2011-08-01 (Le Monde) La réforme de la loi sur la psychiatrie entre en vigueur, dans un climat de fronde

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/SYODb ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/144

Document du lundi 1er août 2011
Article mis à jour le 28 août 2020
par  A.B.

Le C.R.P.A. appelle à la signature en ligne de cette Déclaration, sur le site : www.maiscestunhomme.org

Nous précisons que le CRPA participe du Collectif « Mais c’est un Homme ».

Également de ce Collectif la déclaration du 12 juin 2011 :
Psychiatrie : Faisons du 15 juin 2011 une JOURNÉE de REFUS du Projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et à leurs modalités de prise en charge (2011-06-12 - 15 juin 2011, journée de refus du projet de réforme des soins psychiatriques contraints).


Déclaration d’entrée en résistance, Collectif « Mais c’est un Homme »

Message introductif par Gislhaine Rivet, pour la Ligue des Droits de l’Homme :

« Cher(e)s ami(e)s,

La loi relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge est entrée en vigueur le 1er août 2011.

Cette loi complexe impose la contrainte à tous, aux acteurs de santé comme aux patients. Le manque de moyen humain ou matériel, ajoute encore un peu plus d’incohérence à ce texte.

Face à l’ampleur de cette déconstruction du soin et de l’éthique, et afin de dénoncer cette loi et ses insoutenables déclinaisons, la Ligue des droits de l’Homme vous invite à signer la « Déclaration du 1er août - Citoyenneté, liberté, psychiatrie » lancée par le Collectif Mais c’est un Homme. Ce, afin que l’ensemble des professionnels sanitaires, sociaux ou judiciaires puissent promouvoir la dignité humaine au travers de chacune de leur action.

Vous trouverez ci-dessous la « Déclaration du 1er août 2011 — Citoyenneté, liberté, psychiatrie » avec la liste des premiers signataires. Cette déclaration est ouverte à la signature sur le site « Mais c’est un Homme » :
http://www.maiscestunhomme.org/

Bien cordialement

Gislhaine Rivet
Membre du Bureau national de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) et responsable du groupe de travail LDH Santé, bioéthique. »

« Déclaration du 1er août 2011

Citoyenneté, liberté, psychiatrie :
déclaration d’entrée en résistance

La loi du 5 juillet 2011 relative « aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et à leurs modalités de prise en charge » et ses décrets d’application entrent en vigueur. Le mouvement fort de lutte contre cette loi peut et doit se poursuivre après sa promulgation.

Cette loi — dans la même veine que celles sur les étrangers, l’immigration, la récidive, la rétention de sûreté, la justice des mineurs, la sécurité intérieure, etc. — participe des atteintes considérables portées aux libertés et aux droits sociaux. Elle organise la surveillance sociale des vulnérables et précaires stigmatisés en « classes dangereuses ». À l’exemple du fichage généralisé de tout fauteur de trouble et mauvais élève potentiel, elle ouvre même un « casier psychiatrique » des « malades mentaux », sans véritable « droit à l’oubli ».

Cette loi est fondamentalement inacceptable car elle impose la contrainte et le contrôle social comme organisation du soin en psychiatrie, de l’hôpital au domicile, sous la nouvelle appellation aberrante de soins sans consentement. La position soignante dans sa qualité relationnelle y est dégradée en « expertise de dangerosité », ce qui aggrave la situation actuelle faite de souffrance psychique et de désillusions dans de nombreuses équipes, avec pour résultat d’amplifier les errements de sens du soin à domicile.

L’« entrée » en observation et soin se fera désormais par une garde à vue psychiatrique de 72 heures, sans même les garanties arrachées récemment dans le cas de la garde à vue policière.

La psychiatrie contemporaine a remis en cause significativement le grand renfermement. Les luttes organisées par les professionnels, les usagers, les militants des droits de l’homme ont obtenu le développement des droits et mis en cause la légitimité de l’enfermement et du statut d’exception du « fou ».

Nous n’acceptons pas que la psychiatrie et la santé mentale soient embrigadées comme faisant partie des polices de la société. Nous récusons la politique de la peur.

