2012-10-17 - (Hospimedia) Un point sur des propositions par des acteurs institutionnels de révision de la loi du 5 juillet 2011

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/2L1Dv ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/272

Document du mercredi 17 octobre 2012
Article mis à jour le 28 août 2020
par  CRPA

Sur ce même sujet, cf. notre article : 2012-10-04 Un point des propositions de réforme de la loi du 5 juillet 2011 suite à la décision QPC du 20 avril 2012.


Ci-après une dépêche de l’agence de presse spécialisée Hospimedia du 17 octobre 2012, sur les attentes formulées par des acteurs institutionnels de la psychiatrie publique sur « l’évolution des soins sans consentement ».

Parmi les propos rapportés de M. Bruno Cathala, président du TGI d’Évry, on observe qu’il déclare que sur 10 % de décisions de non-reprise de l’hospitalisation, 50 % proviennent de problème de forme dans la procédure soumise aux contrôle des JLD… C’est dire à quel point, jusque là, les institutions psychiatriques ont pu se moquer des droits des patients, jusqu’à ne même pas se soucier de libeller dans le respect des textes légaux, au plan ne serait-ce que formel, leurs décisions et certificats médicaux privatifs de liberté.


Source : http://abonnes.hospimedia.fr/articl…

Psychiatrie — De nouvelles attentes d’évolution des soins sans consentement exprimées par les acteurs de terrain

17.10.12 - 17:54 - HOSPIMEDIA

Dans la perspective d’une révision de la loi de 2011, le CNEH a réuni des acteurs de la psychiatrie et du monde judiciaire pour échanger sur le dispositif de prise en charge des soins sans consentement, plus d’un an après son entrée en vigueur. Une nouvelle occasion de faire émerger les attentes, nombreuses, du terrain sur ce sujet.

À l’invitation du centre de droit JuriSanté du Centre national de l’expertise hospitalière (CNEH), des directeurs d’établissements, directeurs de soins, personnels hospitaliers, un magistrat et des avocats ont pu échanger le 16 octobre sur les problématiques posées par l’application de la loi du 5 juillet 2011 sur les soins sans consentement en psychiatrie. Il a notamment été question du programme des soins, de la judiciarisation de la prise en charge psychiatrique, des modifications dans l’organisation administrative des établissements ou encore de l’information des acteurs et usagers de la psychiatrie sur le dispositif législatif et les droits des patients (1). Des thématiques récurrentes dans les préoccupations des acteurs de terrain (lire notre analyse du 04/10/2012 et notre article du 25/09/2012) qui multiplient les rencontres (2) et réflexions sur ce dispositif de prise en charge, à un an d’une réforme programmée de certaines dispositions de la loi, qui fait émerger en nombre les attentes des différents intervenants de terrain, sans perspective certaine d’une révision consensuelle.

FAQ du ministère à améliorer ?

Une unanimité s’est dégagée sans surprise des échanges ce jour-là quant au caractère « confus » du dispositif, « difficile d’application pour tous les intervenants » du monde sanitaire et judiciaire, dont le législateur n’a pas su « évaluer l’ensemble des impacts pour les professionnels », avec une « multitude d’intervenants et de procédures ».

Les soins sans consentement en ambulatoire, à travers les programmes de soins, ont occupé une large part des débats, étant donné (lire notre article du 23/04/2012) l’imbroglio juridique qu’il semble incarner aux yeux de nombreux acteurs. Imbroglio que le Conseil constitutionnel n’a pas éclairci en avril dernier à l’issue de sa saisine, tout en censurant partiellement le texte.

Plusieurs intervenants ont évoqué des dérives dans l’application du texte, sans que l’on puisse en tirer un bilan général sur le territoire, avec des sorties de patients, non accompagnés, de très courte durée pour des tâches administratives extérieures par exemple, transformées en programmes de soins. « Or, le programme de soins crée une rupture pour la prise en compte du temps passé en hospitalisation sans consentement et peut empêcher le contrôle par le JLD (3) en temps et en heure ! », a notamment affirmé Yves Hemery, psychiatre, chef de service au CH de Morlaix (Finistère). « Va-t-on imaginer des patients qui ne verraient jamais le juge tout en restant hospitalisés ? », s’est-il inquiété. Isabelle Génot-Pok, juriste au centre de droit JuriSanté, et plusieurs membres de l’auditoire ont souligné qu’il manquait ainsi une modalité de sortie dans la loi, entre sorties accompagnées et programme de soins. De plus, plusieurs intervenants ont appuyé que la Foire aux questions (FAQ) du ministère sur la mise en application de la loi devait être plus claire sur plusieurs points, certaines réponses présentant visiblement des ambiguïtés et provoquant des divergences d’interprétations.

Réflexions accrues des équipes

D’autres aspects du programme de soins ont donné lieu à débat entre professionnels comme le fait que « le législateur s’était improvisé prescripteur de soins » ou encore les modalités de contrôle par le JLD des programmes. Ainsi, ce dernier est formellement et systématiquement sollicité pour l’hospitalisation complète. Cependant il peut être saisi à tout moment pour ordonner la mainlevée immédiate d’une mesure de soins, ont appuyé des intervenants.

