2012-06-19 Témoignage à charge sur un service du CH La Colombière de Montpellier et ses abus de pouvoir

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/pSxrP ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/250

Document du mardi 19 juin 2012
Article mis à jour le 27 août 2020
par  CRPA

tem : Témoignages.

Voir également sur notre site : 2011-11-10 Comment les centres psychiatriques rendent les gens… fous .

Ou encore : 2012-04-05 Témoignage de Patricia sur sa psychiatrisation.


Récit d’un séjour en psychiatrie dans le bâtiment Euzière - Hôpital psychiatrique La Colombière - Centre Régional Hospitalier Universitaire de MONTPELLIER, décembre 2011.

Pour Monsieur le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté.

Par Mme A.P.
 
Montpellier, le 19 juin 2012.
 

2012-07-13 Réponse du directeur du CHRU de Montpellier

Le document que je vous présente révèle ma situation vécue lors d’une hospitalisation en Psychiatrie à Montpellier. Les pratiques qui se sont déroulées me sont insupportables, tant sur le plan individuel que sur le plan de ce que j’ai constaté sur le plan collectif.

Je commence par les urgences où je suis d’abord reçue. Dans ce service ma prise en charge a fait l’objet d’un énorme quiproquo ; dont je peux contredire les motifs portés dans le dossier des urgences, mais qui reflète surtout un très grand manque de compréhension et de communication ; entraînant ainsi mon placement dans un service totalement fermé de la Colombière, sans sortie possible.

Tout d’abord aux urgences de Lapeyronie à partir du Mercredi 14 Décembre 2011 dans l’après-midi, puis du jeudi 15 décembre vers 16 heures au lundi 19 décembre 2012 à 15 heures dans le bâtiment Euzière de la Colombière, « pôle accueil, évaluation, orientation », service du Docteur A.

J’arrive le mercredi aux urgences à cause d’une crise de tétanie très violente. J’ai appelé ma généraliste, je souffrais beaucoup, elle a jugé nécessaire de me faire hospitaliser car j’étais seule chez moi. Dès après cet appel la crise se calme complètement. Deux ambulanciers arrivent (service privé), ils refusent que je m’habille et puisse prendre en quelques minutes le minimum d’affaires nécessaire. Je pars en pyjama, attrape un manteau et mon sac.

Je suis reçue au service des urgences psychiatrique de Lapeyronie. Le jeudi matin, à mon réveil je suis complètement détendue. Je vois l’interne qui me demande ce que je souhaite. Je lui dis que j’ai simplement besoin de une, voire deux, journées encore de repos. Il faut trouver une solution et peut-être passer par une hospitalisation ailleurs car les urgences ne peuvent (ou ne veulent) pas me garder même 24 heures de plus. Je ne vois pas la nécessité d’une hospitalisation plus longue mais s’il le faut pour quelques jours, j’indique que j’accepte que l’on me trouve une place au pavillon 44 (Clinique Littoral) ou à l’Unité de Traitement des Troubles Anxieux et Dépressifs (U.T.T.A.D.). Je suis suivie en hôpital de jour dans le même réseau des services du Dr P. Je connais ces établissements et les médecins qui y interviennent. Par contre je refuse d’autres établissements privés, soit : La Lironde ou à la clinique Rech, ainsi qu’à la Clinique de Quissac (Gard) pour les connaître.
 
Je suis tranquillement dans l’attente d’une solution, mais au repas de midi un incident se produit. Je refuse de prendre les gouttes de valium que l’on m’apporte, d’une part parce que personne ne m’a informé de cette prescription. D’autre part j’indique des effets secondaires très pénibles sous valium lorsque l’on m’a mise sous perfusion d’office à la clinique Rech en 2009.
 
A partir de ce moment-là se déclenche un processus que je trouve incompréhensible. Je demande à sortir et dis que si l’on refuse je le ferai contre avis médical. L’interne appelle la psychiatre qui, sans doute, assimile cela à un refus de soin. Elle téléphone à ma généraliste et lui dit de signer une demande d’hospitalisation. On me la passe au téléphone, elle me dit seulement qu’elle va signer une hospitalisation. Je suis atterrée, je n’y comprends rien. On ne tient plus compte de moi en tant que sujet capable de faire des choix.
 
Alors tout change, on vient dans ma chambre me demander de me déshabiller, je suis dans mon propre pyjama. L’infirmier veut me faire mettre cette sorte de blouse inversée horrible qui laisse voir vos fesses. Je refuse, l’infirmier n’insiste pas. On me prend mon sac et mon manteau et les enferme dans le placard alors que je dois changer de service dans les deux heures qui suivent. J’ai le sentiment que l’on a peur que je m’enfuie. Ridicule, je rappelle ici que c’est moi qui ai demandé une courte hospitalisation. Puis comme je n’ai rien avec moi un infirmier organise la possibilité que l’on m’apporte des affaires. Il contacte une amie, la seule que j’ai à Montpellier, très heureusement disponible. Elle doit venir chercher mes clés et une liste d’affaires. Il s’engage à organiser mon transfert après son retour. Aller-retour : environ une heure.
 
Néanmoins, sans attendre, je suis emmenée par une ambulance vers un pavillon de la Colombière. A ma grande surprise j’arrive devant un pavillon fermé. Je manifeste mon étonnement. On me répond « ne vous inquiétez pas Madame tout va bien se passer ». J’aurais dû comprendre à ce moment-là que j’étais hospitalisée sous contrainte. J’ai entendu parler d’une nouvelle loi. On ne m’a rien expliqué ni informé de mes droits. De toute façon mesure très disproportionnée par rapport à mon état.
 
Je suis donc prise en charge dans ce pôle « accueil, évaluation, orientation » — bâtiment Euzière, dirigée par le docteur A.
 
