificat d’un second médecin qui peut exercer dans l’établissement accueillant le malade. »

Ainsi, le médecin n’ayant jamais vu le patient et ne l’ayant donc pas examiné, son certificat n’aurait jamais dû permettre au Préfet des Alpes Maritimes de prendre l’arrêté d’admission en soins psychiatriques sans consentement, qu’il prendra cependant en s’appuyant sur ce certificat médical illégal. En outre, le certificat médical justifie l’hospitalisation d’urgence sous contrainte par une rixe survenue quinze mois plus tôt, des supposés écrits délirants au cours de l’année 2012 et son courrier du 7 janvier, qui pouvait effectivement faire craindre un geste suicidaire. Mais ne pouvait-on pas commencer par lui proposer une aide en ambulatoire, ou faire appel à son psychiatre traitant, un séjour en maison de repos ou une hospitalisation d’apaisement, plutôt que se précipiter sur une mesure illégale de contrainte préfectorale ?

Quoi qu’il en soit, une fois interné abusivement, puis isolé en raison de sa supposée dangerosité pour lui-même ou pour autrui, il lui est prescrit d’emblée quotidiennement 140 gouttes de LOXAPAC, un neuroleptique réservé à l’agitation psychotique, avec possibilité de rajouter 100 gouttes si l’infirmière le juge utile, ou même de lui faire une injection intramusculaire d’une ampoule dudit produit en cas de besoin, sans compter la prescription de 2 mg quotidiens de RISPERDAL, un autre neuroleptique pour état délirant.

Cependant, tout au long de la journée, les infirmières décrivent le nouvel arrivant comme parfaitement calme.

10 janvier 2014 : Après 24 heures de cette hospitalisation abusive, un psychiatre du CHS Sainte-Marie affirme dans le certificat médical illégal que Roland « présente un délire de persécution en réseau, avec interprétations des comportements de ses collègues, engendrant des troubles hétéro-agressifs (lettre de menace, agressions) », c’est à dire que les propos racistes dont il a été victime sont réduits à un phénomène hallucinatoire et délirant, tandis que la rixe d’octobre 2012 est d’actualité !

Alors que la veille, le Dr X suivant Roland depuis 2012, exprime au téléphone à sa consœur du CHS que, selon lui, le grief de Roland est « a priori avéré. » On rappellera en outre qu’un certificat médical, surtout de cette importance, ne doit comporter que ce qui est réellement constaté par le médecin. Or les plaintes de Roland concernant des moqueries racistes à son encontre ne peuvent être constatées délirantes par un psychiatre que si le discours contenait des éléments manifestement irréalistes, ce qui n’est évidemment pas le cas.

Quant aux troubles hétéro-agressifs, ils ne sont pas non plus constatés, Roland se présentant parfaitement calme, mais rapportés par les interlocuteurs de l’université et le médecin du certificat initial, lequel n’a jamais rencontré Roland. Enfin, le médecin signataire du certificat médical n’a aucune connaissance de la lettre de menace à laquelle son certificat fait allusion, puisqu’elle est réclamée à l’université 3 jours plus tard par l’interne du service et ne parviendra qu’ultérieurement. Il faut donc bien conclure que ce certificat des 24 heures est en profonde contradiction avec le code de déontologie médicale.

12 janvier 2014 : Le psychiatre d’astreinte, le Dr Z, doyen de la communauté médicale et exerçant la psychiatrie depuis une quarantaine d’années, lève dans la matinée l’isolement dont Roland est l’objet depuis son arrivée au CHS et rédige le certificat légal des 72 heures, en demandant la levée de la mesure de soins psychiatriques sur décision préfectorale, puisque Roland « présente un état psychique désormais apaisé, sans aucune discordance dans le discours, ni aucun trouble du comportement, ni aucune symptomatologie psychopathologique permettant de conclure à sa dangerosité pour lui-même ou pour autrui. Il semble que ce jeune homme ait surtout été victime de manœuvres racistes de certains camarades et qu’il ait fini par être fragilisé sur un mode sensitif, qui l’a conduit à être suivi par un confrère, dont le soutien lui permet une consultation dès aujourd’hui, ce qui nous conduit à demander la levée de l’hospitalisation sous contrainte, que ne justifie plus aucun signe de déséquilibre mental. »

La mesure d’hospitalisation sur décision du représentant de l’État est donc aussitôt levée par le Préfet. Mais, l’après-midi même, le responsable du pôle, le Dr W, ancien médecin généraliste reconverti à la psychiatrie depuis une quinzaine d’années, vient rencontrer Roland, pour lui expliquer, de manière mensongère, que sa « sortie n’était pas envisageable avant vendredi », c’est à dire avant quelques jours. Et le praticien de noter aussitôt, pour justifier sa manœuvre, combien Roland est réticent à s’exprimer avec lui, ce qui signe sa pathologie mentale et d’en conclure que les maltraitances évoquées par Roland ne sont que l’expression d’un délire hallucinatoire imposant éventuellement « une nouvelle demande de soins sous contrainte (…) dès demain. »

13 janvier 2014 : Aussitôt une assistante sociale du CHS est mandatée pour rechercher un tiers en vue d’une hospitalisation sur demande d’un tiers, c’est à dire une nouvelle forme d’hospitalisation sous contrainte. Tandis qu’un psychologue fait passer un test du Rorschach à Roland, test consistant à lui faire imaginer ce que lui évoquent des tâches d’encre, et conclura de la réponse « bouche » formulée devant l’une des tâches qu’il s’agit « ici d’un trouble majeur de la personnalité, de nature non névrotique », c’est à dire de nature psychotique, autrement dit que l’évocation d’une « bouche » devant l’une des tâches d’encre présentées signe la folie de Roland ! Et voilà donc pourquoi il y a urgence à interner ce fou dangereux !…

Et l’on conclut aussitôt à la nécessité de modifier le traitement, ayant supprimé la veille le LOXAPAC, mais faisant passer la posologie du RISPERDAL de 2 mg par jour à 8 mg quotidien, sans doute pour préparer la mise sous traitement injectable retard mensuel et faciliter ainsi l’adhésion de Roland au projet d’une nouvelle hospitalisation sous contrainte, qui se trame dans son dos, alors que les infirmières du service le décrivent « discret (…) plus souriant et dans le contact. »

14 janvier 2014 : La section disciplinaire de l’Université Nice-Sophia-Antipolis se réunit en son absence et prononce son exclusion définitive de tout établissement de l’Enseignement Supérieur pour une durée de 3 ans, sans débat contradictoire, ni avoir mis l’intéressé en mesure de préparer sa défense. Ainsi, tandis qu’il venait de recevoir une convocation de la préfecture des Alpes Maritimes pour retirer sa carte de séjour temporaire d’étudiant. Sa carte de séjour est en instance au service des étrangers et par conséquent aucun titre de séjour ne lui sera plus remis. L’hôpital et l’université tente de faire de Roland un étranger en situation irrégulière. Roland fait donc appel de l’exclusion de l’université cette décision dramatique pour son avenir.

