2012-03-22 - Avis de la CNCDH sur les premiers effets de la réforme des soins psychiatriques sans consentement

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/fvwqS ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/222

Document du jeudi 22 mars 2012
Article mis à jour le 30 août 2020
par  CRPA

Voir également sur notre site l’avis de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) du 31 mars 2011 sur le projet de réforme du Gouvernement devenu loi du 5 juillet 2011 : 2011-03-31 - Avis de la CNCDH sur le projet de loi sur les soins psychiatriques sans consentement .


AFP, Hospitalisation d’office : le juge doit se rendre à l’hôpital

AFP, 29 mars 2012, 16h34

Source : http://www.romandie.com/news/n/_Hos…

PARIS — Les juges qui contrôlent dans quelles conditions des malades sont hospitalisés en psychiatrie sans leur consentement devraient systématiquement se déplacer à l’hôpital même, estime la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), dans un avis publié mercredi.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 5 juillet 2011, les patients internés en psychiatrie à la demande d’un tiers ou du préfet doivent être systématiquement présentés avant le 15e jour de leur hospitalisation à un juge des libertés et de la détention (JLD), qui peut maintenir la mesure, prononcer une mainlevée ou requérir une expertise.

La loi prévoit que les audiences peuvent se dérouler, selon le choix de la juridiction, soit au siège du Tribunal de grande instance (TGI), soit par visioconférence, soit au sein de l’établissement, et le premier bilan établi à la chancellerie fait état d’une proportion d’un quart des audiences se déroulant à l’hôpital, contre les trois quarts au TGI, relève le CNCDH.

Pour la CNCDH, la tenue des audiences à l’hôpital devrait être la règle. La visite du juge à l’hôpital évite en effet une promiscuité regrettable entre malades et délinquants dans les couloirs du palais de justice. Surtout, le magistrat rencontre ainsi le patient sur place et ne se prononce pas uniquement à la lecture d’un dossier. Plus généralement, un regard extérieur se pose ainsi sur l’hôpital psychiatrique.

Quelque 70 000 personnes sont hospitalisées sous contrainte chaque année.

La CNCDH — institution indépendante de promotion des droits de l’Homme, qui assure un rôle de conseil et de proposition auprès du gouvernement — exprime globalement des inquiétudes concernant l’application, ces neuf derniers mois, de la réforme, en relevant notamment qu’un manque de moyens est dénoncé de tous côtés.

Elle évoque aussi un paradoxe : d’un côté, les droits des malades sont renforcés, et cela passe notamment par ce contrôle judiciaire de la privation de liberté ; d’un autre côté, le recours accru à la contrainte est avéré.

Car, selon le document, la réforme intervient dans un contexte de fragilisation de l’organisation territoriale des soins psychiatriques (…), alors que des moyens accrus sont dédiés à la sécurisation des établissements hospitaliers en réponse à des faits divers particulièrement horribles.

Le projet de loi adopté en 2011 avait été initié fin 2008 par Nicolas Sarkozy après le meurtre d’un étudiant à Grenoble par un malade mental qui s’était enfui de l’hôpital.


CNCDH, Avis sur les premiers effets de la réforme des soins psychiatriques sans consentement sur les droits des malades mentaux

Adopté en assemblée plénière le 22 mars 2012

2012-03-22 Avis de la CNCDH Assemblée plénière
Sur la loi du 5 juillet 2011 relative aux soins sans consentement

Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme. Adopté en assemblée plénière le 22 mars 2012

On trouvera ci-joint au format Pdf, le texte intégral de l’avis rendu par la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, sur la loi du 5 juillet 2011, dans son assemblée plénière du 22 mars 2012.

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Nous avons produit les remarques qui suivent concernant cet avis qui, sauf un point, emporte notre adhésion :

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Mail du 3 avril 2012, André Bitton pour le CRPA, à Mme Judith Klein, chargée de mission à la CNCDH

Chère Madame,

À la suite d’une transmission de l’avis du 22 mars dernier de votre Commission (la CNCDH) sur la réforme des soins psychiatriques du 5 juillet dernier, je tiens à vous remercier pour cet avis qui est roboratif pour nous qui luttons, du mauvais côté de la barrière d’ailleurs (côté internés), sur ce terrain, pour instaurer des droits fondamentaux concrets et effectifs pour les personnes psychiatrisées aux prises avec des mesures de contrainte psychiatriques que bien souvent elles contestent sans pouvoir se faire entendre.

Je vous remercie tout particulièrement pour l’attention que vous avez porté à notre QPC transmise par le Conseil d’État le 8 février dernier au Conseil constitutionnel, et qui doit être tranchée à une audience du 10 avril prochain, avec un délibéré sans doute le vendredi 20 avril à venir.

J’attire votre attention sur le seul point de l’avis de votre Commission qui n’emporte pas mon accord : point n° 15, page 4. Je cite : « la CNCDH a néanmoins entendu les arguments en faveur d’un contrôle confié au Juge des tutelles, déjà familier du public hospitalisé en psychiatrie, qui méritent d’être étudiés. ».

En effet, le terrain de la protection tutélaire et celui des garanties apportées à la liberté individuelle, sont deux terrains distincts, qui doivent, à notre sens, le demeurer.

La loi du 3 janvier 1968 sur les majeurs protégés, qui avait remplacé les anciennes dispositions du régime de l’interdiction, avait eu l’immense avantage de séparer le terrain de la protection des personnes au regard de leurs biens et de leur gestion d’eux mêmes au plan civil, de celui de l’internement psychiatrique et donc de la contrainte psychiatrique à proprement parler. Cette loi a été remplacée par la nouvelle législation du 5 mars 2007 sur les tutelles, entrée en vigueur le 1er janvier 2009. En pratique l’apport de la loi de 1968 sur les majeurs protégés avait été de consacrer le fait que l’internement psychiatrique n’entraînait pas du même fait la mise en incapacité civile. C’est à dire l’interdiction faite à l’interné de continuer à gérer ses biens et à se gérer civilement lui même. Or, l’ancienne loi du 30 juin 1838, au contraire, disait bien que toute personne internée comme aliénée était placée d’office sous le régime de l’interdiction avec une gestion de ses biens confiée à l’asile d’aliénés (devenu à partir du Front populaire, l’hôpital psychiatrique). La loi de 1968 constituait bien ainsi un progrès en séparant ces deux plans.

Or, confondre de nouveau ces deux instances et ces deux volets, en un seul juge qui aurait à charge de décider et contrôler, et l’incapacité civile, et les mesures psychiatriques privatives de liberté ou restreignant celles ci, consacrerait de facto un immense retour en arrière, où en même temps que l’on interne, ou place sous programmes de soins, l’on incapacite la personne au plan civil, par une seule et même instance juridictionnelle, alors même qu’il s’agit de deux plans distincts.

Nous sommes donc contre une telle confusion des genres, et pour une distinction stricte entre le volet de la liberté individuelle qui doit être continûment placé sous le contrôle d’un juge civil de grande instance, le JLD nous paraissant particulièrement bien indiqué en la matière — voir le terrain du contrôle de légalité fait par les JLD pour les migrants irréguliers en cours d’expulsion, qui n’est pas non plus de type pénaliste — et celui de la protection tutélaire, où le juge des tutelles, de façon distincte, et sans qu’il puisse se prononcer sur une mesure psychiatrique privative de liberté, est naturellement compétent.

Vous souhaitant bonne réception du présent mail.