2011-03-24 - Annulation d’une HDT : la décision administrative doit être motivée par annexion du certificat médical

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/39F3o ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/81

Document du jeudi 24 mars 2011
Article mis à jour le 29 août 2020
par  CRPA

Voir également :
— 2011-02-08 Annulation d’une HDT : la décision administrative doit permettre d’identifier son auteur
— 2011-05-06 JLD Paris • Mainlevée d’une H.D.T. pour compliance aux soins.


TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MELUN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Melun, 2e Chambre.

Nº 0905009/2 & 0908687/2

Madame Lesieux Rapporteur
Mademoiselle Friboulet Rapporteur public

Audience du 10 mars 2011
Lecture du 24 mars 2011

Vu Iº), la requête, enregistrée le 11 juillet 2009 sous le nº 0905009, présentée pour Madame X., hospitalisée au centre hospitalier intercommunal, 40 allée de la Source à Villeneuve-Saint-Georges (94194 Cédex), par Maître Mayet, avocat ; Madame X. demande au Tribunal :

— d’annuler la décision du 16 juin 2009 prononçant son admission au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges sous le régime de l’hospitalisation à la demande d’un tiers ;

— de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges la somme de 1200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente, le signataire n’étant pas le directeur du centre hospitalier ; que cette décision ne se réfère à aucune demande d’admission qui émanerait d’une personne qualifiée pour le faire ; que cette décision, en se bornant à viser un certificat médical prescrivant une hospitalisation pour péril imminent pour la santé du malade, est insuffisamment motivée ; que le certificat médical d’admission date du 15 juin 2009, soit la veille de la décision d’admission ; que ce certificat médical n’est pas joint à la décision et que son auteur ne s’en est pas approprié le contenu ; que le centre hospitalier ne justifie pas l’avoir informée dès son admission de son droit de prendre conseil d’un médecin ou d’un avocat de son choix, comme le prévoit l’article L. 3211-3 du code de la santé publique ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges qui n’a pas produit de mémoire en défense ;

Vu II, la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés sous le nº 0908687 les 5 décembre 2009, 15 janvier et 21 mai 2010, présentés pour Madame X., hospitalisée au centre hospitalier intercommunal, 40 allée de la Source à Villeneuve- Saint-Georges (94194 Cédex), par Maître Mayet, avocat ; Madame X. demande au Tribunal :

— d’annuler la décision du 10 novembre 2009 prononçant son admission, par transfert, au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges sous le régime de l’hospitalisation à la demande d’un tiers ainsi que la décision orale du 24 novembre 2009 prononçant son maintien en hospitalisation ;

— de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges la somme de 1200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la demande d’hospitalisation au centre hospitalier de la région d’Annecy, en octobre 2009, émane d’un personnel de cet établissement hospitalier qui n’avait aucune relation avec elle ; que, par conséquent, la décision du 10 novembre 2009, prononçant son admission, par transfert, au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, est entachée d’irrégularité ; que cette décision a été prise par une autorité incompétente ; qu’il n’est pas établi que ce soit le directeur du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint- Georges qui l’a signée ; qu’elle n’a pas été informée de son droit d’avoir recours au service d’un avocat ou d’un médecin de son choix comme le prévoit l’article L. 3211-3 du code de la santé publique ; que la décision du 24 novembre 2009 prononçant son maintien en hospitalisation est illégale en raison de l’illégalité de la décision du 10 novembre ; qu’à cette date, elle n’avait toujours pas reçu d’information quant à son droit de recours à un avocat ou un médecin de son choix ; qu’il n’est pas démontré que cette décision de maintien ait été prise par le directeur du centre hospitalier au vu d’un certificat médical circonstancié établi dans le délai prévu par l’article L. 3212-7 du code de la santé publique ; que la décision du 10 novembre 2009 est insuffisamment motivée ; qu’elle vise un certificat médical non joint et dont elle ne s’approprie pas le contenu ; que le Tribunal administratif de Grenoble a, par un jugement du 4 mai 2010, annulé les décisions d’admission et de maintien en hospitalisation des 10 et 24 octobre 2009 prises par le directeur du centre hospitalier de la région d’Annecy ; qu’ainsi les décisions subséquentes de transfert au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges et de maintien dans cet établissement doivent être annulées par voie de conséquence ;

