2011-07-26 Le Conseil d’État annule le décret du 20 mai 2010 relatif à la procédure de mainlevée sur HSC

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/W7L0V ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/141

Document du mardi 26 juillet 2011
Article mis à jour le 27 août 2020
par  CRPA, A.B.

Résumé de cet arrêt du Conseil d’État :

« Article 1er : Le décret n° 2010-526 du 20 mai 2010 est annulé en tant qu’il n’a pas prévu l’audition obligatoire d’un avocat, le cas échéant désigné d’office, en cas d’impossibilité de procéder à l’audition de la personne hospitalisée sans son consentement. »

Voir sur ce même sujet la dépêche de l’APM du 27 juillet 2011 : 2011-07-27 APM • Hospitalisation sous contrainte : le Conseil d’État annule un décret, obsolète au premier août 2011 .

Note d’André Bitton, pour le CRPA

On notera tout d’abord que ce contentieux a été déclenché par moi même l’été 2010, alors que j’exerçais la présidence du Groupe Information Asiles. Je constatais que ce décret du 20 mai 2010, qui certes a permis de donner à la procédure de demande de mainlevée d’internement son caractère de procédure de référé, permettait également de revenir sur un certain nombre d’acquis de droit importants, tel le droit entier d’accès au juge sans qu’il puisse être question d’un empêchement réglementaire de l’interné à son audience en demande de mainlevée pour raisons médicales, mais aussi sur le fait que les pièces de l’hospitalisation sans consentement montant de l’hôpital au greffe du JLD qui étaient jusque là communicables par copies et consultables, ne sont plus guère que consultables à l’instar de ce qui se passe dans les procédures devant les greffes des juges des tutelles, où les expertises psychiatriques co-décidant les mesures de protection sont seulement consultables et non communicables par copies au concerné.

Par ailleurs, si le Gouvernement, dans sa réforme du 5 juillet 2011 relative aux soins psychiatriques, anticipait cette censure en adoptant un article L. 3211-12-2 qui dispose : « si, au vu d’un avis médical, des motifs médicaux font obstacle, dans son intérêt, à son audition, la personne est représentée par un avocat choisi ou, à défaut, commis d’office », c’était, à l’évidence, pour contrer une censure à intervenir dans un contentieux déjà pendant, dont les conséquences auraient pu être plus amples qu’elles ne le sont.

Cet arrêt nous donne néanmoins quelques moyens pour contester des entraves aux audiences devant les Juges des libertés et de la détention, sur des certificats médicaux que les intéressés pourraient contester, estimant qu’ils doivent pouvoir être audiencés et se faire entendre de leur juge sans une contre indication médicale.


Arrêt

Lien vers cet arrêt sur le site du Conseil d’État :
http://arianeinternet.conseil-etat….

CE Requete GIA c/ Décret 20 mai 2010
Conseil d’État, droit à l’avocat (CEDH)

Conseil d’État

N° 341555

Inédit au recueil Lebon

1re et 6e sous-sections réunies

M. Jacques Arrighi de Casanova, président
M. Pascal Trouilly, rapporteur
Mme Maud Vialettes, rapporteur public

Lecture du mardi 26 juillet 2011

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2010, présentée par l’ASSOCIATION GROUPE INFORMATION ASILES, dont le siège est 14, rue des Tapisseries à Paris (75017), représentée par son président en exercice ; l’association demande au Conseil d’État :

1. — d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2010-526 du 20 mai 2010 relatif à la procédure de sortie immédiate des personnes hospitalisées sans leur consentement prévue à l’article L. 3211-12 du code de la santé publique, en tant qu’il a introduit dans le code de la santé publique le sixième alinéa de l’article R. 3211-5 et le deuxième alinéa de l’article R. 3211-8 ;

2. — de mettre à la charge de l’État la somme de 2000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
— le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,
— les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 3211-12 du code de la santé publique : Une personne hospitalisée sans son consentement ou retenue dans quelque établissement que ce soit, public ou privé, qui accueille des malades soignés pour troubles mentaux, son tuteur si elle est mineure, son tuteur ou curateur si, majeure, elle a été mise sous tutelle ou en curatelle, son conjoint, son concubin, un parent ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt du malade et éventuellement le curateur à la personne peuvent, à quelque époque que ce soit, se pourvoir par simple requête devant le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance du lieu de la situation de l’établissement qui, statuant en la forme des référés après débat contradictoire et après les vérifications nécessaires, ordonne, s’il y a lieu, la sortie immédiate. / Une personne qui a demandé l’hospitalisation ou le procureur de la République, d’office, peut se pourvoir aux mêmes fins. / Le juge des libertés et de la détention peut également se saisir d’office, à tout moment, pour ordonner qu’il soit mis fin à l’hospitalisation sans consentement. À cette fin, toute personne intéressée peut porter à sa connaissance les informations qu’elle estime utiles sur la situation d’un malade hospitalisé. ; qu’aux termes de l’article L. 3211-13 du même code : Les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées en tant que de besoin par décret en Conseil d’État ;

