2014-04-04 - Position du CRPA sur la personne de confiance dans les soins psychiatriques non consentis

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/YuHgmV ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/416

Document du vendredi 4 avril 2014
Article mis à jour le 25 janvier 2023
par  A.B.

— Cf. de façon connexe : 2013-11-21 Positions du CRPA exposées lors d’une audition par le député Denys Robiliard.

— Sur Mediapart, Les Contes de la folie ordinaire : http://blogs.mediapart.fr/edition/c….

Auteurs : A.B. - H.F.


Intervention du CRPA

CRPA, Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la psychiatrie
Association régie par la loi du 1er juillet 1901 — RNA : W751208044
Président : André Bitton 14, rue des Tapisseries, 75017 Paris.
Pour nous contacter, cliquer sur ce lien
 

André Bitton, Paris, le 3 avril 2014

2014-04-04 Intervention du CRPA au colloque de la FNAPSY sur la « personne de confiance »

Intervention au colloque organisé par la FNAPSY sur « la Personne de confiance », « décider pour soi-même, mythe ou réalité », le vendredi 4 avril 2014, Ministère des affaires sociales et de la santé, salle Laroque.
 

Positions du CRPA sur la personne de confiance dans les soins psychiatriques non consentis

1. — L’article L. 1111-6 du code de la santé publique instaure la « personne de confiance »

Je préfère commencer cet exposé par le rappel des termes eux-mêmes de l’article L 1111-6 du code de la santé publique, sur la personne de confiance, issu de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades :

« Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin. Cette désignation est faite par écrit. Elle est révocable à tout moment. Si le malade le souhaite, la personne de confiance l’accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions.
Lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, il est proposé au malade de désigner une personne de confiance dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Cette désignation est valable pour la durée de l’hospitalisation, à moins que le malade n’en dispose autrement.
Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas lorsque une mesure de tutelle est ordonnée … ».

2. — « Personne de confiance » librement choisie et « personne de confiance » institutionnelle

Un échange de mails entre Mme Claude Finkelstein, qui était alors présidente de la FNAPSY, et moi-même, le 11 juillet 2013, faisant suite à l’audition du CRPA, entre autres organisations, par le député M. Denys Robiliard, en qualité de rapporteur de la proposition de loi du 3 juillet 2013 sur les soins psychiatriques, résume notre propos :

Mme Claude Finkelstein dans ce mail du 11 juillet 2013 : « Nous vous remercions d’avoir accepté d’intervenir lors de notre colloque sur la personne de confiance pour présenter les positions du CRPA. A notre connaissance vous êtes la seule organisation à s’être positionnée sur ce sujet, et c’est à ce titre que nous vous l’avons proposé.
J’ai lu attentivement votre mail et j’ai été très étonnée de votre affirmation concernant une position commune, je pense qu’il s’agit d’un simple malentendu : nos organisations défendent toutes les deux un dispositif de « personne de confiance » pour apporter un accompagnement aux personnes hospitalisées sans consentement, dispositif à nos yeux indispensable.
Cependant notre vision de la « personne de confiance » diffère de la vôtre. Nous estimons — vous m’avez entendue lors des journées UNAFAM — que le dispositif hollandais [de l’Ombudsman, ou médiateur] serait adaptable à notre société : une personne de confiance mise à la disposition de toute personne internée … ».

On voit donc l’affirmation, ainsi posée, de deux conceptions de la personne de confiance en matière psychiatrique, singulièrement dans l’hospitalisation sans consentement. La nôtre qui est celle d’une « personne de confiance » librement désignée et choisie, sans qu’elle soit institutionnelle. Celle défendue par la FNAPSY d’une « personne de confiance » institutionnelle, mise à disposition par l’établissement hospitalier, pour toute personne hospitalisée sans son consentement.

Nous ne sommes pas partisans de l’option de la « personne de confiance » institutionnelle, pour les raisons que j’expose dans la présente intervention.

Notre désaccord porte essentiellement sur le fait que, selon nous, l’esprit et la lettre de l’article L 1111-6 du code de la santé publique, issu de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades doivent être préservés, afin qu’il n’y ait pas, sur le terrain psychiatrique, une exception créée qui diminuerait les droits fondamentaux des patients en psychiatrie.