15 janvier 2014 : Le sommeil de Roland est perturbé cette nuit-là, car la situation est de plus en plus difficile à supporter, et, après que l’aide-soignant de nuit ait finement noté que Roland a été « recadré à deux reprises mais semble ne pas totalement imprimer », c’est l’interne du service qui, le lendemain, interprète tout aussi finement les effets de l’insomnie comme une symptomatologie de sa pathologie mentale : « contact altéré, regard dans le vide discours allusif , incohérent , dissociation de la pensée. »

16 janvier 2014 : Tandis que l’assistante sociale note qu’ « un tiers sous le coude serait pas mal », puisqu’il faut aboutir à une hospitalisation sur demande d’un tiers toujours bien difficile à trouver, le médecin s’étonne que son patient reste « assez méfiant lors de l’entretien », comme si ce qui se trame dans son dos ne transpirait pas dans ses relations avec les divers professionnels.

17 janvier 2014 : Revenant sur la lettre quelque peu alarmiste qu’il a écrite à l’université, Roland explique au psychologue du service que « L’interprétation qui en a été faite ne correspond pas aux idées que j’avais quand le l’ai faite », mais, pour ce professionnel, c’est un symptôme, car « Le sujet reste sur la certitude que ce sont les autres qui dans des fausses interprétations des propos ou des écrit qu’il a pu faire. » Alors qu’on pourrait de même en conclure que le psychologue reste sur sa certitude que c’est Roland qui fait des fausses interprétations, signant ainsi son propre délire interprétatif, tout psychologue qu’il soit !

Paradoxalement, le même jour, un psychiatre du service note tout à la fois que Roland « accepte le traitement passivement et ne demande pas sa sortie », mais que, « si le patient demande sa sortie », il y aurait « risque d’arrêt du traitement dès la sortie et de rechute avec risque hétéro-agressif et auto-agressif ». Tandis que l’interne, de son côté, est rassuré de constater une « amélioration du contact, plus d’empathie, échange plus dynamique, moins de méfiance, apaisé, amélioration du sommeil », ce que confirme d’ailleurs l’infirmière en notant : « calme, contact amélioré. » C’est à se demander qui, du psychologue, du psychiatre, de l’interne ou de l’infirmière, est devenu à ce point interprétatif des propos et attitudes de Roland ?

20 janvier 2014 : Finalement, on fait venir un psychiatre libéral, le Dr V, afin qu’il établisse le certificat médical permettant de garder Roland en hospitalisation sous contrainte, mais cette fois-ci à la demande d’un tiers, procédure utilisée lorsqu’un proche d’un patient juge nécessaire une hospitalisation à laquelle l’intéressé ne peut adhérer en raison de ses troubles mentaux. Le praticien sollicité a probablement mal étudié le dossier, puisqu’il décrit que Roland a été hospitalisé contre son gré le 9 janvier et « que cette mesure a été infirmée le lendemain par le Dr Z », alors que le docteur Z n’a fait lever l’hospitalisation sous contrainte de Roland que le 12 janvier 2014. Mais, outre cette première erreur, Le docteur V justifie la nécessité d’une nouvelle hospitalisation sous contrainte en décrivant Roland « ne critiquant que partiellement les éléments délirants », comme si, une fois de plus, les propos racistes relatés par la victime ne pouvaient être a priori qu’affabulations. Là encore, le médecin établit un certificat médical ne reposant pas sur ce qu’il constate, mais sur ce qu’il présuppose ou interprète, ce que n’autorise pas le code de déontologie médicale.

Plus étonnant encore, le tiers sollicitant l’hôpital pour l’hospitalisation sous contrainte de Roland, une assistante sociale de l’hôpital, Mme X, ne l’a jamais rencontré avant ce jour, alors que la loi indique bien que le tiers ne peut être qu’ « un membre de la famille du malade ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt à l’exception des personnels soignants qui exercent dans l’établissement d’accueil » Il arrive qu’exceptionnellement une assistante sociale se constitue comme tiers, faute d’un membre de la famille joignable, mais il s’agit alors impérativement d’une assistante sociale s’occupant du patient depuis quelques temps et concourant ainsi à assurer d’indispensables soins au patient.

Or, Roland a bien rencontré depuis son admission à l’hôpital une assistante sociale, Mme Z, mais jamais celle qui signera la demande de tiers, qui est donc rédigée en toute illégalité.

Mais la législation ne semble pas embarrasser la directrice du CHS Sainte-Marie de Nice, Mme H, qui validera administrativement une hospitalisation sur demande de tiers, dont elle ne peut ignorer les irrégularités, s’agissant d’un tiers salarié de l’établissement qu’elle gère.

22 janvier 2014 : Bien que les infirmières notent chaque jour le calme de Roland depuis une semaine, un médecin psychiatre, le Dr Fabrice J, qui vient d’ailleurs de s’empresser de quitter, comme tant d’autres, cet hôpital si humaniste, rédige a minima le certificat de 24 heures confirmant l’hospitalisation à la demande d’un tiers de Roland, arguant la « persistance d’une latence des réponses, et d’une perplexité face à ses troubles psychiques. Le discours est allusif concernant les difficultés liées à son passé, réticences pathologiques, probablement délire de persécution sous-jacent (les persécuteurs désignés étant ses camarades de classes), avec mécanisme interprétatif et hallucinatoire ». Et de conclure, puisqu’il « ne critique pas ses troubles, ni ses passages à l’acte (hétéro-agressivité envers un camarade de classe l’an dernier et lettre adressé à l’université évoquant "fin tragique") », qu’ « il présente toujours une dangerosité pour lui même et ses camarades de l’université. »

Ainsi, la méfiance compréhensible de Roland vis à vis de ceux qui le maintiennent illégalement enfermé signe un grave trouble psychopathologique à l’origine d’une évidente dangerosité contredite quotidiennement par son comportement calme et réservé dans le service. On notera d’ailleurs que le praticien indique prudemment qu’il s’agit « probablement » d’un délire de persécution, mais que ce doute est balayé quand il faut conclure à la dangerosité pourtant déduite d’une probabilité !

