2013-07-25 - Adoption en première lecture de la proposition de loi sur les soins sans consentement

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/3YXOyj ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/369

Document du jeudi 25 juillet 2013
Article mis à jour le 30 août 2020
par  A.B.

2013-07-25 Compte-rendu intégral des débats de l’Assemblée nationale sur les soins psychiatriques

Le débat pour adoption de la proposition de loi sur les soins sans consentement en psychiatrie, en première lecture de l’ Assemblée nationale, a eu lieu le 25 juillet 2013, durant la séance du matin et celle d’après-midi (cf. en pièce jointe au format PDF, le compte-rendu intégral). Liens sur les retransmissions de ces deux séances sur le site de l’Assemblée nationale :

— 1re séance du 25 juillet 2013 : http://www.assemblee-nationale.tv/m…
— 2e séance : http://www.assemblee-nationale.tv/m…

On observera qu’un amendement important et novateur, du député Ecologiste M. Jean-Louis Roumegas, a été adopté qui prévoit que « (…) Les députés et les sénateurs ainsi que les représentants au Parlement européen élus en France sont autorisés à visiter à tout moment les établissements de santé mentionnés à l’article L. 3222-1. » (nouvel article L 3222-4-1 du code de la santé publique). Cet amendement a été adopté avec l’avis favorable du rapporteur et du Gouvernement.

2013-07-25 Texte de la proposition de loi adopté par l’Assemblée nationale en première lecture

Texte adopté : cf. pièce jointe au format PDF.

Dossier législatif de cette proposition de loi sur le site de l’Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/1…

Sur le dossier du Monde du 26 juillet 2013 sur les Unités pour malades difficiles, cliquer sur ce lien.

Sur le dossier constitué sur notre site, sur la proposition de loi initiale (du 3 juillet 2013) du député M. Denys Robiliard, cliquer sur ce lien.

Auteur : A.B.


Sur le site du député P.S. du Loir-et-Cher M. Denys Robiliard, le 27 juillet 2013

Source : http://www.denys-robiliard.fr/vote-…
 
Vote de la proposition de loi relative aux soins sans consentement en psychiatrie : l’homme est le remède de l’homme

Par M. Denys Robiliard.

La proposition de loi relative aux soins sans consentement en psychiatrie, que j’ai déposée le 3 juillet dernier, a été examinée et adoptée à une large majorité en séance le 25 juillet.
 

En ma qualité de rapporteur, après avoir relevé qu’on retrouvait dans les débats sur la loi de 1838, dite « loi des aliénés », les postures de 2011 et d’aujourd’hui, j’ai rappelé qu’on pouvait partir du fait que l’intérêt du malade était d’être soigné et que c’était également celui de la société. Et des soins efficaces se pensent en partant du malade. C’est pourquoi il n’y a pas de raison que le passage dans l’unité de soins intensifs que constitue une Unité pour malade difficile soit un facteur discriminatoire des conditions de levée d’une hospitalisation sous contrainte. Et c’est aussi au regard du malade qu’il est important que les audiences des Juges des libertés et de la détention, qui contrôlent systématiquement les mesures d’hospitalisation sous contrainte, aient lieu à l’hôpital plutôt qu’au palais de Justice. C’est donc dans l’intérêt du malade que j’ai justifié les modifications apportées, après des discussions approfondies, franches et fructueuses avec les ministères de la santé, de l’intérieur, de la justice et le cabinet du premier ministre, par ma proposition de loi aux recommandations faites par la mission santé mentale et avenir de la psychiatrie dans son rapport d’étape du 29 mai que j’avais également présenté.

