2012-12-08 - Charte pour un rassemblement d’associations d’usagers en psychiatrie en désaccord avec la psychiatrie actuelle

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/105B3 ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/285

Document du samedi 8 décembre 2012
Article mis à jour le 28 août 2020
par  CRPA

TEXTE DE BASE POUR UN COLLECTIF ALTERNATIF EN PSYCHIATRIE

Paris, le 8 décembre 2012

Les trois associations (citées ici par ordre alphabétique) : Advocacy France, Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la Psychiatrie et Humapsy, associations d’usagers en santé mentale et en psychiatrie, se sont retrouvées ensemble pour lutter contre la loi du 5 juillet 2011 sur les soins sans consentement. Faisant le constat de leur unité de vues sur cette question, elles ont décidé d’unir leurs efforts au sein d’un collectif nommé le CAP : Collectif Alternatif en Psychiatrie. Ce Collectif a pour but de prendre conjointement, unis ensemble, des positions dans les décisions politiques qui concernent lesdits usagers. Le but du présent texte est d’exposer les valeurs communes à ces trois associations qui entendent défendre la cause des usagers et lutter contre la/les discrimination(s) dont ils sont l’objet.

1. — — Le CAP entend prendre position pour une psychiatrie à visage humain

Réunis par la lutte contre la loi du 5 juillet 2011 sur les soins psychiatriques, les associations constitutives du CAP ont refusé ce qu’une loi instituant le soin sans consentement suppose : une psychiatrie qui instrumentalise le patient au lieu de le considérer comme une personne ; une psychiatrie qui entend se contenter de prescrire un traitement pharmacologique (et donc si nécessaire sans consentement) au lieu d’écouter la personne en souffrance psychique. Nous pensons que cette loi va à l’encontre de ce que nous souhaitons comme soin. Le soin en psychiatrie devant avoir pour but la réappropriation de ses capacités par la personne. Une annexe de ce texte précisera quelles mesures peuvent être prises pour réaliser une psychiatrie à visage humain, dont la société française puisse être fière.

2. — — Le CAP veut faire entendre la responsabilité des usagers en santé mentale

Nous entendons être reconnus comme des personnes responsables et non comme des objets. La société moderne ne se conçoit pas sans l’implication de ses acteurs, et nous estimons que les pouvoirs publics doivent tenir compte de nos propositions. Aujourd’hui, les textes administratifs font la place à la participation des usagers dans les instances de décision qui les concernent, sans que cette participation soit réellement mise en œuvre et sans que les moyens d’une réelle accessibilité soient engagés. Concrètement, les usagers représentants sont empêchés de participer ou d’être en position de faire valoir leurs arguments. La place des usagers ne doit pas être occupée par les parents, sauf de façon temporaire et par défaut. Le CAP, collectif national doit être reconnu comme interlocuteur qualifié par le pouvoir central. Une annexe de ce texte précisera quelles mesures peuvent être prises concrètement dans ce domaine.

3. — — Le CAP entend œuvrer pour le développement de la vie démocratique

Nous entendons défendre les principes démocratiques et les droits fondamentaux (Droits de l’Homme et du Citoyen). Nous lutterons contre les mesures d’exceptions et les mesures discriminatoires à l’égard des personnes en raison de leur maladie ou de leur handicap . Nous voulons une véritable « égalité des chances », c’est-à-dire une intégration dans la cité, avec les aménagements adaptés, si nécessaire, et sans que cela ne soit prétexte à une privation des droits. Les usagers ont droit à une pleine citoyenneté, conformément à l’article 12 de la Convention sur les Droits des Personnes Handicapées des Nations-Unies, ratifiée par la France en 2010. Le CAP entend s’engager à un travail démocratique, tant entre organisations qu’auprès de l’ensemble des usagers en santé mentale. Une annexe de ce texte précisera les mesures possibles pour l’égalité des chances. Une autre annexe précisera les règles de fonctionnement du CAP garantissant un fonctionnement démocratique et les actions communes envisagées par le CAP , notamment à l’égard de l’ensemble des usagers.


— Annexe n° 1
Les mesures pouvant être prises pour réaliser une psychiatrie à visage humain (et dont la société française puisse être fière)

1. — — Dans le cas d’une hospitalisation en service libre : Le service ouvert doit être la règle. Il n’est pas besoin de demander à un infirmier de vous ouvrir la porte, on a libre accès à l’information, aux visites, au téléphone, au courrier, et le port du pyjama ne se fait que la nuit, ou en cas de nécessité.

2. — — Une hospitalisation sous contrainte ne doit se faire qu’exceptionnellement, après avoir utilisé tous les moyens de négociation.

