2011-03-02 - Assemblée nationale, Projet de loi, Psychiatrie, Amendements, Commission des affaires sociales

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/1A1Mv ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/46

Document du mercredi 2 mars 2011
Article mis à jour le 30 août 2020
par  CRPA

Travaux de l’Assemblée nationale :

— voir 2011-02-15 - 15-22 mars 2011 - Assemblée nationale - Projet de loi relatif à la psychiatrie pour les développements ultérieurs ;

— sur le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (nº 2494 et lettre rectificative nº 3116).

Les compte-rendus intégraux des travaux de la Commission des affaires sociales les mardi 1er marshttp://goo.gl/dMRTz et mercredi 2 mars 2011http://goo.gl/r822P sont publiés.

Ci-après une sélection d’extraits de ces compte-rendus.
Les amendements évoqués figurent en fin de pages précitées des compte-rendus.

Le « Texte de la Commission » a été publié le 7 mars 2011.

Le Rapport a été publié le 10 mars 2011.


Mardi 1er mars 2011

Commission des affaires sociales
Séance de 21 heures
Compte rendu nº 30 = http://goo.gl/dMRTz
Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président.
— Examen du projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (nº 2494 et lettre rectificative nº 3116) (M. Guy Lefrand, rapporteur).
La séance est ouverte à vingt-et-une heures.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission.)

Présences en réunion
Réunion du mardi 1er mars 2011 à 21 heures

Présents. — M. Gérard Bapt, M. Serge Blisko, M. Yves Bur, Mme Martine Carrillon-Couvreur, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Pierre Door, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Catherine Génisson, Mme Pascale Gruny, M. Michel Heinrich, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, M. Paul Jeanneteau, M. Guy Lefrand, Mme Catherine Lemorton, M. Jean-Claude Leroy, M. Guy Malherbe, M. Pierre Méhaignerie, M. Simon Renucci, M. Fernand Siré

Excusé. — M. Jean-François Chossy

(…)

(La Commission) en vient à l’amendement AS 237 du rapporteur.

M. le rapporteur Guy Lefrand. La possibilité pour le juge — lorsqu’il se prononce dans le cadre d’un recours individuel contre une mesure de soins sans consentement, de substituer une forme de prise en charge à une autre — prévue dans la version initiale du projet de loi, ne figure plus dans le texte actuel. Le juge décidera donc si le patient restera ou non hospitalisé, sans se prononcer sur la prescription de soins ambulatoires sans consentement. Soit il ne prendra pas de risque et maintiendra l’hospitalisation — en se disant que c’est la seule manière de conserver une contrainte de soins sur le patient —, soit il ne la maintiendra pas et, de facto, le patient n’aura plus de soins — à moins que celui-ci soit très coopératif, ce qui est peu probable dans ce cas de figure.

Je propose donc que le juge puisse, lorsqu’il ordonne la mainlevée d’une mesure d’hospitalisation, assortir cette décision d’une prescription de soins sans consentement, à charge pour le psychiatre d’organiser le protocole de soins.

Mme la secrétaire d’État à la santé Nora Berra. Nous avons besoin d’y réfléchir. Je m’en remets pour l’instant à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement.

(…)

Elle en vient à l’amendement AS 245 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement tend à étendre le contrôle du juge des libertés et de la détention à l’ensemble des mesures de soins sans consentement. Ainsi, les soins psychiatriques ambulatoires dont une personne fait l’objet sans son consentement ne pourraient se poursuivre sans l’accord préalable du juge.

Mme la secrétaire d’État. Je ne comprends pas le bien-fondé de cette disposition. Dans la mesure où l’intervention du juge doit porter sur les décisions de privation de liberté, je souligne que, concernant les soins ambulatoires, la liberté d’aller et venir est respectée. L’intervention du juge n’est donc pas nécessaire.

M. le président Pierre Méhaignerie. Je partage cet avis. Il ne faut pas alourdir le dispositif.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement AS 246 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit d’un amendement de repli, tendant à donner la possibilité au juge, s’il estime que l’hospitalisation n’est plus nécessaire, de prononcer des soins ambulatoires sous contrainte dans le cadre de la saisine automatique.

