2013-07-26 - Article du Monde sur les Unités pour malades difficiles

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/O75f0L ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/368

Document du vendredi 26 juillet 2013
Article mis à jour le 28 août 2020
par  A.B.

Le Monde a consacré un dossier similaire, dans son édition du 2 août 2011, à l’entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 2011 sur les soins sans consentement. Ce dossier citait le rôle joué par le CRPA, prenant en relais le Groupe Information Asiles (GIA), dans la série des questions prioritaires de constitutionnalité qui ont impacté le terrain psychiatrique depuis novembre 2010. Cliquer sur ce lien.

Dans le dossier ci-dessous, c’est le 2e article de ce dossier qui cite le rôle joué par le CRPA dans la proposition de loi sur les soins sans consentement en psychiatrie, du député P.S. M. Denys Robiliard.

Auteur : A.B.


Le Monde 26 juillet 2013 — Reportage : « L’univers carcéral des » malades difficiles"

 
Par Alicia Bourabaâ, envoyée spéciale.

Source (site du Monde) : http://abonnes.lemonde.fr/sante/art…

Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime)
 

Un texte de loi débattu le 25 juillet à l’Assemblée vise à assouplir le régime sécuritaire des unités pour malades difficiles
 

Il faut franchir une première porte, blindée. Se défaire de ses effets personnels dans le local surveillé par un vigile. Passer un deuxième, puis un troisième sas grillagé. Une porte enfin mène à un premier couloir, désert. Là, plantée au fond des 80 hectares du parc du centre hospitalier du Rouvray de Sotteville-lès-Rouen, en Seine-Maritime, derrière une enceinte haute de cinq mètres, l’unité pour malades difficiles (UMD) Erasme accueille les personnes souffrant de troubles psychiatriques aigus.

Depuis mai 2012, les malades représentant un danger pour autrui ou pour eux-mêmes sont transférés dans cette unité flambant neuve. L’adoption de la proposition de loi socialiste sur les soins sans consentement, débattue jeudi 25 juillet à l’Assemblée nationale, devrait toucher au plus près le quotidien de ces personnes en simplifiant les conditions de leur sortie.

Dans ce pavillon, seuls peuvent séjourner les patients placés d’office par arrêté préfectoral. « Des personnes souffrant de schizophrénie pour la plupart, et qui sont souvent passées à l’acte dans leur service psychiatrique d’origine, menaçant un membre du personnel, un autre patient ou eux-mêmes », explique Nicolas Fourneyron, un infirmier de 29 ans. Le malade, venu d’autres services de santé mentale et parfois d’un centre pénitentiaire, est le plus souvent en situation de crise ou de rupture de soins.

A Erasme comme dans les neuf autres unités de ce type, le quotidien des patients respecte un protocole très cadré. « Les espaces sont organisés de manière à ne jamais laisser le patient à l’extérieur du champ de vision des soignants », explique Béatrice Lasserre, cadre supérieure de santé. Des caméras de surveillance en passant par la largeur des portes qui permettent aux infirmiers de s’engouffrer dans les chambres sans passer par l’entrée principale, aux fenêtres discrètes pour observer les malades, tout est pensé.

Il est presque 15 heures, les portes automatiques des chambres s’ouvrent. La sieste obligatoire est finie, les vêtements sont rendus aux malades, qui sont invités à délaisser le pyjama de rigueur. Sur les murs couleur pistache de ces seules pièces individualisées, des cartes postales parfois, mais très peu d’effets personnels, interdits « sauf sur prescription médicale » : vêtements, consoles de jeu, valises, rasoirs restent hors de portée pendant le séjour.

« Le but reste de faire primer la démarche de soin sur le carcéral, pour que les malades et le personnel se sentent bien », précise Claire Prévost, qui supervise les équipes soignantes avec les deux autres cadres de santé. Avec 49 infirmiers et 16 aides-soignants, une ergothérapeute, deux éducateurs sportifs, un terrain de sport, un potager et une capacité de 40 lits, l’UMD figure parmi les unités psychiatriques les mieux loties de France.

Lancé en 2010, le projet d’UMD Erasme répondait au « plan psychiatrie » annoncé par Nicolas Sarkozy et prévoyait l’ouverture de 160 nouveaux lits. Avec le durcissement du régime dérogatoire induit par la loi de 2011, l’équipe s’est frottée à la difficulté de faire sortir des malades dont l’état ne nécessitait plus une prise en charge sécurisée.