Heureusement, le certificat médical des 24 heures est conforté par l’observation du psychologue qui affine l’observation clinique du psychiatre : « Si le fait des moqueries reste probable, la position du patient pose question. Un écart entre fait réels et faits vécus conduirait le patient à manifester des comportements pathologiques (cf lettre de menace à l’UNICE au sujet des moqueries à son encontre). » Autrement dit, Roland aurait bien essuyé des moqueries, ce qui constitue tout de même un pas vers la vérité, mais ses réactions à ces dernières seraient pathologiques. Et, si notre psychologue comprend bien que, pour Roland, « les moqueries faites à son encontre seraient vécues par le patient comme une remise en question de son identité et de sa filiation », c’est pour en déduire qu’elles ont alors révélé une lourde pathologie mentale chez la victime de ces moqueries : « des persécutions délirantes sur le thème de ses origines entraînant des réponses pathologiques car extrêmes (revendication, menaces laissant entendre une épuration ethnique dont le commanditaire serait Roland) » Si les faits sont avérés, on ne peut que conclure, comme notre érudit, à la folie furieuse de ce Roland qui s’apprêterait à financer de manière occulte l’épuration ethnique d’un peuple à protéger d’urgence dès que notre « commanditaire » aura donné quelques précisions sur son épouvantable machination ! . Si l’on note que, le même jour, un interne relève l’absence « d’idées délirantes exprimées durant l’entretien », on peut finir par s’interroger sur la cohérence des observations et, partant, de la prise en charge des patients dans ce service psychiatrique, au sein duquel il n’apparaît plus clairement qui raisonne et qui déraisonne…

24 janvier 2014 : Pour le certificat des 72 heures, le psychiatre du service, le Dr L, se montre encore plus prudente, bien que sous l’autorité administrative de son confrère moins expérimenté qu’elle-même, le Dr Pierre Y, mais dont le parcours au sein de l’hôpital est riche de rebondissements. Quoi qu’il en soit, le Dr M relève dans son certificat des 72 heures que Roland « est calme sur le plan psychomoteur et ne présente pas de troubles du comportement. Il ne verbalise pas d’idées délirantes mais il persiste un vécu de persécution. Il (…) reste perplexe face à ses troubles psychiques. En conséquence, l’hospitalisation doit se poursuivre sur le même mode. » Ainsi, le patient ne présente pas de troubles dans ses attitudes, n’émet aucun discours délirant, mais son vécu est perçu par le « Docteur » (du latin, doctus, celui qui sait) comme vivant dans un délire de persécution justifiant son internement comme fou dangereux.

27 janvier 2014 : Une autre psychologue du service note : « Pas d’éléments délirants ou dépressifs exprimés. »

3 février 2014 : Le traitement par RISPERDAL est remplacé par une injection mensuelle de XEPLION à la posologie maxima autorisée, avec l’accord de Roland, puisque le médecin se félicite que son patient « accepte volontiers le xéplion », alors qu’il réclamera à plusieurs reprises des éclaircissements sur des traitements qu’il subit contre son gré, sans les comprendre.

5 février 2014 : Notre psychologue spécialiste de la détection des idées délirantes poursuit son investigation et s’inquiète, car « le patient ne remet pas en cause son délire, une ébauche de critique est faite mais sans réelle conviction, il semblerait que ce soit le facteur intellectuel (…) du patient qui prime à ce sujet bien plus que la prise de conscience. Patient supposé à risque, au facteur pathologique s’ajoute le facteur intellectuel +++. » Autrement dit, l’intelligence de Roland le rend plus particulièrement dangereux.

6 février 2014 : Le médecin trouve que son patient va mieux, car il « se sent mieux. (…) Discours posé, adapté. (…) Pas d’idées suicidaires ni hétéro agressives. » [Mais on va faire une Hospitalisation d’Office !]

8 février 2014 : Roland apprend que l’hospitalisation va encore se poursuivre, sans date précise de sortie, et proteste alors en refusant tout traitement et toute alimentation pendant 2 jours.

13 février 2014 : Roland reçoit une lettre recommandée de l’université l’informant qu’il est exclu de tout établissement d’enseignement supérieur pendant 3 ans.

21 février 2014 : L’hôpital se trouvant de plus en plus dans une situation délicate, après toutes ces transgressions de la législation, se met alors en tête de régler le problème en renvoyant Roland au Gabon, ce qui évitera toute plainte de la part de l’intéressé, puisqu’il n’aura plus de titre de séjour pour la France, la Préfecture se trouvant elle-même dans une situation délicate et en mesure de prévenir un éventuel retour de l’importun. Le Dr L, formule donc une demande officielle au Préfet, en vue de transformer le mode d’hospitalisation sans consentement à la demande d’un tiers, déjà frauduleux, en une hospitalisation sans consentement à la demande du Préfet. L’argumentaire est édifiant : tout d’abord, Roland « présente toujours des éléments délirants de persécution centrés sur son École d’Ingénieur et la promotion des étudiants. »

Une fois de plus, les sévices subis de la part de ses camarades sont donc le fruit de l’imagination délirante de Roland. « Par ailleurs, il n’entend pas les éléments de réalité, en particulier la décision de la commission de discipline lui interdisant toutes études en France pendant 3 ans. Il persiste dans l’idée de reprendre ses études. » Car le fait de faire appel de cette décision de la commission de discipline, comme l’y autorise la loi, et de souhaiter poursuivre ses études d’ingénieur devient, au regard des deux psychiatres, un symptôme de pathologie mentale. Et l’on poursuit sans vergogne : « Il est par ailleurs totalement isolé à Nice et refuse de nous aider à trouver des points d’appui familiaux. Nous nous orientons vers une décision de rapatriement sanitaire au Gabon. A cette fin, nous demandons la transformation de la mesure de soins psychiatrique à la demande d’un tiers en soins psychiatriques à la demande du représentant de l’État. »

En effet, Roland vit comme une profonde humiliation son internement abusif et refuse qu’on prévienne de cette infamie sa famille, qu’il souhaite en outre protéger de tout souci à son égard, celle-ci ayant déjà subi assez d’épreuves depuis quelques années. C’est pourquoi il est totalement opposé à son rapatriement au Gabon, revendiquant d’être un sujet libre en France, un pays qui se targue de la liberté de ses concitoyens. Et voilà que ce patient, dont on vante depuis un mois et demi, tout au long des multiples observations médicales, infirmières et psychologiques, le calme et la pondération, est désormais décrit éminemment dangereux et justifiant donc, de ce fait, la transformation de la contrainte d’hospitalisation, non plus à la demande d’un soi-disant tiers veillant sur sa santé, mais à la demande du Préfet veillant à la sécurité de l’ordre public, que Roland est brusquement susceptible de compromettre : « Je conclus que l’état du patient nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l’ordre public et justifie une mesure de soins psychiatriques à la demande du représentant de l’état. »

La rédaction d’un tel certificat médical frauduleux, certifiant un état de santé non constaté mais arrangeant pour l’autorité hospitalière et préfectorale, pourrait relever d’une plainte au Conseil de l’Ordre des Médecins, susceptible de prononcer une interdiction d’exercer pendant un certain temps, pour indignité dans l’exercice de l’art médical.