L’objectif de ce service devrait être contenu dans son appellation, accueillir les patients signifie pour moi être à l’écoute, or j’ai très vite constaté qu’il n’en n’est vraiment rien
 
L’accueil :
 
On me reçoit dans le bureau infirmier ou personne ne se présente et y règne une certaine agitation. Un infirmier commence à fouiller dans mon sac, sans égard. Il sort le tout sur le bureau pour un inventaire. Il s’étonne des livres qui sont dans mon sac, semble hésiter à me les laisser. Ces procédures dans une hospitalisation en psychiatrie sont destinées à garantir la sécurité c’est normal, mais elle pourrait se dérouler avec plus de discrétion et respect. A ce moment-là un autre soignant apporte un sac, ce sont mes affaires. Je demande donc immédiatement à pouvoir voir mon amie pour lui demander d’annuler un rendez-vous très important que j’aie le lendemain. On me répond que ce n’est pas possible elle est déjà partie. Or, j’ai compris plus tard que mon statut d’hospitalisation interdit tout contact extérieur tant que l’on n’a pas vu le psychiatre. En conséquence on ne délivre même pas une information à un visiteur.
 
Aux urgences déjà mon amie a eu du mal à trouver le service psychiatrique. Elle se débrouille, sans aides des vigiles qui pourtant la voient chercher. Arrivée dans le service, je suis partie, donc on la dirige vers l’Euzière, sans plus d’explication. Encore faut-il y aller à pied et trouver le bâtiment sur le vaste site de la Colombière.
 
Elle trouve le pavillon. On lui ouvre et elle monte. A la deuxième porte un soignant, attitude très rigide, d’abord lui dit qu’il ne me connait pas. Elle insiste en expliquant venir des urgences où on lui a dit que j’étais là. Elle présente mes affaires et précise qu’il y a des gâteaux frais, demande à les manger avec moi et à pouvoir aussi avoir des nouvelles de ma santé, elle s’inquiète légitiment. Aucune réponse à ces demandes d’information, elles paraissent même déplacées. Il lui répond que les visites sont interdites. Elle insiste encore, on l’a renvoi sèchement au texte du règlement. (Quel règlement ? Rien n’est affiché). Elle a le sentiment que à l’égard de son attitude respectueuse, on ne lui répond pas normalement, ni simplement, ni clairement. Sentiment de suspicion à l’égard de sa visite, acte normal d’attention qui semble mal perçu. On ne lui indique pas non plus qu’elle peut m’appeler le lendemain pour avoir des nouvelles, après la visite du psychiatre. Cette amie est formatrice auprès de futur(s) travailleurs sociaux qui comprend une formation à la psychologie.
 
L’inventaire terminé une infirmière me propose de visiter le service, offre que je décline car je veux rejoindre ma chambre. Elle m’y conduit, puis un peu plus tard on m’apporte le sac de vêtement dans ma chambre. Je range les effets sans faire d’inventaire comparé avec ma liste. Je demande si je peux disposer d’un cadenas pour l’armoire, réponse négative. J’ai su plus tard par un autre patient qu’il y en avait à disposition.
 
Dès la vue des locaux, les visages du personnel soignant, l’ambiance est campée.
 
Déroulement des faits :
 
Puis dès le repas l’ambiance révèle une tension étrange. Ensuite deux femmes me parlent, d’abord elles me précisent que nous sommes tous en H. D. T., l’une me dit aussi « ici c’est une psychiatrie du 19e siècle ».
 
Dans la nuit, je suis réveillée par ma voisine qui fait de l’apnée du sommeil cela m’inquiète, j’aimerai le signaler et dans ces cas d’insomnie j’ai toujours besoin de savoir l’heure. Je vais dans le couloir et trouve dans la « rotonde » les infirmiers devant la télévision. Un soignant me donne l’heure d’un ton revêche et me dit très fermement : « Allez-vous coucher », sans rien me demander de plus. Il est une heure du matin.
 
Ensuite vers 2 h 30, je me réveille de la même façon je suis toujours soucieuse de ma voisine qui semble s’étouffer, je vais à nouveau dans le couloir. A une première porte (le bureau infirmier) j’entrevois un infirmier qui dort, la porte s’ouvre très peu, le casier des dossiers patients la bloque. Je continue vers la porte d’un autre bureau, même chose, la porte est bloquée par une chaise, j’insiste et appelle. Il y a l’infirmier qui m’avait répondu assez brutalement avant lorsqu’il était devant la télévision. Il se lève en colère et en passant son bras dans l’entrebâillement me repousse de sa main fermement et me dit, agressif, « Allez-vous coucher ». Je poursuis ma recherche d’une personne à qui parler, dans leur lieu de repos, porte entrebâillée et petite lumière, on m’informe de l’heure par derrière la porte et me répète immédiatement « Allez-vous coucher ». Toutes les réponses sont des injonctions, à aucun moment la question ne m’a été posée : « que vous arrive-t-il, pourquoi ne dormez-vous pas ? ». Pourquoi tant de détails, j’entends que les infirmiers de garde ne pas sont disponible la nuit pour entamer un long dialogue, mais pourquoi un si mauvais accueil ? J’ai eu l’occasion d’avoir des insomnies lors d’autres hospitalisations, j’ai été traité avec égard.
 
Le vendredi matin une infirmière m’appelle dans le bureau. Elle me présente un document (jaune) de deux pages que je dois signer sans rien m’expliquer de sa fonction. Je suis dans l’ignorance totale de ma situation, de mes droits et obligations dans ce cas. Je n’en ai pas obtenu copie en consultant mon dossier, il semble ne plus exister. Cf. à la fin du texte.
 
J’en prends rapidement connaissance, je relève une phrase : « hospitalisation à la demande du préfet ». Je l’interroge sur l’utilité de cette mention qui n’est pas rayée. Elle me répond que cela ne me concerne pas. Deuxième page : projet de soin accord ou non et remarques ? Je lui dis que je préférerais signer ce document une fois le psychiatre vu.
 
Visite du Docteur A, très rapide quelques minutes à peine, six personnes l’accompagnent, aucune ne se présente. Qui sont ces personnes ?
 
Selon mes propos le Docteur évalue la situation et me dis que je le reverrais lundi matin et que je sortirais lundi après-midi. Pour moi la chose est entendue. Il ne me dit pas que je suis en mesure de soin « sans consentement ».
 
Je suis revenue ensuite signer ce papier sans demander plus d’explication, je n’ai pas envie de me donner plus de soucis. L’idée pour moi est de sortir de là au plus vite.
 
