2013-07-11 - Observations des syndicats de magistrats pour leur audition par le député Denys Robiliard

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/2fcex ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/362

Document du jeudi 11 juillet 2013
Article mis à jour le 28 août 2020
par  A.B.

Sur l’audition des associations d’usagers, cf. : 2013-07-09 - Positions du CRPA - Audition par le député PS Denys Robiliard .

Pour lire cette proposition de loi (site de l’Assemblée nationale) : http://www.assemblee-nationale.fr/1…


Union Syndicale des magistrats : Proposition de loi n°1223 relative aux soins sans consentement en psychiatrie - Observations de l’USM

2013-07-06 Observations de l’Union syndicale des magistrats sur la proposition de loi nº 1223

Le 6 juillet 2013.

Source (site de l’USM) : http://www.union-syndicale-magistra…

  • Ci-joint, au format PDF.
     
     

Syndicat de la magistrature - Observations du Syndicat de la magistrature sur la proposition de loi relative aux soins sans consentement en psychiatrie

 

2013-07-11 Observations du Syndicat de la magistrature sur la proposition de loi nº 1223 sur les soins sans consentement en psychiatrie

12-14 rue Charles Fourier 75013 PARIS
Tel 01 48 05 47 88 — Fax 01 47 00 16 05
courriel : contact chez syndicat-magistrature.org
Site : www.syndicat-magistrature.org
 
Le 11 juillet 2013.

Source : http://www.syndicat-magistrature.or…
 

La politique sécuritaire menée pendant plus de dix ans, qui a fait de l’enfermement la réponse au besoin de protection de la population et a alimenté une croissance carcérale sans précédent, a eu des effets dévastateurs jusque dans le domaine des soins psychiatriques : de 2006 à 2011, les hospitalisations sous contrainte (passant de 54 535 à 78 312, selon le rapport d’étape de la mission sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie) ont ainsi augmenté de plus de 50 % !

La loi du 5 juillet 2011, qui envisage la folie avant tout sous l’angle de la dangerosité, est fortement marquée de cette empreinte.

Et pourtant, il faut sans cesse le rappeler, le rapport de la commission « Violence et santé mentale », réalisé en 2005, a démontré que, sur 51 411 mis en examen dans des affaires pénales (crime ou délit), 212 ont bénéficié d’un non-lieu pour irresponsabilité mentale, c’est à dire 0,4 % des crimes et délits ! Alors que, dans le même temps, les patients psychiatriques étaient victimes 11,8 fois plus que le reste de la population de crimes violents et 140 fois plus de vols …

Le Syndicat de la Magistrature a ainsi accueilli avec intérêt le rapport d’étape de Monsieur Denys Robiliard relatif aux soins sans consentement. Le point de vue sécuritaire n’est plus prévalant et un équilibre semble s’instaurer entre protection des libertés et exercice d’une contrainte.

Il regrette cependant que, alors même que, dans leur exposé des motifs, les parlementaires constatent que la décision du Conseil constitutionnel du 20 avril 2012 n’imposait pas de légiférer avant le 1er octobre 2013 - puisque seules les dispositions concernant le régime spécifique imposé par la loi du 5 juillet 2011 aux personnes séjournant ou ayant séjourné en unités pour malades difficiles (UMD) et aux personnes ayant fait l’objet d’une décision d’irresponsabilité pénale sont affectées par cette décision -, cette réforme ne s’intègre pas dans un texte plus large sur le dispositif de prise en charge des personnes souffrant de troubles mentaux. Une loi qui devrait notamment être l’occasion de réorienter les moyens vers le renforcement de la psychiatrie de secteur, le développement de structures d’accueil dans la cité, le soutien aux pratiques fondées sur le « prendre soin », l’accueil, l’hospitalité, une politique d’aide et d’accompagnement aux familles de malades, et non plus vers les structures fermées, les chambres d’isolement, les mesures de surveillance et de contrôle.

Car seule une telle politique de nature à assurer le maintien dans la cité des personnes souffrant de troubles mentaux et à donner aux équipes de psychiatrie le temps et les moyens de « l’alliance thérapeutique », permettra de réduire sensiblement le nombre d’hospitalisations sous contrainte (qui ne cesse d’augmenter : 80 722 en 2012) et de redonner à cette mesure privative de liberté son caractère exceptionnel.

