2014-05-28 - Conseil d’État : conclusions au rejet de notre requête contre le décret de 2011 régissant les UMD

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/5h9pxZ ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/431

Document du mercredi 28 mai 2014
Article mis à jour le 28 août 2020
par  A.B.

Sur ce même sujet, 2014-05-28 - Audience au Conseil d’État à propos des dispositions réglementaires sur les UMD.

Et : 2014-04-03 - Projet de décret sur les soins sans consentement • Plus d’encadrement réglementaire du fonctionnement des UMD ?.

Décision de rejet de notre requête par le Conseil d’État, le 30 juin 2014 (source site Legiffrance) : http://www.legifrance.gouv.fr/affic…


Note par le CRPA — Compte rendu d’audience

Paris, le 28 mai 2014

Vous trouvez ci-dessous, une dépêche d’Hospimedia de ce jour, 16h14, sur notre audience de ce matin devant le Conseil d’État, sur les articles du décret n° 2011-847 du 18 juillet 2011 relatifs aux unités pour malades difficiles.

Nous allons être déboutés de nos demandes d’annulation de ces articles, au motif que le Conseil constitutionnel a, dans sa décision sur QPC du 14 février 2014, déclaré conforme à la Constitution l’article L.3222-3 (abrogé depuis) de la loi du 5 juillet 2011, définissant au plan législatif les Unités pour malades difficiles. Au motif également que les articles en litige du décret du 18 juillet 2011, sont examinés par le Conseil d’État au jour de leur édiction, soit le 19 juillet 2011, date de leur publication au Journal officiel, et non dans la durée de leur application, ou par un effet différé à une autre date, en l’espèce à partir du 30 septembre 2013, date à laquelle est intervenue la publication au journal officiel de la loi du 27 septembre 2013 qui a abrogé l’article L.3222-3 de la loi du 5 juillet 2011, relatif aux UMD, et privé de base législative ces articles du décret du 18 juillet 2011. Mme Maud Vialettes, rapporteur public au Conseil d’État, concluant ainsi au rejet de nos arguments.

Notre association s’apprête donc à saisir la Cour européenne des droits de l’homme dans les semaines qui suivent, pour violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, sur le droit d’accès dans un bref délai à un tribunal indépendant et impartial pouvant statuer sur la légalité d’une détention, ainsi que pour violation du droit à un procès équitable.

En l’espèce, la loi du 5 juillet 2011 a consacré un régime dérogatoire aux Unités pour malades difficiles. Ce régime dérogatoire a été abrogé par la suite sur le plan législatif, sans que les personnes hospitalisées sans leur consentement dans ces unités voient leurs droits suffisamment garantis au regard des mesures d’enfermement renforcées qu’elles subissent. Nous sommes ainsi en voie d’épuisement des voies de recours du droit interne français. Les magistrats européens devraient pouvoir nous dire si le dispositif français des Unités pour malades difficiles est compatible avec les exigences de la Convention européenne, ainsi qu’avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

En ce qui concerne les dispositions réglementaires de cohérence que le Gouvernement doit prendre, par décret, s’agissant des nouvelles dispositions de la loi du 27 septembre 2013 révisant partiellement la loi du 5 juillet 2011 sur les soins sans consentement, nous attendons avec une certaine curiosité celles qui seront arrêtées concernant les quelque neuf articles visant les Unités pour malades difficiles du décret n° 2011-847 du 18 juillet 2011, qui renvoient toujours, à ce jour, à une disposition législative abrogée depuis. D’après une première version soumise à concertation en mars dernier, ces articles devraient être abrogés, créant ainsi un vide juridique quant à ces Unités, ainsi qu’un flou important quant à leur usage.