Le vendredi après-midi je commence à discuter avec d’autres patients (nous ne sommes pas nombreux 12 à table pour 18 chambres). Tous semblent aussi très dépassés d’être là. Je trouve cela très étonnant par rapport à l’objectif du service. J’ai le sentiment d’avoir affaire à des personnes que l’on culpabilise et qu’il faut absolument être très docile.
 
L’ambiance avec le personnel est tendue, les personnes me parlent d’une chambre d’isolement et elles paraissent avoir peur d’y être placées si elles contestent trop les conditions de vie ici, la manière dont on les traite. D’où peut-être cette ambiance lourde de silence, de tension. L’existence et l’utilité des chambres d’isolement sont très controversées depuis longtemps. Je ne pose pas ici mon point de vue. Je constate seulement que le fait de maintenir une personne à l’isolement en la laissant appeler, frapper sans aller la voir, sans s’en occuper pendant des heures, ne peuvent être compatible avec une quelconque procédure de soin. De plus pour ceux qui sont « à l’extérieur » subissent piteusement cette situation engendre, peurs, angoisses, fragilise par rapport au fait qu’il peut leur arriver la même chose, subir ce traitement violent. Quel est le but poursuivi ?
 
Une patiente me précise alors : « En arrivant ici j’ai été mise directement dans la chambre d’isolement. La chambre d’isolement c’est un lit scellé, un bassin et une bouteille d’eau sans bouchon. J’ai appelé longtemps pour que l’on vienne s’occuper de moi, me sortir de là, personne ne venait. Hormis les repas aucun contact. C’est un traumatisme à vie ». Elle y est restée plusieurs jours. Est-ce une façon de soigner ? Depuis j’ai appris par un infirmier ayant travaillé dans un service disposant d’une telle chambre qu’une règle leur imposait une visite toutes les demie heures. Je ne sais pas ce qu’il en ait de ce genre de règles.
 
Tout le personnel soignants est toujours très débordé, pas de temps d’écoute sur les diverses demandes concernant la vie au quotidien. La porte du bureau infirmier est quasiment toujours fermée et le personnel soignant se tient le plus souvent dans le lieu de repos ou sur la terrasse attenante.
 
Ensuite, le samedi matin je suis appelée par l’interne de service (Docteur F.) qui me fait répéter ma situation dans un bureau. Je parle et termine en disant que je suis sortante le lundi et une infirmière présente me précise que cela se fera à 15 heures du fait des papiers à faire signer au directeur de l’hôpital. Aucune autre explication de la part du Docteur F.
 
Plus tard ce docteur vient dans la chambre veut me parler du traitement. Outre le Lamictal indispensable, il me donne quelque chose pour dormir, malheureusement je n’ai pu lui demander quel médicament car il est appelé d’urgence. Il revient vite et je lui redis de suite que je suis sortante lundi. Alors il me répond : « les visites du docteur A. se font le lundi dans son bureau et le mardi et le vendredi dans les chambres, on verra », il part sans plus d’explications. A ce moment-là le doute s’installe dans ma pensée et émerge la question troublante : vais-je bien sortir lundi ? Pour la courte période que je viens de passer dans ce service je n’imagine pas rester plus. Cela me parait totalement inutile et même négatif tant l’ambiance est difficile à supporter.
 
Plus tard, en posant la question, un infirmier m’a dit que j’étais traité avec du valium, heureusement la dose ne m’a pas provoqué d’effet indésirable.
 
Je sais aussi maintenant que le médecin qui a fait la prescription à mon arrivée le 15/12/2011, que je n’ai absoluement pas vu, a prescrit 45 Gouttes de Valium, plus si insomnie 29 gouttes de Tercian, si agitation 100 gouttes de Loxapac, si anxiété 30 gouttes de Valium, plus si refus 2 ‘a’ loxapac + 1 ‘1’ valium en intra-musculaire. Quel cocktail ! ! De plus je n’ai absolument jamais de tout mon parcours refusé un traitement que je considérais adapté, même si parfois ils sont un peu forts.
 
Le samedi matin, seulement à ma demande, j’apprends que je peux recevoir des visites et passer des appels téléphoniques. Dans le créneau horaire imparti, je fais appeler mon amie pour la solliciter d’une visite même très courte. J’ai besoin de voir une personne de l’extérieur tant être là m’est pénible. Elle ne peut pas, mais me demande si j’ais bien eu dans le sac : ma montre, mon chargeur portable et deux gâteaux frais pâtissiers qu’elle avait apporté.
 
N’ayant pas eu ces affaires, je demande donc, après cette conversation, à un infirmier où ils sont ? Les gâteaux frais qu’en ont-ils faits ? L’infirmier est étonné de ma demande, ne semble pas comprendre et ne pas savoir où sont ces objets. J’insiste car je tiens beaucoup à avoir ma montre. Il ouvre un tiroir et trouve la montre « vous la voulez vraiment ? Oui je la veux ». Il le la donne de mauvaise grâce, le chargeur y est aussi. Je demande où sont les gâteaux, air très perplexe de ce Monsieur. Je sais qu’ il est interdit d’amener des produits frais aux patients, ce que je conçois tout à fait pour des questions d’hygiène et de sécurité, mais comme ils n’ont pas été rendu à mon amie, je pose la question de ce qui l’en a été fait. Je n’ai pas eu de réponse. ?
 
Au fil du temps je discute avec de nombreux patients qui m’expliquent davantage leur appréciation du lieu. Ils me racontent certains faits et en confiance certain me parle de leur situation. Tous évoquent une sorte de « pression » du personnel qui paraît déplacer dans un service de psychiatrie et je t’entends un certain nombre de situations :
 
Une personne asthmatique souffre d’insuffisance respiratoire, elle peine à obtenir ses médicaments, il faut qu’elle renouvelle sans cesse ses demandes lorsqu’elle est à la limite du supportable.
 
