2011-06-15 Conférence de presse dans une salle sous les combles du Sénat : notes d’André Bitton intervenant pour le CRPA et Depêche AFP

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/5c6IG ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/120

Document du mercredi 15 juin 2011
Article mis à jour le 15 février 2024

Cf. : 2011-06-22 - AFP : La réforme des soins psy adoptée • Dépêche de l’APM du même jour

Sur la suite des événements l’article :
2012-04-20 Le Conseil constitutionnel censure partiellement la loi du 5 juillet 2011.


Dépêche AFP

Psychiatrie : la gauche et les psychiatres dénoncent un projet « liberticide »

PARIS 15 juin 2011 — Des parlementaires de l’opposition, des magistrats et des psychiatres ont une nouvelle fois dénoncé mercredi le caractère « sécuritaire » et « liberticide » du projet de loi sur la psychiatrie, en examen en seconde lecture au Sénat, lors d’une conférence de presse commune.

« Ce projet de loi aborde la question du soin psychiatrique par le plus mauvais bout de la lorgnette, c’est-à-dire la question de la sécurité », s’est indignée Christiane Dumontès, sénatrice PS du Rhône. « Le gouvernement a privilégié l’aspect sécurité plutôt que l’aspect santé », a-t-elle ajouté.

Les collectifs de psychiatres ne décolèrent pas non plus. « Les patients sont systématiquement présentés comme potentiellement dangereux et criminels », a déploré Paul Machto, psychiatre en Seine-Saint-Denis et membre du « Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire ». Pour lui, cette loi sera de toute manière « inapplicable » faute de moyens financiers.

Un point de vue partagé par Serge Portelli, vice-président du Tribunal de Paris : « On fait des lois et on se fiche éperdument de savoir si elles vont être appliquées ». Selon lui, lorsqu’il faudra appliquer la mesure qui prévoit l’intervention du juge des libertés et de la détention pour l’hospitalisation d’office des malades, « une foule de magistrats vont être face à l’inconnu total sans la moindre formation ».

Dans le collimateur des opposants au projet se trouve également l’obligation de soins à domicile et la période d’observation de 72 heures en cas d’hospitalisation d’office, qualifiée de « garde à vue psychiatrique ».

Après l’adoption du projet, le PS ne compte pas déposer de recours devant le Conseil constitutionnel. En revanche, il estime que des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) seront vraisemblablement déposées « dès la rentrée ».

De leur côté, les différents collectifs et associations ont lancé devant le Sénat un appel à ne pas appliquer la loi. Des modalités concrètes, comme le refus de divulguer le secret médical, seront détaillées le 25 juin lors d’un prochain rassemblement.

Le projet de loi avait été initié fin 2008 par Nicolas Sarkozy à la suite d’un fait divers : le meurtre d’un étudiant à Grenoble par un malade mental enfui de l’hôpital.

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Notes pour Conférence de presse au Sénat par André Bitton pour son intervention pour le CRPA

Paris, le 14 juin 2011

C.R.P.A. — Cercle de Réflexion et de Proposition d’Actions sur la psychiatrie
Association régie par la loi du 1er juillet 1901 — Rna : W751208044
14, rue des Tapisseries — 75017 Paris.
Pour nous contacter, cliquer sur ce lien
Représentée par son président André Bitton.

N.B. : IL NE S’AGIT PAS CI-DESSOUS D’UN “COMPTE-RENDU”, MAIS DE NOTES PRÉALABLES D’UN INTERVENANT CONFÉRENCIER À UNE CONFÉRENCE DE PRESSE DANS UNE SALLE DE CONFÉRENCE SOUS LES COMBLES DU SÉNAT.

Points de mon intervention, pour le compte du CRPA, à la conférence de presse au Sénat, le 15 juin 2011, des organisations s’opposant au projet de réforme gouvernemental des « soins » psychiatriques.