M. Serge Blisko. Après avis médical.

M. le rapporteur. Bien entendu.

Mme la secrétaire d’État. Je m’en remets pour l’instant, dans l’attente d’une analyse juridique, à la sagesse de la Commission.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS 33 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Il convient que le juge des libertés et de la détention se prononce sur toute poursuite d’une hospitalisation sans consentement au-delà de la période d’observation et de soins initiale de 72 heures.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Lors des auditions que j’ai organisées, on a parfois réclamé une intervention du juge a priori — avant l’hospitalisation — mais aussi 24 heures, 72 heures ou huit jours après : je propose que l’on s’en tienne au délai de 15 jours suivant l’hospitalisation, conformément à la décision du Conseil constitutionnel. Je rappelle que nous enregistrons 70 000 mesures d’hospitalisation sous contrainte par an, dont près de 50 % sont levées après huit jours. Demander l’intervention du juge au bout de 72 heures reviendrait à multiplier par deux le nombre de décisions judiciaires — avec toutes les difficultés qui s’ensuivent — sans accroître pour autant la sécurité juridique du patient, le texte prévoyant de toute façon, conformément à la décision du Conseil constitutionnel, un contrôle a posteriori.

La Commission rejette l’amendement.

(…)

Elle en vient à l’amendement AS 249 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement propose de permettre au juge de fixer les délais dans lesquels les expertises supplémentaires qu’il demande doivent lui être rendues, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d’État — celles-ci étant aujourd’hui souvent transmises tardivement, ce qui ne permet pas de satisfaire l’exigence d’un jugement rendu à bref délai.

Mme la secrétaire d’État. Les experts font le maximum pour répondre au plus vite aux demandes qui leur sont adressées. Leur imposer des délais ne paraît pas nécessaire : ce sont les décisions du juge qui sont soumises à des délais. En outre, cette mesure deviendrait opposable : que feriez-vous si ces délais n’étaient pas respectés ?

M. le rapporteur. Dans ce cas, le juge statuerait immédiatement.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit en l’occurrence d’un parfait exemple de loi bavarde. Cette dérive est inquiétante. La loi doit conserver de la souplesse et ne pas entrer dans de tels détails, qui relèvent davantage des décrets d’application.

M. Serge Blisko. Je suis d’un avis opposé, même si je reconnais qu’on a tendance à entrer dans les détails : les avis des experts sont rendus beaucoup trop tardivement. Le préjudice est d’autant plus grave en la matière qu’il dépasse le simple inconfort et conduit à bloquer des personnes à l’hôpital. Si l’expert ne respectait pas le délai, il engagerait sa responsabilité et le patient, déjà soumis à beaucoup de contraintes, pourrait sortir de l’hôpital. La peur du juge serait sans doute de nature à contraindre les experts à rendre leur avis plus rapidement.

La Commission adopte l’amendement.

(…)

Elle en vient à l’amendement AS 257 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement tend à renforcer le principe du débat contradictoire devant le juge en proposant que puissent être entendus à l’audience, à leur demande, la personne qui a demandé les soins, le directeur de l’établissement d’accueil ou le représentant de l’État.

Mme Catherine Génisson. Je comprends les motifs du rapporteur, mais cette mesure ne risque-t-elle pas d’être contre-productive auprès des personnes qui pourraient être à l’initiative de l’admission d’un patient en soins sans consentement ?

Mme la secrétaire d’État. Je suis d’accord avec Mme Génisson et donc plutôt défavorable à cet amendement. Les modalités d’organisation de l’audience sont fixées par voie réglementaire et il appartient au juge de décider qui il souhaite entendre. Il n’existe pas d’audition de plein droit dans les procédures judiciaires.

L’amendement est retiré.

