2012-01-10 Projet de décret relatif aux soins ambulatoires sans consentement

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/68OT3 ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/199

Document du mardi 10 janvier 2012
Article mis à jour le 30 août 2020

Voir également : 2012-04-20 Le Conseil constitutionnel censure partiellement la loi du 5 juillet 2011.
 

Ce projet de décret gouvernemental, particulièrement alarmant pour les libertés individuelles des personnes tenues sous contrainte psychiatrique, a prêté lieu à une opposition des syndicats de soignants. Il a été finalement contrecarré par la QPC du CRPA, statuée le 20 avril 2012.


2011-01-10 Projet de décret
relatif à la réinsertion sociale des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques.

Position de l’Union Syndicale de la Psychiatrie (U.S.P.)

Soins sous contrainte en ambulatoire : l’U.S.P. donne l’alerte

Source : http://www.uspsy.fr/spip.php?article1623

Actualités Sociales Hebdomadaires — Numéro 2741 du 13/01/2012
— Sur le terrain — Santé — Page 25. Auteur : N. C.

L’Union syndicale de la psychiatrie (USP) s’insurge contre un projet de décret relatif à l’insertion sociale des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques qui fait suite à la loi du 5 juillet 2011 réformant les soins sans consentement (1). Ce projet de texte concrétise la grande nouveauté de cette loi, à savoir la possibilité de contraindre les patients à se soigner à domicile. Il prévoit qu’une convention (2) définisse les modalités de coopération entre les personnels de l’hôpital prenant en charge le patient et les professionnels des services sociaux et médico-sociaux, afin de définir le projet de réinsertion sociale de la personne. Cette convention doit préciser les principes de leur collaboration en matière d’échange d’informations, de formation et en cas de réadmission des patients en hospitalisation complète.

Ce projet de décret indique aussi que le psychiatre doit informer les professionnels sociaux et médico-sociaux intervenant dans la réinsertion « des caractéristiques du patient ainsi que de ses difficultés et de ses besoins en matière d’insertion sociale », des modifications dans son programme de soins ainsi que des lieux et horaires relatifs aux modalités de sa prise en charge. Pour l’USP, ce texte « organise de nouvelles atteintes au secret médical » et place les médecins « au service du contrôle social ». Ce projet de décret réglemente aussi l’accès au domicile des patients de l’équipe soignante : en cas de refus de la personne d’ouvrir sa porte, le recours aux forces de l’ordre peut être sollicité par l’intermédiaire du directeur d’établissement. Pour l’USP, opposée depuis le début au principe des soins sous contrainte en ambulatoire, ce texte « constitue une atteinte extrêmement grave à la vie privée et à l’inviolabilité du domicile » et fait des soignants des « auxiliaires de police », précise Olivier Labouret, président de l’USP. Considérant que ce projet transforme le droit inconditionnel à une insertion sociale en un droit conditionné à une privation de liberté et à un contrôle social, l’USP exige son retrait.

Notes

(1) Entrée en vigueur le 1er août dernier. — Voir ASH n° 2719-2720 du 22-07-11, p. 5.

(2) Conclue entre le directeur de l’établissement de santé, le préfet de département, les représentants des collectivités territoriales et leurs groupements compétents sur les territoires de santé et le directeur de l’agence régionale de santé.


Communiqué du Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire

Source : http://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=3020

La logique sécuritaire des « soins » sans consentement en ambulatoire enfin explicitée par le gouvernement

10 janvier 2012

Dans un projet de décret de trois ministères (Intérieur, Santé et Cohésion sociale), la logique des « soins sans consentement en ambulatoire » nommés « soins psychiatriques sous la forme mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1 » par la loi du 5 juillet 2011 se précise.

Nos analyses concernant le contrôle social des personnes soumises à ce régime de « soins » sont clairement explicitées dans ce projet de décret (cf. l’annexe). Bien loin des discours rassurants sur l’atteinte aux libertés fondamentales prononcés lors du vote de la loi, le registre sécuritaire, sous couvert de permettre la réinsertion sociale, est entériné.

Sous prétexte d’une convention devant « définir le cadre global d’une prise en charge et un accompagnement de qualité en matière de réinsertion sociale des patients faisant l’objet de soins psychiatriques sous la forme mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1 », il est imposé aux patients une levée du secret médical (Art. R. 3222-11) : « Les professionnels sociaux et médico sociaux intervenants dans la réinsertion sont informés des lieux et des horaires des différentes modalités de prise en charge mentionnées dans le programme de soins ».

Nous rappelons à l’ensemble des professionnels que la mise en place de tels « soins » n’est en rien obligatoire quand les personnes hospitalisées sans leur consentement sortent « définitivement » de l’hôpital. Ainsi est-il nécessaire de s’efforcer, pendant l’hospitalisation, à transformer les « soins sous la contrainte » en soins libres.

Il appartient aux équipes de travailler le consentement et l’alliance thérapeutique dans le temps de l’hospitalisation. En aucun cas la contrainte légale ne peut se substituer à la relation thérapeutique, sauf à croire qu’il n’y a que la loi pour soigner les patients.

