2011-02-08 Annulation d’une HDT : la décision administrative doit permettre d’identifier son auteur

• Pour citer le présent article : http://goo.gl/tJDeS ou http://psychiatrie.crpa.asso.fr/44

Document du mardi 8 février 2011
Article mis à jour le 27 août 2020

Source Légifrance : http://www.legifrance.com/affichJur…

Voir également :

— 2011-03-24 - Annulation d’une HDT : la décision administrative doit être motivée par annexion du certificat médical

— 2011-05-06 JLD Paris • Mainlevée d’une H.D.T. pour compliance aux soins.


Cour Administrative d’Appel de Versailles

Nº 10VE01609
Inédit au recueil Lebon

4e Chambre
M. Brotons, président
M. Michel Brumeaux, rapporteur
Mme Jarreau, commissaire du gouvernement
Me Mayet, avocat(s)

Lecture du mardi 8 février 2011

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Vu la requête, enregistrée le 26 mai 2010 au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles, présentée pour l’Établissement public de santé Perray-Vaucluse, domicilié BP 13 à Épinay-sur-Orge (91360), par Me Coudray, avocat ; l’Établissement public de santé Perray-Vaucluse demande à la Cour :

1º) d’annuler le jugement nº 0807525 en date du 2 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions des 12 et 13 février 2008 admettant M. Philippe A. en hospitalisation à la demande d’un tiers et décidant son maintien en hospitalisation ;

2º) de rejeter la requête des époux A. ;

3º) de mettre à la charge des époux A. le versement de la somme de 2500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

— les époux A. n’ont pas intérêt à agir puisqu’ils ont sollicité les décisions litigieuses ;

— si la décision d’admission d’un patient en hospitalisation à la demande d’un tiers n’a pas à être formalisée et peut être orale, il est impossible de rapporter la preuve par écrit de la qualité de l’auteur de cette décision ; en tout état de cause, une décision écrite a bien été prise par la directrice de l’établissement le 12 février 2008 ;

— les dispositions de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique n’ont pas été méconnues, un second certificat médical n’étant pas nécessaire en cas de péril imminent pour la santé du patient ;

— la décision d’admission en hospitalisation à la demande d’un tiers n’a pas à être motivée ; elle trouvait son fondement en l’espèce dans le certificat rédigé par le Dr Dziersynski du 12 février 2008, qui justifie très précisément l’hospitalisation sur demande d’un tiers ;

— la notification des droits du patient, notamment celui de prendre le conseil du médecin ou de l’avocat de son choix, n’a pas été faite en raison même de l’état de santé du patient qui n’était pas apte à les entendre ; en tout état de cause un tel défaut de notification, prévue par les dispositions de l’article L. 3211-3 du code de la santé publique, est sans incidence sur la régularité de la décision d’hospitalisation ;

— la mère du patient n’a pas été trompée sur la nature de la demande d’admission en hospitalisation sous contrainte de son fils ; elle n’a été nullement contrainte de présenter une telle demande ;

— le moyen tiré du défaut d’information et de dissimulation des droits prévus à l’article L. 3211-3 du code de la santé publique est inopérant ; cette disposition ne lui imposait pas de notifier les droits dont pouvaient bénéficier M. A. et sa famille ; le défaut d’information, dont le droit est énoncé à l’article L. 1111-2 du code de la santé publique, s’applique à l’égard des seuls patients ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 janvier 2011 :
— le rapport de M. Brumeaux, président assesseur,
— les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public,
— et les observations de Me Mayet, pour les époux A. ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant que la production, pour la première fois en appel, de la copie d’une décision administrative, que les premiers juges avaient estimé à tort de nature orale, n’a pas pour effet de changer l’objet du litige ; que par suite la requête susvisée est recevable ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 3212-1 du code de la santé publique : « Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement à la demande d’un tiers que si : 1º Ses troubles rendent impossible son consentement ; 2º Son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier. / La demande d’admission est présentée soit par un membre de la famille du malade, soit par une personne susceptible d’agir dans l’intérêt de celui-ci, à l’exclusion des personnels soignants dès lors qu’ils exercent dans l’établissement d’accueil (…) / La demande d’admission est accompagnée de deux certificats médicaux datant de moins de quinze jours et circonstanciés, attestant que les conditions prévues par les deuxième et troisième alinéas sont remplies. / Le premier certificat médical ne peut être établi que par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le malade ; il constate l’état mental de la personne à soigner, indique les particularités de sa maladie et la nécessité de la faire hospitaliser sans son consentement. Il doit être confirmé par un certificat d’un deuxième médecin qui peut exercer dans l’établissement accueillant le malade (…) » et qu’aux termes de l’article L. 3212-3 du même code : « À titre exceptionnel et en cas de péril imminent pour la santé du malade dûment constaté par le médecin, le directeur de l’établissement peut prononcer l’admission au vu d’un seul certificat médical émanant éventuellement d’un médecin exerçant dans l’établissement d’accueil » ;

Considérant que M. Philippe A. a été admis le 4 février 2008 en hospitalisation libre au service de psychiatrie adulte de l’Établissement public de santé Perray-Vaucluse pour des troubles psychiatriques ; que le 12 février 2008, il a été placé sous le régime d’hospitalisation à la demande d’un tiers, sa mère, et au vu d’un certificat médical de péril imminent établi par un praticien hospitalier de cet établissement ; que par décision en date du 13 février 2008 il a été maintenu en hospitalisation au vu d’un certificat d’un deuxième praticien de l’établissement ; qu’il a été victime d’un malaise cardio-circulatoire le 19 février 2008 qui a entraîné son décès ;

Considérant que pour demander l’annulation des décisions susmentionnées du 12 et du 13 février 2008, M. et Mme A. justifient d’un intérêt à agir en qualité d’ayants droit de leur fils ; que par suite leur demande présentée devant le tribunal administratif est recevable ;

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 : « (…) Toute décision prise par l’une des autorités administratives mentionnées à l’article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci » ; qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si la décision du 12 février 2008 mentionne la qualité de son auteur, la directrice de l’hôpital Henri-Ey, elle ne comporte pas l’indication du nom et du prénom de celle-ci ; que ni la signature manuscrite, qui est illisible, ni aucune autre mention de ce document ne permet d’identifier la personne qui en est l’auteur ; que cette irrégularité est de nature à entraîner l’annulation de cette décision ;

Considérant en second lieu que cette irrégularité dans la procédure d’admission vicie la décision de maintien en hospitalisation prise le lendemain ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’Établissement public de santé Perray-Vaucluse n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions des 12 et 13 février 2008 admettant M. Philippe A. en hospitalisation à la demande d’un tiers et décidant son maintien en hospitalisation ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les époux A., qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance, soient condamnés à verser la somme que l’Établissement public de santé Perray-Vaucluse demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu’en revanche il y a lieu, dans les circonstances particulières de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par les époux A. et de mettre à la charge de l’Établissement public de santé Perray-Vaucluse une somme de 2000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l’Établissement public de santé Perray-Vaucluse est rejetée.

Article 2 : L’Établissement public de santé Perray-Vaucluse versera à M. et Mme A. une somme de 2000 euros en application de l’article L. 761 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des époux A. est rejeté.

Nº 10VE01609 2