Marisol Touraine, ministre de la santé, a défendu le texte au nom du gouvernement. Elle a reconnu sa relative modestie par rapport aux enjeux plus globaux que nous avons recensés dans le cadre de la mission santé mentale. Je suis heureux qu’elle ait souligné la nécessité de reconnaître plus généralement la place qui est celle de la santé mentale dans la loi qui mettra en œuvre la stratégie nationale de santé. Le Gouvernement a déposé quelques amendements, qui procédaient tous du souci que le souhaitable soit possible. En particulier, le juge disposera d’un délai de 12 jours pour se prononcer sur la nécessité ou non de prolonger la mesure de contrainte. Et la réforme du contrôle juridictionnel n’entrera en vigueur que le 1er septembre 2014 de façon que les textes et circulaires d’application soient pris suffisamment à l’avance et que des moyens soient dégagés au bénéfice des tribunaux qui seront les plus lourdement impactés (28 tribunaux rendent plus de la moitié des quelque 60.000 décisions annuelles).

Malgré certaines réserves — le front de gauche et les écolos auraient d’ores et déjà souhaité aller plus loin notamment en supprimant le rôle du préfet, l’UDI ne partageait pas la totalité des orientations du texte — tous les groupes à l’exception notable de l’UMP ont apporté le soutien nécessaire à une adoption confortable de la proposition.

L’UMP m’a suivi sur un certain nombre de points — réinstauration des sorties de courte durée, audiences du juge dans les établissements de santé et raccourcissement du délai imparti au juge pour qu’il statue -, mais a annoncé qu’elle ne voterait pas ce texte, principalement en raison de la suppression du statut légal des unités pour malades difficiles, ce qui créerait, à ses yeux, des « unités sauvages » et ne permettrait pas de se prémunir de la dangérosité de certains patients.

J’ai pu dire à Monsieur Accoyer lors des débats, que si nous partagions parfois les analyses nous n’en tirons pas les mêmes conséquences. Ces unités pour malades difficiles continueront à exister. L’efficience des traitements qui y sont prodigués grâce à l’importance de l’encadrement soignant permet de réaffirmer que « l’homme est le remède de l’homme » (proverbe wolof). Il était nécessaire de rompre avec un régime procédant de la peur des malades mentaux et de placer le patient au centre du dispositif relatif aux soins psychiatriques sous contrainte.

Au-delà de l’échéance fixée au 1er octobre prochain par le Conseil constitutionnel, cette urgence sera entendue par le Sénat, je l’espère, dès le mois de septembre.


Libération, 25 juillet 2013 — Hôpital psychiatrique : une loi contre la camisole sécuritaire

Par Éric Favereau — Libération (Société) — 25 juillet 2013 à 20:46.

Source (site de Libération) : http://www.liberation.fr/societe/20…
 

DÉCRYPTAGE — Un texte, adopté hier, annule des dispositions votées sous Sarkozy en 2011 qui durcissaient le régime d’internement sans consentement.

Il y avait urgence hier à l’Assemblée. A la veille des vacances parlementaires, les députés ont adopté une proposition de loi sur les soins sans consentement en psychiatrie. Le 20 avril 2012, le Conseil constitutionnel avait censuré quelques points de la loi du 5 juillet 2011 sur les conditions de l’hospitalisation des malades mentaux. Et fixé un délai d’inconstitutionnalité au 1er octobre 2013. Il fallait donc agir avant.« Notre texte est certes modeste mais il est indispensable », note le député socialiste Denys Robiliard, rapporteur de la proposition de loi.

Et cet élu d’expliquer : « La loi de 2011 était née sous des auspices très sécuritaires, après un fait divers dramatique à Grenoble.Il fallait, par exemple, en finir avec les dérapages comme l’apparition d’un casier psychiatrique. Nous avons essayé simplement, par petites touches, de remettre le malade au cœur du système. » Avec un peu de regret, il ajoute : « On pouvait rêver d’une réforme de grande ampleur, mais il faut parfois savoir faire preuve d’humilité. »
 

Difficiles ou dangereux, deux catégories de malades

Ce député n’a pas tort : avancer doucement. Car si cette proposition de loi est limitée, elle semble bien utile. Le Conseil constitutionnel s’était interrogé sur quelques points techniques. D’abord, autour de la question du statut des malades hospitalisés, dans ce que l’on appelle les unités pour malades difficiles (UMD). Ce sont des lieux de soins très particuliers, aux allures carcérales, où la sécurité est omniprésente. Il y a une dizaine d’UMD en France : s’y côtoient des malades agités, des malades asociaux que les équipes ont du mal à contenir, e aussi des malades déclarés irresponsables pénaux.