La réforme de la loi du 5 juillet 2011 doit prendre en compte cet objectif et renforcer les droits des personnes qui restent soumises à ce régime de contrainte ; c’est en ce sens que le Syndicat de la magistrature vous demande d’améliorer les dispositions de cette proposition de loi.
 
1. — Sur les critères de mise en œuvre de soins psychiatriques sans consentement

La législation française prévoit actuellement deux modes principaux d’admission en soins psychiatriques :

  • L’admission à la demande d’un tiers des personnes dont l’état mental impose
    des soins immédiats et dont les troubles mentaux rendent impossible son consentement ;
  • L’admission à la demande du représentant de l’État des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et dont les troubles compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public.

On peut légitimement s’interroger sur l’opportunité de cette dualité de modes de saisine, le rapport Ströhl et les syndicats de psychiatres s’étant d’ailleurs prononcé depuis plusieurs années pour l’unification de la procédure.

La mesure de contrainte ne devrait pouvoir dès lors être mise en œuvre qu’aux conditions cumulatives suivantes :

  • La personne présente des troubles mentaux qui nécessitent des soins ;
  • Ces troubles rendent impossible son consentement ;
  • Ces troubles compromettent la sûreté d’autrui ou d’elle-même.

La recommandation 2004-10 du Conseil de l’Europe rappelle par ailleurs que « le défaut d’adaptation aux valeurs morales, sociales, politiques ou autres d’une société ne devrait pas être, en lui-même considéré comme un trouble mental ».

La loi du 5 juillet 2011 a pourtant conservé le critère particulièrement flou du
« trouble grave à l’ordre public » - rarement caractérisé dans les arrêtés préfectoraux qui s’en prévalent … - qui permet de faire hospitaliser tous ceux qui, alors même qu’ils ne mettent en péril ni eux-mêmes, ni autrui, ont un mode de vie marginal ou un comportement qui dérange les autorités locales (plaintes itératives, courriers insultants, comportements asociaux …)

Il apparaît donc nécessaire, pour rendre à la mesure de contrainte son caractère exceptionnel lié à des impératifs de sécurité de la personne concernée ou d’autrui, au-delà de l’unification des modes de saisine, de supprimer ce critère du trouble à l’ordre public et d’exclure expressément, en application de la recommandation susvisée, les comportements sociaux atypiques des troubles susceptibles de justifier une mesure de contrainte.
 

2. — Sur l’intervention du juge des libertés et de la détention et la fréquence des contrôles

La recommandation 2004- 10 du Conseil de l’Europe prévoit que « la décision de soumettre une personne à un placement involontaire devrait être prise par un tribunal ou une autre instance compétente », l’expression « instance compétente » désignant dans ladite recommandation « une autorité ou une personne ou une instance (…) qui peut prendre une décision indépendante ».

Cette recommandation exclut donc de fait l’autorité préfectorale qui, par nature, n’est pas une autorité indépendante. La recommandation prévoit une dérogation en cas d’urgence mais simplement pour « une courte période ».

On ne peut d’ailleurs que constater que le rôle attribué au préfet en France dans les procédures de soins contraints est sans équivalent dans les principaux pays européens.

Le Syndicat de la magistrature réaffirme que seule une autorité judiciaire doit se voir autoriser à prononcer une mesure privative de liberté, quel qu’en soit le motif. Les dévoiements de la procédure, rappelés dans notre précédente note, pour éluder le contrôle du juge, nous confortent dans cette analyse.

Il est donc indispensable, au-delà de l’intervention d’urgence, de confier au juge des libertés le soin de se prononcer ab initio sur la nécessité d’une mesure de contrainte, puis sur son éventuel renouvellement.

Ainsi, l’hospitalisation pourrait toujours intervenir en urgence à la demande d’un tiers sur décision du directeur d’établissement ou sur décision de l’autorité administrative, comme le permet la recommandation susvisée, voire — si l’on souhaite garantir au mieux les droits des personnes concernées - du ministère public. Il s’agirait d’une mesure provisoire d’une durée de validité maximale de 72 ou 96 heures.

La mesure de contrainte ne pourrait perdurer au-delà de cette « période d’observation » que sur décision du juge des libertés ; cette intervention ab initio du juge des libertés a vocation à vérifier, dans les meilleurs délais, la régularité de la procédure mise en œuvre tant en la forme qu’au fond au regard des critères justifiant l’usage exceptionnel de la contrainte.