Vu les décisions attaquées ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 mars 2011, présenté pour le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, par Maître Florent, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 1500 euros soit mise à la charge de Madame X. au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que par décision du 10 octobre 2009, le directeur du centre hospitalier a prononcé l’admission de Madame X. dans ses services à la demande d’une assistante sociale au vu d’un certificat médical justifiant de la nécessité de cette hospitalisation ; qu’un certificat de quinzaine a été établi le 21 octobre 2009 et qu’un nouveau certificat a été établi le 9 novembre 2009 ; que par décision du 10 novembre 2009, la requérante a été admise par transfert au centre hospitalier de Villeneuve-Saint-Georges ; qu’un certificat de transfert a été établi à cette même date ; qu’un nouveau certificat mensuel a été établi le 23 novembre 2009 ; qu’un certificat de non-retour de sortie d’essai a été établi le 24 novembre 2009 ; qu’elle ne produit aucune pièce relative à la procédure qu’elle a engagée devant le Tribunal administratif de Grenoble ; qu’elle n’est pas fondée à soutenir que les décisions de maintien en hospitalisation seraient illégales par voie de conséquence de l’illégalité de la décision du 10 octobre 2009 ; que la décision du 10 novembre 2009 a été signée par une autorité compétente et que sa légalité n’est pas contestable ; que le défaut d’information quant à la possibilité de prendre un conseil est sans influence sur la légalité de cette décision ;

Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 10 mars 2011,
— le rapport de Madame Lesieux ;
— les observations de Maître Mayet, avocat, représentant les intérêts de Madame X. ;
— et les conclusions de Mademoiselle Friboulet, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la partie présente ;

Considérant que les requêtes numéros 0905009 et 0908687 concernent des décisions d’hospitalisation de Madame X. sous le régime de l’hospitalisation à la demande d’un tiers, au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges ; qu’elles opposent les mêmes parties et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un seul jugement ;

Considérant que Madame X. a été, une première fois, admise au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges, sous le régime de l’hospitalisation à la demande d’un tiers, par décision du 16 juin 2009 ; que le 10 octobre 2009, elle a été admise, pour la seconde fois, au centre hospitalier de la région d’Annecy, sous le régime de l’hospitalisation à la demande d’un tiers ; que par décision du 24 octobre 2009, le directeur de cet établissement a prononcé le maintien de son hospitalisation ; que le 10 novembre 2009, le directeur du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges l’a admise, par transfert, au sein de cet établissement et qu’il a décidé le maintien de son hospitalisation par décision orale du 24 novembre 2009 ;

Sur les conclusions à fins d’annulation de la décision du 16 juin 2009 :

Sans qu ’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête numéro 0905009 :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique : « Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement sur demande d’un tiers que si : Ses troubles rendent impossible son consentement (…) 2/ Son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier. (…) La demande d’admission est présentée soit par un membre de la famille du malade, soit par une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de celui-ci, à l’exclusion des personnels soignants dès lors qu’ils exercent dans l’établissement d’accueil. (…) Cette demande doit être manuscrite et signée par la personne qui la formule. Si cette dernière ne sait pas écrire, la demande est reçue par le maire, le commissaire de police ou le directeur de l’établissement qui en donne acte. Elle comporte les nom, prénoms, profession, âge et domicile tant de la personne qui demande l’hospitalisation que de celle dont l’hospitalisation est demandée et l’indication de la nature des relations qui existent entre elles ainsi que, s’il y a lieu, de leur degré de parenté. (…) La demande d’admission est accompagnée de deux certificats médicaux datant de moins de quinze jours et circonstanciés, attestant que les conditions prévues par les deuxième et troisième alinéas sont remplies » ; qu’aux termes de l’article L. 3212-3 de ce même code : « À titre exceptionnel et en cas de péril imminent pour la santé du malade dûment constaté par le médecin, le directeur de l’établissement peut prononcer l’admission au vu d’un seul certificat médical émanant éventuellement d’un médecin exerçant dans l’établissement d’accueil. » ;