Faisant fi de tout débat sur l’obligation de soin et le droit au refus de traitement, le pouvoir impose des dits « soins sans consentement » jusqu’au domicile : assignation à résidence, programme de soins imposé et appelé à fonctionner sur le mode du chantage ou du marchandage, traitements médicamenteux contraints y compris à domicile, géolocalisation, etc. Nous dénonçons l’hypocrisie du législateur et la duperie de la loi : un véritable soin psychique ne peut se concevoir sans le consentement.

À cette orientation répulsive donnée au soin psychiatrique s’adjoignent les effets et conséquences de la logique entrepreneuriale et de la casse du service public. Nous refusons le type de moyens supplémentaires attribués après le discours d’Antony de décembre 2008 pour « sécuriser ». Nous exigeons une orientation et des moyens qui relancent la psychiatrie de secteur, assurent et pérennisent les pratiques fondées sur l’éthique de la complexité, du prendre soin, de l’accueil, de l’hospitalité, du rôle des tiers sociaux et familiaux, de l’accompagnement, d’une réelle réhabilitation, …

Pour en former contours et contenus, nous sommes favorables à un débat national dont l’objet soit :

— L’abrogation de la loi du 27 juin 1990 et celle du 5 juillet 2011. La nécessité d’une loi qui en finisse avec l’exception psychiatrique et qui relève du soin psychique bien conçu articulé au droit commun : c’est-à-dire de l’autorisation et du contrôle du juge civil.

— La mise en chantier d’une loi programmatique pour une psychiatrie démocratique dont l’objet et l’éthique sont proposés dans notre manifeste initial, qui soit à l’opposé des gouvernances de mise au pas gestionnaire dont sont représentatifs les plans de santé mentale actuels et annoncés.

Il nous faut débattre, mais il nous faut également agir. Nous ne devons respecter les lois que si elles-mêmes respectent le droit, en l’occurrence les libertés individuelles et l’intimité de la vie privée. La loi, qui dans la tradition est libératrice, est désormais un instrument du contrôle social. Elle formate, arrêtés et certificats à l’appui. La tradition de désobéissance civile, c’est depuis 1789 de s’opposer aux lois, mais c’est aussi désormais de combattre la loi par le droit. L’application servile de la loi ne créerait pas seulement l’injustice ou l’aberration psychiatrique ; elle créerait l’illégalité. La loi est celle d’une majorité conjoncturelle, mais le droit, construit dans le temps, est l’œuvre de tous. Où allons nous ? Vers ce qui n’est pas écrit, et seule la radicalité de l’analyse permet de s’extirper des modèles bien-pensants, déjà prêts à nous ensevelir.

Dans l’immédiat et à cette date du premier août qui marque l’entrée en vigueur de la loi, nous proposons un plan d’action et de résistance éthique :

— Le refus des psychiatres et des soignants, dans la mesure du possible, de mettre en place des mesures de contrainte. Et notamment, le refus des collectifs soignants de tout programme de « soin contraints » à domicile contraires à la déontologie et aux droits fondamentaux. De même, il faut opposer un refus de tout avis médical sans avoir pu examiner le patient.

— La saisie systématique du juge des libertés, le patient devant être entendu hors visioconférence.

— Le développement de l’information, notamment lors des 72 heures, afin que les personnes ne tombent pas dans la trappe psychiatrique que cette loi organise, mais accèdent aux soins psychiques auxquelles elles ont droit.

— Le soutien des recours et défenses des patients soumis à ces « soins sans consentement », y compris les QPC qui ne manqueront de survenir. La création d’un collectif d’avocats et de juristes sera essentielle en ce sens.

— La construction d’un observatoire national de suivi de l’application de cette loi qui assure le recueil de données, l’alerte aux droits des personnes soumises aux « soins sans consentement », qui rapporte au législateur, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, à la Commission nationale consultative des droits de l’homme et au public les atteintes aux droits de l’homme et à l’éthique du soin psychique.

Nous sommes et demeurerons mobilisés pour concrétiser une œuvre de démocratie et de professionnalités.