3. — — Le traitement pharmacologique doit être prescrit en tenant compte du vécu et des observations du patient. Les traitements dégradants pour les patients ( électrochocs, utilisation abusive de la chambre d’isolement) doivent être proscrits.

4. — — Si l’hospitalisation sous contrainte peut-être nécessaire, dans des cas extrêmes, quand il y a une crise, quand il y a besoin de priver de liberté parce que quelqu’un (la personne ou l’entourage) est en danger et que ne pas intervenir serait coupable, utiliser la contrainte dans les autres situations (notamment en soin ambulatoire) va à l’encontre du soin en santé mentale, celui-ci est devant viser à ce que la personne se réapproprie ses capacités.

5. — — Mesures législatives qui pourraient être prises :

a.) — Abrogation de la loi du 5 juillet 2011 et abandon du principe de soin sans consentement en dehors des murs

b.) — Vote d’une loi instituant la judiciarisation des hospitalisations sous contrainte, avec décision du juge dans les 48h. Décision du juge portant sur la nécessité de privation de liberté et non sur l’état de santé.

c.) — Création d’un corps de juges des affaires psychiatriques, désignés parmi les juges des libertés et de la détention et habilités à décider, à un rythme adapté de la poursuite ou du renouvellement de la privation de liberté après audition de l’intéressé et des soignants.

d.) — Généralisation des personnes de confiance, au sens de la loi du 4 mars 2002. Mise en place de formations adaptées pour ces personnes.

e.) — Intégration des équipes de secteur psychiatrique dans le tissu social (type « maisons de la solidarité ») au lieu de leur installation dans des locaux spécifiques. Accès libre à ces intervenants pour tous publics.

— Annexe n° 2
Mesures qui peuvent être prises concrètement pour faire entendre la responsabilité des usagers en santé mentale

1. — — Financement et soutien par l’État à la création d’associations d’usagers en santé mentale indépendantes des institutions psychiatriques , des parents et des associations gestionnaires de services sociaux et médico-sociaux , et susceptibles de représenter les usagers en santé mentale dans les instances qui les concernent, sans contrepartie d’ingérence dans les prises de position de ces associations.

2. — — Ces associations doivent être reconnues au niveau local, régional, national et comme interlocuteurs. Elles doivent à être appelés à siéger dans les instances ad-hoc. Au niveau local : Conseils de Surveillance des Centre hospitaliers, Commissions départementales des soins psychiatriques (CDSP), Commission des relations avec les usagers (CRUQPC), au niveau régional, Agences régionales de santé (ARS), Conseils régionaux de santé mentale (CRSM), etc au niveau national, Haute autorité de santé (HAS), Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), Comité d’évaluation des Groupes d’entraide mutuel (GEM)… etc. Des moyens financiers doivent être donnés pour qu’elles puissent jouer effectivement ce rôle, sans contrepartie d’ingérence dans les prises de position de ces associations.

3. — — Ces associations doivent disposer des moyens d’étude des dossiers qui leur sont soumis dans les différentes instances où les textes les sollicitent au niveau local. Une réelle accessibilité doit être mise en œuvre pour que cesse le faire-semblant. Les représentants des usagers doivent pouvoir être assistés d’une personne de leur choix sans ingérence. Nous demandons que les moyens d’une réelle formation nous soient mis à disposition.

4. — — Les associations doivent avoir les moyens de formation de l’ensemble des usagers à l’étude des problèmes qui les concernent et qui nécessitent des
prises de décision administrative et politique.

— Annexe n° 3
Mesures qui peuvent être prises concrètement pour le développement de la vie démocratique, l’accès à la pleine citoyenneté pour les usagers en Santé Mentale

1. — — Il est évident que des moyens nécessaires doivent être mis en œuvre pour assurer à tous des conditions de vie décentes , un hébergement respectable et une sécurité minimum de vie Ce sont là sont le préalable, nécessaire et certes pas suffisant, tant d’une certaine santé mentale que de la dignité de toute personne humaine.

2. — — L’accroissement de la création de services d’accompagnement et d’ alternatives à l’hospitalisation sont évidemment nécessaires à une vie intégrée dans la cité : Foyers de vie, Foyers d’accueil médicalisés (FAM), Maisons Relais, en ce qui concerne l’hébergement ; et de lieux d’insertion par l’économique (de type coopératif , associatif et autogérés), d’autre part. Les actions d’accompagnement à l’emploi doivent être, tout naturellement non-discriminantes et ouvertes à tous les employés d’une même entreprise qui le souhaitent. Il faudrait aussi des lieux qui portent la parole (sans se substituer à elles), des personnes qui s’estiment lésées , victimes de préjudices, souvent parce qu’il y a eu un malentendu.

