2013-10-21 - Le Monde : Paul-Guiraud, l’hôpital psychiatrique de Villejuif ne tourne plus rond

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/oAj7xV ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/386

Document du lundi 21 octobre 2013
Article mis à jour le 28 août 2020
par  A.B.

Sur cette même affaire, sur notre site, on peut lire : 2013-08-27 Lettre ouverte à la ministre de la Santé d’un infirmier travaillant en psychiatrie au GH Paul-Guiraud-Villejuif

Ou bien encore, sur le media en ligne 94.Citoyens.com , le 10 octobre 2013 : http://94.citoyens.com/2013/la-cris…

On observera qu’un hôpital psychiatrique comme le CH Paul-Guiraud Villejuif qui comprend une Unité pour malades difficiles et une UHSA (Unité hospitalière spécialement aménagée ou hôpital-prison), par ailleurs sous le coup de mesures de restrictions budgétaires, ne laisse pas d’autres possibilités de viabilisation pour ses salariés de base que ce genre de bras de fer, ici mené par l’équipe de Sud Santé Sociaux de cet établissement, avec raison selon nous. Il est notoire que cet établissement n’est viable ni pour quantité de patients (cf. le pavillon 38 de l’UMD Henri Colin sur lequel nous avons une affaire grave en cours en date de 2009), ni pour nombre de salariés.

Auteurs : A.B. - H.F.


2013-10-21 Article du Monde sur la crise traversée par le CH Paul-Guiraud

Paul-Guiraud, l’hôpital psychiatrique de Villejuif qui ne tourne plus rond

LE MONDE | 21.10.2013 à 11h09 | Mis à jour le 21.10.2013 à 14h52 | Par Laetitia Clavreul, journaliste au Monde |
 

Résumé (CRPA) : L’établissement psychiatrique de Villejuif (Val-de-Marne) est miné par un conflit entre médecins, syndicats et direction.

Source (Le Monde en ligne) : http://abonnes.lemonde.fr/societe/a…
 

Mais que se passe-t-il à Paul-Guiraud ? L’hôpital psychiatrique de Villejuif (Val-de-Marne), l’un des plus gros d’Île-de-France, est depuis longtemps réputé ingérable. Mais ces derniers temps, miné par un conflit entre médecins, syndicats et direction, il donne l’impression de ne plus du tout tourner rond. Comme si les troubles psychotiques qu’il soigne avaient déteint sur l’institution.

Courrier d’alerte du syndicat SUD à la ministre de la santé sur de supposés faits de maltraitance à l’encontre des patients, avec copie au contrôleur général des lieux de privation de liberté ; demande d’intervention des médecins auprès du cabinet de la ministre et de l’Agence régionale de santé (ARS) contre la direction ; lettres des syndicats de cadres au ministère pour dénoncer les pressions exercées par les médecins sur des membres de la direction… Plus personne ne peut ignorer l’ambiance délétère ni la violence des relations.

Le long des pavillons du XIXe siècle, tout semble calme. Officiellement, chaque camp s’est dit favorable à la conciliation, mais de guerre lasse, les autorités de santé ont pris une autre option : une enquête de l’Inspection générale des affaires sociales pour y voir clair sur « les dysfonctionnements persistants » et le « conflit » opposant directeur et représentant des médecins. Pendant trois mois, les inspecteurs se sont installés dans la place. Leurs conclusions sont attendues d’ici peu.
 

« NOUS NE SOMMES PAS DES COUPEURS DE TÊTE »

Souvent, à l’hôpital, médecins et direction font cause commune face aux syndicats. A Paul-Guiraud, ce sont les médecins et les syndicats qui marchent ensemble contre la direction. A la tête du corps médical, le docteur Bernard Lachaux : loin de la caricature du psychiatre gauchiste, c’est un médecin plutôt à droite, mais opposé au pouvoir accru donné aux directeurs par Nicolas Sarkozy. « Notre hôpital n’est pas ingouvernable, il est mal gouverné », résume-t-il.

Face à lui, dans le bureau du directeur, Henri Poinsignon. Il connaît bien les hôpitaux, mais c’est le premier qu’il dirige. Il a aussi été directeur des ressources humaines au Louvre et inspecteur du travail, ce dont aime s’étonner SUD. Sa boulimie de changement et d’investissements, son application zélée de la nouvelle répartition des pouvoirs et sa faible propension à impliquer le corps médical lui sont reprochées. Lui a une autre lecture : « Bernard Lachaux a su fédérer les médecins autour de lui », glisse-t-il. Ces derniers mois, les médecins boycottaient le directoire ou en claquaient la porte.