« Les discours stigmatisants sur les malades étaient quotidiens », se rappelle Isabelle Lefebvre, la responsable de l’unité. « Ni le préfet ni les médecins ne voulaient endosser la responsabilité d’une sortie,explique l’infirmier Nicolas Fourneyron. Même pour une sortie exceptionnelle de deux heures. » En attendant l’application d’un nouveau dispositif encadrant les soins sous contrainte, on observe prudemment le cheminement du texte de loi. Avec l’espoir que les UMD « restent un régime d’exception ».


Le Monde 26 juillet 2016, reportage suite — « Soins psychiatriques : deux députés veulent alléger la sécurisation »

Notez bien que le titre de base de cet article, dans Le Monde édition papier, était : « Nicolas Sarkozy avait voulu sécuriser les hôpitaux psychiatriques ».

Par Alicia Bourabaâ, envoyée spéciale.

Source (Site du Monde) : http://abonnes.lemonde.fr/sante/art…
 

NOYÉE PARMI les 33 projets de loi débattus en session extraordinaire, la proposition de loi sur les soins sans consentement en psychiatrie a été accueillie sans bruit. Il s’agit pourtant de revenir sur l’une des réformes les plus contestées des dix dernières années en matière de santé mentale.

Déposée le 3 juillet par les députés socialistes Denys Robiliard et Bruno Le Roux, la proposition de loi modifie les dispositions législatives du 5 juillet 2011, qui avaient été en partie censurées par le Conseil constitutionnel le 20 avril 2012, en raison de l’insuffisance des garanties légales encadrant l’admission des patients en unité pour malades difficiles (UMD) et les hospitalisations d’office des personnes reconnues pénalement irresponsables.

En novembre 2008, après la mort à Grenoble d’un étudiant poignardé par un malade en fuite, Nicolas Sarkozy avait annoncé vouloir « sécuriser » davantage les hôpitaux psychiatriques. Le fait divers à l’origine de la loi de 2011 avait poussé au renforcement des mesures de rétention à l’égard des malades, en verrouillant davantage les hospitalisations d’office. En plus des restrictions des conditions de sortie des patients internés sans consentement, la loi avait permis l’application des soins sous contrainte à domicile.

Le législateur avait dû intégrer les réserves du Conseil constitutionnel qui, déjà, s’était prononcé sur l’illégalité des conditions d’hospitalisation d’office, une décision qui avait abouti à l’intervention obligatoire d’un juge des libertés et de la détention.
 

« Tous craignent la récidive »

La proposition déposée par Denys Robiliard, le député du Loir-et-Cher, se présente comme « la fille de la décision du Conseil constitutionnel ». Principale mesure, la modification du statut des UMD, revenues dans le droit commun de la psychiatrie : le passage par ces centres sera d’abord justifié par la pathologie du malade et non sur le seul critère de dangerosité. Les sorties de courte durée, supprimées par la loi de 2011, sont réintroduites, et le juge se déplacera désormais à l’hôpital pour les audiences : les malades devaient jusqu’ici être amenés au palais de justice menottés.

Ces mesures ont été accueillies avec soulagement dans le milieu psychiatrique, mais sont jugées insuffisantes. Si le texte remet en question les modalités de levée des soins contraints, il ne met que partiellement en cause le régime dérogatoire qui touche les malades hospitalisés d’office reconnus pénalement irresponsables. « Tous craignent la récidive ! Pourtant, aucune étude ne prouve que les irresponsables pénaux sont plus dangereux que les autres patients qui font l’objet d’une hospitalisation d’office », s’agace Jean-Claude Pénochet, président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux.

De son côté, l’Union nationale des familles de malade (Unafam) s’inquiète « du non-encadrement des entrées en UMD », qui ne font aujourd’hui l’objet que d’une expertise médicale « quand la sortie en nécessite cinq ». Sans illusions, tous attendent les approfondissements apportés par la grande loi sur la santé mentale, promise en mars par Marisol Touraine, la ministre de la santé. Mais pour André Bitton, président du Cercle de réflexion et de propositions d’actions sur la psychiatrie (CRPA), les patients ont déjà gagné le premier set, « en portant aux yeux de tous la condition de ces malades longtemps résignés au silence ».



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