Considérant qu’il résulte de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique, d’une part, que la décision d’hospitalisation sans son consentement d’une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être prise sur demande d’un tiers que si celui-ci, à défaut de pouvoir faire état d’un lien de parenté avec le malade, est en mesure de justifier de l’existence de relations antérieures à la demande lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci, et d’autre part, que l’hospitalisation d’une personne à la demande d’un tiers ne peut intervenir que sur délivrance de deux certificats médicaux circonstanciés ; qu’il ne peut être dérogé à ce principe qu’à titre exceptionnel et en cas de péril imminent pour la santé du malade dans les conditions prévues par l’article L. 3212-3 du code de la santé publique ;

Considérant, en premier lieu, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du 16 juin 2009 ait été précédée d’une demande d’un tiers ; que si la décision attaquée vise une demande d’hospitalisation, elle n’en précise ni la date, ni l’identité de son auteur ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que la décision d’hospitalisation de Madame X. a été prise sur le fondement de l’article L. 3212-3 du code de la santé publique, au vu d’un seul certificat médical d’admission établi le 15 juin 2009 par le Docteur Gallois ; que, d’une part, la décision du 16 juin 2009 n’indique pas les éléments de fait ayant justifié la mesure d’hospitalisation à la demande d’un tiers en raison d’un péril imminent ; que d’autre part, elle ne s’est pas appropriée le contenu du certificat médical du 15 juin 2009 et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce certificat aurait été joint à la décision attaquée ; qu’ainsi, en l’absence de décision motivée, il n’est pas établi que l’hospitalisation de Madame aurait été justifiée par un péril imminent pour sa santé ; que, par suite, la requérante est fondée à soutenir que la décision d’hospitalisation à la demande d’un tiers du 16 juin 2009 a été prise à la suite d’une procédure irrégulière et doit être annulée ;

Sur les conclusions à fins d’annulation des décisions des 10 et 24 novembre 2009 :

Sans qu ’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête nº 0908687 ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que la demande d’admission du 10 octobre 2009 de Madame X. au centre hospitalier de la région d’Annecy a été présentée par une assistante sociale de l’établissement ; qu’il n’est pas établi que cette personne justifiait de l’existence de relations antérieures à cette demande avec l’intéressée ; que par suite la décision du 10 octobre 2009 par laquelle le directeur du centre hospitalier de la région d’Annecy a hospitalisé Madame X. a été prise en violation de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique précité ; que l’irrégularité de la procédure d’admission vicie la procédure de transfert de Madame X. au sein du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges ainsi que la décision de maintien de son hospitalisation au sein de cet établissement ; que, par suite, les décisions des 10 et 24 novembre 2009 du directeur du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges doivent être annulées ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges le versement à Madame X. de la somme de 1500 euros ; que ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de Madame X. qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint- Georges et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1 : Les décisions des 16 juin, 10 novembre et 24 novembre 2009 du directeur du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges sont annulées.

Article 2 : Le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges versera à Madame X. la somme de 1500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve- Saint-Georges au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Madame X et au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges.

Délibéré après l’audience du 10 mars 2011, à laquelle siégeaient :
Monsieur Bruand, président, Mademoiselle Thomas, conseiller, Madame Lesieux, conseiller,

Lu en audience publique le 24 mars 2011.

Le rapporteur, Signé : S. LESIEUX
Le président, Signé : T. BRUAND.
Le greffier, Signé : V. VAN HOOTEGEM