Notre désaccord est également basé sur le fait qu’à notre sens, les associations d’usagers actuellement habilitées à siéger dans les établissements psychiatriques, ou généraux incluant des secteurs de psychiatrie générale, sont par trop dépendantes de la hiérarchie hospitalière, des familles et de leurs représentants, ainsi que des services étatiques et de l’administration centrale.

Ce manque d’indépendance et l’état de sujétion des associations de patients en psychiatrie agréées par les pouvoirs publics, nous semblent former un obstacle fondamental qui ne peut qu’obérer la mise en œuvre de ce projet d’une « personne de confiance » institutionnelle, dans lequel les « médiateurs de santé pairs », initiés par le Centre collaborateur de l’Organisation mondiale de la santé — EPSM de Lille Métropole, pourraient se requalifier, vu l’échec partiel, mais néanmoins important de ce programme expérimental des médiateurs de santé pairs tel qu’il a été conçu et mis en œuvre.

Plus grave, une telle institutionnalisation de la « personne de confiance », sous la dépendance de l’établissement d’accueil — cette « personne de confiance » serait dès lors un agent hospitalier en relation de subordination par rapport à la hiérarchie hospitalière - conduirait tout droit à la consécration en droit français, d’un statut d’incapable de fait, pour les personnes hospitalisées sans leur consentement en psychiatrie, avec une minoration et une diminution des droits courants mais aussi des droits fondamentaux des patients hospitalisés en psychiatrie, dans l’accès au droit, à l’information sur le projet médical et ses conséquences, au tiers de confiance, alors même que la loi du 4 mars 2002 - qui du reste contient des clauses de non applicabilité dans les cas de l’urgence et de la maladie mentale avec incapacité du consentement aux soins - ne prévoit pas, à juste titre selon nous, de dérogation sur la « personne de confiance », propre au champ psychiatrique.

La mise sur pieds, pour le terrain de l’hospitalisation sans consentement d’une « personne de confiance » institutionnelle, sous la dépendance hiérarchique de la direction de l’établissement d’accueil, mais aussi sous celle du service médico-psychiatrique, qui consacrerait ainsi une « impossibilité » de libre désignation d’une « personne de confiance », porterait une atteinte — illégale selon nous — au principe d’égalité des citoyens devant la loi. Des dispositions réglementaires (une circulaire ministérielle ou un décret) qui mettraient en œuvre un tel schéma pourraient être attaquées en annulation devant le Conseil d’État, du fait de cette rupture d’égalité devant la loi.

Sur ce point, nous maintenons donc notre revendication de l’application du principe du droit commun posé par la loi du 4 mars 2002, de libre désignation de la « personne de confiance » selon le choix du patient hospitalisé en psychiatrie, ainsi que la mise à effet de ce que prévoit sur ce plan l’article L 1111-6 du code de la santé publique par une circulaire ministérielle rappelant aux établissements médicaux accueillant des personnes hospitalisées sans leur consentement les possibilités et pouvoirs d’intervention des personnes de confiance librement désignées par les patients.

3. — Nos propositions

Dans ce sens, nous avons donc proposé, le 9 juillet 2013 lors d’une audition par le député M. Denys Robiliard, rapporteur de la proposition de loi sur les soins psychiatriques, que l’article L. 3211-3 du code de la santé publique, issu de la loi du 5 juillet 2011 modifiée par celle du 27 septembre 2013, sur les soins psychiatriques sans consentement, soit révisé. Cet article porte sur les droits des patients en soins psychiatriques sans consentement. Il liste les droits que ces patients peuvent exercer « en tout état de cause ». Nous avons proposé que la possibilité de faire appel à une « personne de confiance » du choix du patient, soit incluse dans le quatrième alinéa de ce même article de loi, qui se lirait ainsi :

« En tout état de cause, elle [la personne placée en soins sans consentement] dispose du droit :

— 4. — de prendre conseil d’un médecin, d’un avocat ‹ ou d’une personne de confiance › de son choix. ».