Nous, Collectif des 39, appelons de nouveau l’ensemble des équipes de psychiatrie à refuser la mise en place de tels « soins » pour les patients, une fois leur sortie de l’hôpital actée.

Nous appelons d’emblée au retrait de ce projet de décret levant le secret médical et qui, sous prétexte d’assurer une réinsertion pour les patients soignés « sans leur consentement », organise de fait leur stigmatisation dans l’espace démocratique accordé à tout citoyen en situation de précarité

Journée d’action des 39, le samedi 17 mars 2012 à Montreuil, "La Parole Errante à la Maison de l’Arbre", 9 rue François-Debergue, 93100 Montreuil-sous-Bois, Métro Croix-de-Chavaux (ligne 9).


Communiqué du Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux (S.P.H.)

Source : http://www.sphweb.info/spip.php?article935

Les mauvaises manières ministérielles pour traiter la psychiatrie

Mercredi 11 janvier 2012.

La loi du 5 juillet 2011, mauvaise réforme de la loi du 27 juin 1990 sur les soins sans consentement, n’a pas fini de produire ses effets : le décret d’application prévu à l’article L. 3222-1-2 du Code de la Santé Publique que s’apprêtent à publier les ministères de la Santé et de l’Intérieur contre l’assentiment des professionnels masque, derrière l’affichage de la réinsertion sociale, une extension de la visée sécuritaire.

L’atteinte au secret professionnel devenue la règle dans les lois et projets de lois ayant trait aux soins psychiatriques s’y trouve une nouvelle fois formalisée en prévoyant une diffusion obligatoire, sous contrôle des autorités administratives, d’éléments du suivi médical des patients.

Alors que le ministère de la santé avait consacré l’année 2011 au rappel de l’obligation de confidentialité comme un principe général et un des droits des patients, les usagers de la psychiatrie en sont exclus. Et comme la défiance envers les patients s’applique en psychiatrie à ceux qui les soignent, la multiplication des pièces administratives vient s’ajouter à l’amoncellement de celles déjà prévues dans la loi. Jusqu’à joindre à l’addition des protocoles une réglementation même des réunions entre partenaires des prises en charge, comme si les principes élémentaires du soin psychiatrique devaient leur être dictés.

Cette nouvelle intrusion bureaucratique dans les soins psychiatriques n’a donc rien à voir avec son titre trompeur de "réinsertion sociale" des patients mais réglemente les restrictions des libertés et en fait l’affaire des préfets, puisque le contrôle par le juge introduit dans la loi par le Conseil constitutionnel n’a pas été étendu aux soins ambulatoires.

Le ministère poursuit ainsi délibérément les réformes structurelles en psychiatrie uniquement dans une optique de sécurité en refusant de mettre en place les conditions organisationnelles d’une véritable politique de prévention et de soins. Après la lourdeur de la loi du 5 juillet 2011, c’est un simple plan de santé mentale qu’il s’apprête à lancer au lieu de la loi d’orientation de santé mentale que les professionnels réclament pour encadrer la multiplicité des missions de la psychiatrie et favoriser leur coordination avec les différents secteurs de la société.

Pourtant, les deux rapports sur l’évaluation du précédent plan santé mentale que le Haut Comité de la Santé Publique et la Cour des comptes viennent de rendre publics appellent à la redéfinition d’un cadre de niveau national pour les missions et l’organisation de la psychiatrie et dénoncent l’incapacité du plan comme outil de politique publique à le promouvoir, en soulignant bien que les spécificités de la psychiatrie n’ont pas été prises en compte dans les dernières réformes sanitaires.

Malgré les clignotants au rouge et les rapports successifs sur la santé mentale, le ministère de la Santé continue ainsi à aller d’occasions manquées en procédures inefficaces, d’économies de réflexions en saupoudrages dispersés, pour privilégier les raccourcis sécuritaires et les contraintes bureaucratiques. C’est un mauvais pari pour donner à la psychiatrie les conditions de jouer véritablement son rôle dans l’enjeu de santé publique que constitue la santé mentale.


Projet de Décret

Décret n° … du …
relatif à la réinsertion sociale des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques.

NOR : […]

Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre du travail, de l’emploi et de la santé,
Vu le code de la santé publique, notamment son article L.3222-1-2 ;
Vu l’avis de la commission consultative d’évaluation des normes ;
Le Conseil d’État (section sociale) entendu,

Décrète :

Article 1er

Au sein du chapitre II du titre II du livre II de la troisième partie du code de la santé publique, il est inséré une section ainsi rédigée :

« Section II Réinsertion sociale des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sans leur consentement.

Art. R.3222-10 — En application de l’article L.3222-1-2, le directeur de l’établissement de santé conclut des conventions avec le préfet de département ou, à Paris, le préfet de police, les représentants des collectivités territoriales et leurs groupements compétents sur les territoires de santé correspondants et le directeur général de l’agence régionale de santé.