Ma voisine de chambre n’a pas de vêtement de rechange, pas de brosse pour les cheveux, depuis les quelques jours qu’elle est là. Depuis longtemps elle demande un calmant pour apaiser une douleur au due à ses règles et au genou. Elle demande plus d’attention et d’écoute tous les jours. Rien ne se passe pour elle. Le dimanche elle n’en peut plus, alors elle s’est effectivement agitée, elle a criée dans le couloir devant la porte du bureau infirmier, encore et toujours fermée, elle voulait tout simplement que l’on prenne le temps de l’écouter et qu’on l’a respect. Nous étions alors plusieurs dans le couloir et inquiets qu’elle ne soit mise en chambre d’isolement, finalement on lui a seulement fait une piqure de calmant qui l’a fait dormir un moment.
 
Je saigne du nez, une personne en plus des effectifs me répond d’aller me coucher et de mettre la tête en arrière. Or, il me semble bien qu’il faut juste placer un bouchon dans la narine et garder plutôt la tête droite. C’est ce que m’a confirmé mon médecin traitant.
 
Une personne handicapée ne peut s’habiller toute seule, deux ou trois jours au moins elle a demandé à être prise en charge en fonction de son handicap, (ce qui est prévu dans le règlement intérieur). Durant des jours ce sont des patientes qui l’aide à faire sa toilette, s’habiller. On lui demande même de faire son lit. Or cela ne lui est pas possible. Pour les repas ce sont aussi les patientes qui lui coupent la viande, tartinent les tartines du petit déjeuner, etc… Alors qu’il faut manger très vite. Quand elle fait la demande d’aide auprès de personnel A. S. H., on lui répond qu’il y a des patients à sa table qui peuvent le faire. Sur le plan du traitement, elle a besoin d’un médicament particulier pour des problèmes urinaires, on ne lui donne pas systématiquement, il faut qu’elle le réclame plusieurs fois dans la journée. Elle a posé la question du motif de cette manière de fonctionné, il lui a été répondu : « on vous teste »
 
Une personne âgée arrive brûlée. Il semble qu’elle a plus besoin de soins adaptés à ses brûlures, ne se sent pas bien d’être dans ce service et ne comprend pas pourquoi elle s’y trouve. Peu après elle est changée de chambre, il semblerait qu’elle doit être dans une chambre stérile. Or, dans l’après-midi je passe devant la porte qui est ouverte, il y a une soignante. Quand elle sort je demande si je peux aller parler à la dame. « pas de problème » m’a-t-elle dit. Est-ce possible quand il faut un environnement stérile ?
 
Un monsieur me dit doucement ; « Vous savez Madame je ne devrais pas être là, quelqu’un devrait y être à ma place. Vous savez nous on a tout donné, le travail, le respect, la dignité et l’amour pour les enfants… Je n’en dirais pas, plus cela me fait trop mal. Je me fais surtout du souci pour ma femme qui est toute seule à la maison, malade, elle est bien courageuse. » Je sais qu’il est resté au moins quinze jours.
 
Un homme qui est là n’a plus de lieu où se loger. Il souhaite demander une hospitalisation dans un établissement qu’il connait, pour s’apaiser et organiser son avenir. Mais il n’a pas encore eu la possibilité d’en parler malgré plusieurs visites avec le psychiatre, il ne comprend pas pourquoi il reste. Il ne comprend pas pourquoi on ne l’aide pas à faire ses démarches. Voir par notamment une assistante sociale.
 
Un monsieur me dit aussi ne pas comprendre pourquoi il est là. Il se pose aussi la question de l’utilité d’une chambre d’isolement où le patient n’est pas surveillé régulièrement.
 
Une femme me dit qu’elle se demande vraiment pourquoi elle est là. Elle passe juste une période de dépression pour des questions de perte d’emploi. Elle aurait voulu juste un endroit pour se reposer, mais elle sent bien que ce n’est pas le bon lieu. Etant maintenant en Hospitalisation à la demande d’un tiers, elle se demande comment elle va en sortir. Elle ne semble pas bien connaître cette mesure.
 
Une très jeune fille est excessivement agitée et extrêmement perturbée. Elle erre dans les couloirs. Elle tourne sans cesse dans la pièce de vie et se poste en permanence devant la télévision. Nous, patients, chacun à notre tour, devons essayer de la calmer, la rassurer car elle est très désorientée. Elle est très en manque de tabac et n’en possède pas nous lui en donnons malheureusement car un sevrage total et brutal est tellement dure, encore plus dans ce genre de lieu où cette compensation est un dérivatif au profond déseuvrement que l’on ressent. A tout moment nous craignons qu’elle n’éclate et soit mise dans la chambre d’isolement.
 
Un matin elle prend ses cachets dans la file du petit déjeuner puis ne rentre pas directement dans la salle de repas, l’infirmier lui dit : « si vous ne voulez pas aller déjeuner rentrée dans votre chambre ». Or, le ménage venait d’être fait et sa chambre était fermée, elle n’a pas compris. Il est il est à noter que ce jour-là ce fut la seule chambre nettoyée.
 
J’ai su plus tard que c’est ce qui est arrivé le soir même de ma sortie. Le personnel lui a dit que j’avais laissé mon tabac pour elle, elle a eu une « crise » et a été mise durant la nuit dans la chambre d’isolement, pour finalement être transférée le lendemain matin dans un service pour jeunes. Ayant été attentive, j’ai pu lui parler avec gentillesse et calme, (j’ai eu des notions de psychologie dans ma formation et mon métier), peut-être cela l’a-t-elle perturbée.
 
Un soir je me trouve, très calme, vers 22 h 30 devant un très beau reportage sur ARTE, tout le monde est partie dans sa chambre. Un infirmier m’accorde encore un petit temps pour terminer de profiter de cette émission qui se termine vers 23 h. (c’est prévu dans le règlement intérieur). Mais très vite après, l’infirmier qui m’avait bousculé la première nuit, accompagné d’une infirmière, arrive et me tend un verre en me disant de prendre cela. Je demande pourquoi, il me pense énervée, je réponds que non, je me sens très calme, apaisée, car c’est si agréable de voir les merveilleux paysages des Annapurna (je suis fan de montagne) dans cette univers déprimant. Il insiste en me disant que ma voisine de chambre ayant été très énervée je dois l’être moi aussi. Impossible d’être entendu, ce remède m’a été prescrit si besoin, mais le si besoin est à l’appréciation arbitraire de ce seul l’infirmier, même sa collègue ne semble pas convaincue. Ensuite Il m’oblique à aller me coucher immédiatement. Cette forme de frustration doit aussi faire partie d’un concept de soin.
 