24 février 2014 : Bien entendu, le Préfet « s’approprie les termes » dudit certificat médical, comme il l’écrit lui-même, et entérine la modification du mode d’hospitalisation sans consentement de Roland, car la perspective du renvoi de ce dernier au Gabon arrange tous ceux qui ont enfreint la législation dans ce dossier brûlant.

25 février 2014 : Mais il faut confirmer ce nouveau mode d’hospitalisation, ce qui nécessite un nouveau certificat de 24 heures. On dépêche pour le faire un autre psychiatre, le Dr P, jeune psychiatre lui aussi sous l’autorité administrative du Dr Y, qui rédige un prudent certificat de confirmation, en faisant une synthèse, pratiquement mot à mot, des deux certificats de sa consœur, en dates des 24 janvier et 21 février : « le patient est calme sur le plan psychomoteur et ne présente pas de troubles du comportement. Il existe toujours un délire de persécution vis-à-vis de ses camarades de classe.

Il n’entend pas les éléments de réalité et persiste dans l’idée de reprendre ses études malgré la décision qui l’empêche d’étudier dans tout établissement d’enseignement supérieur durant trois ans. Il ne critique que très partiellement les éléments ayant mené à cette hospitalisation. En conséquence, l’hospitalisation doit se poursuivre sur le même mode. »

26 février 2014 : Visite du Père R, aumônier des étudiants, qui aurait décrit Roland à l’assistante sociale comme « une personne très réservée, timide et avec un léger décalage dans ses propos parfois mais rien de hors normes. » On aurait été tenté de dire de ce curé qu’il est un bien mauvais clinicien, sans expérience de la nature humaine, mais chacun son métier… Or les affirmations de l’assistance sociale sur les oui- dires du Père R contrastent curieusement avec le communiqué de soutien du 1 juillet 2014 de ce dernier dans lequel il dit : « Roland G.G, étudiant en école d’ingénieur à Sophia Antipolis est interné depuis le 9 janvier à l’hôpital psychiatrique Sainte-Marie de Nice. Il participait régulièrement et de manière engagée aux activités de l’aumônerie catholique de la Bougie à Nice. Comme aumônier avec d’autres jeunes nous nous interrogeons sur les conditions et sur la durée de son internement. Depuis presque 6 mois, il est en unité fermée. Ses déplacements, même s’ils sont libres, sont limités à l’enceinte de l’unité (douche, chambre avec 3 personnes, salle à manger…). Il n’accède à l’air libre que sur une terrasse semi-fermée et ne peut descendre dans le parc clos de l’hôpital. Au cours des visites effectuées, nous trouvons ces conditions inquiétantes pour une aussi grande période. Soucieux de son bien, nous le soutenons dans cette épreuve et espérons que tout soit mis en œuvre pour que sa dignité soit assurée. »

27 février 2014 : Le Dr L rédige le certificat des 72 heures, en s’entêtant dans les mêmes constats signant sans doute l’inefficacité de sa thérapeutique : Roland « présente une froideur affective associée à une persistance des idées délirantes centrées sur la promotion d’étudiants dont il est issu. Il n’existe aucune critique de son discours et de son vécu. » Ce patient récalcitrant persiste donc dans sa folie consistant à se plaindre d’avoir subi des attitudes racistes de certains de ses camarades. Par ailleurs, poursuit l’éminente spécialiste, « Il n’entend pas les éléments de réalité en particulier son éviction de toute vie étudiante pour une durée de trois ans. » Il n’entend tellement pas les éléments de la réalité, en particulier son éviction de toute vie étudiante pour une durée de trois ans, qu’il a fait appel de cette décision qu’il conteste … sans doute sans l’avoir entendue !

5 mars 2014 : L’hôpital finit par contacter l’ambassade du Gabon, pour mettre en place le rapatriement sanitaire de Roland et se débarrasser ainsi de ce patient interné illégalement, dont l’hospitalisation est prolongée indéfiniment sans réelle raison médicale et dont la sortie dans sa famille ou chez des amis risquerait de lui permettre de demander des comptes en Justice. Roland ne veut évidemment toujours pas en entendre parler.
 

La défense de Roland s’organise devant le Juge des libertés et de la détention et devant la Cour d’appel

10 mars 2014 : Roland passe devant le Juge des Libertés et demande à poursuivre l’hospitalisation en soins librement consentis.

12 mars 2014 : Le psychiatre du service, le Dr L note : « Vu en entretien avec le Dr Y explication donnée sur le projet de rapatriement au Gabon en hospitalisation. » Sans doute sans rapport avec le refus déterminé de Roland quant à ce rapatriement sanitaire, on enrichit aussitôt son traitement par une prescription d’un comprimé matin et soir de DEPAKOTE 250 mg, thérapeutique spécifique du trouble bipolaire, nouveau diagnostic dont bénéficie sans doute désormais Roland, mais on lui ajoute également une prescription d’un antidépresseur, le NORSET, dont les bénéfices thérapeutiques apparaissent en principe au bout de 15 jours, mais qu’on arrête après une semaine ! Il faut à tout prix faire passer la pilule… et Roland se retrouve donc traité pour psychose paranoïaque, psychose maniaco-dépressive ou trouble bipolaire et état anxio-dépressif … décidément, on ne prête qu’aux riches !

14 mars 2014 : Le Dr L écrit finalement au Consul du Gabon, pour solliciter son aide en vue du rapatriement sanitaire de Roland présenté comme souffrant « de troubles psychiatriques sévères » et ayant écrit des « lettres extrêmement inquiétantes dans lesquelles il proférait des menaces à l’encontre des étudiants de sa promotion. (…) On pouvait craindre qu’il attente à la vie de ses camarades étudiants mais également à la sienne. » Or cette affirmation est totalement mensongère et signe la mauvaise foi de son auteure, car, si Roland a bien laissé entendre que les maltraitances subies pouvaient le conduire à un acte de désespoir, il n’existe dans son bref courrier aucune menace, même allusive, à l’égard de ses camarades. De tels mensonges sont indignes de la fonction médicale et devraient avoir des conséquences pour leurs signataires.

18 mars 2014 : Et l’on poursuit dans le certificat médical mensuel, toujours rédigé par le Dr L, qui s’entête à décrire Roland « calme sur le plan psychomoteur, mais présente toujours une absence de critique de l’épisode délirant responsable de cette hospitalisation. Il n’a pas conscience de ses troubles ni de la nécessité des soins qui s’imposent. Il dénie également les éléments de réalité puisqu’il pense qu’il peut reprendre ses études malgré la décision du conseil de discipline lui interdisant toute vie étudiante en France pour une durée de trois ans. » Ainsi, en refusant de comprendre que ses camarades n’ont jamais eu de remarques racistes à son égard et d’admettre qu’il n’a plus rien à faire en France, Roland persiste à signer ses troubles mentaux.