Mais c’est un Homme
Contact : Claude Louzoun
claude.louzoun chez wanadoo.fr

Organisations signataires membres du collectif “Mais c’est un Homme” :

Advocacy France — Les Alternatifs — Alternative Libertaire — Association Analyser — AMUF : Association des Médecins Urgentistes de France — ATTAC — CRPA : Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la psychiatrie — Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité — Convergence nationale des collectifs de défense et de développement des services publics — EELV : Europe Écologie Les Verts — FASE : Fédération Alternative Sociale et Écologique — Handi-Social — LDH : Ligue des Droits de l’Homme — NPA : Nouveau Parti Anticapitaliste — PCF : Parti Communiste Français — PG : Parti de Gauche — République et Socialisme — Solidaires — SUD santé sociaux — SNPES PJJ/FSU — Syndicat de la Magistrature — USP : Union Syndicale de la Psychiatrie.

Pour rappel nous joignons à cette déclaration notre appel constitutif :
Mais c’est un Homme — l’Appel contre les soins sécuritaires.
Lien vers cet appel : http://www.maiscestunhomme.org/
 »

Premiers signataires individuels :

— Étienne Adam, travailleur social retraité, membre de l’exécutif de la FASE
— Michel Antony, président de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité
— Maryse Artiguelong, secrétaire générale adjointe de la Ligue des droits de l’Homme
— André Bitton, CRPA : Cercle de Réflexion et de propositions d’actions sur la psychiatrie
— Éric Bogaert, psychiatre, Carcassonne, USP
— Pascal Boissel, psychiatre
— Paul Brétécher, psychiatre, Corbeil-Essonnes
— Robert Castel, sociologue, directeur de recherches émérite à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales
— Christian Celdran, ATTAC conseil scientifique et commission santé - Protection sociale
— Alain Chabert, psychiatre, Chambéry, USP
— Claude Claverie, psychiatre, collectif des Journées de psychothérapie institutionnelle
— Bernard Defaix, militant pour le service public
— Nadia Doghramadjian, secrétaire générale adjointe de la Ligue des Droits de l’Homme
— Jean-Pierre Dubois, président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme
— Françoise Dumont, enseignante, vice-présidente de la Ligue des Droits de l’Homme
— François-R. Dupond Muzart, président d’Association Analyser
— Bernard Durand, psychiatre, président de la Fédération d’Aide à la Santé Mentale Croix Marine
— Martine Dutoit, Advocacy France
— Hélène Franco, membre du bureau national du Parti de Gauche, responsable de la commission nationale Justice et Libertés
— Claire Gekiere, psychiatre, Savoie
— Dominique Guibert, secrétaire général de la Ligue des droits de l’Homme
— Tiphaine Inglebert, secrétaire générale adjointe de la Ligue des Droits de l’Homme
— Yves Jardin, président de de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité Région Bretagne
— Catherine Jouanneau, secrétaire nationale du Parti de Gauche à la santé
— Annick Kouba, psychologue clinicienne, Clichy-sous-Bois
— Olivier Labouret, psychiatre, Auch, président de l’USP
— Jean-Claude Laumonier, cadre-infirmier en psychiatrie (retraité), commission nationale santé du NPA
— Henri Leclerc, avocat, président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme
— Claude Louzoun, psychiatre, Paris, USP
— Jean-Pierre Martin, psychiatre, Paris, USP
— Odile Maurin, présidente d’Handi-social
— Bernard Meile, vice-président d’Advocacy France
— Jean-François Mignard, membre du Bureau National de la Ligue des Droits de l’Homme
— Françoise Nay, vice-présidente de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité
— Jean-Pierre Olié, professeur de psychiatrie, Paris
— Pierre Paresys, psychiatre, Lille, USP
— Patrick Pelloux, président de l’AMUF : Association des médecins urgentistes de France
— Philippe Pineau, membre du bureau national de la Ligue des Droits de l’Homme
— Vincent Rebérioux, vice-président de la Ligue des Droits de l’Homme ;
— Gislhaine Rivet, membre du bureau national de la Ligue des Droits de l’Homme
— Malik Salemkour, vice-président de la Ligue de droits de l’Homme
— Michel Savy, membre du Bureau national de la Ligue des Droits de l’Homme
— Évelyne Sire-Marin, magistrate, vice-présidente de la Ligue des Droits de l’Homme
— Mylène Stambouli, membre du bureau national de la Ligue des Droits de l’Homme
— Henri-Jacques Stiker Rédacteur en chef de la revue ALTER, European Journal of Disability Research, directeur de recherches, Laboratoire ICT, Université Denis-Diderot, Paris 7
— Pierre Tartakowsky, président de la Ligue des Droits de l’Homme
— Anne Teurtroy, Les Alternatifs
— Michel Tubiana, président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme
— Bruno Valentin, secrétaire national à la santé de République et Socialisme
— Jean Vignes, Sud santé sociaux
— Jean Claude Vitran, trésorier national de la Ligue des Droits de l’Homme
— Élisabeth Weissman, journaliste