Certains ont estimé qu’un « contrôle à quinze jours était trop tardif alors que les soins les plus contraignants avaient lieu en début d’hospitalisation ». D’autres, à l’instar de Bruno Cathala, président du Tribunal de grande instance (TGI) d’Évry (Essonne), se sont interrogés sur la pertinence d’un contrôle au contraire prématuré « alors que le patient est encore en crise » dans les premiers jours. Par ailleurs, Dominique Snider, directeur des soins de l’Association de santé mentale du 13e arrondissement de Paris (ASM13), a souligné qu’il n’avait pas constaté pour sa part de « déviances » sur la qualification des sorties en programmes de soins. Tout en convenant de l’imperfection des textes, il a témoigné d’une « vision plutôt positive de cette loi, qui a conduit des équipes à une réflexion accrue sur la pertinence des modalités de soins, en hospitalisation complète ou en ambulatoire ». Bruno Cathala a renchéri sur « une remise en ordre et rigueur accrue dans le suivi administratif des patients ».

Attentes des directeurs et soignants vis-à-vis du JLD

Dominique Snider a ensuite développé plusieurs attentes des directeurs vis-à-vis des JLD, concernant l’harmonisation des demandes de documents quant au dossier de saisine (certificats, avis). Il a souhaité également une harmonisation de la date de commencement de la période de 15 jours : celle de l’entrée en soins sous contrainte ou de la décision du directeur dans l’établissement accueillant en hospitalisation complète ? « La loi n’est pas claire sur ce point », a-t-il regretté. Un autre souhait adressé ce jour-là au législateur : évaluer la pertinence des certificats et avis « faisant doublon dans la réalité de la pratique ». La facilitation et la sécurisation de la transmission des documents entre établissements et tribunaux a également été évoquée, un point sur lequel ont d’ores et déjà travaillé certains d’entre eux.

Enfin, a été discuté ce qu’attendent les soignants du JLD au regard du patient : considération de ce dernier comme un citoyen, prise en compte de certaines précautions environnementales en cas d’audience au TGI (huis clos, salles d’attente dédiées…). La question du lieu de tenue des audiences, qui a émergé en premier lieu dès l’entrée en vigueur de la loi (lire aussi (lire notre article du 31/08/2011) et notre interview du 31/07/2012), n’a pas été tranchée ce jour-là (lire encadré ci-dessous), la mise en œuvre étant extrêmement disparate sur le territoire. Un point qui comme d’autres dans un monde psychiatrique qualifié par le CNEH d’en « ébullition » promet encore de longues discussions à l’avenir…

Caroline Cordier

(1) Des plaquettes d’information pour patients et professionnels ont été éditées par le Psycom 75, un syndicat interhospitalier de cinq établissements psychiatriques parisiens, sur les « nouvelles modalités de prise en charge psychiatriques » et « les droits des usagers des services de psychiatrie ».

(2) Une journée de l’Association des établissements participants au service public de santé mentale (ADESM) y est notamment consacrée le 16 novembre prochain à Paris (lire notre agenda).

(3) Juge des libertés et de la détention (JLD) dont la loi a imposé le contrôle systématique de la nécessité et du maintien des mesures d’hospitalisation sans consentement.


Un débat récurrent : des audiences foraines ou au tribunal ?

Alors que l’organisation d’audiences foraines semblerait recueillir l’assentiment d’une majorité d’acteurs de la psychiatrie, il apparaît que le consensus n’est pas forcément au rendez-vous. Elles sont parfois empêchées dans la pratique et les acteurs judiciaires et sanitaires s’en trouvent divisés sur les modalités d’organisation. Lors de cette table ronde, Bruno Cathala a défendu une position à laquelle les hospitaliers n’ont pas opposé ce jour-là d’argumentaire contradictoire. Pour ce magistrat, le lieu de justice ne peut être que le tribunal, dans une salle d’audience, avec la solennité que cela implique. « L’hôpital n’est pas le lieu de la justice, de même il ne viendrait pas à l’idée d’aller soigner au TGI », a-t-il appuyé, reconnaissant toutefois que « ça ne se passe pas partout pareil ».

Par ailleurs, il souhaite entendre au TGI les directeurs d’hôpitaux qui représentent l’administration mais exclut d’entendre les soignants qui ne sont pas parties à l’audience. Dans sa juridiction, sur 1107 décisions en un an, 26% des patients ne viennent pas car jugés non auditionnables par les juges selon les psychiatres. Il a plaidé pour des certificats plus circonstanciés à ce sujet. « Il ne suffit pas d’un quart de ligne griffonné donnant un diagnostic, nous ne sommes pas dans le moment du soin, ni des médecins, mais en attente d’explications justifiant l’absence d’audition, par exemple une dangerosité comportementale pour lui ou autrui », a-t-il expliqué, tout en recommandant d’éviter également les formules copiées-collées. Il a néanmoins reconnu que « le déficit d’explications du début avait beaucoup évolué à force de mainlevées pour cette raison ». Ainsi, sur 10% de décisions de non reprise de l’hospitalisation, 50% proviendraient d’un problème de forme dans la procédure.

C.C.

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