(…)

Elle en vient à l’amendement AS 37 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement tend à remplacer, à l’alinéa 86 de l’article 1er, les mots « absence d’opposition » par le mot « accord » qui est plus respectueux des patients s’agissant de la vidéotransmission de l’audience devant le juge des libertés et de la détention.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Le texte prévoit que le recours à la « télé-justice » n’est jamais imposé au patient. Il est d’ailleurs de la responsabilité de l’équipe soignante, non seulement d’y veiller, mais aussi de faire comprendre la procédure : par exemple, certaines personnes paranoïaques croyant être poursuivies par des extraterrestres pourraient prendre d’un très mauvais œil la vidéotransmission s’ils pensaient que ceux-ci les examinaient derrière la caméra !

Mme Jacqueline Fraysse. Vos propos reviennent à dire qu’il faut l’accord du patient : vous avez bien défendu mon amendement…

La Commission rejette l’amendement.

(…)


Mercredi 2 mars 2011

Commission des affaires sociales
Séance de 10 heures
Compte rendu nº 31 = http://goo.gl/r822P
Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président.
— Suite de l’examen du projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (nº 2494 et lettre rectificative nº 3116) (M. Guy Lefrand, rapporteur).
La séance est ouverte à dix heures.
(Présidence de M. Pierre Méhaignerie, président de la Commission.)

Présences en réunion
Réunion du mercredi 2 mars 2011 à 10 heures

Présents. — M. Élie Aboud, Mme Edwige Antier, M. Gérard Bapt, M. Jean Bardet, Mme Gisèle Biémouret, M. Serge Blisko, M. Jean-Louis Borloo, Mme Valérie Boyer, M. Yves Bur, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Georges Colombier, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Rémi Delatte, M. Vincent Desœur, M. Jacques Domergue, M. Jean-Pierre Door, Mme Cécile Dumoulin, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Catherine Génisson, M. Jean-Patrick Gille, M. Maxime Gremetz, Mme Pascale Gruny, M. Michel Heinrich, Mme Danièle Hoffman-Rispal, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, M. Paul Jeanneteau, M. Yves Jégo, M. Guy Lefrand, Mme Catherine Lemorton, M. Jean-Claude Leroy, M. Claude Leteurtre, M. Céleste Lett, M. Michel Liebgott, M. Guy Malherbe, M. Jean Mallot, M. Pierre Méhaignerie, M. Pierre Morange, Mme Dominique Orliac, M. Bernard Perrut, M. Étienne Pinte, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-Luc Préel, M. Simon Renucci, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Marie Rolland, Mme Françoise de Salvador, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, Mme Marisol Touraine, M. Francis Vercamer

Excusés. — M. Jean-François Chossy, Mme Michèle Delaunay, M. Roland Muzeau

(…)

La Commission est saisie de l’amendement AS 9 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. En cas de soins sans consentement, à la demande d’un tiers ou pour cause de péril imminent, la décision du directeur doit être conforme aux certificats médicaux des psychiatres.

M. le rapporteur. Il est tout à fait raisonnable que le directeur de l’établissement d’accueil soit tenu de modifier la prise en charge en fonction de ce que propose le psychiatre. D’ailleurs, en matière de levée de soins, sa compétence est liée de facto. En revanche, il convient de revoir la rédaction d’ensemble de l’alinéa, qui se lirait ainsi : « Lorsque le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient propose de modifier la forme de cette prise en charge, le directeur de l’établissement est tenu de procéder à cette modification sur la base du certificat ou de l’avis mentionnés à l’article L. 3211-11. »

M. Jean-Luc Préel. J’accepte la rectification.

La Commission adopte l’amendement rectifié.

(…)

Elle est saisie de l’amendement AS 45 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. L’alinéa 29 supprime des contrôles qui étaient exercés sur les établissements privés. Nous n’en voyons pas la raison : ces contrôles ne sont-ils pas dans l’intérêt des patients ?

M. le rapporteur. Dorénavant, seuls les établissements, publics ou privés, mentionnés à l’article L. 3222-1 du code de la santé publique, auxquels a été confiée la mission de service public de prendre en charge les personnes hospitalisées en soins psychiatriques sans leur consentement, peuvent accueillir de tels patients. Les contrôles sur les établissements privés qui ne se sont pas vus confier cette mission sont de ce fait devenus sans objet.