0. — Présentation

Le CRPA est une association de psychiatrisés et de parents de patients psychiques avec quelques professionnels, en lutte contre l’arbitraire psychiatrique. Cette association est composée pour une très ample majorité de psychiatrisés et est dirigée par principe par des personnes ayant connu de l’hospitalisation psychiatrique et des luttes juridiques liées. Nous sommes issus d’une scission du Groupe Information Asiles (GIA) de décembre 2010, association dont j’ai été le président de fin 2000 à début 2008 et de début 2009 à fin 2010. En l’espèce c’est moi qui ai décidé et dirigé l’intervention du GIA dans la QPC (Question prioritaire de constitutionnalité) qui a abouti le 26 novembre 2010 à la censure par le Conseil constitutionnel des maintiens en H.D.T. (hospitalisations à la demande de tiers), et contraint le gouvernement à judiciariser partiellement le dispositif de l’internement psychiatrique qui va être en place à dater du 1er août 2011. Cela dans la ligne du combat juridico-politique du GIA ancien qui fut dirigé de 1976 à 1992 et années suivantes par Philippe Bernardet (sociologue et juriste décédé en 2007), auprès de qui je me suis formé de 1990 à sa mort en 2007. Il avait été le premier à dénoncer avec le sénateur Dreyfus Schmidt, dès le printemps 1990, le caractère non constitutionnel de la loi du 27 juin 1990.

1. — Appel à la résistance à l’endroit des psychiatrisés

Nous appelons les personnes actuellement psychiatrisées, comme celles qui l’ont été dans le passé, à la résistance contre le projet de loi gouvernemental des « soins » psychiatriques. Nous appelons les personnes qui connaissent le circuit psychiatrique de l’intérieur ou qui l’ont connu à titre de patients, à se manifester auprès de nous, à témoigner, et dès que possible à saisir les juridictions des abus qu’elles subissent ou ont subis. Nous signalons que des avocats ont commencé à se former sur le terrain du contentieux de l’internement psychiatrique, et qu’à l’avenir de plus en plus d’avocats vont acquérir des compétences sur ce terrain. Nous appelons ces personnes à nous contacter pour se faire conseiller.

2. — Appel à la résistance à l’endroit des professionnels du champ psychiatrique

Le CRPA appelle également les professionnels du secteur psychiatrique en désaccord avec le nouveau cadre de la contrainte psychiatrique à mener des actions de résistance contre ce nouveau cadre en cours d’adoption, et singulièrement contre les modalités de contrainte aux soins en “ambulatoire”, dès son entrée en vigueur le 1er août 2011. Nous appelons les psychiatres à se servir notamment de leur pouvoir de certificat. Nous appelons les infirmiers exerçant en psychiatrie dans les services d’accueil des H.S.C. (hospitalisations sans consentement), et des contraintes aux soins, à appliquer strictement les textes, dont ceux concernant l’information aux patients sur leurs droits et voies de recours (nous élaborerons à la rentrée un texte synthétique sur ce point si besoin est), ainsi que sur leurs traitements et leurs effets réels et listés, et non leurs effets supposés. Dans ce cadre cette délivrance d’information, si elle est loyale, effective, la plus complète possible, et portée par ailleurs dans le dossier du patient, munit les patients contraints de possibilités d’action, et reste parfaitement légale et inopposable. Par exemple et entre autres modalités d’action auxquelles réfléchir.

Nous appelons donc les professionnels du terrain psychiatrique à la résistance. Leurs patients également.

Nous appelons les Média à rendre compte des luttes sur ce terrain, et à stopper l’intoxication sarkozyste qui entend confondre patients psychiatriques et criminels dangereux.

3. — Action parlementaire et saisine du Conseil constitutionnel

Nous demandons aux parlementaires de l’opposition de gauche et singulièrement aux députés et sénateurs socialistes de ne pas opérer de saisine parlementaire du Conseil constitutionnel, à l’issue de la 2e lecture, ces 15 et 16 juin 2011, du projet de réforme des « soins » psychiatriques, de sorte à laisser place dès la rentrée à des questions prioritaires de constitutionnalité contre la loi en cours d’adoption, puisqu’il semble avéré désormais que des censures sur ce terrain, opérées par le Conseil constitutionnel, seront plus aisées par le moyen de procédures judiciaires, que par celui d’une saisine parlementaire par nature plus politique.

Voir la validation de la loi Besson sur les migrants irréguliers la semaine dernière par le Conseil constitutionnel, ou l’invalidation par une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le 30 juillet 2010, ainsi que par des jurisprudences de la CEDH (Cour européenne des Droits de l’Homme), et de la Cour de cassation, des modalités anciennes de la garde à vue. Voir le fait que le terrain de l’internement psychiatrique ces derniers mois, n’a progressé que sur la pression des jurisprudences dont celles, capitales, du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010, et celle très récente du même Conseil constitutionnel du 9 juin 2011. Voir également un arrêt très important du Conseil d’État du 27 mai 2011, nº 330267, qui va, à l’avenir, prendre une importance nette dans l’exécution des mesures d’internement d’office nouveau cadre.

