2013-01-30 Deux psychiatres de l’EPSM de Moisselles condamnés à un an de prison avec sursis, pour homicide involontaire

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/15ZO9 ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/304

Document du mercredi 30 janvier 2013
Article mis à jour le 27 août 2020
par  H.F., A.B.

2013-01-30 Jugement correctionnel du TGI de Pontoise

Source (Le Parisien, 31 janvier 2013 ) :
http://www.leparisien.fr/moisselles….

Ci-joint la condamnation elle-même.

N.B. : Ce jugement a été invalidé le 16 juin 2015 par la Cour d’appel de Versailles qui a renvoyé des fins de la poursuite les deux psychiatres ici condamnés à du sursis, au motif du défaut de caractérisation des fautes pénales reprochées. La Cour de cassation a déclaré irrecevable le pourvoi introduit par les parties civiles par un arrêt du 27 septembre 2016, rendant ainsi définitif l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles de 2015 pré-cité.
 

Ci-dessous un article du Parisien du 31 janvier 2013, suivi d’une dépêche de l’Agence Presse Médicale du 1er février 2013, sur la condamnation à 12 mois de prison avec sursis de deux psychiatres hospitaliers du CH de Moisselles (Val-d’Oise), en responsabilité de la mort d’une patiente de leur service, d’une fausse route avec une forte atteinte somatique, alors qu’elle était fortement neuroleptisée et que les traitements neuroleptiques n’ont pas été interrompus pour permettre une prise en charge somatique en service hospitalier général de la patiente.

C’est, a priori, la première fois que des psychiatres des hôpitaux sont pénalement inquiétés dans une affaire de cet ordre. Dans des affaires similaires que nous avons pu soulever, les praticiens impliqués n’ont absolument pas pu être inquiétés en personne. Tout juste, dans une affaire actuellement en cours devant le Tribunal de grande instance de Paris au civil, a-t-il été possible de poursuivre l’hôpital pour dommages et intérêts, dans la mesure où l’hospitalisation à la demande d’un tiers (HDT) au cours de laquelle le décès a eu lieu a été annulée par la Cour administrative d’appel de Versailles.

S’agit-il d’une condamnation qui fera jurisprudence ou d’une décision isolée ? L’avenir le dira. En tout cas, il serait préférable et de loin, que les patients des établissements psychiatriques soient mieux suivis au plan somatique qu’ils ne le sont actuellement.

De façon comparable à l’affaire évoquée ci-dessus : 2011-02-08 Annulation d’une HDT : la décision administrative doit permettre d’identifier son auteur.

2016-01-28 L’EPSM de Moisselles condamné à indemniser les ayant-droits d’une patiente décédée de surdose de neuroleptiques


Le Parisien — 31 janvier 2013

Prison avec sursis pour deux psychiatres

Le tribunal a condamné hier deux spécialistes de l’hôpital de Moisselles après la mort de Florence Edaine, une de leurs patientes

Par Quentin Laurent et Laurence Allezy

« Coupables. » Les docteurs Mestres et Ruinart de Brimont ont été reconnus responsables, hier, d’homicide involontaire devant le tribunal correctionnel de Pontoise, après le décès le 14 mars 2004 de Florence Edaine, 28 ans, une patiente de l’hôpital Roger-Prévot de Moisselles. Les deux médecins psychiatres ont écopé de douze mois de prison avec sursis et de 1500 € d’amende chacun, à verser à la famille de la victime.

Madame Mestres, le visage fermé, et son collègue le docteur Ruinart de Brimont, cheveux blancs et petites lunettes, sont arrivés au palais de justice comme ils en sont sortis, sans dire un mot. Dans la salle d’audience, le regard figé, ils ont écouté le délibéré avant de notifier au juge qu’ils n’avaient « rien à déclarer ». En écho à leur silence, les soupirs de soulagement de la famille et des amis de Florence Edaine, présents pour l’annonce du jugement.

« C’est une reconnaissance de la culpabilité des médecins à hauteur des graves manquements dont ils ont fait preuve », se satisfait Me Olivier Morice, l’avocat de Michèle Edaine, la mère de la victime. Les parties civiles avaient également réclamé des dommages et intérêts aux deux psychiatres, « à hauteur de 100 000 € », précise Olivier Morice, mais cet aspect de l’affaire a été renvoyé devant le tribunal administratif qui statuera sur la question.