Les mots « ou d’une personne de confiance » étant rajoutés à cet alinéa.

Dans le même ordre d’idée, un amendement intéressant de la sénatrice CRC (communistes, républicains, citoyens), Mme Laurence Cohen, lors du débat au Sénat, le 13 septembre 2013, sur la proposition de loi du député M. Denys Robiliard, qui allait devenir la loi du 27 septembre 2013, réformant partiellement la loi du 5 juillet 2011 sur les soins psychiatriques, présente un certain intérêt.

Cet amendement proposait le rajout dans l’article L. 3211-3 du code de la santé publique, de la « personne de confiance » (librement désignée par le patient) comme destinataire de l’information sur la situation juridique et sur les droits du patient sous contrainte ainsi que de celle ayant trait aux décisions de contrainte qui sont mises en œuvre. Ainsi, et pour autant qu’elle soit désignée par le patient, cette « personne de confiance » serait, en tant que mandataire, mise en état de présenter, avec le patient qui l’aura autorisée, des observations quant à la mesure de contrainte psychiatrique envisagée.

La première proposition que nous avons faite lors de notre audition par le député M. Denys Robiliard, le 9 juillet 2013, aurait présenté, si elle avait été adoptée, l’avantage de rendre opposable l’information sur la « personne de confiance », en rendant obligatoire la délivrance de l’information au patient de sa possibilité de désigner une « personne de confiance » de son choix. Cela à peine de sanction juridique. Cf. une condamnation possible des établissements hospitaliers ne pouvant prouver avoir délivré une telle information, à des dommages et intérêts, en cas de contentieux.

Précisons qu’il n’agissait pas pour nous de rendre obligatoire la désignation d’une « personne de confiance », mais bien de rendre obligatoire l’information sur cette possibilité de désignation, avec ce que cela implique. Ainsi de la possibilité pour la « personne de confiance » de participer aux entretiens médicaux et paramédicaux entre l’équipe et le patient. Ce qui présenterait l’immense avantage de rééquilibrer une relation inégalitaire au possible, et de restituer au patient une marge de négociation, en présence d’un tiers en qui il ait confiance.

Mais précisément, cela nécessite que cette « personne de confiance » soit, en effet, une personne que le patient connaît déjà, et en qui il ait confiance. Ce qui exclut d’un tel rôle, une « personne de confiance » institutionnelle qui serait en fait, plus un médiateur institutionnel qu’une « personne de confiance ». Nous faisons ainsi une nette différence, entre une « personne de confiance », et un « médiateur ». Cette différence nous semble essentielle pour maintenir une certaine clarté dans ce débat.

La 2e proposition, de la sénatrice Mme Laurence Cohen, nous semble intéressante en ce que la « personne de confiance » serait systématiquement informée des projets de mesure de contrainte psychiatriques, et pourrait de droit, être associée au processus de prise en charge contraignant, en tant que tiers pouvant dès lors jouer ce rôle — important, et manquant actuellement dans le dispositif des soins psychiatriques sans consentement — du mandataire, que le patient peut désigner pour que ses observations sur la mesure de contrainte en cours de prise de décision, soient actées et prises en compte.

La « personne de confiance » pourrait ainsi remplir ce rôle du mandataire au sens où l’entend l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, sur les relations entre l’administration et les administrés, qui prescrit que toute décision d’une administration, défavorable à un administré, et qui doit être motivée en tant que décision de police administrative, prête lieu à un débat contradictoire préalable à l’exécution de cette mesure, au cours duquel l’administré peut présenter ses observations sur cette mesure, et pour ce faire, désigner un mandataire de son choix.

4. — Ce qui fait obstacle

Si venant tant du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, que de nous, de la FNAPSY, et d’autres parties prenantes, nous avons ensemble constaté que les dispositions protectrices des droits des malades instaurées par la loi du 4 mars 2002, et notamment celles concernant « la personne de confiance », ne sont pas appliquées en psychiatrie, ce n’est pas dû, selon nous, à une inapplicabilité de ces dispositions. Cette non application par les institutions psychiatriques est en fait issue en droite ligne du féodalisme coutumier des corporations psychiatriques, et de l’héritage séculaire de la vieille loi du 30 juin 1838 dont l’esprit est toujours en place, dans les mentalités de bien des équipes, de bien des directions d’hôpitaux et dans celle des administrations de tutelle.