« Dans la loi de 2011, il y avait une ambiguïté, a expliqué à l’Assemblée la ministre de la Santé, Marisol Touraine. On confondait la notion de malades difficiles avec celle de malades dangereux. Et au final, pour sortir d’une UMD, il fallait remplir des conditions impressionnantes. ». « Cela devenait comme un casier psychiatrique, qui allait suivre le patient toute sa vie », a fait remarquer le député Robiliard. « Or, je le dis nettement, a poursuivi la ministre, les UMD sont des lieux de soins. Et nous avons décidé de les remettre dans le droit commun. ». Donc, pas de loi particulière, ni de règlement spécifique pour permettre la sortie du patient. Ce sont des malades comme les autres. La seule exception reste dans le statut des personnes, déclarées irresponsables pénalement : ceux ou celles qui auront commis des crimes particulièrement graves garderont un statut particulier.
 

Les juges devront aller à l’hôpital valider ou non

Le Conseil constitutionnel avait obligé la loi de 2011 à une modification de taille dans le processus de la décision d’hospitalisation sous contrainte : il avait imposé la présence d’un juge des libertés et de la détention (JLD). Celui-ci devant valider l’hospitalisation dans les 15 jours.

Le gouvernement comme les députés ont voulu aller un peu plus loin. Et donner plus de garanties aux malades. « Tout le monde nous le dit, cette audience où le juge valide ou pas cette décision d’hospitalisation doit se tenir à l’hôpital, et non pas au tribunal, ni encore moins par vidéo conférence comme cela se fait. Notre proposition de loi le dit clairement, insiste Denys Robiliard. L’audience aura ainsi lieu toujours à l’hôpital, sauf dérogation. De même, la présence d’un avocat nous paraît essentielle, et c’est la seconde nouveauté. »

La commission des affaires sociales aurait voulu que le juge statue plus vite. « Deux semaines, c’est trop long », a rappelé Denys Robiliard qui a proposé de raccourcir fortement ce délai : « Nous en avons discuté avec la chancellerie et avec le ministère de la Santé. Mais c’est vrai que l’on bute sur un problème de moyens. Pour la justice, l’intervention du juge s’est faite à moyens constants. Or cela a correspondu, en un an, à plus de 60 000 décisions. Si on raccourcit le délai à 8 jours au lieu de 15, cela veut dire 8 000 décisions de plus. » Est-ce réalisable ?

Les JLD se disent débordés, d’autant qu’il y a une grande inégalité territoriale : aujourd’hui 24 tribunaux rendent la moitié des décisions, et certains départements comme la Haute-Loire sont à deux doigts de craquer, faute de magistrats. Finalement, gouvernement et députés devraient se mettre d’accord sur un délai de 12 jours.
 

Retour au régime antérieur des permissions de sortie

Dans sa dynamique sécuritaire voire carcérale, la loi de 2011 avait eu l’idée saugrenue d’interdire toutes les sorties d’essai des malades, ou du moins de les rendre très difficiles.« Une aberration thérapeutique », avait réagi le monde de la psychiatrie. « Pour un malade, une sortie de 24 ou 48 heures accompagnée, c’est nécessaire et utile. Avec la loi de 2011, tout était bloqué. C’était le règne de la peur, tout le monde se couvrait », nous disait un psychiatre de Grenoble. La proposition de loi suggère de revenir aux pratiques classiques, avec des permissions encadrées et accompagnées. On le voit, ce sont de petites modifications. Hier, à l’Assemblée, une trentaine de députés de tous bords en ont débattu. Sans coups d’éclat. Aucune grande envolée, mais au final des petites avancées pour les malades. Le texte a été adopté hier en fin d’après-midi.