Chambre d’isolement :
 
Un homme est rentré le samedi soir, vu à la pause cigarette après le repas, il parlait normalement. Dans la nuit des voisins de chambre ont entendu appeler, taper. Il a été mis dans la chambre d’isolement.
 
Dans la journée du dimanche, je nous l’avons entendu frappé : vers 7H., puis 8H., 10H.15, 17 H.20. Quelle ambiance toute la journée !
 
Le lundi matin à cinq heures je suis réveillée. Depuis la chambre d’isolement j’entends encore frapper, appeler, rien ne se passe. A 7 h 30 l’équipe du matin arrivée, une infirmière se rend à la porte de cette chambre et dit : « Monsieur arrêtez de frapper on viendra vous ouvrir à 8 h 30 pour le petit déjeuner. … (L’homme parle, je ne saisis pas ces paroles)….réponse : le pipi dans le pistolet……. (Il parle) réponse :….on viendra le vider tout à l’heure …. (Il parle) réponse : « le caca dans le bassin. »,….il parle « Je vais voir ça avec mes collègues ». Jusqu’à 8 H 30 il ne s’est rien passé.
 
A 8 h 30, je suis dans le couloir pour marcher, six soignants sont mobilisés pour s’occuper de lui pour le petit-déjeuner, le faire sortir de la chambre et le conduire dans la salle de douche attenante, …. (Il parle) « Bon si c’est trop froid, tant pis. » dit un infirmier. Retour dans la chambre. Je l’ai entre vue il paraissait très fatigué.
 
Je ne me permets pas évaluer vraiment l’état de ce Monsieur. Néanmoins, il ne m’a paru dangereux ou tout simplement agité à un point tel qu’il nécessite une « opération » ainsi menée et en tout état de cause j’ai du mal à comprendre la nécessité d’un tel traitement, dans cette chambre maintenu seul. Alors qu’il est prévu des traitements forts de tranquillisants par piqures. Où conduit ce traitement ? Quelles souffrances psychologiques nouvelles et supplémentaires cela entraine ?
 
Ce lundi matin je demande à consulter une plaquette d’un réseau d’aide aux familles ‘profamille’. J’en ai vu plusieurs exemplaires sur le bureau des infirmiers le vendredi. Je sais qu’il porte les coordonnées de l’hôpital de jour que je fréquente. Je souhaitais appeler. J’y vais le lundi matin et doit prévenir de mon absence. Cette plaquette était devenue introuvable, manque de stock ou pas envie de chercher ?
 
De toutes ces situations vécues, je ne comprends pas la logique vis-à-vis de personnes vivant des difficultés psychologiques complexes, rappelons-le ici, en souffrance. Est-ce bien un service d’accueil, d’évaluation et d’orientation pour des personnes ayant eu un passage dépressif ou vécu un incident particulièrement douloureux, ou peut-être une violente crise. Mais qui ont besoin de trouver surtout de l’apaisement et une solution de prise en charge après les urgences ? Ajouter de l’agressivité durant le séjour est-ce une solution ?
 
Pourquoi toutes ces hospitalisations sous contraintes, quelles mesures : en H. D. T. ou autres ? Que connaissent les personnes en Obligation de soin de leurs droits. Les méthodes qui se pratiquent là me sont incompréhensibles. Les personnes sont déstabilisées par ce qu’elles vivent de tensions et d’incertitudes durant ce séjour.
 
Dans ce service que veulent dire les notions d’accueil et d’écoute, d’évaluation et d’orientation, tel que les soins se pratiquent là.

 
Le Projet de Soin :
 
C‘est ce qui me parait essentiel à relever ici. Ce service semble accueillir toutes sortes d’urgence. Des personnes placées là par un ‘tiers’ ou les urgences ou autres… ?
 
Et dans ce contexte ce qui me parait vraiment anormal, c’est qu’aucune de ces personnes ne m’ont parlé de projet de soin. Toutes ont évoqué une situation subie avec douleur et se sentent déstabilisées. D’ailleurs moi-même si j’ai signé un document portant cette mention, je ne me souviens pas ce que je l’ai rempli, de toute façon personne ne m’a parlé de cela vraiment directement. Enfin qui décide de ce fameux « projet de soin » ?
 
Puisque les patients arrivent là à la suite d’un quelque-conque « choc ». Il leur faudrait donc une attention toute particulière. Une ambiance de réassurance propre à permettre d’entrevoir une perspective pour la suite. Il faudrait qu’elles puissent en toute confiance savoir que dans ce lieu elles vont pouvoir se « poser » un moment ; réfléchir à ce qu’il leur est arrivé ; en parler librement ; exprimer leur besoin. Au contraire la parole est étouffée Qu’elles sachent quelles vont être les étapes, qu’on leur indique les possibilités qui s’offrent à elles : poursuite d’hospitalisation, structures de jour ou sortie à domicile, etc. Or il n’en est rien et durant le week-end j’étais la seule à savoir que je sortirais le lundi, mais sans assurance.
 
Les visites avec le Docteur A. semblent irrégulières, une patiente l’a vu seulement deux fois en quinze jours. Une fois à l’entrée, une fois pour entériner sa sortie. Elle a bien vu un interne mais rien ne ressortait des entretiens à l’égard d’une perspective au-delà du séjour dans ce service.
 
C’est moi qui lui ai indiqué les possibilités qui s’offraient à elle pour sa sortie (j’ai travaillé dans le secteur social). Ainsi elle a pu demander une aide à domicile pour gérer son handicap et une possibilité d’hospitalisation dans un centre de jour pour l’aspect psychologique. Cela s’est réalisé à sa sortie quelques jours après moi, elle m’a appelé pour me remercier.
 