Le pouvoir psychiatrique s’exerce en tant que pouvoir absolu, de type féodal. En ce sens, l’immixtion dans le huis-clos institutionnel d’une « personne de confiance » librement désignée par le patient, singulièrement quand il est sous contrainte, est vécue par certains acteurs du terrain psychiatrique, dont certaines familles qui ne sont pas en reste, disons-le au passage, comme une dépossession de leurs prérogatives, une faille dans un dispositif global où la personne est livrée sans contrepoids, sans contre-pouvoir aux mains des équipes, par une délégation de pouvoir étatique, faisant des membres de ces équipes autant de « plénipotentiaires » (personnes exerçant un plein pouvoir).

Un parallèle historique peut donner une métaphore de la condition de la personne hospitalisée sans son consentement : celle du colonisé, dans son rapport au colonisateur. Cette relation est celle d’un inférieur de nature, qui ne saurait être relevé de cette infériorité, et qui ne saurait donc, par là-même, avoir de parole propre, ni pouvoir désigner librement un tiers de confiance.

C’est même ainsi, compte-tenu de cette infériorité de condition, de cette inégalité structurelle et du fait que l’hospitalisation et les soins sans consentement, forment des mesures privatives de liberté — ce que nombre de soignants et de familles niaient formellement jusque-là — que le Conseil constitutionnel a dû, à plusieurs reprises, depuis la décision historique de censure du maintien en HDT, du 26 novembre 2010, censurer certaines dispositions de l’hospitalisation psychiatrique sans consentement, précisément pour rendre aux patients sous contrainte psychiatrique des droits de recours, des droits à la défense, des droits de détenus face à leurs détenteurs. Ces censures constitutionnelles successives ont contraint à une judiciarisation partielle de l’hospitalisation sans consentement que nous connaissons depuis la loi du 5 juillet 2011 sur les soins psychiatriques non consentis.

Parmi ces droits fondamentaux, on peut argumenter que le droit au tiers de confiance, est un de ces moyens, qui permettent de renforcer la parole des patients tenus sous contrainte psychiatrique, et d‘établir un dialogue à trois voix, au lieu qu’il n’y ait en place que cette relation coutumière de domination, dans le cadre de laquelle du reste, en pratique, on ne fait que médiquer les personnes sans même les soigner. Cette relation de domination qui est celle qui prévaut massivement dans les institutions psychiatriques.

Ainsi, si nous en sommes à tenir colloque sur cette question de la « personne de confiance », en ce mois d’avril 2014, un peu moins de deux siècles après la loi du 30 juin 1838 sur l’enfermement des aliénés qui fut si structurante pour le champ psychiatrique, c’est basé sur le féodalisme séculaire, qui imprègne le fonctionnement des institutions psychiatriques. On ne saurait oublier une telle prémisse.

5. — Un « Ombudsman » à la française

L’association que je représente — le CRPA — pourrait être d’accord avec la mise sur pieds dans les établissements psychiatriques, corrélativement à des points d’accès au droit, où des juristes indépendants des établissements pourraient tenir des permanences, d’un système de médiateurs professionnels, qui pourraient d’une part relayer les doléances des patients et d’autre part, sur demande, aider à solutionner certains différends entre les patients et l’administration hospitalière ou les équipes de soin. Certes, ce rôle serait en partie un doublage des fonctions actuelles des CRUQPC (Commissions des relations avec les usagers et sur la qualité de la prise en charge), mais en fait, il pourrait renforcer de façon autonome, une telle fonction, et pourrait sans doute amener une amélioration des conditions de séjour et de soins dans les établissements psychiatriques.

Là encore se pose la question de l’indépendance et de l’autonomie de tels médiateurs par rapport aux hiérarchies en place dans les établissements.