L’amendement est retiré.

(…)

Elle est saisie de l’amendement AS 47 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit encore de judiciariser les soins imposés en l’absence de consentement.

Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement.

(…)

La Commission est saisie de l’amendement AS 112 du rapporteur.

M. le rapporteur. En cas d’hospitalisation sous contrainte, il est prévu que le juge soit prévenu à J+12. Cela lui laisse bien peu de temps pour intervenir avant J+15, comme il y est tenu, surtout s’il y a un week-end dans cet intervalle. Je propose donc que le certificat qui est établi à J+8 soit systématiquement adressé au greffe, ce qui permettra au juge d’avoir connaissance du dossier plus tôt.

Mme la secrétaire d’État. J’y suis favorable.

M. Maxime Gremetz. Si l’on n’augmente pas le nombre des juges, ce texte sera tout bonnement inapplicable.

M. le président Pierre Méhaignerie. Nous avons longuement parlé hier de ce problème. Nous sommes conscients du risque d’encombrement.

M. Jean-Luc Préel. Le juge ne peut pas prendre sa décision au quinzième jour sur la base d’un certificat établi au huitième : l’état du patient peut avoir beaucoup évolué entre-temps.

M. le rapporteur. Mais le certificat du douzième jour est maintenu ! Il s’agit simplement de faire parvenir au juge le certificat du huitième jour, qui est de toute façon établi mais qui ne lui était pas transmis.

La Commission adopte l’amendement.

(…)

Elle est saisie de l’amendement AS 49 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit de rendre obligatoire la levée d’une mesure de soins qui n’a plus lieu d’être, alors que ce n’est qu’une faculté dans la rédaction actuelle.

M. le rapporteur. Nous parlons ici des soins sans consentement à la demande d’un tiers, pas de l’hospitalisation sur décision du représentant de l’État. En l’occurrence, c’est le directeur d’établissement — qui a déjà pris la décision d’entrée — qui prend la décision de sortie. Il a sur ce point une compétence liée : il doit suivre l’avis du psychiatre. Et vous proposez que le préfet passe par-dessus l’avis à la fois du directeur et du psychiatre… C’est pour le moins surprenant !

Mme la secrétaire d’État. Je suis entièrement d’accord avec vous, monsieur le rapporteur.

Mme Jacqueline Fraysse. Je vais revoir ce point de plus près.

L’amendement est rejeté.

(…)

La Commission examine l’amendement AS 50 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit du premier d’une série d’amendements relatifs à la notion d’ordre public, que je trouve floue, mal adaptée au contexte de soins et susceptible de mener à des excès. Bien qu’il ait été précisé en discussion générale que la jurisprudence encadre rigoureusement son application, je maintiens ces amendements.

M. Michel Issindou. Cette expression évoque effectivement un trouble volontaire à l’ordre public, ce qui est tout à fait inapproprié dans le cas d’une personne malade. Peut-être faut-il trouver une formulation moins contraignante juridiquement et moins lourde ?

M. le rapporteur. Défavorable. La notion d’ordre public — qui figure dans la loi de 1990 — fait l’objet d’une jurisprudence très abondante en droit administratif et ne souffre donc d’aucune imprécision. Elle n’a aucun caractère moral : il s’agit du bon ordre de la sécurité, de la salubrité et de la tranquillité publique.

Mme la secrétaire d’État. Même avis.

M. le président Pierre Méhaignerie. Il est vrai que l’usage qui peut être fait de cette notion dans certains pays est inquiétant, mais sa définition précise nous a été donnée hier. Restons-en à la règle juridique.

La Commission rejette l’amendement.

(…)

Elle est saisie de l’amendement AS 58 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Il convient que ce soit le psychiatre en charge du patient qui modifie in fine la prise en charge de celui-ci.

M. le rapporteur. Vous semblez faire une confusion. C’est le préfet qui modifie la forme de la prise en charge, tandis que le psychiatre modifie le protocole de soins.

La Commission rejette l’amendement.

(…)

Elle examine ensuite l’amendement AS 276 du rapporteur.