Hospimedia — Psychiatrie. Le Conseil d’État devrait rejeter la requête du CRPA contre le déret de 2011 régissant les UMD

Source : http://abonnes.hospimedia.fr/articl…

28/05/14 - 16h14 - HOSPIMEDIA | Par Caroline Cordier

2014-05-28 Hospimedia — À propos de l’audience du Conseil d’État portant sur le décret du 18 juillet 2011

Lors d’une audience en Conseil d’État ce 28 mai, le rapporteur public, Maud Vialettes, a conclu au rejet du recours en annulation, porté par l’association Cercle de réflexion et de proposition d’action sur la psychiatrie (CRPA), du décret n° 2011-847 du 18 juillet 2011 relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge. Des conclusions qui laissent augurer du rejet de cette requête dans les prochaines semaines par une décision du Conseil… Le recours du CRPA visait notamment les dispositions du décret régissant les unités pour malades difficiles (UMD), estimant que les droits des patients « internés » dans ces unités étaient insuffisamment garantis.

Cette audience fait à la suite d’une décision rendue le 14 février dernier par le Conseil constitutionnel, qui a estimé que le régime juridique de privation de liberté auquel sont soumis les patients en UMD n’était pas différent de celui applicable aux autres personnes soignées sans leur consentement en hospitalisation complète en psychiatrie (lire ci-contre). Cette décision revenait à valider la position prise par le législateur dans le cadre de la loi du 27 septembre 2013, selon laquelle une UMD est avant tout une unité de soins, certes intensifs, mais finalement de même statut que d’autres unités accueillant des hospitalisations sans contentement (HSC) complètes. Le rapporteur public s’est notamment appuyé sur cette décision du Conseil pour rejeter certains des arguments du CRPA. Sur l’absence, dans le décret, de caractère contradictoire de la procédure dans le cadre du transfert ou de l’admission en UMD, attaqué par le CRPA, le rapporteur a par exemple estimé que la critique était inopérante puisque la procédure, et donc cette absence de contradictoire, était traitée dans la loi du 5 juillet 2011 elle-même.

Cependant, pour l’avocat du CRPA, Me Raphaël Mayet, si le décret n’est pas annulé, ces dispositions sont pourtant devenues caduques au regard de l’abrogation du caractère légal des UMD suite à la loi du 27 septembre 2013. Il évoque une situation juridique « extrêmement difficile ». Ainsi, « soit les UMD sont des lieux de haute sécurité où l’atteinte aux droits est plus importante que dans d’autres unités, et il faut un contrôle du juge, soit ce sont des unités d’hospitalisation sans consentement complète »classiques« et les droits des patients » (visites, courriers, recours, contradictoire…) doivent être effectivement les mêmes, a-t-il confié à Hospimedia. Sauf, pour les hôpitaux et l’État, à s’exposer aujourd’hui à des recours individuels inédits en justice. Le président du CRPA, André Bitton, étudie par ailleurs d’ores et déjà un nouveau recours sur ces dispositions relatives aux UMD devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), alors que ces patients se voient appliquer un « traitement exorbitant du droit commun » sans référence à un texte légal en vigueur à ce jour.

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Hospimedia — [Enquête] Psychiatrie. La nécessité prégnante de pallier l’absence de statut légal des UMD commence à se faire ressentir

30/05/14 — HOSPIMEDIA | Par Caroline Cordier

LE FAIT

2014-05-30 Hospimedia — Enquête sur l’absence de statut légal des UMD

Alors que la loi du 27 septembre 2013 a abrogé le statut légal des unités pour malades difficiles (UMD), la nécessité de redéfinir un cadre à leur fonctionnement commence à se faire ressentir, avec l’émergence d’inquiétudes chez des acteurs de la psychiatrie concernés. La ministre tient à rassurer et annonce un décret ad hoc en préparation.

L’ENQUÊTE

La question était déjà en débat en séance publique lors de l’examen en 2013 de la révision de la loi du 5 juillet 2011 relative aux soins sans consentement. Faut-il abroger le statut légal des unités pour malades difficiles (UMD), c’est-à-dire les faire rentrer dans le droit commun, et les considérer avant tout comme des unités de soins, certes intensifs, mais finalement de même statut que d’autres unités accueillant des hospitalisations sans contentement (HSC) complètes, et non comme des unités disciplinaires ?

Risque d’UMD « sauvages » ou inconstitutionnelles ?