Un tel médiateur devrait être tout d’abord, pensons-nous, un professionnel habilité tant en matière de santé qu’en matière de médiation juridique. Mais surtout son indépendance devrait être statutairement garantie, sa paierie ne devant évidemment pas relever de l’établissement hospitalier d’exercice.

Dans l’hypothèse où une telle fonction serait dévolue à des « médiateurs pairs », eux-mêmes anciens patients psychiatriques, se poserait dès lors la question de l’indépendance statutaire de ces mêmes médiateurs. Puisque un des points d’échec du projet expérimental mené par le Centre collaborateur de l’OMS — EPSM de Lille Armentières, a bien été que les « médiateurs de santé-pairs », sont bel et bien des agents hospitaliers, par ailleurs recrutés pour leur absence de contestation du circuit psychiatrique …

Qu’il soit clairement dit que nous sommes en désaccord formel avec ce schéma des médiateurs de santé pairs, tel qu’il a été développé et conçu par le Centre collaborateur de l’OMS — EPSM de Lille Métropole. Nous avons, en effet, une autre conception des droits, de la dignité, de la nécessaire autonomie, et de l’indépendance des porte-parole des usagers en psychiatrie que celle qui a été, jusque-là, développée dans notre pays, dans le sens d’une soumission malsaine aux institutions psychiatriques et à leurs hiérarchies.

En effet, si ces médiateurs doivent être des courroies de transmission des institutions psychiatriques, tenus et assujettis par les hiérarchies en place, avec la pleine participation des lobbies familiaux, nous sommes contre et, au surplus, nous n’en voyons pas l’intérêt au regard de la nécessité d’améliorer la condition faite aux personnes hospitalisées et prises en charge en milieu psychiatrique, qui est, trop souvent, une condition d’indignité.

6. — Sur la nécessité du développement d’un pôle d’associations d’usagers en psychiatrie indépendantes des pouvoirs institutionnels psychiatriques

Je clos cet exposé en faisant ce constat que si la France manque cruellement de voix d’usagers qui marquent leur indépendance, quitte à aller à l’affrontement et à la polémique, lesquels peuvent être nécessaires, c’est précisément parce que le système qui s’est mis en place depuis la loi prise par ordonnance d’avril 1996, réformant la sécurité sociale, et instaurant des représentants d’usagers dans les conseils d’administration des hôpitaux, n’a autorisé le développement de mouvements d’usagers en psychiatrie, avec leurs porte-parole, que sous une condition de stricte dépendance de ces mêmes mouvements d’usagers, au regard des pouvoirs institutionnels hospitaliers et étatiques en place. Cf. entre autres le biais des subventions, de leur renouvellement, et des agréments pour la représentation des usagers dans les instances sanitaires délivrés sous des conditions de soumission finalement politiques.

J’en veux pour preuve le fait que le Groupe Information Asiles (GIA), que j’ai longuement dirigé ou co-dirigé, a été à partir de 1998 et continument dans la décennie 2000, combattu sourdement ou clairement par ces mêmes pouvoirs institutionnels, qui nous ont de facto interdits de tribune. La mouvance GIA ou issue de cette organisation — le CRPA en est une scission — n’a pu rétablir un pouvoir d’intervention dans des tribunes publiques sur la question psychiatrique, que du fait des décisions du Conseil constitutionnel sur QPC qui ont impacté le terrain psychiatrique depuis novembre 2010. Il a ainsi fallu des coups d’éclats procéduraux pour que la parole nous soit redonnée sur des questions sur lesquelles nos mouvements ont une expertise indéniable, mais qui nous a été niée pendant une bonne dizaine d’années. Je signale pour mémoire que le GIA a été consulté, en tant qu’organisation expert, en 1996 et 1997, dans le cadre de la mission d’évaluation de la loi du 27 juin 1990, dirigée par l’inspectrice de l’IGAS, Mme Hélène Ströhl. Depuis, plus rien, jusque timidement 2011. Le CRPA avec la décision sur QPC du 20 avril 2012, du Conseil constitutionnel censurant deux articles de la loi du 5 juillet 2011, a pu rompre cette mise au silence, qui était aussi un étouffoir.