M. le rapporteur. S’inspirant des dispositions figurant à l’article L. 3211-12 permettant au juge de fixer les délais dans lesquels les résultats des expertises doivent lui être remis, cet amendement propose que le préfet fixe les délais dans lesquels l’avis du collège et l’expertise doivent être produits.

Actuellement, il n’est fait mention d’aucun délai : le préfet peut décider de maintenir indéfiniment le patient en hospitalisation, en se retranchant derrière l’absence d’expertise.

M. Jean-Luc Préel. Passés ces délais, le préfet est tenu de statuer. Mais sur quoi peut-il fonder sa décision s’il ne dispose pas d’une expertise ?

M. le rapporteur. Il peut se fonder sur les certificats médicaux, établis mensuellement dans le cadre de l’hospitalisation d’office. L’expertise en cause n’a qu’un caractère de complément.

Mme Catherine Lemorton. Sur quels critères le Conseil d’État peut-il se fonder pour encadrer ces délais, puisque l’amendement prévoit qu’il fixera une « limite maximale » ?

M. Dominique Tian. Comme dans le cas du « droit à l’oubli », nous allons confier au Conseil d’État le soin de déterminer un délai alors que ses membres n’ont pas de compétence médicale. Ne conviendrait-il pas plutôt de se tourner vers un collège d’experts ?

Mme Catherine Génisson. Je comprends la motivation du rapporteur, mais je redoute que cette mesure ne soit trop largement utilisée et qu’elle ne devienne une solution de facilité, palliant le manque manifeste d’experts.

M. Serge Blisko. Ce n’est pas parce que les experts sont peu nombreux qu’il ne faut plus faire appel à eux. Certes, ce serait là une source d’économies mais je n’ose croire qu’une telle solution ait été envisagée !

M. Tian et Mme Lemorton posent une question importante. Peut-être pourrions-nous, avant de nous retrouver en séance publique, réfléchir au délai qu’il serait convenable de prévoir pour le « droit à l’oubli ». La numérisation des archives les rend beaucoup plus aisément consultables. Il me semble donc gênant que les hospitalisations d’office de courte durée fassent l’objet d’une inscription durable dans les fichiers. Cela peut concerner de jeunes gens, conduits en cellule de dégrisement puis hospitalisés pendant 48 heures en établissement psychiatrique, après avoir trop « arrosé » leur diplôme.

M. Jean Bardet. Ne comparons pas le cas d’un adolescent aviné un jour avec celui d’un délinquant sexuel, potentiellement récidiviste. L’exemple choisi par M. Serge Blisko n’est pas judicieux.

Il me semble dangereux que l’amendement AS 276 puisse obliger le préfet à statuer en l’absence d’expertise. Celui-ci devra alors décider en fonction de considérations subjectives, sans pouvoir justifier son choix.

M. le rapporteur. Dans l’état actuel du texte, le préfet peut maintenir indéfiniment une personne en hospitalisation au prétexte qu’il ne dispose pas d’expertise, sans avoir à se justifier. Cet amendement propose que, passé un certain délai, le représentant de l’État, fort des certificats des psychiatres, soit tenu de statuer et de motiver sa décision.

M. Dominique Tian. Cela lui confère une lourde responsabilité puisqu’il décidera peut-être de faire sortir un individu dangereux.

M. Fernand Siré. Il faut absolument protéger l’individu qui peut être « oublié » et maintenu dans l’établissement psychiatrique pour des raisons de procédure administrative.

Mme Jacqueline Fraysse. S’il ne statue pas, le préfet porte la lourde responsabilité de laisser enfermée une personne sans motif valable. Je suis favorable à cet amendement, même si je me demande s’il faut laisser au Conseil d’État le soin de fixer la limite maximale. Les juges du Palais-Royal seraient-ils plus compétents dans ce domaine que les parlementaires ?

Mme Catherine Génisson. Ne faudrait-il pas recueillir un avis médical, celui de la Haute autorité de santé, par exemple ?