Des patientes, et c’est ce que j’ai pu très vite observer malgré mon très bref séjour, m’ont dit que le personnel soignant met en œuvre une stratégie de déstabilisation permanente, ainsi ils obligent les personnes à reformuler leur demande régulièrement et les rabrouent. Les capacités de maîtrise de soi sont testées en provocant ces situations exaspérantes.
 
Mise en situation de dépendance à l’égard de la prise de médicament particulier pour un traitement. Mise en situation de dépendance à l’égard des sorties cigarettes qui sont finalement de véritables supplices pour les gros fumeurs, peu nombreuses et quelques minutes le temps d’une seule cigarette. On ne reste même pas plus pour profiter de l’air pure.
 
Dans ce type d’hospitalisation se pose aussi la question des droits du patient tels qu’ils sont définis par la loi. Or je pense que mes droits minimum à l’information n’ont pas été respectés puisque outre ce document que j’ai signé sans explication, je n’ai été informé de rien concernant ma situation. Vis-à-vis de l’extérieur ce n’est que le samedi que j’ai su que je pouvais téléphoner et recevoir des visites. Ni le Docteur A., ni le Docteur F., ni les soignants ne m’ont dit que j’étais en mesure de « soin sans consentement ».
 
Donc qu’en est-il de ce projet de soin ? La convergence entre : espace physique, les relations des « soignants » vis-à-vis des soignés extrêmement culpabilisantes, l’objectif de soin si peu explicite, nous laisse dans une sorte de « no man’s land ». Des questions sont assaillantes : Pourquoi suis-je là, combien de temps vais-je rester, qu’est-ce qu’on attend de moi, comment peut se faire ma sortie ? Ainsi outre le désarroi initial, le malade vit une tension qui neutralise toute perspective active vers l’avenir. Peurs, angoisses, anxiétés, il faut garder tout cela pour soi.
 
Je reviens donc à ces concepts : « d’accueil, d’évaluation, d’orientation ». Je conclus maintenant qu’ils sont basés sur une approche quasi carcérale. De quoi sommes-nous coupable, de la maladie ? Est-ce pour cela que l’on a le droit seulement à un lieu aussi sordide.

 
Sur le plan du lieu :
 
Des locaux anciens, presque vétustes, en tous les cas très sinistre. Barreaux aux fenêtres empêchant le nettoyage des vitres, vitres remplacées par du plexiglass, WC défaillants.

La « Rotonde », lieu de vie est mal chauffée. La salle de repas aussi.
Aucun système d’appel d’urgence dans les chambres.
Les extincteurs sont dans des placards fermés à clé.
Les sorties de secours, pour ce que j’ai vu. Une dans le lieu de vie fermée à clé. Elle donne sur un jardin clos par une grille à hauteur d’environ 3 mètres. La nuit celle d’accès à ce lieu de vie est fermée à clé. La porte palière constitue une autre sortie de secours. Elle est bien sûre fermée à clé et une deuxième porte au rez-de-chaussée accédant à l’extérieur, est elle aussi fermée à clé, alors qu’une affiche porte la mention « ne pas fermer cette porte). Le plan d’évacuation est difficile à lire.
 
Les visites se font exclusivement dans le lieu de vie, aucune intimité, il n’y a pas de toilettes pour les visiteurs. Le règlement intérieur interdit les visites dans les chambres.
 
Les bureaux sont mal indiqués, on ne sait pas où aller pour voir le médecin.
 
L’affichage du document intitulé : règlement intérieur du bâtiment Euzière « d’accueil, d’évaluation et d’orientation — J. EUZIERES (août 2010), n’est guère accessible puisqu’il est seulement visible sur le tableau d’information situé dans la salle de repas. Or, celle-ci est fermée en dehors du temps très courts des repas. J’ai demandé deux fois une copie à une infirmière. Concernant le chapitre : « Sorties dans les allées », elle l’a rayé devant moi en me précisant que cela n’existait plus. Toujours concernant ce panneau qui n’est pas lisible tranquillement, il porte certaines informations qui pourraient éventuellement intéresser les patients — chartre du patient hospitalisé et autres renseignements d’ordre sociaux- mais qui peut en profiter ?
 
Beaucoup de bâtiments anciens de la Colombière ont été transférés dans de nouvelles constructions. Pourquoi pas celui-là ? C’est une vraie urgence, nécessaire aussi pour la sécurité de toutes les personnes l’occupant.
 
La gestion du temps :
 
Les repas se déroulent très vite, à peine 15 minutes pour le déjeuner et le goûter, 30 minutes pour le repas de midi et le diner.
 
Les pauses cigarette après les repas, éventuellement en supplément une fois dans la matinée et une fois dans l’après-midi durant le week-end parce qu’il y a une équipe volante, sont très courtes, environ 5/8 minutes. Elles se déroulent sur une terrasse, il faut insister pour pouvoir descendre les quelques marches qui vont dans l’espace jardin. On nous dit de rester en vue à quelques mètres. Or le jardin est très petit et complètement clôturé à bonne hauteur, si les soignants descendaient ils pourraient très bien nous surveiller.
 
De plus les personnes ne fumant pas ne sont pas invitées à sortir, c’est moi qui ai proposé à une patiente de le faire pour être quelques minutes au soleil. Les autres ne sortent pas durant tout le séjour pour prendre l’air pure. Cela est indigne et négatif pour la santé.
 
Donc la gestion du temps est seulement rythmée par rencontres très brèves avec les médecins, prise des traitements, repas court (sans aucune convivialité). Ensuite errance comme sur un bateau en perdition. La télévision fatiguante, aller et venir dans les couloirs, jusqu’à sa chambre où ne nous sommes pas seule. Même dans les prisons il existent des sorties, des activités, une pratique sportive. Mais on va répondre que le séjour est sensé être court, ce n’est pas un argument recevable.
 
La propreté :
 
A mon arrivée dans la chambre le jeudi vers 17 h, le ménage n’avait pas été fait —moutons sous les lits- la poubelle non vidée. Cela fut ainsi jusqu’au dimanche après-midi, une A. S. H. aimable est venue faire le ménage. Je lui ai dit qu’il n’avait pas été fait depuis le jeudi. Elle a pu le constater, elle semblait étonnée. Elle fut aussi étonnée de voir la poubelle sans sac, et de constater qu’il y avait des mouchoirs et autres serviettes avec du sang.
 