24 mars 2014 : Roland demande, comme la loi l’y autorise, à désigner une « personne de confiance » et à obtenir son dossier médical.

15 avril 2014 : Roland répète son opposition à son retour au Gabon et informe le service de son projet d’habiter chez un cousin à Montpellier dès sa sortie de l’hôpital.

16 avril 2014 : Une fois de plus, le Dr L écrit au Préfet pour conforter l’hospitalisation sous contrainte, décrivant toujours les mêmes oppositions de Roland à son internement abusif et à la thérapeutique qui lui est administrée contre son gré : « A l’entretien ce jour, le patient est calme sur le plan psychomoteur mais ne présente pas de critique des symptômes responsables de cette hospitalisation. Il reste dans le déni de la réalité et pense que les décisions prises par le conseil de discipline sont modifiables.

Il conteste la nécessité des soins. » On finit par se demander qui est dans le déni de la réalité…

17 avril 2014 : Audience à la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, qui désigne le Dr B pour une expertise.

18 avril 2014 : Et le Dr L de s’entêter dans son certificat mensuel du 2° mois : « patient calme et coopérant, il présente toujours une froideur affective en lien avec des idées délirantes de persécution sur ses collègues d’études.

Il ne présente pas de critique de son comportement ayant motivé son hospitalisation. » L’étonnement du psychiatre est touchant, car Roland devrait, pour signifier sa guérison, se montrer moins froid affectivement à l’égard de celle qui prend si bien soin de lui et reconnaître le bien-fondé de son internement abusif. Ce même jour, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, saisie par Roland pour contester son hospitalisation sans consentement, demande une expertise psychiatrique, qui sera réalisée par le Dr D, psychiatre à Nice.

24 avril 2014 : Le Vice-consul du Gabon, accompagnée d’une assistante sociale du consulat, rendent visite à Roland, puis rencontrent la direction de l’hôpital. Le même jour, le Dr D vient réaliser son expertise.

30 avril 2014 : Le Dr D rend son expertise, dans laquelle il commence par retracer la biographie de Roland, mais en notant d’emblée que « son raisonnement est altéré par la psychose. » Ainsi, dès le début de l’entretien, la question est entendu et le discours du patient invalidé, puisque son raisonnement est psychotique ! Après que la biographie ait été relatée, on en vient à l’épineuse question du délire et l’on apprend alors, par cette plume experte, que Roland « ne conteste pas avoir fait un épisode délirant, mais ne le reconnaît qu’avec réticence. » C’est le moins que l’on puisse dire, car voilà 6 mois que Roland récuse le fait que les propos racistes, dont il a été victime, puissent être une perception délirante. Mais l’expert, a priori indemne d’hallucinations auditives, entend enfin, de la bouche de l’intéressé, ce qu’aucun psychiatre n’a réussi à obtenir de lui depuis le mois de janvier et qui semblerait d’ailleurs signer la guérison pour les hospitaliers, tandis qu’il s’agit pour l’expert d’une preuve éclatante de la pathologie mentale de Roland…

Mais comme l’expert n’en est pas à une contradiction près, il précise peu après que « lors du présent examen, il semble moins délirant, moins dissocié et moins halluciné », ce qui suppose que Roland est quand même délirant, dissocié et halluciné, mais la fine observation clinique de l’expert permet de préciser que ces symptôme sont moindres qu’auparavant, ce qui est le fruit d’une subtile comparaison avec une observation précédente réalisée par ce psychiatre qui n’avait jamais rencontré Roland avant ce jour ! Et de continuer dans la mystérieuse logique expertale, en ajoutant, quelques lignes plus loin, que Roland « conserve l’idée d’avoir fait l’objet de réflexions racistes », alors qu’il reconnaissait ci-dessus « avoir fait un épisode délirant. » C’est à se demander qui est dissocié dans cette affaire. , d’autant que le déni de la soi-disant reconnaissance du délire se renforce six lignes plus bas, l’expert notant que« malgré ces antipsychotiques puissants, il critique peu ou pas son état. »

Ainsi, l’expert D va enfin permettre au Juge des Libertés de discerner si Roland est délirant et dangereux ou non, puisqu’il conclut, après avoir entendu que le patient reconnaissait son délire tout en le niant, que l’état de santé de Roland « nécessite la poursuite de soins psychiatriques contraints sous le régime de l’hospitalisation continue. » Le rapport de l’expert est donc remarquable, puisqu’il conclut d’emblée à la psychose du patient, avant même qu’il ait dit deux mots, et qu’elle s’achève sur la conclusion que l’on attendait de lui, malgré l’incohérence de sa prose intermédiaire. Et pour faire bonne mesure, notre spécialiste réussit même à conclure de son examen approfondi que, dans l’intérêt même l’état de santé de Roland, « son transfert sanitaire serait souhaitable. » Le Juge des Libertés ne lui en demandait pas tant, mais tant qu’à être confraternel avec le bon Dr Y du CHS Sainte-Marie, n’hésitons pas à outrepasser la mission confiée par le Juge en donnant un conseil servile quant au devenir de la victime du système.

6 mai 2014 : Le jour même de l’audience à la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, le Dr L rédige un nouveau certificat médical, dit de situation, à l’attention du Préfet, décrivant Roland comme étant « calme sur le plan psychomoteur. Ne présente plus actuellement d’activité délirante mais ne développe pas de critique de l’épisode responsable de cette hospitalisation. Il dénie les éléments de réalité et de ce fait la dangerosité persiste. » Il est donc toujours dangereux, puisqu’il s’entête à dire avoir été victime de propos et d’attitudes racistes, ce qui signe le délire et donc la dangerosité. Pas une seconde le médecin ne se posera la question de savoir si la vérité n’est pas la version de Roland plutôt que celle de l’université. Le psychiatre n’a rien constaté lui-même, mais il est convaincu que le vécu de la victime est hallucinatoire, tandis que la version de l’école correspond à la réalité. Il certifie donc sans ambages et doctement ce qui est réel par opposition au délire, en s’appuyant sur sa seule conviction que l’université ne peut être de mauvaise foi. Et, en infraction avec son code de déontologie, elle certifie ce qu’elle n’a pas constaté elle-même, c’est à dire que Roland délire et même qu’il est dangereux, alors que toutes les observations du service depuis 4 mois le décrivent calme et paisible.