À LIRE AUSSI — Libération (société)

Repères : Loi du 5 juillet 2001 sur le régime d’internement sans consentement

25 juillet 2013 à 20:46

Source (site de Libération) : http://www.liberation.fr/societe/20…
 

La loi de 2011

Le texte du 5 juillet 2011 rendait possible « en urgence » ou quand il y avait un « péril imminent » les hospitalisations sous contrainte en psychiatrie. Surtout, il donnait la possibilité de « soins sans consentement », hors de l’hôpital.

« Mon devoir, notre devoir, c’est de protéger la société et nos compatriotes…. Les malades potentiellement dangereux doivent être soumis à une surveillance particulière afin d’empêcher un éventuel passage à l’acte. »

Nicolas Sarkozy le 2 décembre 2008 à l’hôpital psychiatrique d’Anthony, annonçant une loi sur la psychiatrie

14 967 — Le nombre d’hospitalisations d’office à la demande du préfet ou du maire, en 2011. Contre 10 578 en 2006. Une augmentation inédite.


La Croix, le 26 juillet 2013 — Psychiatrie, l’Assemblée réforme l’hospitalisation sous contrainte

Par Marine Lamoureux — La Croix, 26 juillet 2013.

Source (site de La Croix) : http://www.la-croix.com/Ethique/Med…
 

Une proposition de loi, votée en première lecture le jeudi 25 juillet, revient sur les dispositions les plus « sécuritaires » de la loi de 2011 sur les Unités pour malades difficiles (UMD) et les irresponsables pénaux.

Ce n’est qu’un élément de la réforme à venir du secteur de la santé mentale mais il est d’importance. Jeudi 25 juillet, les députés ont adopté en première lecture une proposition de loi qui revient sur les dispositions les plus « sécuritaires » de la loi de 2011 sur les Unités pour malades difficiles (UMD) et les irresponsables pénaux. Déposé à l’initiative de Denys Robiliard (PS, Loir-et-Cher) et de Bruno Le Roux (PS, Seine-Saint-Denis), le texte s’inspire des travaux menés par la mission d’information sur la santé mentale, dont le périmètre est néanmoins beaucoup plus large que la seule question de l’hospitalisation sous contrainte (qui concerne environ 70 000 personnes par an).

Le texte modifie tout d’abord le statut des UMD (il en existe 18 [10 en fait, note par le CRPA] en France), qui reviennent dans le droit commun de la psychiatrie. Il limite par ailleurs le régime spécifique des personnes jugées irresponsables pénalement, en le réservant à ceux ayant commis des faits passibles de 5 ans de prison pour les atteintes aux personnes (des agressions sexuelles, par exemple) et de 10 ans pour les atteintes aux biens. Il réintroduit par ailleurs les sorties courtes, dites « d’essai », qui avaient été supprimées par la loi de 2011. Enfin, les audiences avec le juge se tiendront à l’hôpital, en présence d’un avocat, et non plus au tribunal.
 

LA LOI DE 2011 CONTROVERSÉE

« Cette proposition de loi a été pensée à partir des besoins du patient, explique le député Denys Robiliard, avec l’idée qu’il faut organiser la prise en charge à partir de la maladie et pas de l’ordre public », même s’il n’y a pas lieu, selon lui, d’opposer les deux. Le texte de 2011, voté après le meurtre d’un étudiant à Grenoble par un malade mental enfui de l’hôpital, avait dès l’origine, suscité la polémique. Peu après, le Cercle de réflexion et de propositions d’actions sur la psychiatrie avait ainsi saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité débouchant, le 20 avril 2012, sur une censure partielle du texte, à laquelle vient répondre la proposition de loi socialiste. Celle-ci doit encore être transmise au Sénat, alors qu’en parallèle, le gouvernement prépare une grande loi sur le secteur de la psychiatrie.