2012-10-16 Un internement abusif au CHD Georges Daumezon de Fleury-les-Aubrais (La République du Centre)

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/xvsyM ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/278

Document du mardi 16 octobre 2012
Article mis à jour le 27 août 2020
par  CRPA

Cette affaire concerne une jeune femme, adhérente au CRPA.

Voir également notre rubrique Témoignages.

Cf. décision du tribunal correctionnel d’Orléans, sur notre site : 2013-01-23 Radio Libertaire - L’Entonnoir • Condamnation à quatre mois de prison avec sursis pour faux certificats médicaux.


Source : http://www.larep.fr/loiret/actualit…

La République du Centre

Son combat pour récupérer ses enfants

Alexandre Charrier — 16 octobre 2012

Victime d’un internement abusif, Valérie tente, depuis deux ans, de faire reconnaître par la justice qu’elle ne représente pas de danger pour son fils et sa fille. En vain.

« Vous me croyez ? » Valérie cherche dans les yeux de son interlocuteur l’approbation. La voix est douce. Mais cette femme de 33 ans s’applique à canaliser son flot de paroles. Elle sait que l’énergie qu’elle déploie pour faire reconnaître son statut de victime n’est pas toujours du goût de tout le monde. En particulier de la justice.

Jusqu’en 2009, cette femme élégante menait une vie de famille épanouie avec son mari et ses deux enfants. Une maison à Ingré, un époux chef d’entreprise, un train de vie confortable… Puis, les disputes et les premiers coups sont venus, selon les dires de la jeune femme qui soupçonne alors des infidélités de la part de son mari.

« Aucun traitement administré »

Un an de déchirements, jusqu’à ce 11 juin 2010. Après une énième dispute, Valérie est emmenée contre son gré, par des policiers agissant sur décision préfectorale, au centre hospitalier Daumezon. Sous les yeux de ses enfants.

Elle y restera un mois. Sans comprendre comment elle a pu faire l’objet d’une hospitalisation d’office alors qu’elle n’a aucun antécédent psychiatrique. « Personne ne vous explique ce que vous faites là. Heureusement que ma sœur était là pour m’aider à en sortir ».

Valérie va se battre sur deux fronts : passivement, en refusant tout dialogue avec les médecins. Et plus activement, en saisissant le juge des libertés et de la détention, alors que se profile une prolongation de trois mois de son internement.

Le magistrat chargé d’examiner son cas trouve un dossier vide : « Aucun traitement » n’a été administré à Valérie après un mois de présence à Daumezon. Si des traits de personnalité « paranoïdes » ont pu être décelés, aucun élément sur une quelconque dangerosité n’est avéré.

Le juge décide de lever la mesure d’hospitalisation d’office. La préfecture, à l’origine de cette décision, fait appel. Mais le jugement est confirmé. Début juillet, Valérie est de nouveau libre de ses mouvements. Mais n’en a pas fini pour autant avec la justice. C’est maintenant devant le juge pour enfants qu’elle doit faire reconnaître qu’elle n’est pas un danger pour son fils et sa fille.

« La faire passer pour folle »

Et la tâche n’est pas une mince affaire. En se penchant sur son dossier médical, elle découvre que son mari s’emploie depuis plusieurs mois à la « faire passer pour folle », multipliant les courriers auprès du procureur et de la préfecture. Des lettres dans lesquelles il évoque les délires mystiques de sa femme, qui fréquente effectivement une église évangélique « controversée », selon l’Association de défense de la famille et de l’individu, et va même jusqu’à agiter le risque d’un suicide collectif de son épouse et de ses enfants.

Un certificat établi sur la base d’une vidéo

Ses dires auraient pu apparaître fantaisistes aux yeux des pouvoirs publics s’ils n’étaient étayés par un certificat rédigé par le médecin de la famille. En avril 2010, ce praticien ingréen affirmait ainsi que sa patiente (qu’il disait avoir « examinée ce jour ») était capable d’« accès de violence » et pouvait s’avérer « dangereuse pour elle-même et son entourage ».

Problème : la jeune femme ne s’est jamais présentée dans son cabinet ce jour-là… Lors d’une conciliation organisée devant le conseil de l’ordre des médecins, un an plus tard, le docteur reconnaîtra avoir rédigé son certificat sur la base d’une vidéo tournée par le mari, lors d’une dispute.

Une véritable expertise a, entre-temps, été réalisée à la demande de la jeune femme, par le docteur Jonas, médecin au CHU de Tours, en février 2011. Ses conclusions ne souffrent aucune ambiguïté. Le praticien ne relève « aucun trouble psychiatrique, aucune perturbation du fonctionnement personnel qui pourrait constituer une perturbation dans la prise en charge de ses enfants ». La conclusion ne suffit pas à la justice. La juge des enfants demande une nouvelle expertise. Valérie refuse de s’y soumettre. Et entame une procédure.

Aujourd’hui, Valérie a retrouvé un emploi et un logement. La garde des enfants est toujours confiée au père. Elle voit son fils et sa fille seulement deux heures par semaine. Dans un endroit neutre.