AFP
« 22/06/2011 | Mise à jour : 17:29
Le Parlement a définitivement adopté aujourd’hui, lors d’un ultime vote de l’Assemblée nationale, le texte très contesté sur la réforme de l’hospitalisation d’office pour laquelle le Nouveau centre et le PS prédisent une application "difficile". Le projet de loi, qui prévoit la possibilité de soins ambulatoires sans consentement, a été adopté dans une version conforme à celle récemment votée au Sénat, ce qui vaut adoption définitive.
"Nous nous retrouvons contraints de légiférer sous la pression du juge constitutionnel, sans aucun délai de réflexion", a déploré le rapporteur UMP du texte, Guy Lefrand. Une allusion à la dernière péripétie législative du texte : se conformer, avant le 1er août et pour la deuxième fois, à une décision du Conseil constitutionnel. Contesté par tous les syndicats de psychiatres, ce texte a connu un parcours législatif marqué de rebondissements. Serge Blisko (PS) a déploré "un texte inapplicable et voué à l’échec".
Jean-Luc Préel (Nouveau centre) le juge "équilibré" mais "son application sera difficile et complexe", a-t-il prévenu, mettant en avant une "contradiction" entre deux articles, qui devra être réglée par les décrets. La secrétaire d’État à la Santé, Nora Berra, a précisé que les textes réglementaires étaient "en cours de préparation", ainsi que "des outils pédagogiques pour expliquer la loi", citant notamment "des fiches techniques" et "un site internet dédié".
Initialement, une commission mixte paritaire (CMP, 7 députés, 7 sénateurs) devait se réunir cette semaine pour parvenir à un texte de compromis mais, fait rarissime, elle a été annulée et remplacée par cette troisième lecture à l’Assemblée. »
APM
« PSYCHIATRIE : ADOPTION DÉFINITIVE ET DANS L’AMERTUME DU PROJET DE LOI SUR LES SOINS SANS CONSENTEMENT
PARIS, 22 juin 2011
Agence Presse Médicale, APM, Hélène Mauduit, Grand reporter
Les députés ont adopté mercredi le projet de loi sur les soins sans consentement en psychiatrie dans sa version définitive, en reconnaissant des incohérences dans sa rédaction.
Les députés ont voté à mainlevée le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge dans la version adoptée jeudi par le Sénat. L’UMP et le Nouveau centre ont voté pour, la gauche a voté contre.
Le rapporteur Guy Lefrand (UMP, Eure) a déploré de devoir adopter un texte imparfait en raison de la date limite d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions au 1er août, imposée par le Conseil constitutionnel (cf. APM HMOFL001).
Il a reconnu que deux articles du projet de loi, l’article 3 sur l’admission en soins sans consentement sur décision du représentant de l’État (nouveau nom de l’hospitalisation d’office - HO) et l’article 3 bis (qui sera numéroté article 4 dans la loi promulguée), introduit par le gouvernement au Sénat, sur la nécessité d’un deuxième avis médical en cas de désaccord entre le préfet et un premier psychiatre sur la levée de la mesure, étaient en partie incompatibles.
D’un côté, l’article 3 prévoit la saisine automatique du juge des libertés et de la détention (JLD) en cas de refus du préfet de lever une H.O. alors que le psychiatre demande cette levée.
De l’autre, l’article 3 bis prévoit, dans le même cas de figure, de demander l’avis d’un deuxième psychiatre.
Cela conduira le directeur d’établissement à engager "deux procédures parallèles", la saisine du JLD et le deuxième avis, a remarqué le rapporteur.
Guy Lefrand a relevé que la secrétaire d’État à la santé, Nora Berra, avait laissé entendre au Sénat que le contrôle systématique du JLD n’aurait lieu que dans le cas d’avis divergents des deux psychiatres et que le préfet maintiendrait la mesure de soins.
Mais, a-t-il ajouté, rien dans le texte ne le précise et aucune disposition de coordination entre les deux articles n’a été introduite.
Il a demandé si les décrets pourraient préciser ce point mais Nora Berra n’a pas donné de réponse à sa question dans son intervention.
Il a souligné que la décision du Conseil constitutionnel remettait en cause "les fondements mêmes de l’HO" notamment sur les considérations d’ordre sanitaire et d’ordre public.
Guy Lefrand a aussi souligné que les personnes considérées à risque (déclarées pénalement irresponsables ou hospitalisées en unité pour malades difficiles - UMD) devront obtenir trois avis de confirmation.
Il a estimé que ce serait peu compatible avec un réexamen "à bref délai" de leur situation, comme l’a exigé le Conseil constitutionnel, en raison du nombre de psychiatres en exercice.
La décision du Conseil constitutionnel impliquait d’engager "une réflexion globale sur l’H.O. et sur le rôle du préfet" mais l’a rendue impossible en ne prolongeant pas le délai de mise en conformité.
Guy Lefrand a toutefois souligné que le projet de loi apportait "des évolutions marquantes" et que la majorité ne devait pas "rougir du texte".
Il s’est déclaré "atterré" que "des personnes ayant des responsabilités" évoquent "le retour des chaînes" ou "des lettres de cachet" et "ose la comparaison avec Guantanamo" — une allusion à l’appel de Strasbourg de la Conférence des présidents de commission médicale d’établissement (CME) de centres hospitaliers spécialisés (CHS) et de la Fnapsy (cf APM HMOF9004).
Tout en soutenant le texte, Jean-Luc Préel (Nouveau centre, Vendée) a fait part de ces critiques et notamment celle de voter "un texte en sachant qu’il pose un problème". Il a souhaité "bon courage" à Nora Berra pour la rédaction des décrets.
Il a pointé les difficultés prévisibles d’application en raison de la multiplication des certificats médicaux, de la disponibilité des JLD pour "80 000 décisions par an", pour le déplacement du malade au tribunal "délicat à organiser" ou le transport du juge et du greffier à l’hôpital et la mise en place de la vidéoconférence.
Le socialiste Serge Blisko (Paris) a jugé le texte "inapplicable et voué à l’échec". Il a relevé que les avancées du texte, le contrôle du JLD et l’avis prépondérant du médecin sur le préfet, n’étaient pas à mettre au crédit du gouvernement mais à celui du Conseil constitutionnel.
"Nous ouvrons la voie à un contentieux inextricable", a estimé Marc Dolez (Parti de gauche, Nord), n’excluant pas "une prochaine censure" du texte.
"Ce projet de loi ne garantit ni la protection des personnes ni les libertés publiques" et promeut "une vision sécuritaire".
hm/ab/APM polsan
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