Cette mesure de contrainte - qui pourrait toujours être levée à tout moment sur décision du médecin chargé de la prise en charge ou sur décision du juge des libertés saisi par requête - aurait une durée de validité maximale de 25 à 30 jours ; sa prolongation ne pourrait intervenir que sur décision du juge des libertés et pour une durée maximale de 3 à 6 mois renouvelable. Cette intervention du juge des libertés au terme d’un délai d’un mois se justifie par le fait que la plupart des professionnels que nous avons consultés évaluent la durée de la phase de crise, dans de nombreuses situations, entre 21 jours et 1 mois ; ce contrôle aurait ainsi vocation à s’assurer que la personne concernée n’est pas maintenue sous un régime de contrainte au-delà du délai strictement nécessaire à l’instauration ou la reprise d’une relation thérapeutique consentie.

La très grande majorité des syndicats de professionnels de santé est favorable à cette « judiciarisation complète » du parcours qui suppose bien évidemment un renforcement significatif des services concernés.

Au regard des chiffres produits par le ministère de la santé (71 746 personnes hospitalisées sous contrainte en 2012 à 72 heures, 19 351 à 30 jours et environ 3 000 à au-delà de trois mois) et le ministère de la justice (environ 60 000 contrôles systématiques réalisés en 2012) et sur les bases retenues par l’étude d’impact de la loi du 5 juillet 2011, les besoins en magistrats pour la mise en œuvre de ces propositions seraient de l’ordre de 55 ETP au siège, autant au parquet (en ce compris le temps de présence à l’audience) et de l’ordre de 90 ETP de fonctionnaires du greffe.

Il est vrai que les moyens supplémentaires nécessaires à la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2011 — évalués par l’étude d’impact à 80 postes de magistrats, siège et parquet confondus, et 77 postes de fonctionnaires de greffe — n’ont à ce jour toujours pas été déployés, la réforme s’étant mise en place à effectifs constants …

Mais la pénurie chronique de moyens au ministère de la justice et l’hypertrophie de l’activité pénale — qui mobilise toujours plus les magistrats et fonctionnaires dans les juridictions - doit-elle conduire à renoncer à une évolution nécessaire en termes de libertés publiques, recommandée par le Conseil de l’Europe ?

Sur ce point, la proposition de loi, en ce qu’elle conforte l’autorité administrative comme autorité décisionnaire d’une mesure privative de libertés, au-delà de l’intervention en urgence — le juge restant cantonné à une mission de contrôle — et ramène de 15 jours à 10 jours (le rapport d’étape prévoyait 5 jours mais « les contraintes administratives et judiciaires » ont semble-t-il convaincu les auteurs de la proposition d’y renoncer …) le délai de contrôle du JLD, nous paraît tout à fait insuffisante. On peut même se demander si, en prévoyant un contrôle dans un délai à peine plus court (toujours trop long au cas où la mesure de contrainte serait irrégulière ou injustifiée mais à un temps où le malade en crise présente plus de risques de ne pas être encore stabilisé) sans pour autant modifier l’échéance du second contrôle, cette mesure n’est pas susceptible de priver le contrôle d’une partie de son efficience.

A minima, si sa proposition de judiciarisation complète de la procédure n’était pas retenue, le Syndicat de la magistrature demande que le second contrôle du JLD s’exerce au plus tard à 3 mois (au lieu de 6 mois).

S’agissant des certificats, l’exigence d’un certificat émanant d’un médecin extérieur à l’établissement de soins doit être maintenue pour la mise en œuvre d’une mesure de contrainte, sauf situation de péril imminent ; un certificat émanant d’un psychiatre de l’établissement de soins est évidemment nécessaire en vue de cette admission.

Pour la suite, dans l’hypothèse d’une judiciarisation complète revendiquée par le Syndicat de la magistrature, le certificat de 24 h devrait être maintenu et un certificat devrait être établi peu de temps avant l’audience. Ultérieurement, un certificat de quinzaine et un autre certificat à échéance proche du contrôle à 21 ou 30 jours devraient être rédigés.
 

3. — Sur l’étendue du contrôle du juge des libertés et de la détention.

Le Syndicat de la magistrature, avec d’autres, s’est opposé dès l’origine à toute idée de soins contraints à domicile ; l’étude d’impact réalisée avant l’entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 2011, révélait d’ailleurs que la majorité des pays européens ne disposait pas d’une législation permettant une telle obligation.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 avril 2012 a cependant validé les dispositions de la loi du 5 juillet 2011 sur ce point, considérant que les personnes faisant l’objet de soins sans consentement mais qui ne sont pas prises en charge en hospitalisation complète sont soumises à une simple
« obligation de soins » qui ne peut s’exercer sous la contrainte.