Mme la secrétaire d’État. Avis défavorable à l’amendement. Même s’il est important que le préfet soit tenu de motiver sa décision, il me semble gênant d’instaurer un délai obligatoire. Que se passera-t-il si l’expert ne remet pas son expertise dans les 48 heures ? Devra-t-il être sanctionné ? Si les contraintes se multiplient, cette activité deviendra de moins en moins attractive aux yeux des psychiatres et le nombre d’experts diminuera encore.

M. Serge Blisko. Le groupe SRC votera en faveur de l’amendement. Toutefois, nous demandons au rapporteur de préciser ce que pourrait être un délai raisonnable, soit dans le cadre de l’article 88, soit lors de la séance publique.

Mme Jacqueline Fraysse. Même position.

La Commission adopte l’amendement.

(…)

Elle est ensuite saisie de l’amendement AS 10 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. L’amendement dispose que lorsque les certificats ou avis médicaux et la décision du préfet sont divergents, le directeur de l’établissement saisit sans délai le juge des libertés et de la détention.

M. le rapporteur. Je suis tout à fait d’accord avec l’esprit de cet amendement. Mais il convient de préciser que la faculté de faire appel de manière automatique au juge des libertés et de la détention est accordée au directeur de l’établissement, en cas de désaccord entre le psychiatre et le préfet sur la levée de la mesure de soins visée à l’article L. 3213-5. Dans les autres cas, cette faculté est sans intérêt puisque le juge est automatiquement saisi à J+15. Je vous propose donc de retirer cet amendement au profit de l’amendement AS 277, qui va dans le sens que je viens d’indiquer.

L’amendement est retiré.

(…)

Puis elle examine l’amendement AS 155 du rapporteur.

M. le rapporteur. Lorsque le psychiatre propose la levée de la mesure de soins, le préfet peut demander en vertu de l’article L. 3213-5-1 une expertise extérieure. En conséquence, l’amendement prévoit que le délai de trois jours dont dispose le préfet pour statuer après la réception du certificat du psychiatre est prolongé d’une durée qui ne peut excéder quatorze jours afin que cette possibilité de demander une expertise soit effective.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement AS 277 du rapporteur.

M. le rapporteur. Même si cette situation ne concernera probablement que quelques dizaines de cas par an, le fait que le préfet puisse décider de maintenir un patient en soins psychiatriques sans son consentement, contre l’avis du psychiatre, pose problème aux personnes que nous avons auditionnées. Cet amendement prévoit donc, dans ces cas de désaccord, une saisine systématique du juge des libertés et de la détention par le directeur de l’établissement.

M. Serge Blisko. La circulaire du 11 janvier 2010 a contribué à aggraver la situation. Les patients comprennent difficilement que le préfet s’oppose à la levée de la mesure de soins bien que les psychiatres aient autorisé leur sortie. Ils adoptent alors une attitude de refus, fuyant les soins et le contact avec les médecins. Incidemment, l’opposition du préfet a pour conséquence de bloquer un lit d’hospitalisation, quand les places en psychiatrie sont comptées. Les juges des libertés et de la détention pourront, après avoir pris tous les avis, statuer sur ces situations en toute objectivité. Cet amendement permet de sortir d’une situation pour le moins scabreuse aujourd’hui.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Rappelons qu’il s’agit d’une demande soutenue par l’ensemble des associations et les malades.

Mme la secrétaire d’État. Sagesse.

La Commission adopte l’amendement AS 277. En conséquence, l’amendement AS 278, du même auteur, n’a plus d’objet.

(…)

La Commission est saisie de l’amendement AS 11 de M. Jean-Luc Préel.

M. Jean-Luc Préel. Cet amendement vise à prendre en compte la sectorisation psychiatrique en vue d’organiser la prise en charge des personnes hospitalisées sans leur consentement au sein de chaque territoire de santé.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement revient sur les dispositions de la loi « hôpital, patients, santé, territoires » (HPST), l’article L. 3222-1 du code de la santé publique disposant que seuls les établissements auxquels cette mission de service public a été confiée peuvent prendre en charge les patients sans leur consentement. La réintroduction de critères uniquement liés à la sectorisation imposerait de revoir l’architecture de ce texte.

