2011-06-18 - Le Collectif des 39 lance un appel à la désobéissance éthique contre la loi psychiatrie en cours d’adoption

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/l128a ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/122

Document du samedi 18 juin 2011
Article mis à jour le 30 août 2020

Lien vers cet article du site des 39 contre la nuit sécuritaire :
http://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=2030

Ainsi que nous l’avons développé dans nos interventions antérieures, le CRPA est solidaire de cet appel. Voir notamment notre intervention portée dans l’article suivant de notre site : 2011-06-15 Conférence de presse dans une salle sous les combles du Sénat : notes d’André Bitton intervenant pour le CRPA et Depêche AFP.

Appel du 18 juin de Saint-Alban

Par Collectif des 39

Ce 18 juin 2011 de Saint-Alban, qui fut ce haut-lieu de la Résistance et de la création du mouvement d’analyse institutionnelle dans les années 40, les 550 participants aux Rencontres Annuelles de Psychothérapie Institutionnelle dans l’hôpital François-Tosquelles déclarent solennellement leur refus et manifestent aujourd’hui leur soutien à l’Appel du Luxembourg, lancé le 15 juin 2011 par le collectif des 39 contre La Nuit Sécuritaire : Cette loi adoptée, nous la refuserons et demandons son abrogation !

Depuis plusieurs mois, la majorité des professionnels et les citoyens ayant à cœur une hospitalité pour la folie à rebours des préjugés sécuritaires actuels, ont dénoncé la déraison d’État qui s’est exprimée par le vote du projet de loi « relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et, aux modalités de leur prise en charge ».

Malgré nos propositions, il n’y a pas eu de sursaut républicain des élus de la majorité gouvernementale et pourtant, une fois votée, cette loi va rendre beaucoup plus compliqué l’accès aux soins et la continuité des soins pour les patients et leurs familles. Elle désorganisera la majorité des services de psychiatrie publique dès le 1er août 2011, fera pression sur des administrations prises de court (ARS, préfectures, justice) et elle n’améliorera pas la possibilité des recours garantissant les libertés.

Cette loi bientôt adoptée, il ne reste plus que le sursaut des professionnels et des citoyens afin d’empêcher une catastrophe sanitaire sans précédent pour la psychiatrie. Éthiquement, nous ne pouvons accepter cet ensemble de mesures qui n’a plus vocation à soigner mais à créer l’illusion que les psychiatres, les juges, les directeurs d’hôpitaux et les préfets pourraient garantir l’ordre social aux moyens de recettes gestionnaires et sécuritaires qui n’ont jamais fait leurs preuves. Il est plus que jamais nécessaire, dans le champ de la psychiatrie, de se recentrer sur la mission soignante en élaborant, avec les patients et leur famille, des pratiques de soins au cas par cas et au long cours, quand elles le nécessitent.

Nous ne saurions rester impuissants face à ce texte idéologique, discriminatoire et promouvant la délation tout en détruisant la relation de confiance « soignants - soignés ». Ce texte dangereux consacre la rupture du secret professionnel, la fin de l’indépendance professionnelle qui sera désormais soumise à « un programme de soins » dicté par le Conseil d’État. Par nécessité éthique afin de maintenir une possibilité de soin relationnel nécessaire à toute personne en grande souffrance psychique, qu’elle puisse ou non consentir aux soins, nous appelons tous les soignants en psychiatrie, les patients, les familles et tous les citoyens à refuser solennellement cette loi et à résister à cette indignité. Ici à partir de Saint-Alban, nous nous engageons à rechercher les modalités précises et pratiques pour soutenir une hospitalité à la folie, garantir la dignité des patients, et maintenir vivant notre métier, nous appuyer sur notre éthique de soignant et refuser toutes les entraves à la rencontre, à la relation thérapeutique, et à la continuité des soins.

Par exemple :

Nous nous opposerons à tout ce qui peut conduire à la levée du secret médical et à l’indépendance professionnelle.

Nous refuserons l’application des « programmes de soins » imposés à tous les professionnels.

Nous refuserons de faire les certificats de maintien en hospitalisation sur le simple examen du dossier du patient, comme le prévoit la loi.

Nous refuserons les « vidéo-audiences » pour les patients dont l’état ne permet pas de se rendre au tribunal pour rencontrer un juge des libertés.

Nous n’abandonnerons pas la continuité des soins pour les patients suivis régulièrement au nom d’une priorité qui nous serait imposée pour les patients mis en « soins » sans consentement en ambulatoire ou hospitalisés. Etc.


Commentaires sur le site des 39

— Une Réponse pour “>Appel du 18 juin de Saint-Alban”

Joseph le 19 juin 2011 à 12 h 33 min

D’accord avec votre programme. Des concertations vont être nécessaires pour le systématiser. À vous lire.