Le nettoyage des couloirs je n’en ai pas vu du jeudi au lundi 15 H.
 
Le personnel :
 
Je suis très gênée d’aborder ce sujet, car je ne veux faire de tort à personne. Mais néanmoins il ne m’est pas possible de passer sous silence quelques comportements étonnants.
 
Le personnel infirmier et A. S. H. sont pour la plupart assez mal aimables. Aucune courtoisie, pas de bonjour, on ne nous regarde pas, très peu d’égard dans la manière de s’adresser aux patients qui sembleraient à priori tous indociles et des personnes à « cadrer ».
 
Nous devons porter à la cuisine nos couverts, très bien, mais nous devons rincer notre assiette avant de la mettre dans l’évier. Or nous n’avons pas le droit de nous laver ensuite les mains sous le robinet. Le deuxième jour on m’a expliquée que c’était dû au fait que des gens crachaient dans l’évier ! Quel rapport, Il n’existe donc pas de désinfectant ? Et puis on m’a dit aussi d’utiliser le produit de désinfection des mains situées dans la salle de repas. Je ne l’avais pas vu, il n’est pas signalé pour inviter les personnes à l’utiliser. De toute façon il faut retourner dans la salle à manger.
 
Le travail des infirmiers se fait, semble-t-il, dans la précipitation constante. Trois soignants seulement, sur huit dans les équipes, se sont présentés à moi avant de me parler.
 
Un midi, je vais porter mes couverts dans la cuisine, une infirmière est assise en tailleur sur la palliasse de l’évier. [Je lui ai dit gentiment que je la trouvais bien souple !]
 
Durant un autre repas une infirmière est assise sur le bord de la fenêtre les pieds sur le radiateur.
 
Les infirmiers en « renfort » un soir après le repas, sont installés tous les deux devant un match de football à la télévision. Ayant bien lu dans le règlement intérieur que le choix des émissions devaient se faire encore entre tous les patients, je demande à ces soignants si les patients avaient choisi avec eux ce programme. Ils n’ont pas répondu et sont partis. Les patients sont revenus regarder la télévision.
 

D’autres remarques :
 
Aucune activité hormis la télévision et quelques jeux en si mauvais état qu’ils sont inutilisables.
 
Le matin lorsque le ménage est fait dans le lieu de vie le seul journal Midi Libre, d’ailleurs très difficile à obtenir, et une ou deux revues laissées par des patients sont jetés.
 
A une patiente on a retiré son stylo et sa montre en plastique, peut-être pour des questions de vols, mais elle souhaitait la garder car elle n’a que très peu de valeur et on peut disposer d’une armoire avec clé.
 
Au moment de ma sortie le lundi, j’ai été surprise de constater qu’on avait pris tous mes effets de l’armoire et mis dans mon sac sans me le demander, ainsi je n’ai pas pu faire d’inventaire contradictoire pour vérifier si tout était bien dans le sac. Il fallait se presser pour partir car il faut aussi pouvoir récupérer les documents et son argent au coffre. La signature de la sortie n’arrive qu’à 15 heures. [Cette manière d’agir reflète aussi cette façon dont constamment nous sommes dépossédés de nous-mêmes, car j’étais tout à fait capable de vider mon armoire seule.]
 
Durant ce séjour j’aurais aimé m’entretenir avec le cadre de santé Monsieur C. que j’ai connu lors d’une précédente hospitalisation où j’ai toujours été normalement. Il était malheureusement absent pour maladie. Le lundi à la visite avec le Docteur A. je n’avais qu’un seul souci, de ma sortie immédiate. Je n’ai rien évoqué de tout cela.
 

Après ma sortie :
 
Le soir même je m’aperçois que l’on ne m’avait pas rendu mes briquets et pas remis les résultats des analyses de sang qui ont été pratiqué parce que j’avais saigné du nez. Comme je dois voir mon médecin généraliste dès l’après-midi du mardi je demande à pouvoir les récupérer le lendemain matin. Après vérification il m’est répondu affirmativement.
 
Je me présente le mardi matin, accompagnée d’une personne de connaissance, à la porte au rez-de-chaussée je sonne et indique ma demande. Une personne dit dans l’interphone qu’elle va descendre m’apporter mes affaires. Quelques minutes après un A. S. H. (malheureusement celui qui a été le plus désagréable) entrouvre la porte et me tend mes briquets, je demande alors mes analyses de sang, celui-ci me répond qu’elles sont parties aux archives qu’il faut que j’aille les chercher à Benech (un bâtiment administratif).
 
Je me rends à l’accueil de celui-ci et explique ma demande. La personne est extrêmement étonnée, c’est la première fois qu’on lui fait une telle demande. Il se renseigne et finit par me dire que c’est impossible vu les délais et que en aucun cas ce ne peut-être dans ce service ci. Les analyses doivent être encore dans le bâtiment Euzières. J’insiste pour qu’il vérifie, lui donne le numéro de téléphone du bâtiment. Après qu’il ait eu un infirmier au téléphone, je sais que mes analyses sont encore dans le service. Il me dit de demander cette fois à parler à un infirmier pour les obtenir.
 
J’y retourne, cette fois on m’ouvre et je peux monter au premier. L’infirmier ouvre la porte et me dit de patienter là, il va chercher les papiers dans le bureau. Pendant ce temps toujours le même A. S. H. passe, m’interpelle violement en me demandant ce que je fais là et ferme la porte brutalement alors que je ne tentais pas d’entrer.
 
Avant de quitter le site, je passe le long du bâtiment pour voir la fenêtre de la chambre d’isolement, la personne appelle encore. Nous sommes le mardi matin. Puis je repasse devant l’entrée du bâtiment l’A. S. H., toujours le même, est en train de réceptionner les repas. Nous lui faisons remarquer son erreur et lui disons qu’il aurait pu être plus aimable. Il devient agressif et nous menace d’appeler la police pour nous faire évacuer du site.
 