Considérant, en premier lieu, que le décret attaqué, pris pour l’application de l’article L. 3211-12 du code de la santé publique, introduit dans ce code un article R. 3211-5 précisant certains éléments de la procédure suivie devant le juge des libertés et de la détention ; que le sixième alinéa de cet article dispose : L’avis d’audience indique que les pièces mentionnées aux 1° à 5° de l’article R. 3211-3 peuvent être consultées au greffe du tribunal sans qu’il soit possible d’en prendre copie et que la personne hospitalisée peut y avoir accès dans l’établissement où elle séjourne, dans le respect, s’agissant des documents faisant partie du dossier médical, des prescriptions de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique. ;

Considérant que les pièces mentionnées aux 1° à 5° de l’article R. 3211-3 correspondent à une copie de la demande d’admission, lorsque l’admission a été effectuée à la demande d’un tiers, à une copie de l’arrêté pris par le préfet lorsque l’hospitalisation a été ordonnée par le préfet, à une copie de la décision juridictionnelle ayant ordonné l’hospitalisation ainsi que de l’expertise mentionnées à l’article 706-135 du code de procédure pénale, au plus récent des arrêtés préfectoraux ayant maintenu l’hospitalisation et à une copie des certificats et avis médicaux, notamment de ceux au vu desquels l’hospitalisation a été décidée et maintenue ; que les dispositions contestées du sixième alinéa de l’article R. 3211-5 sont, par elles-mêmes, sans incidence sur la procédure suivie devant la juridiction administrative ; que doit, par suite, être écarté le moyen tiré de ce que, dans la mesure où, en excluant la possibilité d’obtenir une copie des pièces relatives à la décision d’hospitalisation sous contrainte, elles interdiraient à la personne hospitalisée de former régulièrement et utilement devant le juge administratif un recours pour excès de pouvoir contre cette décision, elles méconnaîtraient le droit de toute personne privée de sa liberté d’introduire un recours devant un tribunal, garanti par les stipulations de l’article 5 §4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que les stipulations de l’article 6 §1 de la même convention ;

Considérant, en second lieu, que le deuxième alinéa de l’article R. 3211-8 du code de la santé publique, issu du même décret et relatif au déroulement de l’audience devant le juge des libertés et de la détention, dispose : Le juge entend la personne hospitalisée sauf si son audition est de nature à porter préjudice à sa santé. Dans ce cas, le juge peut, par décision motivée, sur l’avis du médecin de l’établissement et, le cas échéant, de l’expert qu’il a désigné, décider qu’il n’y a pas lieu d’y procéder ;

Considérant que, si ces dispositions n’excluent l’audition de la personne hospitalisée que dans l’hypothèse où cette audition porterait préjudice à sa santé, si elles assortissent de garanties médicales la décision du juge ne pas procéder à cette audition et si l’article R. 3211-5 prévoit que la personne hospitalisée est avisée de son droit de choisir un avocat ou de demander au juge d’en désigner un d’office, il appartenait au pouvoir réglementaire de préciser, parmi les modalités d’application de l’article L. 3211-12 du code de la santé publique qu’il lui incombait de définir, que les personnes hospitalisées sans leur consentement devaient, dans tous les cas, compte tenu de leur situation particulière, être entendues personnellement ou par l’intermédiaire d’un avocat, afin d’assurer le respect des garanties découlant de l’article 5 §4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’ainsi, en tant qu’il n’a pas prévu l’audition obligatoire d’un avocat, le cas échéant désigné d’office, en cas d’impossibilité de procéder à l’audition de la personne hospitalisée sans son consentement, le décret attaqué méconnaît les stipulations de cet article ; que l’ASSOCIATION GROUPE INFORMATION ASILES est, dans cette mesure, fondée à en demander l’annulation pour excès de pouvoir ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État le versement à l’association requérante de la somme de 2000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le décret n° 2010-526 du 20 mai 2010 est annulé en tant qu’il n’a pas prévu l’audition obligatoire d’un avocat, le cas échéant désigné d’office, en cas d’impossibilité de procéder à l’audition de la personne hospitalisée sans son consentement.

Article 2 : L’État versera à l’ASSOCIATION GROUPE INFORMATION ASILES la somme de 2000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION GROUPE INFORMATION ASILES, au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.


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