Nous pensons et nous affirmons, qu’il y a, dans ce pays, une vive nécessité de développer un pôle d’organisations d’usagers indépendantes des pouvoirs institutionnels en psychiatrie. Notre organisation appelle donc à une prise de conscience des responsables d’associations d’usagers en psychiatrie, sur cette question. Cette même prise de conscience concerne éminemment aussi bien les professionnels du terrain qui n’en peuvent plus d’exercer dans les conditions actuelles de travail dans les institutions, ainsi que les familles en désaccord avec les représentants en place des intérêts familiaux sur ce terrain.


Hospimedia, 7 avril 2014 — Le dispositif des personnes de confiance pour les plus vulnérables apparaît largement perfectible

Source : http://www.hospimedia.fr/

2014-04-07 Dépêche d’Hospimedia résumant le colloque

07/04/14 - 16h57 - HOSPIMEDIA | Par Caroline Cordier

Lors d’un colloque, les acteurs de la psychiatrie et du médico-social ont plaidé pour que les dispositions sur les droits de malades concernant la désignation de personnes de confiance soient effectivement appliquées pour les patients les plus vulnérables, notamment ceux hospitalisés sans consentement. Ce qui ne va pas sans poser des difficultés.

Alors que la loi du 4 mars 2002 a instauré la notion de « personne de confiance » (lire l’encadré), qui « répond aux besoins, tant des patients que des professionnels en MCO », celle-ci « n’est pas appliquée en psychiatrie pour des raisons d’impossibilité liées à la maladie psychique et à l’internement », a pointé la directrice générale de la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie (Fnapsy), Claude Finkelstein. Elle introduisait un colloque organisé le 4 avril par la Fnapsy au ministère des Affaires sociales. Selon la Fnapsy, devrait être mis en place en France, pour la psychiatrie, le système néerlandais qui se caractérise par la présence dans chaque hôpital spécialisé d’un délégué d’une association représentant les usagers, « en l’adaptant à la culture et aux lois » françaises. Une position déjà exposée, au sein du rapport de Claire Compagnon récemment remis à la ministre de la Santé (lire ci-contre). Dans ce rapport, cette dernière défend « pour pérenniser une représentation des usagers impliquant des personnes en situation de vulnérabilité, la constitution [d’un] binôme [qui] favoriserait la prise de la parole par la personne elle-même qui petit à petit se formerait et pourrait ensuite devenir autonome à ce niveau et pourquoi par servir de tuteur pour d’autres ». Selon elle, plusieurs types d’individus peuvent assumer cette fonction, suivant le contexte, les problématiques et en s’adaptant en permanence.

Le modèle hollandais prôné par la Fnapsy

En premier lieu, une personne connaissant ou ayant connu la même situation et ayant été formée à la médiation. Cela s’inspire notamment du dispositif de médiateurs de santé-pairs, actuellement expérimenté dans le champ de la psychiatrie sous l’égide du Centre collaborateur de l’OMS (Ccoms, Lille), explique-t-elle. Une formation qui devrait être de très haut niveau et pluridisciplinaire (éthique, droit, social…), a souligné le président d’honneur de l’Unafam (1), Jean Canneva. Ce peut être également un militant associatif. « L’idée est de promouvoir la présence d’un tiers extérieur à l’établissement sur le modèle hollandais de la personne de confiance », poursuit-elle, soit le modèle en particulier défendu par la Fnapsy. Enfin, « la fonction peut être assurée par un professionnel, dans la mesure où il se situe résolument dans un rôle de tiers mais alors cela ne peut en aucun cas être un professionnel de l’établissement concerné ». Si les différents intervenants au colloque ont alors exposé leurs points de vue, nourrissant le débat, tous sont néanmoins tombés d’accord sur un point : le dispositif de désignation des personnes de confiance ne s’applique pas ou très peu en psychiatrie, a fortiori pour les patients Hospitalisés sans consentement (HSC). Betty Brahmy, praticien hospitalier, psychiatre et contrôleur des lieux de privation de liberté, est venue tout d’abord rappeler l’action de l’équipe du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), Jean-Marie Delarue, sur ce point. Elle a confirmé en effet que cette disposition de la loi du 4 mars 2002 n’était pas du tout ou faiblement mises en œuvre en H.S.C., notamment par manque d’information des patients, alors que la notification de leurs droits est rarement protocolisée dans les services. Très souvent, la personne de confiance se retrouve dès lors confondue avec la personne à prévenir en cas d’urgence, a-t-elle souligné. Enfin, elle a fait remarquer que « beaucoup de psychiatres n’ont pas envie de voir un tiers qui assiste aux entretiens », une prérogative possible de la personne de confiance. Le CGLPL recommande pour sa part que soit nommée cette personne dès les consultations en Centre médico-psychologique (CMP), afin que les choses soient prévues en cas d’hospitalisation en urgence.