23 mai 2014 : Entretien du psychiatre du service, le Dr L, avec la personne de confiance de Roland son avocate, Maître Orane ALLENE ONDO, qui réclame en vain à l’hôpital le passeport et le dossier médical de Roland, et la présidente de la Maison du Gabon qui menace d’un « afflux de recours juridiques. »

26 mai 2014 : La directrice de l’hôpital, Mme F, répond à Roland, qui avait réclamé son dossier médical complet par la voie de son avocate : « Nous vous informons que nous transmettons ce jour au médecin concerné la télécopie reçue de Maître Orane ALLENE ONDO relative à votre demande de communication de dossier médical. » Aussitôt, sans qu’on n’ait jamais su quel était le « médecin concerné », on communique un extrait très partiel de son dossier médical informatisé, du 9 janvier au 12 mars, alors que nous sommes le 26 mai. En outre, on constate que ce document comprend 14 pages, alors que le dossier intégral jusqu’au 12 mars nécessiterait 35 pages, s’il était transmis en totalité, comme l’exige la loi. Ce sont d’ailleurs 53 pages qui devaient être remises à Roland, si le dossier avait été complet jusqu’au 26 mai.
Il s’agit donc là d’un refus patent de respecter le droit de tout patient à avoir accès à son dossier médical.

5 juin 2014 : Roland réclame à nouveau l’intégralité de son dossier médical.

10 juin 2014 : Roland se plaint à nouveau, auprès de la psychologue cette fois-ci, de la détention de son passeport par l’hôpital.
 

Nouvelle saisine du juge des libertés et de la détention de Nice

13 juin 2014 : Audience auprès du Juge des Libertés. La séance est publique, Roland l’ayant demandé afin que son comité de soutien puisse entendre les débats. Invité à s’exprimer le premier, il s’étonne donc auprès du Juge de son hospitalisation psychiatrique en pavillon fermé sans autorisation de sortie depuis 5 mois, de l’interprétation de sa lettre envoyée le 7 janvier 2014, qui ne justifiait pas qu’un médecin du travail fasse un certificat de complaisance pour une hospitalisation sans consentement, et de l’attitude du médecin chef, le Dr Y, le menaçant de maintien en chambre d’isolement s’il s’obstinait à vouloir quitter l’hôpital, suite à la mainlevée par le Préfet de son internement arbitraire, le dimanche 12 janvier 2014. Il fut alors forcé de signer un document, dont il apprit plus tard qu’il s’agissait d’une demande d’hospitalisation libre. Enfin, il confirme qu’il a bel et bien été victime de racisme à l’université, mais qu’il demande surtout à sortir de cet hôpital pour terminer ses études. Son avocate énonce ensuite les vices de procédure de fond et de forme lors des trois modes successifs d’hospitalisation en 5 mois : hospitalisation à la demande du représentant de l’État, du 8 au 12 janvier, hospitalisation à la demande d’un Tiers, d’ailleurs illégal, du 22 janvier au 21 février, puis à nouveau hospitalisation à la demande du représentant de l’État, à partir du 22 février. Elle rappelle que, suite au courrier adressé le 7 janvier par Roland à l’université et interprété comme une menace de suicide, une mesure d’internement fut prise par le Préfet sur la base d’un certificat médical de complaisance rédigé par un médecin de médecine préventive n’ayant jamais vu Roland. Au terme de 3 jours d’hospitalisation sans consentement, un psychiatre constate que l’état clinique de Roland ne relève plus d’une telle mesure, que le Préfet lève aussitôt. Mais Roland sera retenu arbitrairement par le Dr Y pendant plus de 8 jours, en hospitalisation soi-disant libre, tout en le maintenant dans un service fermé à clef.

Elle souligne ensuite que Roland a été présenté sans avocat la première fois devant le juge des libertés, alors qu’il est drogué avec de puissants neuroleptiques, et s’étonne d’un internement pour trouble à l’ordre public reposant sur l’appréciation par plusieurs psychiatres de l’hôpital, à l’exception de leur doyen, affirmant sans constatation effective que les actes dénoncés par Roland comme racistes sont le fruit d’un délire de persécution. L’autre facteur de trouble à l’ordre public serait constitué par la persistance de Roland à vouloir poursuivre ses études malgré une décision qui l’exclut de tout établissement de l’enseignement supérieur pendant 3 ans. Alors que cette décision n’est pas définitive, faisant l’objet d’un appel devant la CNESER. Quoi qu’il en soit, ce sentiment d’avoir été victime d’attitudes racistes de la part de ses camarades et son insistance à vouloir poursuivre ses études font-ils de Roland un fou dangereux susceptible de troubler l’ordre public, et justifient-ils qu’on le garde interné depuis plus de 5 mois ?

D’autant que Roland fait preuve de calme en toutes circonstances :lors de son arrestation, lors de son admission aux Urgences du CHU, lors de sa garde à vue, lors de son admission en hôpital psychiatrique, lors du refus illégal de sa sortie et de lui restituer ses papiers d’identité, lors de la cohabitation avec deux patients psychiatriques et dans tous ses contacts avec les professionnels de santé.

Le Juge demande alors au représentant de l’hôpital« pourquoi ne pas avoir produit dans le dossier du Juge des Libertés les éléments de la levée de la mesure et les certificats produits par le médecin et le journal médical du patient », mais sa question restera sans véritable réponse.

La parole est ensuite donnée au Procureur de la République qui, se positionnant en avocat de l’hôpital et du Préfet, argumente que toutes les irrégularités de la procédure se heurtent au principe de « l’autorité de la chose jugée » et qu’il appartenait donc à Roland, anéanti par les neuroleptiques, de les soulever en temps voulu, ce qui n’a pas manqué d’interpeller et de choquer la salle. Le Procureur admettait donc en effet que ces graves irrégularités auraient pu conduire à la levée de l’hospitalisation initiale de Roland s’ils avaient été soulevés dans certains délais. C’est à dire qu’un homme peut faire l’objet d’une hospitalisation arbitraire, s’il ne parvient pas à se défendre sous certaines formes et dans certains délais, mais en ignorant le fait que des pièces ont été cachées au Juge par l’hôpital et que le médecin chef du pôle, le Dr Y, ait pu faire pression sur Roland pour qu’il reste à l’hôpital le temps nécessaire pour mettre en place une hospitalisation sur demande d’un tiers.

