2012-02-17 - À Créteil, la justice débordée par l’afflux de patients en psychiatrie (AFP)

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/M4nhz ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/212

Document du vendredi 17 février 2012
Article mis à jour le 28 août 2020
par  CRPA

Voir également de façon connexe sur notre site : 2012-02-02 - Syndicats de magistrats : observations sur l’application de la loi du 5 juillet 2011 .

Ainsi que : 2011-09-15 - Soins sans consentement en psychiatrie : la loi appliquée dans des conditions très difficiles (APM).

Et : 2011-06-28 - Analyse par le CRPA de la nouvelle loi relative aux soins psychiatriques sans consentement.


Source : http://www.romandie.com/news/n/_A_C…

À Créteil, la justice débordée par l’afflux de patients en psychiatrie

AFP, 17 février 2012, 17h46.

CRÉTEIL — Une femme persécutée par sa télé, un agresseur jugé irresponsable, un accès de paranoïa : à Créteil, la justice est débordée par l’afflux de dossiers d’hospitalisations sans consentement, depuis le vote d’une loi qui contraint tribunaux et hôpitaux à une union forcée.

La situation est devenue intenable, dit Bernard Seltensperger, juge des libertés et de la détention (JLD) à Créteil, l’un des tribunaux les plus touchés par la réforme.

Depuis juillet, les patients internés en psychiatrie à la demande d’un tiers ou du préfet doivent systématiquement être présentés avant le quinzième jour de leur hospitalisation à un JLD, qui peut maintenir la mesure, prononcer une mainlevée ou requérir une expertise.

Contestée lors de son adoption, la réforme se heurte aujourd’hui à des obstacles. Certains hôpitaux ne peuvent assurer le transport de patients parfois dangereux vers les tribunaux. De leur côté, des juridictions déjà surchargées croulent sous de nouvelles audiences.

L’application de la loi est chaotique, affirme le député PS Serge Blisko. Ça fonctionne mal dans deux-tiers des cas, ajoute son homologue UMP Guy Lefrand. Les deux élus préparent un rapport parlementaire sur le sujet.

Concernant Créteil, le premier président de la Cour d’appel de Paris Jacques Degrandi a écrit au Garde des sceaux en octobre pour certifier que le tribunal n’était pas en mesure de fonctionner de manière efficiente.

La raison est simple : le Val-de-Marne abrite sept établissements psychiatriques, dont l’un des principaux en France, l’hôpital Paul-Guiraud de Villejuif.

J’ai parfois jusqu’à 17 dossiers par jour, déplore le juge Seltensperger entre deux dossiers.

Ce matin-là, sur les huit cas qui lui sont présentés, le magistrat ne verra que deux personnes. Pour le reste, il se prononcera sur la foi du dossier médical et des observations de l’avocat.

Les juges statuent sans avoir vu les patients. C’est contraire à l’esprit de la loi et aux règles du contradictoire, dit Me Kristel Lepeu qui, avec d’autres confrères, espèrent aller en cassation pour faire préciser la jurisprudence.

C’est au nom du processus de soin que l’hôpital Paul-Guiraud refuse de transférer les patients. La première réaction quand ils arrivent au tribunal c’est « Mais je n’ai rien de fait de mal ». Les conséquences sont imprévisibles, assure son directeur, Henri Poinsignon.

Selon lui, la solution réside dans les audiences foraines, délocalisées dans les hôpitaux, qui ont déjà cours dans certains départements.

C’est totalement inenvisageable à Créteil alors que la réforme se fait pour le moment à moyens constants, analyse Gilles Rosati, le président du tribunal qui songe à utiliser la visio-conférence.

À Créteil, la surcharge d’activité oblige également à quelques subterfuges. Quand les délais de saisine sont dépassés, le juge n’a d’autre choix que de prononcer des mainlevées qu’il faut aussitôt neutraliser par une nouvelle décision d’internement.

Une succession de procédures inhumaines pour des patients en souffrance, dit M. Poinsignon.

À la Chancellerie on assure que la réforme, dictée par le Conseil constitutionnel, constitue un progrès incontestable pour les patients.

On est conscient qu’il faut des moyens supplémentaires mais nous sommes dans une phase transitoire, affirme Bruno Badré, porte-parole du Garde des Sceaux, affirmant que 80 magistrats et 60 greffiers seront recrutés pour faire face à cette réforme.

Subsiste la question de la difficile cohabitation entre justice et hôpitaux. Au départ, le juge avait tendance à confondre un détenu avec un patient, affirme le député Lefrand.

Le juge Seltensperger convient qu’il faut essuyer les plâtres : C’est la première fois qu’un magistrat statue sur le cas d’une personne qui ne demande rien à la justice et à qui rien n’est reproché.