En conclusion ce fut un séjour très traumatisant. Il est très difficile de se défaire de tout cela, je ne peux pas l’oublier. Outre l’ambiance très négative qui ne m’a strictement rien apporté, je pense encore très souvent à cette chambre où il pourrait encore y avoir une personne en train de crier pendant de longues heures. Une patiente revue depuis par hasard en Avril m’a dit que pour elle s’était encore chaque nuit qu’elle y pensait. Qu’en est-il pour les autres. J’ai rencontré aussi un autre Monsieur qui n’en revient toujours pas de ce qu’il a vécu.
 
Il faut absolument que les conditions globales d’accueil : locaux, méthodes thérapeutiques, vie quotidienne, droits des patients de ce service soient examinées au plus près. En qualité d’usagère de la psychiatrie, je ne peux pas accepter que de telles conditions se perpétuent sans qu’il soit envisagé un changement. Je suis conduite à considérer que la seule solution est la fermeture pure et simple de ce service.
 
Ce service d’une très grande importance. Il marque énormément les personnes en séjour, pour la plupart c’est la première hospitalisation en psychiatrie. Elles ressortent avec une impression très négative. Pour en avoir discuté, si une nouvelle hospitalisation se révélait nécessaire, elles seraient conduites à refuser, ce qui pourrait entrainer une nouvelle mesure sous contrainte. Je pense que ce serait aussi mon cas.
 
Concernant le bâtiment, celui-ci devrait être fermé comme l’ont été d’autres anciens de la Colombière et au plus vite. Il faut donc construire un nouveau pavillon, en évitant les erreurs architecturales qui ont été faites dans certains nouveaux pavillons, par exemple « le Littoral ». Dès sa construction, des soignants avaient prévenu qu’il y aurait des problèmes pour la surveillance.
 
Nous sommes au 21° siècle, d’énormes progrès ont été faits sur le plan des thérapeutiques médicamenteuses. Mais nous savons qu’elles ne suffisent pas. Dans le traitement des affections relevant de la psychiatrie, l’accueil, la mise en confiance du patient, donc l’écoute, sont absolument essentielles. Or, dans ce service, ces aspects ne sont pas pris en comptes, pour les patients le séjour est entaché d’une autre souffrance qu’il faut supporter, puis ensuite tenter d’oublier alors que l’on a bien d’autres choses à faire pour se reconstruire.
 
Il serait maintenant nécessaire de le remplacer par un lieu d’accueil adéquat digne d’une psychiatrie moderne répondant aux situations d’urgence au-delà des Urgences psychiatriques de Lapeyronie où il y a très peu de lits.
 
Cette construction doit être adaptée pour être un véritable « sas » permettant à des personnes particulièrement fragiles, puisqu’elles sont placées en obligation de soin. Mais cela ne veut pas dire punir. Cela suppose qu’elles ont besoin de plus d’attention et de moyens, pour réaliser leur processus de soin.
 
En parallèle il faut une approche thérapeutique qui réponde à la spécificité de ses pathologies, qui soit à tous les niveaux de la prise en charge, de qualité.
 
Après une longue réflexion, je m’adresse à vous seulement maintenant, le séjour datant de décembre 2011. D’une part parce que je voulais vraiment prendre du recul. D’autre part, n’ayant jamais eu d’information claire sur les conditions de la mesure d’hospitalisation que j’ai vécu, j’ai demandé le 4 Avril à consulter et faire des copies de mon dossier médical. Je n’ai obtenu un rendez-vous que le 31 Mai dernier.
 
Pour le moment je ne peux pas préciser ma situation pendant ce séjour. Je peux juste citer quelques éléments contenus dans certain document :

  • Un document indique donc hospitalisation sans consentement.
  • Sur un autre (modalité d’admission) deux cases sont cochées : H.D.T. et S.D.T.U. ces initiales sont suivies d’un astérisque(*) renvoyant à une note : *formulaire « droits des patients », signé le : - Apparement il devrait être signé, mais par qui ? Rien n’est rempli à l’emplacement vide.
  • Un troisième document intitulé : ‘ Décision mettant fin à une mesure de soins psychiatriques sur demande médicale’ indique que la mesure de soin a été levé le 19/12/2011 seulement Par le Docteur A. A l’article 3 il est stipulé : « Le Directeur Général du CHRU de Montpellier, hôpital de la Colombière est chargée de l’exécution de la présente décision, dont l’avis sera adressé au Procureur de la République, tribunal de Grande Instance de Montpellier, à la commission départementale des soins psychiatriques. »
  • Il me manque copie du document (jaune) pour savoir au moins ce que l’on m’a fait signer. Lorsque j’ai dit à la personne qui s’occupe du service de consultation des dossiers qu’il n’était pas dans le dossier, elle m’a renvoyée que cela ne venait pas d’elle mais du secrétariat du service concerné. Il a fallu que j’insiste pour qu’elle appelle ce secrétariat qui a répondu qu’elle ne voyait pas de quel document il s’agissait. C’est à moi de fournir plus d’information. Je suis donc obligée de reformuler ma demande qui me semble non seulement légitiment mais aussi légale. Si je n’obtiens pas satisfaction je demanderais l’intervention de la C.A.D.A. (Commission d’accès aux documents administratifs).
     
    Hormis cette difficulté, je suis absolument indignée, voire outrée, que cette mesure d’hospitalisation aie pu être communiqué à des instances judiciaires. Je n’ai pas fait de tentative d’obstruction au soin. En plus pourquoi cette mesure n’a été levée que le 19 Décembre jour de ma sortie, alors que l’entretien dès le vendredi matin avec le Docteur A. a conclu à des soins de gré à gré et une sortie le lundi ? Je trouve cela très abusif car je n’ai commis aucun délit. Je me sens maintenant dans la possibilité que cela se reproduise au moindre problème de santé qui puisse m’arriver. Donc inquiète en permanence. Cela vaut pour moi, mais qu’en est-il pour les autres personnes ?
     
    Je suis très honorée de l’attention que vous porterez à cette communication.
     
     
    Veuillez accepter, Monsieur le contrôleur général, l’expression de ma haute considération.