— Une autre Réponse pour “>Appel du 18 juin de Saint-Alban”

frdm le 19 juin 2011 à 14 h 25 min

Résistance par “grève du zèle”, quelques pistes (il faudrait savoir à cet égard si “les psychiatres” sont décidés à assumer jusqu’au bout leur lutte contre la nouvelle loi, ou s’il s’agit de posture) :

— Mentionner dans les certificats l’article 5-1-e de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales = http://goo.gl/cS3D7 qui est une méta-loi supérieure à la loi nationale française, et qui est d’application directe en France y compris devant les tribunaux.
En conséquence, dire explicitement si l’individu concerné est ou non un « aliéné » : si les médecins mentionnent que la personne ne peut être considérée comme un « aliéné », en visant l’art. 5-1-e CEDH, alors la personne ne peut faire l’objet d’hospitalisation complète ou partielle sans son consentement, ces hospitalisations étant des « détentions » selon la Convention.
Convention EDH,
« Article 5 — Droit à la liberté et à la sûreté
1. — Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : (…)
— e. s’il s’agit de la détention régulière (…) d’un aliéné (…) ; »
.

— Informer le Juge des libertés et de la détention dans tous les cas dans lesquels la nouvelle loi n’a pas prévu de saisine automatique au cas de désaccord entre le préfet et les préconisations des psychiatres. Toute personne peut porter à la connaissance du JLD des situations suspectées de porter atteinte aux droits des personnes, pour une auto-saisine du JLD, et donc les psychiatres le peuvent, voire le doivent pour éviter des poursuites pénales pour complicité de détention arbitraire.
De même, informer le JLD dans tous les cas où en prétendu “ambulatoire” des hospitalisations partielles sont décidées, puisque la nouvelle loi ne prévoit pas la saisine obligatoire du JLD dans ce cas (malgré ce que voulait la Commission des lois du Sénat).
En clair, noyer les JLD sous les informations , en invoquant systématiquement l’art. 5-1-e CEDH (+ l’article 66 de la Constitution = http://goo.gl/NabMj ), car celui qui ne fait pas le signalement et qui participe à la contrainte (donc tout psychiatre impliqué) pourrait être pénalement poursuivi pour complicité de détention arbitraire (articles du Code pénal à mentionner dans les signalements spontanés au JLD).

— De même, informer à tout moment les JLD (pour auto-saisine), immédiatement, de ce que la personne ne peut pas ou ne peut plus être considérée comme un « aliéné ».

— Informer discrètement les avocats de patients de l’état désastreux en personnel, en locaux, de l’état sanitaire et d’hygiène de ceux-ci, afin que les avocats puissent rédiger des demandes d’expertise pertinentes devant le juge judiciaire, en vue de l’indemnisation des patients (comme s’agissant des prisons), voire de mainlevée des mesures, pour défaut de matérialité des soins, voire conditions de nature à aggraver les troubles des patients. Voir mon article dès le 25 janvier 2011 sur le site du Collectif des 39 :
http://www.collectifpsychiatrie.fr/?p=1084 = http://goo.gl/LpSzI

— Que les syndicats de psychiatres prennent plus ou moins discrètement langue avec les Barreaux, pour savoir quoi faire exactement. Comme le Barreau de Paris qui a d’ores et déjà préparé un « Service de permanence » pour les psychiatrisés, à l’instar du service de permanence pour les gardés à vue et le droit des étrangers.

Il y a largement de quoi s’en donner “à cœur joie” pour paralyser l’application de la nouvelle loi, comme celle-ci est estimée désastreuse. Mais encore une fois, il faudrait savoir à cet égard si “les psychiatres” sont décidés à assumer jusqu’au bout leur lutte contre la nouvelle loi, ou s’il s’agit de posture.

Sur tous ces points, j’attends de voir
(avec confiance, selon le proverbe : « Fais confiance, mais vérifie. » ).

frdm

Suite :

Le degré supérieur de la grève du zèle par les psychiatres serait le signalement aux JLD des “impossibilités” d’assurer les droits des patients, dans le cadre même des hospitalisations contraintes, pour le respect des droits de la Convention EDH, articles sélectionnés ici : http://goo.gl/cS3D7 s’appliquant à cette matière.
Donc en particulier articles 8, 10, 11, 14, 17, 18.
Voir avec les Barreaux pour éviter les poursuites pénales de psychiatres par les avocats, pour complicité de violation des droits CEDH.
Les psychiatres pratiquant cette grève du zèle devraient vis-à-vis de leur direction se munir de consultations écrites d’avocats leur désignant leur responsabilité personnelle pénale en cas de non-signalement aux JLD.
Ainsi les directions ne pourraient pas sanctionner ces psychiatres pour leur grève du zèle.
Une consultation-type devrait être sollicitée par les syndicats de psychiatres intéressés.