La proposition de loi maintient la possibilité de mettre en œuvre des soins sans consentement sous une autre forme que l’hospitalisation complète en intégrant — de manière qui nous apparaît toutefois imparfaite — l’analyse du Conseil constitutionnel ; ainsi, est ajouté à l’article L. 3211-2-1 du code de la santé publique : « III — Aucune mesure de contrainte liée à l’administration des soins ne peut être mise en œuvre à l’égard d’un patient pris en charge dans les conditions prévues au 2° du I ». Cette adjonction ne nous paraît pas conforme à la décision du Conseil constitutionnel en ce qu’elle limite aux mesures de contrainte liées à l’administration des soins l’interdiction posée par le Conseil constitutionnel de toute coercition dans l’hypothèse de soins sans consentement en dehors d’une hospitalisation complète, ce qui signifie que la personne faisant l’objet d’un programme de soins prévoyant une hospitalisation à temps partiel ne peut être maintenue contre son gré à l’hôpital pendant ces séjours ; la décision du Conseil constitutionnel implique qu’aucune mesure de contrainte, de quelque nature qu’elle soit, ne peut être mise en œuvre dans cette situation.

Mais, au-delà de la prise en compte dans son intégralité de la décision du Conseil constitutionnel, on doit légitimement s’interroger sur l’existence même de cette « obligation de soins » administrative qui est une exception dans notre droit positif qui ne connaît que des obligations de soins décidées par l’autorité judiciaire. Cette « obligation de soins » devrait en conséquence être soumise au contrôle systématique du JLD, pour le moins au-delà d’un certain délai (qui pourrait être de 3 mois), et non simplement pouvoir faire l’objet d’un recours devant lui.

A minima, il est indispensable d’informer de manière claire la personne concernée qu’elle peut contester cette obligation de soins devant le JLD et qu’aucune mesure coercitive ne peut être exercée contre elle dans le cadre du programme de soins et notamment qu’elle peut quitter l’établissement à tout moment (en cas d’hospitalisation partielle).
 

4. — Sur le déroulement des audiences

Le lieu de l’audience
 
La proposition de loi prévoit de faire de l’audience à l’hôpital le principe, comme le réclament le Syndicat de la magistrature, les syndicats de soignants et les associations d’usagers depuis l’entrée en vigueur de la loi : nous ne pouvons que nous en féliciter.

Cette modalité exceptionnelle d‘organisation des audiences se justifie par la situation particulière des personnes concernées et le respect de leur dignité ; le déplacement au tribunal est souvent source de très forte angoisse pour des malades parfois encore en crise et en tout état de cause en situation de grande fragilité : c’est l’intérêt des malades qui impose de tenir les audiences au sein de l’hôpital. En cela, le parallèle fait par certains avec les audiences en matière de contentieux des étrangers n’est ni recevable, ni acceptable, en ce que la délocalisation de ces audiences au sein des centres de rétention administrative ou des zones d’attente ne sert que les intérêts de la police de l’air et des frontières, la tenue de l’audience au tribunal n’étant pas de nature à perturber gravement ou à faire décompenser les personnes concernées.

Toutefois, bien évidemment, il est indispensable que les établissements mettent à disposition du juge des libertés une salle spécialement aménagée, clairement identifiée comme un lieu de justice, une « annexe » du tribunal, et facilement accessible au public. La proposition de loi précise, à juste raison, que l’audience pourra se tenir au tribunal dans l’hypothèse où une telle salle, répondant aux exigences définies par la loi, ne sera pas mise à disposition du juge.

La tenue systématique des audiences à l’hôpital permettra un véritable accès au juge pour la quasi-totalité des personnes faisant l’objet de soins sans consentement, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui lorsque les audiences se tiennent au palais de justice. Les échanges avec les établissements de soins révèlent en outre que les malades sont globalement satisfaits d’avoir pu rencontrer le juge ; l’audience s’avère en effet un lieu de parole important où le malade, au-delà de la question de la poursuite de la mesure d’hospitalisation, peut exprimer d’autres difficultés, notamment au sujet de l’exercice de ses droits ou des conditions de son hospitalisation (usage de la contention …).
 