Question posée pour les ESMS (Établissements sociaux et médico-sociaux)

Pour David Causse, coordonnateur du pôle santé-social à la Fehap, « cette question a une place et mérite d’être posée » pour les établissements sociaux et médico-sociaux, au-delà de l’hospitalisation, quand les patients sont amenés à suivre un parcours de soins et/ou lors de prises en charge au long cours et pourraient bénéficier d’un « compagnonnage ». Il a d’ailleurs rappelé que l’article 24 du projet de loi relatif à l’adaptation au vieillissement évoque les personnes de confiance. « L’enjeu est de déterminer comment aider, sans déroger au droit commun, comment permettre aux personnes en vulnérabilité, notamment en santé mentale, d’accéder de manière facilitée à un tiers de confiance, sans nécessairement protocoliser », a-t-il poursuivi. Pour le député Denys Robiliard, auteur d’un récent rapport sur l’avenir de la psychiatrie, l’enjeu est en tous cas pour l’heure « non de chercher à raffiner la loi, mais de l’appliquer positivement, car »là où la loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer« , or la loi Kouchner n’évoque aucune restriction au dispositif pour les patients en santé mentale ». Claude Finkelstein a appuyé que les patients en psychiatrie avaient néanmoins besoin d’une aide supplémentaire, et a rappelé à ses yeux l’importance de « la neutralité de la personne », alors que les familles par exemple peuvent être à l’origine du placement en H.S.C.

Le président du CRPA (2), André Bitton, a pour sa part mis en garde contre la mise sur pied pour le terrain de l’H.S.C. d’une personne de confiance institutionnelle qui pourrait être mise sous la dépendance de la direction de l’établissement ou du service médico-psychiatrique. Point sur lequel la DG de la Fnapsy a répondu qu’il n’était évidemment pas question que les associations qui pourraient pourvoir ces personnes de confiance soient payées par l’hôpital… Enfin, le président de la conférence des présidents de CME de CHS, Christian Müller, a insisté sur le fait que « la confiance demandait du temps, de la compréhension, des échanges » et que la désignation d’une personne de confiance ne pouvait souffrir ni d’improvisation ni d’un quelconque systématisme. Manière de montrer l’ampleur du champ éthique ouvert aux acteurs pour une doctrine qu’il reste encore à co-construire…

(1) Union nationale des familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam)
(2) Cercle de réflexion et de propositions d’actions sur la psychiatrie (CRPA)

Que dit la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades ?
L’article L. 1111-6 du Code de la santé publique (CSP) instaure, suite à la loi du 4 mars 2002, que « toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin ». Cette désignation est faite par écrit et est révocable à tout moment. Si le malade le souhaite, la personne de confiance l’accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l’aider dans ses décisions. « Lors de toute hospitalisation dans un établissement de santé, il est proposé au malade de désigner une personne de confiance (…) et cette désignation est valable pour la durée de l’hospitalisation, à moins que le malade n’en dispose autrement. Les dispositions du présent article ne s’appliquent pas lorsqu’une mesure de tutelle est ordonnée (…) », stipule le CSP.