18 juin 2014 : Décision rendue par le Juge des Libertés. Il est tout d’abord mentionné curieusement dans ladite décision que Roland a poursuivie des soins en hospitalisation libre du 12 au 21 janvier 2014, alors qu’il séjournait dans un pavillon fermé à clef. Puis le juge constate que Roland invoque plusieurs irrégularités de procédure, mais que celles-ci n’ont pas été soulevées devant le premier Juge des Liberté, ni devant la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, et qu’on se heurte donc à « l’autorité de la chose jugée », faisant totalement abstraction du fait que Roland n’avait pas d’avocat lorsqu’il a été présenté au premier Juge des Libertés et que des éléments déterminants, qui auraient permis de procéder à la mainlevée de son hospitalisation, ont été volontairement soustraits du dossier par l’hôpital lors de la saisine du premier et du deuxième Juge, ainsi qu’en Appel. Or l’invocation de l’« l’autorité de la chose jugée » indique bien que le juge convient que, si ces irrégularités avaient été soulevées, elles auraient permis la levée de l’hospitalisation sans consentement. C’est dire qu’un magistrat se retranche derrière un principe formel, alors qu’il est question d’une détention arbitraire en hôpital psychiatrique. Enfin, alors que le Procureur propose lui-même une nouvelle expertise hors de la région PACA réputée pour ses systèmes de réseaux, afin d’assurer l’objectivité de la future expertise, le Juge, non seulement se cache derrière les divers certificats médicaux confraternels niçois, mais sollicite en outre une contre-expertise probablement « confraternelle », puisque toujours dans le département des Alpes Maritimes. Ce sera celle du Dr F, de Cannes.

Roland fera donc appel de cette décision, par laquelle le Juge semble chercher une porte de sortie honorable pour le Préfet et cet hôpital Sainte-Marie à la triste réputation, capable de séquestrer et de droguer depuis cinq mois un étudiant gabonais maltraité par les attitudes racistes de ses camarades et s’entêtant malgré tout à vouloir poursuivre ses études d’ingénieur.

Ce même jour, au sein du service d’internement, le Dr L, qui semble désormais s’abriter derrière son médecin-chef de pôle, note sur un mode ingénu : « Entretien avec Dr Y. Reste tendu on note une froideur affective, une absence de reconnaissance de ses troubles, le patient est dans une méfiance extrême. » Car elle s’étonne encore que Roland ne se montre pas plus affectueux, ne reconnaisse pas que son sentiment d’avoir été victime de racisme est un pur délire et se montre profondément méfiant à l’égard de ceux qui l’internent illégalement contre son gré depuis plus de 5 mois.

De même, le Dr Y qui, après avoir laissé s’exposer sa consœur dans les multiples certificats médicaux précédents, se voit contraint de les rédiger à sa place, cette dernière sentant probablement que ses écrits pourraient bien finir par la conduire devant la section disciplinaire du Conseil de l’Ordre des Médecins. Il rédige donc le certificat médical du 4e mois, avec un sens clinique digne du Dr Diafoirus, constatant que Roland « est actuellement dans une attitude d’opposition active aux soins (…), il existe un éloignement vis à vis de l’équipe soignante (…) il refuse les entretiens avec la psychologue » Et de s’étonner donc que ce patient, auquel il pratique ses bons soins depuis maintenant 5 mois, manifeste une telle ingratitude ! Qui plus est, cet individu, non seulement « n’a aucune notion de ses troubles et du motif de son hospitalisation », mais en outre il « est hostile et refuse les soins, il refuse également de se livrer, concernant ses pensées et il manipule l’opinion en se positionnant comme une victime. » Manifestement, une telle incompréhension chez Roland signe sa pathologie mentale et cette dangerosité contraignant le grand homme à garder au sein de l’institution Sainte-Marie ce patient récalcitrant et potentiellement menaçant pour l’ordre public.

19 juin 2014 : Le Préfet, s’appuyant donc sur le certificat médical du Dr Y confirme le « maintien en soins psychiatriques », puisque « les troubles mentaux de Roland (…) compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public. » Il est bien évident, aux yeux du représentant de l’État, que Roland assommé par son traitement psychotrope et enfermé 24 heures sur 24 dans un service fermé par des clés de haute sécurité constitue un réel danger pour autrui et l’ordre public.

Ce même jour, l’assistante sociale du service d’internement, Mme F, s’efforce d’aider Roland dans ses démarches pour obtenir un nouveau passeport, celui qui est confisqué de manière tout à fait illégale par l’hôpital arrivant a expiration au mois d’août 2014, par la directrice du CHS, Mme X, l’avocat ayant elle-même essuyée une fin de non-recevoir en réclamant ce précieux document personnel.

Dans le même ordre d’idées, Mme X n’a toujours pas donné satisfaction à Roland, qui lui a réclamé sans succès depuis près d’un mois l’intégralité de son dossier médical.

21 juin 2014 : Le Dr G, expert désigné par le JDL, vient rencontrer Roland dans le service Saint-Pierre, où il est interné, pour réaliser sa mission judiciaire. Son rapport d’expertise, rédigé à la main pour en faciliter la lecture, ne risque pas de provoquer des insomnies chez le Préfet mis en cause dans cette affaire.

Il remarque tout d’abord le traitement administré à Roland, mais ne s’en étonne pas, relevant tout de même la prescription, d’une part de DEPAKOTE, un régulateur de l’humeur pour malade bipolaire, et d’autre part d’une injection mensuelle de XEPLION 150 mg, un neuroleptique retard pour patient psychotique, soulignant avec tact la « dose non négligeable » du produit. Puis, préparant son lecteur au paradoxe entre le peu de signes constatés et l’affirmation conclusive de la dangerosité de Roland, il note d’emblée que cette lourde thérapeutique explique « que bien des traits cliniques de la présentation initiale sont là gommés. » La cause est donc entendue dès les premières lignes de cette expertise confraternelle : alors que sa mission consiste à déterminer si son observation psychiatrique corrobore ou non celle des psychiatres du CHS Sainte-Marie, l’expert affirme que le tableau clinique est abrasé par le traitement et qu’au début de l’hospitalisation les signes cliniques étaient plus nets, comme s’il avait rencontré Roland à ce moment-là. En fait, il se réfère lui-même aux certificats initiaux pour considérer que Roland présentait alors des signes nets de pathologie mentale, gommés ensuite par le traitement. Car il est fâcheux, pour une expertise devant conclure à la dangerosité de l’expertisé, de constater qu’il « demeure calme pendant tout l’entretien », lequel cependant « dure assez longtemps. » Mais, si notre fou cache aussi bien son jeu, c’est grâce à ce traitement à « dose non négligeable ». Le rapport aurait du s’arrêter là, la conclusion étant posée en quelques lignes, avant tout examen. Mais notre expert poursuit, reprenant la thèse des hospitaliers : « il se dit victime d’un complot raciste », alors que Roland n’a jamais employé le terme de « complot », mais s’est simplement plaint d’injures de la part de certains de ses camarades. Or ce mot inventé de complot n’est pas neutre, car il prépare l’interprétation des griefs de la victime comme s’inscrivant dans un délire paranoïaque classiquement centré sur la conviction délirante d’un complot. Et l’expert réduit donc ainsi son observation clinique à 11 lignes de son rapport, avant de se tourner vers les psychiatres hospitaliers, auxquels il s’agirait pourtant de confronter son observation clinique indépendante.