Ces conventions ont pour but de définir le cadre global d’une prise en charge et un accompagnement de qualité en matière de réinsertion sociale des patients faisant l’objet de soins psychiatriques sous la forme mentionnée au 2° de l’article L. 3211-2-1. Elles définissent les modalités de coopération entre les personnels de l’établissement prenant en charge le patient, les personnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux et les services territoriaux d’assistance sociale afin de préciser les conditions d’organisation des réponses des différents acteurs sur un territoire déterminé et les procédures à mettre en œuvre en cas d’urgence. Ces conventions assurent la coordination des coopérations ainsi définies avec les actions de soutien et d’accompagnement des familles et des aidants des patients menées par l’établissement de santé et les associations mentionnées à l’article L.3221-4-1.

Ces conventions précisent pour chacun des services placés sous l’autorité des signataires les principes et modalités de leur collaboration en matière d’échanges d’information, de formation et en cas de réadmission des patients en hospitalisation complète.

La modalité de mise en œuvre de la convention peut être précisée dans un protocole individuel relatif à un patient. Ce protocole constitue une pièce du dossier médical du patient.

Art. R.3222-11 — Les conventions précisent les modalités des échanges d’information prévus à l’article R.3222-10 intervenants, sauf en cas d’urgence due notamment à la levée de l’hospitalisation complète par le juge des libertés et de la détention avant la définition du programme de soins du patient et pendant l’exécution de ce programme de soins.

Avant l’établissement du programme de soins, le psychiatre prenant en charge le patient informe les professionnels sociaux et médico-sociaux intervenant dans la réinsertion de la prochaine modification de la prise en charge du patient, des caractéristiques du patient ainsi que de ses difficultés et de ses besoins en matière de réinsertion sociale.

Pendant le suivi du programme de soins, l’équipe soignante, les professionnels sociaux et médico-sociaux intervenant dans la réinsertion organisent des échanges réguliers sur la réinsertion sociale du patient et sur son évolution, afin de favoriser la continuité de la prise en charge, d’éviter les situations de crise et les ré hospitalisations à temps complet en urgence. Le protocole établi pour un patient indique la procédure à suivre en cas d’urgence.

Les professionnels sociaux et médico-sociaux intervenant dans la réinsertion sont informés des lieux et des horaires des différentes modalités de prise en charge mentionnées dans le programme de soins

Art. R.3222-12 — Les conventions prévoient que les équipes soignantes, les professionnels sociaux et médico-sociaux intervenant dans la réinsertion définissent leurs besoins communs et spécifiques en formation, notamment en matière de connaissances des pathologies mentales, de soins sans consentement, de dispositifs pour la réinsertion sociale.

Art. R.3222-13 — Sans préjudice des dispositions de l’article L.3222-1-1A, les conventions précisent les conditions dans lesquelles le patient en programme des soins est ré hospitalisé à temps complet, les organisations mises en place et les missions de chaque professionnel concerné pour :

— le transport du patient, du lieu où il se trouve vers l’établissement de santé, par l’équipe soignante éventuellement escortée par les forces de police ou de gendarmerie requises par le préfet de département ou, à Paris, le préfet de police lorsque le patient présente un risque d’atteinte grave à l’ordre public résultant de sa dangerosité particulière attestée par un certificat ou un avis médical.

— l’accès au domicile du patient par l’équipe soignante. En cas de refus réitéré du patient de laisser le libre accès à son domicile, et après que l’équipe soignante a tenté d’obtenir l’assentiment du patient d’accéder à son domicile, le recours aux forces de l’ordre peut être sollicité par l’intermédiaire du directeur d’établissement saisi par l’équipe soignante. Les forces de police ou de gendarmerie requises par le préfet de département ou, à Paris, le préfet de police interviennent lorsque les troubles mentaux du patient compromettent sa sécurité etla sureté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public.

Art. R.3222-14 — Les conventions mentionnées à l’article R.3222-10 sont signées pour une durée d’un an, renouvelable par tacite reconduction. Leur application fait l’objet d’une évaluation annuelle conduite par l’établissement de santé avec l’ensemble des signataires de la convention. Cette évaluation est établie à partir d’une liste minimale d’indicateurs validés par l’agence régionale de santé et relatifs au projet de réinsertion sociale du patient, à la formation des professionnels concernés, et aux réadmissions en hospitalisation complète.

Les conventions et leurs avenants sont publiés au bulletin des actes administratifs de la préfecture du département dans lequel l’établissement de santé initiateur de la convention a son siège.

Article 2

Le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités locales et de l’immigration, le ministre du travail, de l’emploi et de la santé, la ministre des solidarités et de la cohésion sociale et la secrétaire d’État auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé chargée de la santé sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Le
Par le Premier ministre :
Le ministre du travail, de l’emploi et de la santé
Xavier BERTRAND
Le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités locales et de l’immigration
Claude GUÉANT
La ministre des solidarités et de la cohésion sociale
Roselyne BACHELOT-NARQUIN
La secrétaire d’État auprès du ministre du travail, de l’emploi et de la santé, chargée de la santé
Nora BERRA