S’agissant de l’usage de la visio-conférence, l’avis du contrôleur général des lieux de privation de liberté est toujours d’actualité.

Cette technique est clairement inadaptée au regard des pathologies présentées par certains malades ; par ailleurs, elle ne permet pas l’instauration d’un rapport de confiance, d’une écoute mutuelle entre le juge et le malade de nature à libérer la parole de ce dernier.

Sur un plan juridique, la CEDH valide l’usage de la visio-conférence « lorsque des buts légitimes à l’égard de la convention » le nécessitent (défense de l’ordre public, prévention du crime, protection des témoins …). Dans ces conditions, l’usage systématique en France de la visio-conférence pour les audiences concernant les personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement risque fort d’être condamné - les problèmes de moyens de la justice française n’étant vraisemblablement pas l’un des buts légitimes poursuivis par la convention …

Enfin, l’usage de la visio-conférence suppose que l’on recueille le consentement de l’intéressé … alors même que très souvent sa capacité à consentir est par ailleurs contestée (et se trouve être l’un des critères qui aura justifié la mesure de contrainte) !

Au regard de ces éléments, la proposition de loi qui autorise l’usage de la visio- conférence « en cas de nécessité » (critère très vague pouvant recouvrir les
« nécessités de service ») est insuffisamment restrictive ; l’usage de la visio- conférence ne doit être autorisé qu’en cas de force majeure, par une décision spécialement motivée au regard des circonstances particulières de l’espèce.
 

Assistance par avocat obligatoire

La proposition de loi instaure une obligation pour le malade d’être assisté ou représenté par un avocat à l’audience.

Le Syndicat de la magistrature défend avec force cette idée depuis l’entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 2011 qui a limité la représentation par avocat obligatoire au cas où la personne ne peut être entendue par le juge pour des motifs médicaux. En effet, les dispositions de la loi du 5 juillet 2011 en la matière n’apportent pas une réponse satisfaisante au problème plus général de l’absence de la personne concernée à l’audience et, comme le souligne à juste titre l’exposé des motifs du projet de loi, témoignent d’une conception pour le moins fluctuante de la capacité à consentir de la personne : cette dernière qui serait incapable de consentir aux soins est présumée capable de renoncer à l’assistance d’un avocat …

La disposition de la proposition de loi met fin à ce paradoxe et met notre législation en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui interprète l’article 5 § 4 de la convention comme exigeant que les personnes hospitalisées sans leur consentement soient mises à même d’être rep rés entées pa r un avocat, si elles ne font pas elles -mêmes une telle démarche (voir en ce sens notamment : CEDH Megyeri c/ Allemagne n° 13770/88 du 12 mai 1992 ; CEDH Winterwerp c/ Pays Bas n° 1301/73 du 24 octobre 1979 ; CEDH Magalhaes Pereira c/ Portugal n° 44872/98 du 26 mai 2002).

Cette nouvelle exigence ne devrait pas en elle-même — si l’on en croit les statistiques fournies par le ministère de la justice selon lesquelles plus de 90% des personnes hospitalisées sans leur consentement seraient déjà assistées ou représentées par un avocat lors de l’audience devant le JLD — grever le budget de l’aide juridictionnelle de manière sensible. Cependant, une défense de qualité suppose une rémunération de l’avocat à un niveau satisfaisant tenant compte des exigences particulières du contentieux en cause ; en ce sens, la rémunération actuelle de l’avocat à hauteur de 4 UV (soit moins de 100 euros) doit être réévaluée de manière significative, d’autant plus que les avocats vont être amenés à se déplacer sur le site de l’hôpital pour rencontrer les personnes concernées et assister à l’audience.

Il serait enfin légitime en la matière de faire une application systématique des dispositions de l’article 6 de la loi du 10 juillet 1991 permettant d’accorder l’aide juridictionnelle à toute personne dont la situation apparaît particulièrement digne d’intérêt au regard de l’objet du litige, sans vérification de ses conditions de ressources.
 

Publicité de l’audience

L’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme fait de la publicité des débats un des piliers du procès équitable, rempart contre l’arbitraire. Comme le rappelle fort justement l’exposé des motifs du projet de loi, il ne peut en l’espèce être dérogé à ce principe, s’agissant d’un « contrôle établi dans l’intérêt de la protection de la liberté individuelle ».