Des éléments accablants

Le 28 novembre, lors de l’audience, les juges avaient longuement interrogé les deux spécialistes sur les conditions de prise en charge de Florence Edaine mais aussi sur son suivi médical. Admise quelques jours avant son décès pour des troubles du comportement, la jeune femme a succombé à une fausse route alors que son état de santé s’était sérieusement dégradé. Déshydratée, fiévreuse, elle présentait un encombrement bronchique sévère et crachait du sang. Pourtant, ni le docteur Mestre, de permanence le dimanche de sa mort, ni le docteur Ruinart, référent du service, n’ont jugé bon de stopper les neuroleptiques qui ont provoqué ces effets secondaires. Par deux fois, les analyses médicales réclamées, qui auraient déterminé le mauvais état de santé de Florence, avaient été repoussées. Aucune décision de transfert vers un service d’urgences médicales n’a été prise. Autant d’éléments mis en lumière durant l’audience qui ont conduit à cette condamnation.


Agence Presse Médicale (APM) - Vendredi 1 février 2013 - 17:05

Moisselles (Val-d’Oise) : deux psychiatres condamnés à un an de prison avec sursis pour homicide involontaire

PARIS, 1er février 2013 (APM)

Deux psychiatres ont été condamnés mercredi à un an de prison avec sursis pour homicide involontaire à la suite du décès, en 2004, d’une patiente de l’établissement public de santé (EPS) Roger-Prévot de Moisselles (Val-d’Oise), a-t-on appris jeudi auprès de l’avocat de la famille, Me Oliver Morice.

Le Tribunal correctionnel de Pontoise a reconnu les Drs Jean-François Ruinart de Brimont et Marta Mestres coupables de "comportements graves et réitérés ayant entraîné le décès" de Florence Edaine, mais n’a pas prononcé d’interdiction d’exercice, a expliqué Me Morice à l’APM.

Le premier praticien était responsable de l’unité concernée, et la seconde était de garde le jour du décès, un dimanche.

Le juge a considéré que les fautes des praticiens n’étaient pas détachables du service, a rapporté Me Morice. La question des dommages et intérêts réclamés par la famille devra donc être tranchée au tribunal administratif, et la procédure visant l’établissement n’est pas encore engagée.

Auprès de l’Ordre des médecins, aucune procédure n’a été lancée, mais cela n’est pas exclu, a indiqué vendredi à l’APM Me Claire Audhoui, avocate au sein du même cabinet.

Florence Edaine est décédée le 14 mars 2004 à l’hôpital psychiatrique de Moisselles, où elle avait été transférée une semaine auparavant en raison de troubles du comportement, a-t-elle rapporté. La patiente, âgée de 28 ans, avait d’abord été suivie quelques jours dans une clinique privée.

À Moisselles, son état se serait brutalement dégradé, et ses problèmes de fausses routes et de déshydratation n’auraient pas été correctement pris en compte. Sa famille n’aurait plus eu le droit d’entrer en contact avec elle.

Le matin de son décès, un dimanche, elle aurait présenté un encombrement respiratoire, une fièvre et une déshydratation, mais la psychiatre de garde n’aurait pas décidé de la transférer aux urgences, ni d’interrompre le traitement par neuroleptiques.

La patiente serait morte seule dans sa chambre, à la suite d’une nouvelle administration de neuroleptiques destinée à la sédater. Certaines expertises auraient attribué le décès à une fausse route consécutive à la sédation, et d’autres à un problème cardiaque.

Me Audhoui a estimé la peine "satisfaisante" dans la mesure où les deux médecins ont été condamnés. Elle a salué le fait que les "graves dysfonctionnements" ayant conduit à l’homicide involontaire aient été reconnus.

Elle a ajouté que la procédure a été longue en raison de suspicions de violences de nature sexuelle à l’encontre de la patiente, que l’instruction n’a pas permis d’établir.

Elle a dit ne pas avoir connaissance, à ce jour, d’une éventuelle décision des psychiatres de faire appel.

PAS DE SANCTION ADMINISTRATIVE

Joint vendredi par l’APM, le directeur de l’EPS de Moisselles, Jean-Marie Karman, a indiqué que les deux praticiens exerçaient toujours au sein de l’établissement. Le Dr Ruinart de Brimont est chef du pôle de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) de l’EPS.

Ils n’ont pas fait l’objet de sanctions administratives. Le directeur a noté que les fautes reprochées aux médecins ont été "examinées par la justice et pénalement qualifiées", et a estimé qu’il n’y avait "pas de raison d’infliger une double peine".

Contacté par l’APM jeudi et vendredi, l’avocat du Dr Ruinart de Brimont n’était pas joignable. Le Dr Mestres n’a pas souhaité être représentée par un avocat, a indiqué Me Morice.

nc/ab/APM polsan