M. Jean-Luc Préel. La loi HPST n’a traité ni des hôpitaux psychiatriques ni des CHU. Or des relations existent entre le secteur psychiatrique hospitalier, les médecins libéraux et les médecins de premier recours, et il n’est pas possible de faire abstraction de la sectorisation telle qu’elle fonctionne aujourd’hui.

M. le rapporteur. Cette question de l’articulation entre secteurs psychiatriques et territoires de santé ne peut être réglée par un simple amendement !

M. Serge Blisko. Jean-Luc Préel aborde là un vrai problème. Nous espérions que la psychiatrie serait organisée à la faveur de la loi HPST mais, même à l’heure où l’on évalue l’application de celle-ci, elle reste à l’écart de ce grand maelström ! Il importe que le secteur psychiatrique reste cette pierre angulaire qu’il est depuis les années soixante, cet élément qui a assuré à la France une position de pionnière, mais on ne peut pour autant faire abstraction de la régionalisation et des territoires de santé, en repoussant sans cesse le débat, quelle qu’en doive être l’issue !

Mme Catherine Génisson. Il est en effet urgent de traiter cette question : nous nous heurtons trop souvent au problème de la sectorisation lorsque nous sollicitons un établissement pour prendre en charge dans l’urgence une situation dramatique.

La Commission rejette l’amendement.

(…)

Elle est saisie de l’amendement AS 274 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement traite du suivi et de la réinsertion des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques ambulatoires sans consentement. Afin notamment d’organiser leur retour en hospitalisation lorsqu’elles ne respectent pas le protocole, il est proposé que le directeur de chaque établissement de santé conclue des conventions avec le représentant de l’État dans le département, avec les collectivités territoriales et avec le directeur de l’ARS.

La Commission adopte l’amendement.

(…)

Puis elle est saisie de l’amendement AS 201 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le code de la santé publique prévoit que les établissements de santé ayant pour mission d’accueillir des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques sans leur consentement sont régulièrement visités — tous les six mois, voire tous les trois mois — par six autorités censées s’assurer du respect des droits garantis aux patients. Or, bien souvent, les visites n’ont pas lieu car le nombre des autorités concernées aboutit à diluer la responsabilité de ce contrôle.

Dans un souci de simplification, je propose que les établissements soient visités une fois par an par le préfet ou son représentant, par le président du tribunal de grande instance ou son délégué, et par le maire de la commune ou son représentant.

M. Serge Blisko. Certains présidents de tribunaux de grande instance visitent les établissements avec régularité — pour peu que ces derniers ne soient pas trop éloignés du tribunal… Cela étant, je suis pour que les maires procèdent à ces contrôles régulièrement : les autorités que vous citez sont-elles toutes mobilisées, ou ces visites seront-elles le fait d’une seulement, à défaut des autres ?

M. le rapporteur. L’obligation incombera aux trois. Par ailleurs, je vous rappelle que le contrôleur général des lieux de privation de liberté intervient également et fait un travail remarquable.

Mme la secrétaire d’État. Je suis défavorable à cet amendement car il me semble malvenu de supprimer l’intervention du procureur de la République, qui est la personne la plus réactive, qui connaît le mieux les détenus, et les majeurs protégés, et qui dispose de compétences générales.

M. le rapporteur. Cet amendement porte sur les visites obligatoires. Le procureur peut toujours s’autosaisir et procéder à des visites.

Mme Catherine Génisson. Je suis favorable à l’amendement car les visites ne se font pas actuellement ! Si la loi n’est pas appliquée, à qui incomberont les responsabilités et quelles sanctions seront prises en cas d’événement grave ?

M. Dominique Tian. Dans la mesure où ces visites sont inopinées, réduire le nombre des autorités concernées facilitera les choses. Cela étant, je serais pour que l’ARS y participe.