Il est cependant légitime de faire preuve d’une vigilance accrue en l’espèce au regard de l’atteinte qui peut être portée à l’intimité de la vie privée de la personne concernée par la publicité de cette audience. C’est la raison pour laquelle le Syndicat de la magistrature s’est prononcé, depuis l’entrée en vigueur de la loi, en faveur d’une audience en chambre du conseil de droit dès lors qu’elle est sollicitée par la personne concernée ou son avocat. En ce sens, le Syndicat de la magistrature est favorable à la modification des dispositions de l’article L. 3211-12-2, I du code de la santé publique telle qu’envisagée par la proposition de loi.
 

Casier judiciaire

Le Syndicat de la magistrature n’a cessé de dénoncer, à l’occasion de chacune de ses auditions, l’instruction au greffe élaborée après l’entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 2011 prescrivant de solliciter systématiquement le bulletin n° 1 du casier judiciaire du patient pour vérifier si sa mesure de soins est consécutive à une décision d’irresponsabilité pénale.

Il rappelle une nouvelle fois que cette instruction, qui ajoute au texte du décret, est inutile et injustifiée en ce sens que :

  • les décisions d’irresponsabilité pénale de la chambre de l’instruction ou de la juridiction de jugement ne sont inscrites au casier judiciaire que depuis la loi de 2008 et, compte tenu de la réserve d’interprétation émise par le Conseil constitutionnel, seulement dans le cas où une mesure de sûreté a été ordonnée par la juridiction saisie à l’égard de la personne concernée (article D 47-31 du code de procédure pénale) ;
  • la décision d’irresponsabilité pénale, fondement de la mesure de soins sans
    consentement, doit — en l’état des textes - nécessairement être communiquée par le directeur d’établissement qui doit adresser au juge la décision sur le fondement de laquelle l’admission a été prononcée (en l’occurrence, la décision judiciaire s’il s’agit d’une admission sur le fondement de l’article 706-135 du code de procédure pénale ou l’arrêté préfectoral s’il s’agit d’une admission sur le fondement de l’article L. 3213-7 du code de la santé publique).

Mais surtout, au-delà de son inutilité, cette pratique porte gravement atteinte aux droits de l’intéressé en ce qu’elle donne accès aux parties à des informations exclusivement réservées à l’autorité judiciaire (il s’agit d’une pièce du dossier) et risque d’influer négativement sur la décision du JLD : il doit y être mis un terme immédiatement.
 

Appel des décisions

Le Syndicat de la magistrature demande qu’il soit mis fin à la nécessité de motiver l’acte d’appel, s’agissant d’un enjeu de liberté.

Pour ce même motif, les mineurs et les majeurs protégés devraient se voir autoriser à exercer eux-mêmes leur droit d’appel.
 

5. — Sur le régime spécifique

Le Syndicat de la magistrature s’est vigoureusement opposé, avec de nombreux autres partenaires dans le cadre notamment du collectif « Mais c’est un homme » à ce régime d’exception réservé aux personnes séjournant ou ayant séjourné en UMD et aux personnes ayant fait l’objet d’une décision d’irresponsabilité pénale.

Le Conseil constitutionnel, sans réduire à néant cet édifice sécuritaire - puisqu’il estime que le législateur peut assortir de conditions particulières la levée de la mesure de soins sans consentement au regard de la spécificité de la situation de certaines personnes — a déclaré non conformes à la constitution ces dispositions aux motifs que :

  • L’hospitalisation en UMD est imposée sans garanties légales suffisantes ;
  • Les soins ordonnés par le préfet en application des dispositions de l’article L. 3213-7 du code de la santé publique (irresponsabilité pénale) le sont sans prise en compte de la nature de l’infraction reprochée et sans information préalable de la personne intéressée.

Le Syndicat de la magistrature se félicite de l’abandon, dans la proposition de loi, de ce régime spécifique concernant les personnes séjournant en UMD. Il regrette néanmoins le maintien de dispositions dérogatoires pour les personnes ayant fait l’objet d’une décision d’irresponsabilité pénale, d’autant plus que le rapport d’étape n’envisageait le maintien de ces dispositions que pour les personnes ayant bénéficié d’une telle mesure à la suite d’une décision concernant des faits de nature criminelle.