Des voix s’étaient élevées dans l’Hémicycle contre cette perspective. Ainsi, cette suppression à la référence aux UMD dans la loi avait provoqué l’inquiétude de l’opposition, craignant notamment, du côté de l’UMP, les conséquences de cette abrogation en matière de sécurité publique, ou la porte ouverte vers la multiplication des « UMD sauvages ». Sur la forme, d’aucuns y ont décelé « une fragilité constitutionnelle du texte ». C’était par exemple l’inquiétude formulée par la sénatrice UMP de Maine-et-Loire, Catherine Deroche, relayant une remarque formulée par le Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie (CRPA). « Il semble difficilement compréhensible, en termes de hiérarchie des normes, que des dispositions réglementaires sur les UMD soient dépourvues de base légale », a fait remarquer la sénatrice. Quoiqu’il en soit, la loi du 27 septembre 2013 a abrogé l’article L3222-3 du Code de la santé publique (CSP), indiquant que des patients pouvaient être pris en charge dans une UMD lorsqu’ils « présentent pour autrui un danger tel que les soins, la surveillance et les mesures de sûreté nécessaires ne peuvent être mis en œuvre que dans une unité spécifique ». L’article renvoyait à un décret en Conseil d’État pour les modalités d’admission. Mais dès lors, quelle portée juridique conservait le décret n° 2011-847 régissant les modalités de fonctionnement de ces unités ? Le CRPA, par exemple, a voulu y voir sur la forme une faille juridique, et sur le fond, a pointé que ces patients se voyaient appliquer un « traitement exorbitant du droit commun » sans référence à un texte légal en vigueur à ce jour. Car, si les UMD sont des unités d’H.S.C. complète « classiques », les droits des patients (visites, courriers, recours pour la levée des mesures, effectivité du contradictoire…) devraient être effectivement les mêmes sauf, pour les hôpitaux et l’État, à s’exposer à des recours inédits en justice, a estimé le CRPA.

Un flou des textes préjudiciable à certains patients, selon le CGLPL

Saisi dans le cadre d’un recours du CRPA, le Conseil constitutionnel a d’ailleurs estimé, dans une décision du 14 février dernier, que le régime juridique de privation de liberté auquel sont soumis les patients en UMD n’était pas différent de celui applicable aux autres personnes en H.S.C. complète en psychiatrie. Dès lors, devant le risque de recours sur les prises en charge en UMD, la nécessité de prendre un nouveau décret semblait s’imposer pour le Gouvernement. D’autant plus que des problématiques subsistaient ultérieurement au décret n° 2011-847. En effet, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) avait tiré en 2013 le constat que des patients restaient en UMD, alors même que la commission de suivi médical (CSM) et le préfet se sont prononcés en faveur de leur sortie. « Outre le fait que souvent l’établissement d’origine n’est pas très enclin, par appréhension spontanée, à réadmettre un patient qui a représenté pour le personnel un danger, c’est surtout le flou des textes qui ne permet pas de déterminer l’autorité en mesure d’imposer l’établissement devant accueillir un patient sorti d’une UMD et laisse place à des tractations aux résultats aléatoires », a rappelé le Contrôleur dans son dernier rapport annuel. Il a d’ailleurs signalé des patients restés jusqu’à plusieurs années, parfois « sans justification médicale ». Alors que d’autres mesures de la loi de 2013 nécessitent des textes d’application. Un projet de décret, dont Hospimedia a eu copie, qui doit être validé en Conseil d’État, a été soumis début avril au Haut conseil des professions paramédicales (HCPP, lire ci-contre). Celui-ci actait notamment, dans son article 4, l’abrogation de la section règlementaire des UMD en cohérence avec la suppression des dispositions prévues par la loi du 27 septembre 2013. Or, cet article 4 a été rejeté par la majorité des membres du HCPP, a-t-on appris de source syndicale, dans l’idée de maintenir un nécessaire cadre à ces unités.