M. le président Pierre Méhaignerie. Cela alourdirait le dispositif. Mais le préfet peut se faire représenter…

M. Serge Blisko. Ce qui importe plus que le nombre d’autorités, c’est que les visites aient lieu. En effet, certaines associations sectaires, liées notamment à la Scientologie, prennent prétexte de leur absence ou de leur rareté pour dénoncer les défaillances de notre État de droit et nous faire condamner par la Cour européenne des droits de l’homme. Hostiles à la psychiatrie française, elles vont jusqu’à payer des avocats aux patients une fois ceux-ci sortis des établissements ! Il faut donc protéger les directeurs de ces établissements et les psychiatres — sans oublier que ces contrôles sont aussi indispensables pour préserver les libertés individuelles de gens soumis à des traitements contraignants, qui ne sont pas sans effet sur leur vie sociale, familiale et professionnelle.

Mme la secrétaire d’État. Sagesse, compte tenu des arguments développés.

La Commission adopte l’amendement.

(…)

Puis elle est saisie de l’amendement AS 62 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Le juge des libertés et de la détention doit être informé de la situation des personnes faisant l’objet de soins sans leur consentement.

M. le rapporteur. L’amendement est satisfait : aux termes de ce même article L. 3223-1, la commission départementale des soins psychiatriques peut proposer au juge d’ordonner la levée d’une mesure de soins.

L’amendement est retiré.

(…)

Puis elle est saisie de l’amendement AS 63 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement procède du même esprit que l’amendement AS 62.

M. le rapporteur. Avis favorable, cette fois, car le juge des libertés et de la détention pourrait utilement être destinataire du rapport de la commission départementale. Je propose toutefois de compléter l’amendement pour préciser qu’il s’agit du juge compétent dans le ressort de cette commission.

Mme Jacqueline Fraysse. J’en suis d’accord.

Mme la secrétaire d’État. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

(…)

Elle est saisie de l’amendement AS 64 de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à renforcer les pouvoirs de la commission départementale des soins psychiatriques.

Je précise que l’exposé sommaire de cet amendement n’est pas le bon.

M. le rapporteur. Défavorable. Le rôle des soignants est avant tout d’être aux côtés des malades, et non de répondre à des convocations de cette commission. Tenons-nous en à l’obligation de répondre aux demandes d’information.

La Commission rejette l’amendement.

(…)

Article 8 bis : Rapport du Gouvernement sur l’état de la recherche médicale française en psychiatrie

La Commission est saisie d’un amendement AS 213 du rapporteur, portant article additionnel.

M. le rapporteur. Nous avons tous souligné hier la nécessité d’un plan ambitieux de santé mentale. Cet amendement propose donc que, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement dépose sur le bureau des assemblées un rapport sur l’état de la recherche médicale française en psychiatrie, faisant état des principaux besoins identifiés, notamment en matière d’observance thérapeutique et de suivi épidémiologique des patients.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je remercie le rapporteur de cette proposition car il est indispensable d’évaluer ce qui a pu être fait et ce qui reste à faire. On nous annonce un plan « psychiatrie et santé mentale », mais il faut aller au-delà et élaborer une loi qui règle ces questions primordiales pour notre société.

Mme Catherine Lemorton. Nous discutons d’un texte de loi pour lequel les moyens sur le terrain sont inexistants. Ainsi les décrets d’application de la loi HPST concernant la fongibilité des enveloppes au sein des ARS n’ont toujours pas été pris. À quoi sert dans ces conditions d’imaginer les meilleurs plans du monde ? Nous avons le sentiment de légiférer dans le vide !

M. le président Pierre Méhaignerie. Je voudrais aborder le problème des moyens. Selon certains procureurs, l’instauration de la RTT a désorganisé la gestion du service public en France, avec 45 jours non travaillés dans beaucoup de secteurs. Aucun pays n’est dans cette situation. Et nous comptons beaucoup plus d’emplois publics qu’ailleurs ! Il faut rappeler certaines vérités !

M. Céleste Lett. Ce sont les trente-cinq heures qui font souffrir les hôpitaux !

Mme Catherine Lemorton. Notre pays a aussi l’originalité d’exonérer les médecins libéraux de l’obligation de garde depuis 2003 !

M. le président Pierre Méhaignerie. Je le déplore comme vous, madame.

La Commission adopte l’amendement.

(…)