SUD, syndicat majoritaire, ne veut pas endosser la responsabilité de la crise.« Nous l’avons dit aux inspecteurs : nous ne sommes pas des coupeurs de tête de directeurs », explique son leader, Joël Volson, qui, s’il évoque juste un « désamour » avec la direction, n’hésite pas à mettre sur la place publique tout différend.
 

ENQUÊTE EXTERNE SUR LES RISQUES PSYCHO-SOCIAUX

La controverse sur le nom retenu pour baptiser une nouvelle unité à Clamart (Hauts-de-Seine) — celui de l’écrivain Jean-Louis Vaudoyer, administrateur de la Comédie-Française sous l’Occupation — s’est ainsi étalée dans les médias, avant que la direction, tardivement, ne cède. La vente de surfaces inoccupées à la ville pour la construction d’une crèche et de logements et le projet d’acheter un château dans les Hauts-de-Seine pour hospitaliser des patients de ce département ont suscité de nouveaux désaccords.

Cet été, la décision d’arrêter de recourir aux intérimaires pour des raisons budgétaires a mis le feu aux poudres. Les syndicats ont organisé deux grèves. Considérant que la fin des remplacements constituait un risque pour les soignants, le CHSCT (Comité hygiène, sécurité, conditions de travail) a émis des droits d’alerte. La direction a saisi l’inspection du travail, qui n’a pas relevé de danger grave ou imminent, mais un risque de dégradation des conditions de travail.

Le CHSCT a fini par réclamer une enquête externe sur les risques psycho-sociaux. Pour faire annuler cette délibération, la direction a saisi la justice — le tribunal de Créteil devrait se prononcer en référé le 22 octobre. « Il n’y a pas de raison que les syndicats aient le monopole du recours à la justice »,se justifie le directeur.
 

« CELA DURE DEPUIS TROP LONGTEMPS »

La tension ne date pas d’hier. « Il y a un refus de tout ce qui vient de l’extérieur », estime le représentant des usagers, André Dubresson, qui décrit une communauté médicale s’estimant « toute-puissante » et un Joël Volson votant « toujours contre ».

A Paul-Guiraud, il y a aussi une vieille tradition de valse des directeurs, qui restent seulement trois ou quatre ans. Les DRH, c’est un ou deux ans — « les trois derniers, ce n’est pas à cause de nous », juge néanmoins un délégué SUD. Les membres de la direction arrivent en connaissance de cause — ils touchent une prime d’établissement difficile —, mais s’épuisent vite :« L’énergie est consacrée à se protéger, pas à avancer », regrette un ancien adjoint.

Quelques voix détonnent cependant. « Cela dure depuis trop longtemps. Il y a eu des problèmes avec beaucoup de directeurs, sans que cela soit toujours justifié », estime, sans pour autant défendre Henri Poinsignon, Stéphane Guillou, passé de SUD à la CFDT. « C’est possible de travailler avec le directeur », témoigne le docteur Magali Beaudon-Bruzel, chef de la toute nouvelle unité pour les détenus.
 

LES LANGUES SE SONT DÉLIÉES

Le directeur de l’ARS, Claude Évin, refuse de s’exprimer avant la remise du rapport de l’IGAS. Puis glisse finalement : « Nous ne pouvons accepter que régulièrement les directeurs soient mis dans la situation de partir. »Maintien ou non de l’actuel directeur, qui tient à rester et vient juste d’être renouvelé, placement sous administration provisoire de l’hôpital… La décision, quelle qu’elle soit, se prendra au plus haut niveau. Mais la bataille laissera des traces.

A coup sûr, les langues se sont déliées devant les inspecteurs. On se doute qu’ils pointeront les 27 jours de RTT (bien plus qu’ailleurs) du personnel, la faible présence de quelques médecins et certaines dépenses de la direction.

Les ennuis de Paul-Guiraud ne font que commencer : sont aussi attendus un rapport de la chambre régionale des comptes et un autre du contrôleur général des lieux de privation de liberté sur l’unité pour malades difficiles, qui pourrait souligner des atteintes aux droits fondamentaux des patients. Enfin, des membres de la Haute Autorité de santé étaient à leur tour dans les murs, du 15 au 17 octobre. L’organisme a émis une réserve majeure en matière d’information des patients sur les dommages liés aux soins. Si aucune amélioration n’est constatée, la certification de l’hôpital pourrait lui être retirée.