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Libération, 7 avril 2014 — « Les malades mentaux attendent des voix »

Source : http://www.liberation.fr/societe/20…

Société |La santé au quotidien

Les malades mentaux attendent des voix

ERIC FAVEREAU |7 AVRIL 2014 À 18h16

Psychiatrie. Un colloque a pointé l’absence de « personnes de confiance » pour défendre les patients

C’est un homme d’un certain âge, les cheveux blancs. Pendant des années, Paul Manni était patient advocate, dans un hôpital psychiatrique aux Pays-Bas. C’est un métier unique. Il y en a 55 comme lui, aux Pays-Bas, pour suivre les 75 institutions de santé mentale du pays. En France, on dirait « personne de confiance », même si ce n’est pas tout à fait la même chose. C’était le thème d’un colloque qui s’est tenu vendredi au ministère de la Santé intitulé : « La personne de confiance en psychiatrie ».

Les Pays-Bas sont un bel exemple : depuis une loi datant de vingt ans, tout établissement de santé mental se doit d’avoir un homme, payé par une fondation extérieure, dont la seule fonction est de défendre les malades hospitalisés. « Cette personne doit être indépendante, elle est libre, peut aller dans n’importe quel lieu de l’hôpital et rencontrer n’importe quel patient qui le demande », explique Paul Manni. Son boulot est de« porter assistance au malade » : « Chaque fois qu’un patient a besoin d’une information ou veut se plaindre, alors je le rencontre. »

"Plaintes"

Et cela marche. En moyenne, chaque patient advocate reçoit cinq plaintes ou demandes par jour. En 2012, les Pays-Bas en ont recensé 23 470. En France, toute chose égale par ailleurs, cela ferait près de 100 000 plaintes. « En moyenne, décrit Paul Manni, 26% des plaintes ont un rapport avec le traitement que reçoit le patient, 12% tournent autour d’un problème d’attitude de l’équipe soignante, 9% concernent l’hôtellerie, 9% les problèmes des limitations de liberté, et 5% enfin touchent aux mesures d’isolement que subit le patient. »

« Ce système-là a peut-être ses limites, mais quel changement s’il existait quelque chose de similaire en France ! » a réagi Claude Finkelstein, longtemps présidente de la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie (Fnapsy), à l’origine de ce colloque. Dans le beau pays des droits de l’homme, la loi de 2002, dite Kouchner, a institué la possibilité pour tout patient de nommer un membre de sa famille, un proche ou son médecin traitant pour l’accompagner dans ses soins et le défendre. Et dire ce qu’il pense quand il n’est plus en état de l’exprimer, que la maladie soit somatique ou mentale.

Aujourd’hui - douze ans plus tard - cela ne marche pas. Et cela alors que se multiplient les soins sans consentement en psychiatrie. « Le texte n’est pas appliqué », a constaté le député PS Denys Robiliard qui a rendu un rapport sur l’état de la psychiatrie en France. Pourquoi ? Dans les faits, très peu d’acteurs connaissent cette possibilité. « En plus, tous les professionnels de santé confondent proche, personne de confiance, personne à prévenir, le tiers qui demande l’hospitalisation, le tuteur, le curateur, etc. Et, au final, tout se mélange. » Et le député d’ajouter non sans force : « Le patient, quel qu’il soit, est un citoyen, il a des droits. Est-ce qu’il faudrait faire une loi spécifique pour les malades mentaux comme en Hollande ? Je ne le crois pas. » C’est aussi l’avis d’André Bitton, président du Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie (CRPA) : « On veut l’application du droit commun. Et notre association estime qu’un défenseur des malades par hôpital ne serait pas indépendant, encore plus s’il est payé par l’établissement. »

"Crise"

Dans la salle, il y a eu de brèves interventions de malades qui racontaient comment tel tuteur leur refusait d’émettre tout chèque, ou tel autre se plaignait de ne pouvoir téléphoner quand il était hospitalisé. Une autre raconte : « J’avais écrit des recommandations mais, comme elles ne convenaient pas au personnel, ils ont cherché à joindre des membres de ma famille pour avoir leur accord. »« Alors, qu’est ce qu’on fait ? » a lâché Claude Finkelstein. « En situation de crise, quand le patient n’est plus du tout lui-même, comment défendre ses droits ? Bien souvent, il en a besoin, parce que quand on est malade on est toujours seul. »