Un avocat très actif sur le terrain de l’internement psychiatrique avec lequel nous travaillons s’est déclaré prêt, ainsi que ses collègues proches du même barreau, à opérer des QPC (questions prioritaires de constitutionnalité) sur la loi en cours d’adoption dès la rentrée. Une de ses collègues parisiennes pourrait également suivre, avec d’autres collègues sur le barreau parisien.

N.B. : Des permanences d’avocats ou équivalent sont en cours de constitution en prévision de l’application des nouvelles dispositions concernant les saisines obligatoires des Juges de la liberté et de la détention, à Paris et à Versailles.

4. — Mobilisations au long cours à partir de la rentrée

Afin que la mobilisation actuelle ne soit pas un épilogue mais un prologue à une lutte au long cours, nous appelons à la création, dès la rentrée, entre nos organisations, et des militants détachés de ces organisations, mandatés pour ce faire, d’une structure chargée de coordonner nos luttes et de répercuter les informations dispersées qui nous arrivent, un « Observatoire des Errements Psychiatriques (OEP) » par exemple. Cette structure sera destinée également à assurer la médiatisation des abus et des aberrations qui ne manqueront pas de monter dès l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la contrainte psychiatrique. Des rapports publiés seront à envisager à partir de cet organigramme, selon une fréquence semestrielle ou annuelle, avec des informations éventuellement mensuelles. Le tout vers le plus large public possible.

De même nous appelons à la mise sur pied d’une coordination inter juristes et militants, de sorte de coordonner, en dehors des barreaux, sur un axe militant et d’ensemble, les recours qui de toute évidence vont monter en nombre des structures psychiatriques, de sorte aussi à aider à la formulation de ces recours.

5. — Organisations de patients psychiques en désaccord ou en rupture avec le cadre psychiatrique actuel et en cours de légalisation

Partons d’un constat résolument authentique que j’ai pu vérifier depuis 21 ans que je milite sur le terrain psychiatrique comme patient ou ancien patient en lutte : les patients psychiatriques ne s’organisent — c’est un fait avéré — que très difficilement et, en nombre, si et seulement si, des feux verts très officiels sont donnés.

Nous estimons donc que — dans la lutte au long cours qui est à mener à partir de cet été contre les aberrations du circuit psychiatrique qui sont en train d’être considérablement accentuées par voie de réforme législative — à l’évidence, un cadre alternatif et non institutionnel est à monter, et donc à promouvoir, qui soit incité par nous et, solidairement, par les soignants eux-mêmes qui sont en désaccord depuis le début avec le projet gouvernemental, de sorte de sécuriser l’adhésion de patients psychiatriques en tant que tels. Sachant que, nous qui sommes au CRPA et ailleurs, nous ne sommes pas de ces patients là : nous ne sommes pas “compliants”, et nous le ferons continûment valoir et savoir.

À défaut d’une telle structuration, ce terrain — des usagers en psychiatrie — restera ce qu’il est : structuré selon des GEM (Groupes d’Entraide Mutuelle) dont les responsables font, dans l’ensemble et en majorité, profil bas auprès des pouvoirs publics pour leurs subventions et avantages, et sont absents de nos luttes. En face et comme toujours depuis l’après mai 1968 et plus précisément depuis le début des années 80, des psychiatrisés en lutte (nous) dans leurs dossiers, essayant de faire valoir leurs droits, tout en étant brocardés au possible par les responsables — eux-mêmes patients — de ces mêmes structures faites de patients “compliants”, aux ordres, intimant à tout patient ou ex-patient d’être également à la botte, et sous traitements neuroleptiques abrutissants. Bref un terrain caporalisé par des patients prétextes aux ordres des institutions ou pas loin de l’être, et une minorité de psychiatrisés révoltés, écœurés, qui tentent de se faire entendre, et parfois y arrivent : voir nos QPC (Questions prioritaires de constitutionnalité).

6. — Conclusion

Car ce sont finalement, vous le constaterez, nos actions judiciaires qui ont modifié ces temps-ci la donne en matière psychiatrique, prouvant ainsi — pour les patients bien rangés dont nous ne sommes pas d’ailleurs — que seule la lutte paye, et qu’il ne sert à rien de ramper ! Une vie de malade psychique “compliant” passée à ramper, cela n’en vaut pas la peine ! Autant lutter !

Le CRPA appelle donc en conclusion les protagonistes du circuit psychiatrique en désaccord avec les vues du Gouvernement et de la majorité sur ce terrain, à la résistance, et à la désobéissance éthique.


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