Des directeurs d’établissements inquiets

Cette inquiétude a commencé à sourdre parmi, notamment, les directeurs d’établissements disposant d’une UMD. Ainsi, le directeur général (DG) de l’Association hospitalière de Bretagne, Xavier Chevassu, a adressé le 18 avril une lettre — en copie aux directeurs gérant une UMD — au DG de la Fehap, Yves-Jean Dupuis, sur ce projet de décret. Dans ce courrier, dont Hospimedia a eu copie, il « paraît indispensable [aux directeurs] que les actuelles UMD puissent rapidement disposer d’un texte règlementaire » pour définir missions et règles de fonctionnement, écrit-il. « De simples recommandations émanant de la HAS n’auront pas le même impact qu’une disposition prise par le ministère de la santé », estime le DG. Enfin, « il ne serait pas souhaitable d’assimiler les actuelles UMD à de simples unités de soins intensifs psychiatriques (Usip), tant le cahier des charges ayant déterminé la configuration et l’organisation des UMD est de nature différente (…), notamment avec une dimension sécurisée », appuie le DG, plaidant pour le maintien d’un « statut très précis et spécifique ». Sollicité par Hospimedia, le directeur du CH spécialisé du Vinatier, situé à Bron (Rhône), reconnaît que « les craintes exprimées par certains professionnels touchent à l’encadrement du séjour en UMD abrogés par le projet de décret » soumis au HCPP. « Beaucoup estiment qu’il serait souhaitable que certains aspects soient conservés, notamment la commission médicale de suivi qui statue sur la sortie de l’UMD, ainsi que l’obligation faite aux établissements adresseurs de reprendre le patient à l’issue de son séjour », indique Hubert Meunier. Il se réjouit néanmoins que, par le fait de donner un statut d’unité de soins « spécialisées » ou « adaptées », le représentant de l’État « ne peut plus prendre d’arrêté d’hospitalisation » en UMD.

Maintien de la prime des personnels assurée ?

Au GH Paul-Guiraud de Villejuif (Val-de-Marne), qui gère la plus ancienne UMD de France — créée au début du 20e siècle — le directeur, Henri Poinsignon, estime que les conditions de fonctionnement des UMD, « même reconnues unités comme les autres », pourraient tout à fait faire l’objet d’un décret autonome. Celui-ci n’apparaîtrait même pas comme indispensable, relève-t-il, citant le rapport du député Denys Robiliard (UMP, Loir-et-Cher) sur le projet de loi de 2013, où « des parlementaires pensent qu’il y a une autonomie de la partie règlementaire » du CSP, donc du décret de 2011, à partir du moment où il a été codifié. La « délégalisation » ne modifierait pas ainsi les UMD en tant que dispositif médical et n’entrainerait aucune conséquence sur le statut de ces personnels et leur mode de rémunération, selon le député. Cependant, un nouveau décret pourrait rappeler les ratios de personnel, comme dans certaines activités très spécialisées en MCO, estime Henri Poinsignon.

De plus, il reconnaît que des inquiétudes se font jour au sein des personnels quant à la pérennité de versement d’une prime — environ 200 euros nets par mois — fixée par un arrêté auto-porté. « Nous n’avons cependant pas l’intention de ne plus la verser », a assuré le directeur à Hospimedia. Si l’abrogation du décret de 2011 était actée, il annonce que, s’agissant du GH, les dispositions relatives aux UMD seraient versées dans le règlement intérieur de l’établissement, tout en ne pouvant augurer de l’intention des autres directeurs, « alors que les UMD sont très peu coordonnées au niveau national et pas toujours d’accord sur la manière de s’organiser ».

Marisol Touraine annonce un décret ad hoc

Alertée lors d’une question au gouvernement sur ces problématiques le 28 mai par le député Céleste Lett (UMP, Moselle), la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, lui a répondu : « Vous vous inquiétez d’un projet de décret actuellement en discussion [et soumis au HCPP pour avis], mais celui-ci ne concerne pas » les UMD. « Il concerne d’autres malades psychiatriques, ceux traités sous le régime des soins sans consentement [sic, NDLR]. Un autre décret est actuellement en préparation, qui concernera plus généralement l’ensemble des établissements psychiatriques. Il comportera bien les conditions dans lesquelles peuvent exercer » les UMD, a-t-elle assuré.

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