Article du Monde relatif à la Déclaration

LEMONDE.FR | 01.08.11 | 18h00

En dépit de l’opposition de la majorité des professionnels du secteur, la réforme de la loi sur l’internement psychiatrique sans consentement légal est entrée en vigueur, lundi 1er août [2011]. Promulguée le 5 juillet, cette réforme, qui autorise notamment les soins sans consentement à domicile, est dénoncée comme un texte « sécuritaire » par l’opposition et l’ensemble des syndicats de psychiatres.

Dans plusieurs tribunes publiées dans Le Monde et sur Le Monde.fr, des professionnels avaient en effet expliqué leur mécontentement, exprimant leur « profonde inquiétude » quant aux dérives sécuritaires possibles. Des collectifs de psychiatres se sont d’ailleurs formés en opposition à cette loi, tel le « collectif des 39 contre la nuit sécuritaire », qui juge la loi « absurde, incohérente et inapplicable ».

Le texte, qui instaure deux changements majeurs, pose en outre un problème d’applicabilité. La première évolution prévoit l’élargissement de l’obligation de se soigner pour les malades qui ne peuvent y consentir librement. Après au maximum 72 heures d’observation, un patient peut se voir prescrire soit une hospitalisation complète, soit un « programme de soins », qui réside dans une hospitalisation partielle ou des soins à domicile.

« UNE LOI TRÈS COMPLIQUÉE À METTRE EN ŒUVRE »

La deuxième évolution a été ajoutée à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité et consiste en l’obligation d’instaurer une audience auprès d’un juge des libertés et de la détention (JLD), qui contrôlera le bien-fondé de l’internement. Cette décision, plutôt saluée par le secteur de la psychiatrie, pose néanmoins des difficultés. « C’est une loi très compliquée à mettre en œuvre, et l’échéance tombe alors que médecins, infirmiers, juges et greffiers sont en vacances », a ainsi résumé Joseph Halos, président de l’Association des établissements participant au service public en santé mentale (Adesm) auprès du Monde (lire l’article).

Pour des raisons pratiques, il est notamment possible que les audiences devant le JLD se déroulent en visioconférence, une option très fortement critiquée, entre autres par le collectif « Mais c’est un homme » qui souhaite purement et simplement l’abrogation de cette loi.

« UN PLAN D’ACTION ET DE RÉSISTANCE ÉTHIQUE »

Ce collectif, composé notamment de plusieurs partis politiques d’opposition (Europe Écologie-Les Verts, le Parti de Gauche, le Parti communiste français) ainsi que du Syndicat de la magistrature, a publié ce lundi un communiqué dans lequel il se déclare désormais « en résistance ». « Le mouvement fort de lutte contre cette loi peut et doit se poursuivre après sa promulgation », écrivent les signataires, estimant que la loi est « fondamentalement inacceptable car elle impose la contrainte et le contrôle social comme organisation du soin en psychiatrie, de l’hôpital au domicile, sous la nouvelle appellation aberrante de soins sans consentement ».

Le collectif se dit « favorable à un débat national » sur le sujet et, en attendant, propose « un plan d’action et de résistance éthique » consistant principalement à désobéir à certains points de la nouvelle loi, tel que la mise en place des mesures de contraintes et suggère le « soutien des patients soumis à ces ‹ soins sans consentement › ». Les signataires proposent à cet effet la création d’un « collectif d’avocats et juristes ». « L’application servile de la loi ne créerait pas seulement l’injustice ou l’aberration psychiatrique ; elle créerait l’illégalité », estime encore le collectif, justifiant son appel à la « désobéissance civile ».

Le Monde.fr


Article du Quotidien du Médecin relatif à la Déclaration