3. — — Cependant ces services seraient encore des moyens de reproduction ou de pérennisation de la dépendance, des outils de contrôle social si la mise en œuvre des services n’était pas conditionnée par le désir de l’intéressé, par le besoin exprimé explicitement par la personne concernée et non par une décision et une intention extérieures, (fut-elle motivée par de bons sentiments) . Trop souvent encore, la notion de projet de vie est ignorée par les décideurs. Peut-être faut-il alors la création d’aides (sans ingérence) à l’élaboration de son projet de vie qui soient basées sur l’écoute de la personne.

4. — — Les Groupes d’Entraide Mutuelle (GEM) ne devraient pas être des simples lieux occupationnels et de pérennisation de l’assistance, gérés par une instance (les agences régionales de santé) de type sanitaire, mais devraient bien être, ce qui est leur vocation : des lieux d’appropriation du pouvoir, des responsabilités et de l’autonomie d’apprentissage à la prise de responsabilité fonctionnant en interaction permanente avec des lieux d’animation sociale et culturelle « ordinaires » ouverts à tous.

5. — — Mesures législatives qui pourraient être prises :
Conformément à l’article 12 de la Convention de l’ONU sur les Droits des Personnes Handicapées et les recommandations du Forum européen des Personnes Handicapées une nouvelle législation pourraient permettre de mettre en place des dispositifs d’accompagnement à la prise de décision qui viendraient se substituer à l’actuel modèle où le tuteur (ou le curateur) se substitue à la personne dans la prise de décision.

— Annexe n°4
Mesures qui peuvent être prises pour garantir un fonctionnement démocratique au CAP. Quelques réflexions pour éclaircir :

1. — — Le but sur lequel nous nous sommes mis d’accord (préambule du texte de base : Ce Collectif a pour but de prendre conjointement, unis ensemble, des positions sur les décisions politiques qui concernent lesdits usagers.

Corollaire 1. — : Évidemment, personne n’est habilité à donner des positions du CAP qui n’auraient pas été au préalable été approuvées par à l’unanimité. Inversement me semble-t-il chacune des 3 associations est habilitée à donner publicité de ce qui est décidé en commun.

Corollaire 2. — : L’accord donné par le correspondant ( le représentant) au CAP engage l’association de celui-ci. Si celui-ci a un doute sur la possibilité d’être suivi par son association sur telle ou telle question, il doit en informer ses partenaires. Cet accord engage chaque association et non seulement son représentant. Les moyens modernes de communications nous permettent de prendre des décisions entre les réunions du CAP, si nécessaire.

Corollaire 3. — : Le collectif permet la diversité et chaque association peut évidemment faire la publicité qu’elle veut, en son nom, pour des options qui n’ont pas été décidé en commun dans le cadre du CAP. Des difficultés peuvent cependant surgir si une ou deux autres associations trouvent ces positions trop éloignées du texte de base.

2. — — Qui prend l’initiative de saisir le CAP d’une proposition de prise de position ? Il me paraît démocratique de penser que chacune des associations peut saisir les 2 autres. Là encore, il paraît évident que la position du CAP en tant que tel ne peut être rendue notoire avant d’avoir été clairement effective par une réponse positive des autres partenaires, quel que soit l’urgence de la situation.

3. — — L’ouverture éventuelle du CAP à d’autres associations. Il paraît démocratique que 1. — Le principe en soit acquis. (Il faudra alors modifier le document de base). 2. — Cette nouvelle participation soit clairement décidée à l’unanimité (Le demandeur demande et nous acceptons ou non, ce n’est ni automatique, ni systématique).3. La nouvelle association membre souscrit au document de base et ses annexes.

4. — — La personnalité juridique du Collectif
Le problème pourra se poser d’avoir à disposer d’une personnalité morale pour répondre à la demande de représentativité. La question est-elle actuelle ? Nous pouvons répondre non, pour l’instant. Cependant, si la question se pose, nous devons procéder progressivement , et prendre le temps de débattre des statuts, comme nous le faisons pour le présent texte, afin que les statuts garantissent un fonctionnement démocratique.

5. — — L’information réciproque
Elle ne peut être contraignante. Chaque association gardant sa liberté d’action est libre de faire connaître aux autres ses initiatives. Cependant, il semble souhaitable que l’information réciproque permette à chacun de connaitre bien les deux autres et évite des malentendus suite à des informations déformées portées par des tiers.