Il téléphone d’abord aux Drs L et Y, concluant de manière experte, que « les constatations de ces médecins sont similaires », ce dont on se doutait en raison de l’étroitesse de leurs liens, mais ce qui n’enrichit guère un rapport sensé donner des constatations personnelles à confronter précisément à celles des hospitaliers. Notre expert n’en reste cependant pas là et joint, toujours au téléphone, le Dr J de la Médecine Préventive, ce « médecin qui a produit le premier certificat d’internement » et auprès de laquelle il constate de manière experte qu’elle « a semblé connaître particulièrement bien le dossier. »

On s’émerveille de constater que le Dr F précise bien qu’elle a rédigé le certificat initial et lui a fourni de nombreux documents, mais il ne s’étonne absolument pas qu’elle n’ait jamais rencontré le patient, dont elle décrit une si lourde pathologie mentale. Il est vrai que lui-même conclut au même diagnostique avant même d’avoir fait la moindre observation. Le rapport d’expertise se réduit donc à 11 lignes d’observations cliniques ne mettant en évidence aucun signe objectif de pathologie mentale et à une bonne dizaine de pages d’un rappel de la mission confiée par le JLD, de confirmations téléphoniques des médecins à l’origine de l’hospitalisation contestée, d’un listing des diverses pièces du dossier et d’une conclusion ne s’appuyant sur aucune donnée médicale relevée par l’expert. Ce qui ne l’empêche pas de conclure qu’il s’agit de « troubles graves » (sic), qu’il détaille avec force précisions : « habitus schizoïde (décrit unanimement comme isolé), délire à thème persécutif, à mécanisme interprétatif et aussi hallucinatoire auditif, très probablement systématisé (thèse du complot, persécuteurs désignés), adhésion forte au délire avec registre projectif et passage à l’acte (certains même (sic) de nature non impulsive, survenant après un temps de rumination délirante), délire chronique (probablement de la classe des paranoïas) et actif ». Mais cette très lourde pathologie mentale est certainement délicate à mettre en lumière, car ce délire est « actuellement assourdi par les neuroleptiques », c’est à dire que l’expert n’a rien pu constater par lui-même, mais les contacts téléphoniques avec les initiateurs de l’internement et leurs certificats conduisent le Dr F à confirmer confraternellement leurs allégations. Et, comme ces derniers commencent à se trouver en position fâcheuse à force de transgresser la législation, autant encourager, pour clore l’expertise, à « un rapatriement sanitaire dans les plus brefs délais vers le Gabon. » Le JLD n’en demandait pas tant, mais il a semblé urgent pour notre spécialiste du trouble mental de conseiller un rapatriement sanitaire au Gabon, car il est évident que la qualité des soins psychiatriques de ce pays sont d’une bien meilleure qualité que les soins délivrés dans nos contrées arriérées. Enfin, notre expert se portant garant de l’ordre public aux côtés du Préfet, ordonne que Roland puisse « comparaître au tribunal sous bonne escorte », conseil qui ne manquera pas d’étonner de la part d’un médecin que l’on préférerait plus soucieux de l’adaptation des soins à un patient, que de placer « sous bonne escorte » un homme de couleur…

27 juin 2014 : Le Dr L s’étonne, toujours aussi ingénue, du rejet de Roland qu’elle convie dans son bureau pour un entretien et qui lui répond : « C’est pourquoi ? Parce que je ne fais plus d’entretien sans ma personne de confiance. »

Et de noter aussitôt l’aggravation des troubles psychiatriques de son protégé : « Très tendu, hostile, rupture complète de la relation de confiance de la part du patient. » Cette perte soudaine de confiance vis à vis de celle qui l’enferme depuis près de 6 mois, sans jamais lui permettre la moindre sortie du service au prétexte de sa supposée dangerosité, ne peut constituer, à l’évidence, qu’un symptôme de sa maladie mentale !

4 juillet 2014 : Le Juge des Libertés et de la Détention rend son jugement s’appuyant sur l’expertise du Dr J. Le Préfet, qui ne s’est même pas dérangé pour l’audience, peut continuer à dormir tranquille… de même que l’Agence Régionale de Santé, la directrice de l’hôpital et le duo des psychiatres hospitaliers.

Étrangement, ledit jugement est prononcé par le même juge que lors de la première comparution de Roland sans avocat devant cette instance. Il repose en outre bien évidemment sur l’expertise demandée, mais également sur la requête du Procureur de la République visant à exonérer le Préfet de toute erreur d’appréciation, ainsi que sur les certificats médicaux des Drs L et Y, mais en occultant le certificat médical du Dr Z décrivant Roland sous un jour très différent.

Le Juge qui aurait dû se récuser rappelle également qu’il a déjà conclu, le 31 janvier, que la mesure d’internement était fondée. Plus loin, il souligne fort justement que, les nombreuses irrégularités des décisions préfectorales concernant l’hospitalisation sur demande du représentant de l’État « n’entraînent la mainlevée de cette mesure que s’il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l’objet. »

On croit l’affaire entendue, l’atteinte aux droits de Roland étant patente. Mais il n’en est rien, car finalement la preuve de ces irrégularités ne serait pas rapportée et donc celle de l’atteinte à ses droits non plus ! Puis de citer largement des extraits des divers certificats médicaux hospitaliers, bien sûr indemnes de toute subjectivité, puis les conclusions de l’expertise confraternelle de haute tenue méthodologique, pour arriver à éviter le drame de se déjuger quant à l’ordonnance du 31 janvier précédent.

Il ne reste donc plus qu’à conclure par quelques lignes d’Érasme, extraites de l’introduction à son « Éloge de la folie » : « Et maintenant, au reproche selon lequel je serais mordant, je répondrai qu’on a toujours accordé au talent la liberté de railler impunément la vie ordinaire des hommes, pourvu que la licence ne finisse pas en rage.(…) Donc si quelqu’un se dresse et crie qu’on l’a blessé, il révélera sa mauvaise conscience ou au moins son inquiétude.(…) Pour ma part, (…) j’ai modéré mon style de telle façon que le lecteur intelligent comprendra sans peine que j’ai cherché à donner du plaisir plutôt qu’à mordre.(…) Je me suis attaché à recensé les ridicules plus que les indignités. Après cela, s’il y a quelqu’un que ces raisons n’apaisent pas, qu’il se souvienne qu’il est beau d’être vitupéré par la Folie."