Il maintient sa demande de suppression de ce dispositif dérogatoire introduit par la loi du 5 juillet 2011 qui impose le passage devant pas moins de quatre psychiatres pour une éventuelle mainlevée de la mesure … les psychiatres assurant le suivi au quotidien des personnes faisant l’objet de soins ne sont pas des professionnels irresponsables, ils sont parfaitement aptes à apprécier l’évolution des troubles de leurs patients, et il n’est donc pas nécessaire de maintenir des dispositions dont la mise en œuvre s’avère particulièrement lourde et complexe. Une expertise obligatoire pourrait s’avérer une garantie suffisante. À défaut, on pourrait en revenir aux dispositions issues de la loi de 1990 prévoyant une double expertise (dont les conclusions ne peuvent toutefois pas lier le JLD comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision censurant les dispositions de l’article L. 3213-8 du code de la santé publique ancien).
 

6. — Sur la réintroduction d’un mécanisme de sorties d’essai de courte durée

Il s’agissait d’une revendication des soignants à laquelle s’est associé le Syndicat de la magistrature dès l’origine. En effet, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 2011, un programme de soins est nécessaire pour permettre une sortie de weekend alors que l’on sait qu’aucune prise en charge n’est possible pendant cette période ; la procédure est lourde et dissuasive et entrave le processus de réadaptation et de resocialisation de la personne faisant l’objet de soins.

Le Syndicat de la magistrature approuve donc les dispositions de la proposition de loi prévoyant la possibilité de sorties non accompagnées d’une durée de 48h.
 

7. — Sur la nécessité de renforcer l ’accès au droit et le contrôle des mesures attentatoires aux libertés

Le Syndicat de la magistrature s’est déjà prononcé en faveur de la création de points d’accès au droit dans les établissements hospitaliers. Des expériences ont été menées ici ou là, il est nécessaire aujourd’hui de faire un bilan de ces expérimentations ou de ces initiatives locales et de généraliser ce dispositif qui doit répondre au besoin d’information des malades sur leurs droits, y compris sur ceux en rapport avec leur hospitalisation. Les barreaux et les associations d’usagers doivent être associés à cette réflexion et à la mise en place de ce dispositif qui pourrait être financé en partie par les CDAD.

Le Syndicat de la magistrature a eu l’occasion, à plusieurs reprises, de faire part de son inquiétude concernant l’usage important (et très variable d’un établissement à l’autre, voire d’un service de psychiatrie ou d’une équipe de secteur à l’autre) à l’égard des malades de mesures gravement attentatoires à leur liberté, telles que la contention ou la mise à l’isolement ; il demande en conséquence que le recours à ces mesures soit assorti de nouvelles garanties pour le malade pour s’assurer qu’elles répondent à de stricts impératifs médicaux.

Il réclame, avec le SAF (Syndicat des avocats de France) et l’USP (Union syndicale de la psychiatrie), la création d’un observatoire national des contraintes afin d’évaluer notamment les motifs de ces fortes disparités relevées quant à l’usage des mesures de contrainte de quelque nature qu’elles soient.

Il rappelle par ailleurs la nécessité de mener une réflexion sur l’organisation d’un contrôle judiciaire (par le juge des enfants ?) dans un certain délai des mesures de soins concernant les mineurs, lorsqu’elles sont ordonnées à la demande des représentants légaux (parents), mesures qui ne sont pas considérées comme des hospitalisations à la demande d’un tiers mais comme des hospitalisations libres, compte tenu de l’incapacité du mineur ; elles ne sont en effet pas soumises au contrôle du juge des libertés et de la détention et le mineur, qui ne dispose pas lui-même d’un recours, n’est pas entendu. Cette situation est paradoxale alors que, dès son plus jeune âge, il pourra être entendu à sa demande dans la procédure de divorce de ses parents.

Le contrôle judiciaire systématique instauré par la loi du 5 juillet 2011 laisse en outre de côté des personnes souffrant d’altération mentale, telle que la maladie d’Alzheimer, pourtant parfois soumises à des mesures d’enfermement, voire à des mesures de contention. Le Syndicat de la magistrature demande pour le moins que, comme il le réclame lui-même, le champ d’intervention du Contrôleur général des lieux de privation de liberté soit étendu aux établissements accueillant ce public.

Il est enfin nécessaire de renforcer les missions et les pouvoirs des commissions départementales des soins psychiatriques pour qu’elles exercent un contrôle effectif des établissements de soins ; la composition de ces commissions doit également s’ouvrir pour y accueillir notamment un représentant du barreau local.