2011-03-17 - Les députés entérinent le contrôle renforcé du juge judiciaire sur les hospitalisations sans consentement (APM)

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/aC1wo ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/71

Document du jeudi 17 mars 2011
Article mis à jour le 30 août 2020
par  CRPA

« [APM] Les députés ont entériné mercredi soir le contrôle renforcé du juge de la détention et des libertés (JLD) sur les hospitalisations sans consentement.

Les députés ont achevé dans la nuit de mercredi à jeudi la discussion en première lecture du projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques. Un vote solennel a lieu mardi après-midi [22 mars 2011] sur l’ensemble du texte.

Le projet de loi instaure un examen systématique par le JLD au bout de 15 jours et tous les six mois de toutes les mesures d’hospitalisation sans consentement (à la demande d’un tiers ou sur décision du représentant de l’État — nouvelle appellation de l’hospitalisation d’office — HO).

Le gouvernement a introduit ce contrôle à la demande (Note CRPA : sur décision) du Conseil constitutionnel. Le juge contrôlera le bien-fondé de la mesure administrative de soins sans consentement mais sa décision ne constituera pas une prolongation des soins, qui relève d’un renouvellement administratif des décisions de placement par le directeur d’hôpital [Note CRPA : ou le préfet], sur la base des certificats médicaux. [Note CRPA : tout ceci précisément n’est pas clair ; et l’APM confond ici l’exposé des motifs du projet de loi et le texte législatif projeté, qui paraissent contradictoires entre eux.]

Ce contrôle systématique s’ajoute au recours individuel, déjà existant et confirmé dans la loi, que le patient peut déposer à tout moment devant le JLD.

Le JLD devra être saisi par le directeur de l’hôpital ou le préfet, avec l’envoi d’un "avis conjoint de deux psychiatres exerçant dans l’établissement", dont un seul prend en charge la personne, et il devra statuer avant l’expiration du délai de 15 jours d’hospitalisation. Si le JLD n’a pas statué dans les délais, la levée de l’hospitalisation complète sera ordonnée.

Le délai pour statuer sera plus long si le patient est considéré comme potentiellement dangereux (ayant été hospitalisé en unité pour malades difficiles — UMD — ou en soins psychiatriques sur décision de justice après une déclaration d’irresponsabilité pénale).

Le juge disposera de l’avis d’un collège psychiatres-soignant et de deux expertises et il pourra demander une expertise supplémentaire.

Le JLD ne se prononcera que sur la poursuite ou la levée de l’hospitalisation, et non sur le passage à une autre forme de prise en charge en soins sans consentement (comme un suivi ambulatoire).

La deuxième option avait été votée en commission des affaires sociales le 2 mars mais le rapporteur Guy Lefrand (UMP, Eure) y a renoncé au vu des difficultés d’application par le juge.

En revanche, les députés ont ajouté, à l’initiative de Guy Lefrand, que la levée de l’hospitalisation par le juge ne signifiait pas l’arrêt de tout soin. Sa décision ne prendra effet qu’après un délai maximum de 48 heures "pendant lequel un protocole de soins peut être établi".

"Il s’agit de ne pas laisser partir un patient dans la nature, sans que son psychiatre ait eu le temps d’établir un protocole. Lorsqu’il statuera, le juge aura la certitude que le patient peut rester à l’hôpital 48 heures supplémentaires, le temps d’établir un protocole de soins", a souligné Guy Lefrand.

L’ordonnance du juge sera susceptible de recours devant la cour d’appel qui devra statuer "à bref délai". En cas de levée de l’hospitalisation, le directeur d’hôpital ou le préfet pourra demander, dans un délai de six heures, en cas de "risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade ou d’autrui", que le recours soit suspensif.

Les députés ont également ajouté la saisine automatique du JLD par le directeur d’hôpital quand le préfet refusera une levée d’hospitalisation demandée par le psychiatre.

Audience par visioconférence

L’audience devant le JLD devra donner lieu à un "débat contradictoire" en présence du patient si son état le permet, et/ou de son avocat.

Le projet de loi prévoit que les audiences devant le JLD pourront se tenir au tribunal de grande instance (TGI) ou par visioconférence ("moyens de télécommunication audiovisuelle"), si le JLD le décide et en l’absence d’opposition du patient, à condition que l’hôpital soit équipé.

Alors que Jacqueline Fraysse (divers gauche, Hauts-de-Seine) demandait un accord exprès du patient à la visioconférence, Guy Lefrand a estimé qu’il appartiendrait à l’équipe soignante de "s’assurer que la personne malade n’est pas opposée à l’utilisation de la visioconférence et qu’elle est capable de la supporter".

Guy Lefrand a précisé que des décisions récentes du Conseil constitutionnel rendaient impossible le déplacement du juge à l’hôpital.

L’étude d’impact jointe au projet de loi indique que le gouvernement table sur 65 000 nouvelles saisines du JLD et 75 000 audiences supplémentaires.

Le coût des audiences pour les établissements de santé (une consultation de psychiatrie, matériel de visioconférence, transport au TGI) est estimé entre 14 millions et 21 millions d’euros en année pleine. L’accompagnement des patients mobiliserait, selon une première estimation, entre 340 et 370 soignants (en équivalents temps plein — ETP).

Côté justice, l’étude évalue qu’environ 80 magistrats et 67 autres fonctionnaires (greffiers) devraient être recrutés pour absorber la nouvelle charge de travail.

Agence de Presse Médicale
hm/ab/APM polsan
17/03/2011 »